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24 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/08858
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 24 FEVRIER 2023
N° 2023/ 060
Rôle N° RG 19/08858 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BELPQ
SARL HOME MEDICAL PARTNER 83
C/
[G] [I]
Copie exécutoire délivrée
le :24/02/2023
à :
Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON
Me Audrey FERRERO, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 17 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00156.
APPELANTE
SARL HOME MEDICAL PARTNER 83, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Madame [G] [I], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Audrey FERRERO, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle DE REVEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Mme [G] [I] a été engagée en qualité de comptable assistante de gestion par la société Home Medical Partner 83 selon contrat de travail à durée déterminée du 1er décembre 2011, qui s’est transformé en contrat à durée indéterminée.
Le 23 janvier 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 janvier suivant et a été mise à pied à titre conservatoire.
Le 8 février 2018, elle a été licenciée pour faute grave.
Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon le 13 mars 2018 en contestation de son licenciement.
Par jugement du 17 mai 2019, les conseillers prud’homaux ont :
‘REQUALIFIE le licenciement de Madame [G] [I] pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SARL HOME MEDICAL PARTNER 83 en la personne de son représentant
légal à payer à Madame [G] [I] les sommes suivantes :
– 5384,55 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
– 538,46 € au titre des congés afférents an préavis
– 4150,58 € au titre de l’indemnité légale de licenciement
– 1416,67 € au titre du salaire dû pendant la période de mise a pied conservatoire
– 141,67 € au titre des congés y afférents
– 1000 € au titre de l’article 700 du code do procédure civile ;
MET les entiers depens de l’instance a la charge de Ia SARL HOME MEDICAL PARTNER 83
en la personne de son représentant légal;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes’.
La SARL Home Medical Partner 83 a relevé appel de la décision le 31 mai 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, la société Home Medical Partner 83demande à la cour de :
‘Réformer le Jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Toulon le 17 mai 2019 en ce qu’il a condamné la SARL HOME MEDICAL PARTNER 83 à payer à Mme [I] les sommes de 5384,55 € (préavis), 538,46 € (congés payés), 4150,58 € (indemnité de licenciement), 1 416,67 € (salaire), 141, 67 € (congés payés), 1000 € (Article 700 du CPC) outre les dépens, après avoir requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau,
Dire et juger le licenciement de Madame [I] fondé sur une faute grave,
Débouter Madame [G] [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner Madame [G] [I] à payer à la société HOME MEDICAL PARTNER 83 la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens.’
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, la société Home Medical Partner 83demande à la cour de :
DEBOUTER la SARL HOME MEDICAL PARTNER 83, prise en la personne de son représentant légal en exercice, des fins de son appel et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de TOULON le 17 mai 2019 en ce qu’il a condamné la SARL HOME MEDICAL PARTNER 83, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à Madame [I] les sommes suivantes :
– 5.384,55 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 538,46 € au titre des congés payés afférents au préavis,
– 4.150,58 € au titre d’indemnité légale de licenciement,
– 1.416,67 € au titre du salaire dû pendant la période de mise à pied
conservatoire,
– 141,67 € au titre des congés payés y afférents,
– 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ACCUEILLANT Madame [I] en son appel incident,
REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de TOULON le 17 mai 2019 en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et débouté de ce fait Madame [I] de sa demande d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ET, Y AJOUTANT EN STATUANT DE NOUVEAU :
CONDAMNER la SARL HOME MEDICAL PARTNER 83, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à Madame [I] la somme de 16.153,62 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la SARL HOME MEDICAL PARTNER 83, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à Madame [I] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.’
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le bien fondé du licenciement
moyens des parties:
Critiquant la décision des conseillers prud’homaux qui n’ont pas retenu la faute grave, la société Home Medical Partner 83 soutient que la salariée s’était appropriée un compte administrateur qui lui permettait de se connecter sur les sessions de tout le personnel ce qui était contraire à ses prérogatives et à son contrat de travail.
L’employeur ajoute que Mme [I] avait synchronisé sa boîte mail avec celle d’une de ses collègues pour accéder à des données confidentielles.
Il lui reproche encore d’avoir tenu des propos injurieux à son encontre.
Il affirme que Mme [I] s’est octroyée des frais de déplacement indus en élaborant de faux documents et pièces comptables (notamment à [Localité 4]).
Il soutient ensuite qu’elle a fait des fausses déclarations pour permettre à l’un de ses amis, salarié de la société, de bénéficier du régime des accidents du travail contrairement aux consignes qui lui avait été données. Il ajoute qu’elle accordait à cet individu des avantages financiers.
L’employeur lui reproche enfin ses négligences dans son travail qui ont eu pour conséquence des retards de paiement à l’URSSAF et au Trésor public entraînant des pénalités.
Formant appel incident, Mme [I] fait valoir qu’elle n’a commis aucune faute, que son employeur n’en rapporte pas la preuve et qu’il n’existait aucun motif justifiant le licenciement dont elle a fait l’objet.
Elle critique en premier lieu le reproche selon lequel elle se serait octroyée un accès superviseur sur le logiciel métier Orthop Must expliquant que cet accès lui a été donné lors de son entrée dans la société pour gérer seule ce logiciel à la demande expresse de son employeur qui ne s’en occupait pas, ni ne s’y intéressait et qu’il ne se confond pas avec un accès direction.
Elle ajoute qu’elle a toujours eu le mot de passe administrateur qui lui était nécessaire pour accomplir son travail dès lors qu’elle prenait en charge toutes les tâches administratives et que seul un accès administrateur permettait la création/modification des comptes clients, des articles, des fournisseurs et autres paramètres.
Elle explique encore qu’il ne peut lui être reproché la perte d’un fichier sur la session informatique d’une collaboratrice dans la mesure où c’est son employeur qui a changé le mot de passe alors qu’elle était en vacances.
Elle conteste également avoir synchronisé sa boîte mail avec celle de son employeur indiquant que celui-ci n’en apporte aucune preuve.
S’agissant de son comportement qui serait agressif et colérique, elle soutient qu’il s’agit d’affirmations totalement infondées.
Il en est de même de l’insubordination qui lui est reprochée s’agissant notamment de la gestion des documents relatifs à l’accident du travail subi par M. [Z].
Elle fait valoir que la lettre de licenciement ne comporte aucun abus de confiance dont il ne peut en conséquence lui être fait grief, ajoutant qu’il n’est pas démontré.
réponse de la cour:
Selon l’article L.1235-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent après la notification de celle-ci, être précisé par l’employeur soit à son initiative, soit à la demande du salarié.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement du 8 février 2018 est reprise partiellement comme suit :
‘Je dois déplorer de votre part des faits qui constituent une violation de vos obligations contractuelles, un manquement à la discipline et de graves fautes professionnelles.
Tout d’abord, lors de vos congés du 10 au 12 janvier 2018, j’ai été confronté à quelques soucis qui m’ont amené à contacter notre fournisseur du logiciel métier ORTHOP MUST, ainsi que la société prestataire Informatique en charge de la gestion de notre parc, et s’occupant principalement de l’ensemble des logiciels Windows dédiés à chaque poste informatique de l’entreprise. Il en ressort les points suivants.
Pour le logiciel métier ORTHOP MUST :
Vous vous êtes octroyée, sans mon autorisation, un profil de direction et qui plus est de superviseur (alors que ce profil de superviseur m’est réservé en tant que gérant de l’entreprise) sur l’ensemble des autres sessions, ce qui vous permettait d’avoir des droits en aucune mesure à vos fonctions, de modifier à votre convenance les accès et les droits pour les autres utilisateurs en fonction de vos affinités avec les personnes concernées, d’avoir accès à toutes les sessions des autres utilisateurs depuis votre PC, d’avoir des droits sur certaines opérations en total inéquation par rapport à votre poste. Vous avez modifié mon profil et enlevé les droits de superviseur à mon insu..
Vous avez modifié des contacts que je vous avais donné avec la société Orthop Must pour répondre à des questions liées uniquement à votre travail. Par exemple, vous avez créé des sessions de direction pour des collaborations ayant comme fonction technicien installateur ou responsable logistique. (… )
Pour les sessions Windows et mails gérés par notre prestataire :
Vous avez également profité des contacts avec cette entreprise pour vous accaparer le mot de passe administrateur, ce qui vous permettait de vous connecter sur chacune des sessions depuis votre poste et de faire ce que vous vouliez. (…)
Vous aviez également synchronisé votre boîte mail avec la boîte mail d’une de mes collaboratrices ainsi qu’avec ma propre boîte mail, ce qui est totalement inadmissible comme violant le secret des correspondances.
A ces faits s’ajoutent votre comportement gravement fautif.
Début novembre 2017, vous étiez venue me voir dans mon bureau pour me parler d’un collaborateur. Vous l’aviez très vivement critiqué, expliquant qu’il fallait que je l’écarte, que je m’en sépare car il était la cause du départ d’autres collaborateurs, instant un mauvais climat relationnel avec eux, et qui plus est me mentait sur les heures. Vous aviez réitéré vos propos quelques jours après en insistant pour que je m’en sépare. (…)
Le vendredi 15 décembre 2017 au soir, alors que vous étiez partie de l’entreprise, j’ai demandé à une collaboratrice pourquoi elle calculait en informatique les heures des collaborateurs et devait les retranscrire sur une feuille horaire au crayon noir. Elle m’a déclaré que c’était vous qui lui demandiez régulièrement de faire cette tâche et de lui remettre ces documents pour vérifications ou modifications des heures des salariés alors que c’était une tâche que je vous avais confiée personnellement.
Le Lundi 18 décembre 2017 au matin, vous m’avez interpellée d’une manière agressive et hystérique en hurlant que je n’avais pas à poser ce genre de question concernant les heures sans sa présence; que vous aviez décidé de procéder ainsi; et ce, une nouvelle fois, sans m’en parler et sans mon autorisation. Vos propos ont été des plus grossiers (…)
Le mardi 19 décembre 2017 dans la journée, alors que je vous posais des questions sur les enregistrements d’heures que vous transmettiez à notre comptable établissant les salaires, vous m’avez une nouvelle fois répondu de manière agressive en hurlant.
Le mercredi 20 décembre 2017 (…) vous avez une nouvelle fois commencé à hurler en me parlant d’une façon agressive et grossière en me déclarant que ce n’était pas une erreur (…).
Le lundi 15 janvier 2018, en début d’après-midi, M. [Z], un collaborateur dont vous êtes très proche, a fait déposer par sa compagne un arrêt de travail pour maladie en date du 15 janvier 2018. Je vous ai remis immédiatement ce document en main propre pour que vous le transmettiez au cabinet comptable qui se charge d’établir les salaires. Le mardi 16 janvier 2018, vous m’avez déclaré à 9h15 avoir trouvé le matin même une feuille d’accident du travail pour ce même collaborateur établie par le même médecin généraliste, document établi cette fois le samedi 13 janvier 2018 pour un soit-disant accident en date du 12 janvier 2018 dont personne n’est au courant. Je vous ai demandé d’attendre pour envoyer ce document car je souhaitais prendre les conseils nécessaires pour contester ce soit-disant accident. (….) Or le jeudi 18 janvier au matin, j’ai retrouvé par hasard un document dans l’imprimante que vous aviez imprimé et oublié. Ce document établit que vous aviez transmis le document d’accident de travail de M. [Z] que vous avez déclaré le mardi 16 janvier vers 10h05 au cabinet comptable vous occupiez de la télédéclaration d’AT et ce, 30 minutes après vous avoir donné un ordre ferme d’attendre mon feu vert.
Cela constitue une insubordination qui m’a obligé à apporter des précisions à la Caisse primaire d’assurance maladie.
Le vendredi 19 janvier 2018, au matin, je vous ai demandé pour quelle raison vous n’aviez pas transmis au cabinet comptable la feuille d’arrêt de travail pour maladie de M. [Z]. Vous m’avez déclaré, de manière agressive et irrespectueuse que je ne vous l’avais jamais donné. Devant votre mauvaise foi et votre attitude, et après plusieurs demandes, vous avez finalement sorti de vos papiers la feuille d’arrêt maladie. A ma demande d’explications quant à votre sélection partisane d’envoi de certains documents, vous vous êtes dressée contre le bureau et m’avez à plusieurs reprises insulté en hurlant, me traitant de ‘con’, ‘mon cul’, ‘sortez de mon bureau’. Une collaboratrice qui était au téléphone avec des clients, après avoir raccroché, est venue également pour vous demander d’arrêter de hurler, car les clients entendaient tout au téléphone. Vous lui avez répondu ‘toi ta gueule’ (…)
Par ailleurs, un procès-verbal daté du 7 novembre 2017 à 11h58 a été adressé à la société concernant des déchets et divers matériaux médicaux jetée sur la commune de [Localité 3] après intervention de la police municipale. Je vous avais demandé de contacter les services pour avoir des précisions sur cette infraction et de contrôler les feuilles de tournées pour savoir quel livreur se trouvait sur ce secteur le matin de l’infraction.
A ma grande surprise, j’ai réceptionné une relance en date du 20 décembre 2017 concernant cette infraction. Je vous ai de nouveau questionné sur ce dossier que je vous avais pourtant demandé de gérer depuis plus d’un mois. Vous m’avez répondu que nous n’avions aucune tournée ce jour là sur ce secteur, ce qui était impossible en l’état du constat de l’infraction et des photographies prises par la police.
Vous vous êtes encore emportée, en haussant le ton à mon encontre.
Or, j’ai appris le 7 février écoulé, après nouveau contact avec la police municipale de [Localité 3] qu’elle avait pris en photo un des véhicules de la société ainsi que son conducteur. J’ai effectué les recoupements sommaires avec les feuilles de tournée et il en ressort qu’un de nos livreurs, manifestement auteur de l’infraction, était bel et bien sur ce secteur.
Je constate donc que vous avez volontairement essayé de dissimuler certains faits, compte tenu des bonnes relations que vous entreteniez avec ce livreur. (…)
Votre attitude, vos paroles et votre insubordination sont inacceptables.
J’ajoute que pendant votre mise à pied conservatoire, j’ai été amené à me connecter au logiciel de comptabilité EBP. Je vous avais demandé expressément lors de la remise de la lettre de convocation de me communiquer tous les mots de passe que vous utilisez régulièrement et notamment celui-ci. Vous m’avez remis volontairement un faux mot de passe pour ce logiciel, ce qui est inacceptable. J’ai été dans l’obligation de contacter le support technique d’EBP pour débloquer l’accès. (…)’
Aux termes de son contrat de travail, Mme [I] a occupé des fonctions de comptable, assistante de gestion au coefficient hiérarchique 530. A ce titre, il est précisé qu’elle effectue ‘les tâches de nature administrative et comptable’.
Pour justifier de l’usage abusif de ses droits informatiques par la salariée dans les conditions décrites ci-dessus, l’employeur produit :
– la réponse par mail que lui a adressé en janvier 2018 le technicien informatique expliquant avoir enlevé l’utilisateur [G] ([I]) du groupe ‘administrateur’, changer le mot de passe administrateur, fait une capture d’écran des utilisateurs synchronisés avec le poste comptabilité (celui de Mme [I]);
– un mail de ce même technicien à la même date confirmant que Mme [I] ‘n’a pas de restriction l’empêchant de créer/modifier un dossier, créer/modifier une facture, lancer une facturation automatique’; ajoutant qu’il n’y a que trois restrictions qui empêchaient de créer ou modifier une fiche client, ou une fiche article ou fiche fournisseur ; ces restrictions avait été mises en place le 13 mai 2011 par l’utilisateur SV; nous avons enlevé ces restrictions’
Ces pièces ne permettent pas de démontrer que Mme [I] n’avait pas été autorisée à avoir un accès superviseur sur le logiciel métier Orthop Must, ni à avoir le mot de passe administrateur, ni à être synchronisée avec d’autres postes informatiques, ni qu’elle avait accès à toutes les sessions de tous les collaborateurs sans autorisation et qu’elle pouvait faire des modifications qui n’auraient pas été conformes à ses fonctions.
Il n’est absolument pas établi qu’elle aurait outrepassé ses droits, le cadre de ses fonctions et le travail qu’elle devait accomplir, à l’insu de son employeur.
L’étendue de ses droits informatiques remonte à 2011, et rien ne permet d’affirmer que celle-ci n’était pas autorisée et ait agi de façon clandestine pendant près de 7 années.
Ce faisant, le contenu de ses fonctions et les explications claires et précises fournies par la salariée démontrent l’usage régulier et strictement professionnel qu’elle faisait du logiciel et plus généralement de l’outil informatique.
Le mail intitulé ‘Déblocage compte’ ne permet pas non plus de démontrer que Mme [I] aurait volontairement donné un faux mot de passe pour le logiciel de comptabilité ni qu’elle en avait volontairement bloqué l’accès.
Le grief relatif à la critique d’un collaborateur n’est ni suffisamment précis, ni étayé par aucune pièce.
Il n’est pas démontré que le fait qu’une collaboratrice de Mme [I] vérifie à sa demande le calcul des heures de travail accomplies par les salariés soit constitutif d’une faute au vu des explications fournies par Mme [I], de la nature de ses tâches et de l’absence totale de pièce en ce sens produite pas l’employeur.
Il en est de même de l’insubordination qui lui est reprochée en ce qu’elle n’aurait pas respecté les consignes de son employeur s’agissant de la communication des arrêts de travail de M. [Z]. Aucune pièce n’est produite pour justifier l’ordre qui aurait été donné et le transfert fautif opéré, ni d’ailleurs la justification qu’elle n’aurait pas correctement respecté la procédure dans le transfert des arrêts de travail.
Sur le reproche fait à Mme [I] qui aurait volontairement dissimulé l’identité du livreur ayant fait une tournée à [Localité 3] et déposé des déchets prohibés, la société ne produit aucun élément de nature à confondre la salariée.
Les allégations sur les fausses déclarations qu’elle aurait faites afin de favoriser un salarié de la société et de le faire bénéficier du régime des accidents du travail contrairement aux consignes qui lui avait été données ne sont fondées sur aucune pièce et surtout ne figurent pas dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.
Il en est de même de l’abus de confiance reproché en ces termes dans les conclusions de la société à propos de l’octroi de frais de déplacements indus, qui n’est pas mentionné dans la lettre de licenciement.
Le comportement fautif de Mme [I] qui aurait consisté à tenir, de façon répétée, à l’encontre de M. [B], gérant de la société, des propos injurieux, insultants et grossiers, à avoir manifesté à son encontre de la désinvolture, de l’agressivité et de la colère, et ce à des dates précises, n’est pas démontré par les deux seules attestations produites.
En effet, l’une d’elle émane de Mme [W], compagne de M. [B], devenue responsable administratif et commercial selon ses propres termes, le 11 décembre 2017, soit quelques semaines avant le début de la procédure de licenciement. Or, ce contexte associé aux allégations fantaisistes de M. [B] telles que susvisées, enlèvent toute force probante à ses propos et notamment au récit de l’épisode du 19 janvier 2018 relaté dans la lettre de rupture.
Dans l’autre, M. [O], salarié de l’entreprise, affirme que Mme [I] et une autre salariée critiquaient Mme [W] comme étant ‘bonne à rien’, qu’elle était manipulatrice et se permettait de critiquer M. [B] ouvertement, ce qui ne saurait suffire à établir les faits précis et détaillés décrits dans la lettre de licenciement.
La cour observe que la salariée produit de son côté des attestations de salariés faisant état de ses qualités de patience, d’implication dans son travail, mais aussi auprès de ses collègues se souciant de leur bien être.
Il résulte de ces éléments que le licenciement n’est pas fondé.
Sur les conséquences financières de la rupture
a) Sur les indemnités de rupture :
Les sommes allouées tant au titre de l’indemnité compensatrice de préavis que de l’indemnité légale de licenciement par les premiers juges ne sont pas autrement discutées et sont confirmées.
b) Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, la salariée ayant six ans d’ancienneté a droit à une indemnité minimale de un mois et demi de salaire brut.
En l’espèce, Mme [I] était âgée de 48 ans lors de la rupture, et avait un salaire brut mensuel de 2 692,27 euros. Elle produit une attestation d’une psychologue établissant qu’elle présente depuis le mois de janvier 2018 un étant anxieux avec des perturbations somatiques et justifie que lors de son licenciement, elle avait un enfant à charge âgé de 16 an. Aucun élément n’est produit sur sa situation professionnelle après la rupture de son contrat de travail.
En l’état de ces éléments et de l’étendue du préjudice, il convient de condamner la société à lui verser la somme de 9 000 euros.
III. Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire
Il convient de confirmer le rappel de salaire décidé en première instance eu égard à la période de mise à pied à titre conservatoire.
Sur les autres demandes
Il convient de condamner la SALR Home Medical Partner 83 qui succombe à verser à Mme [I] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société est en outre condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement s’agissant des condamnations de la société SARL Home Medical Partner 83 au paiement des sommes suivantes à Mme [G] [I] :
– 5 384,55 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
– 538,46 euros à titre de congés payés afférents,
– 4150,58 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 1 416,67 euros au titre du salaire dû pendant la période de mise à pied à titre conservatoire,
– 141,67 euros au titre des congés afférents,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et Y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [G] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société SARL Home Medical Partner 83 à lui payer les sommes suivantes :
– 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la SARL Home Medical Partner 83 aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT