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23 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/04355
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 39H
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 MARS 2023
N° RG 22/04355 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VJJI
AFFAIRE :
S.A.S. FISCALEAD immatriculée au RCS de NANTERRE
C/
S.A.R.L. EUROTAX
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 24 Juin 2022 par le Président du TJ de NANTERRE
N° RG : 22/00660
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 23.03.2023
à :
Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Dan ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. FISCALEAD
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 25819
Ayant pour avocat plaidant Me Jonathan BELLAICHE, du barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.A.R.L. EUROTAX
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
N° SIRET : 332 089 218
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 – N° du dossier 22078114
Ayant pour avocat plaidant Me Nelly MACHADO, du barreau de Lyon
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Février 2023, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSE DU LITIGE
La société Eurotax a pour objet l’assistance à des entreprises dans leurs obligations déclaratives auprès de l’administration fiscale et leurs demandes de remboursement de taxes.
Le 10 octobre 2017, Mme [G] [T] a été embauchée par la société Eurotax en qualité de directrice des opérations fiscales et douanières.
Le 4 décembre 2017, Mme [S] [E] a également été embauchée par la société Eurotax en qualité de chef de projet en ingénierie douanière et fiscale.
Les ruptures conventionnelles de Mme [G] [T] et de Mme [S] [E] ont été concomitamment actées le 19 novembre 2020.
Le 13 novembre 2020, Madame [S] [E] a créé la société Pangee, dont elle est l’unique associée, ayant pour activité des services de conseil en matière d’affaires et de gestion, et en développement de solutions informatiques. Le 24 novembre 2020, Madame [G] [T] a également créé une société, la société [T], dont elle est l’unique associée, ayant exactement la même activité.
Mmes [S] [E] et [G] [T] ont ensemble créé la société Fiscalead le 28 décembre 2020, ayant pour activité l’assistance opérationnelle en fiscalité indirecte, comprenant la douane et les droits d’accises.
Par ordonnance du 21 mai 2021, le juge des requêtes du tribunal judiciaire de Nanterre a autorisé la société Eurotax à faire procéder par un huissier de justice, au domicile de la société Fiscalead et à celui de ses associées, à des opérations de constats et de saisie destinées à établir la preuve d’actes de concurrence déloyale. Par ordonnance rendue sur requête le 18 juin 2021 le président du tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné la séquestration des documents saisis.
Par acte d’huissier de justice délivré le 12 juillet 2021, la société Fiscalead a fait assigner en référé la société Eurotax aux fins d’obtenir principalement :
– la rétractation de l’ordonnance du 21 mai 2021,
– l’annulation du procès-verbal de constat d’huissier réalisé en exécution de cette ordonnance,
– d’enjoindre aux huissiers de procéder à la restitution de l’ensemble des pièces et documents saisis et à la destruction de tout support les concernant dans un délai de 48 heures à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
– de faire interdiction aux huissiers de communiquer ces pièces et documents à la société Eurotax,
– la condamnation de la société Eurotax à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire rendue le 24 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :
– débouté la société Fiscalead de l’ensemble de ses demandes,
– mis à la charge de la société Fiscalead la somme de 1 500 euros à payer à la société Eurotax en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Eurotax du surplus de ses demandes,
– mis à la charge de la société Fiscalead les entiers dépens de l’instance.
Par déclaration reçue au greffe le 1er juillet 2022, la société Fiscalead a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Dans ses dernières conclusions déposées le 11 janvier 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Fiscalead demande à la cour, au visa des articles 1240 du code civil et 16, 114, 145, 173, 175, 497, 564, 649, 721-3, 874, 875, 700 et 910-4 du code de procédure civile, de :
‘- déclarer la société Fiscalead recevable et bien fondée en son appel et en ses prétentions ;
– infirmer l’ordonnance de référé rendue le 24 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre (RG 22/00660) en ce qu’elle a :
– débouté la société Fiscalead de l’ensemble de ses demandes,
– mis à la charge de la société Fiscalead la somme de 1 500 euros à payer à la société Eurotax en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis à la charge de la société Fiscalead les entiers dépens de l’instance,
et statuant à nouveau,
in limine litis,
– prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi le 17 juin 2021 au domicile de Mme [G] [T] situé [Adresse 2], par l’étude d’huissier ID FACTO ;
– prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi le 17 juin 2021 au siège social de la société Fiscalead situé [Adresse 3], par l’étude d’huissier ID FACTO ;
en conséquence,
– déclarer nul et de nul effet l’ensemble des actes effectués en exécution de l’ordonnance du tribunal judiciaire en date du 21 mai 2021 rendue sur requête du 12 mai 2021 de la société Eurotax ;
– ordonner la destruction par les huissiers instrumentaires de l’intégralité des éléments saisis au siège social de la société Fiscalead sis [Adresse 3], à l’établissement de la société Fiscalead sis [Adresse 4] et au domicile de Mme [G] [T] sis [Adresse 2], ou à défaut de procéder à leur restitution à ces derniers ;
– ordonner l’huissier de justice à dresser un procès-verbal de cette destruction ou de cette restitution, dont un exemplaire sera remis à la société Fiscalead ;
– ordonner que le constat d’huissier dressé et l’ensemble des éléments recueillis lors des opérations de constat devront être écartés de tout débat, et ne pourront faire l’objet d’aucune communication ou production en justice ;
– constater l’incompétence du tribunal judiciaire de Nanterre au profit du tribunal de commerce de Nanterre ;
en conséquence,
– ordonner la rétractation de l’ordonnance du tribunal judiciaire en date du 21 mai 2021 rendue sur requête du 12 mai 2021 de la société Eurotax ;
– déclarer nul et de nul effet l’ensemble des actes effectués en exécution de l’ordonnance du tribunal judiciaire en date du 21 mai 2021 rendue sur requête du 12 mai 2021 de la société Eurotax et en particulier les saisies effectuées par l’huissier instrumentaire et le procès-verbal dressé par celui-ci ;
– ordonner la destruction par les huissiers instrumentaires de l’intégralité des éléments saisis au siège social de la société Fiscalead sis [Adresse 3], à l’établissement de société Fiscalead sis [Adresse 4] et au domicile de Mme [G] [T] sis [Adresse 2], ou à défaut de procéder à leur restitution à ces derniers ;
– ordonner l’huissier de justice à dresser un procès-verbal de cette destruction ou de cette restitution, dont un exemplaire sera remis à la société Fiscalead ;
– ordonner que le constat d’huissier dressé et l’ensemble des éléments recueillis lors des opérations de constat devront être écartés de tout débat, et ne pourront faire l’objet d’aucune communication ou production en justice ;
au fond,
à titre principal,
– constater que la requête du 12 mai 2021 de la société Eurotax n’expose pas les circonstances particulières justifiant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire à l’égard de la société Fiscalead ;
– constater que les conditions légales requises pour le prononcé d’une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas réunies, et en particulier que la société Eurotax ne justifie d’aucun motif légitime à l’égard de la société Fiscalead ;
– constater que les mesures d’instruction ordonnées par l’ordonnance sur requête en date du 21 mai 2021 prononcée par le tribunal judiciaire de Nanterre ne sont pas légalement admissibles ;
en conséquence,
– ordonner la rétractation de l’ordonnance du tribunal judiciaire en date du 21 mai 2021 rendue sur requête du 12 mai 2021 de la société Eurotax ;
– déclarer nul et de nul effet l’ensemble des actes effectués en exécution de l’ordonnance du tribunal judiciaire en date du 21 mai 2021 rendue sur requête du 12 mai 2021 de la société Eurotax et en particulier les saisies effectuées par l’huissier instrumentaire et le procès-verbal dressé par celui-ci ;
– ordonner la destruction par les huissiers instrumentaires de l’intégralité des éléments saisis au siège social de la société Fiscalead sis [Adresse 3], à l’établissement de la société Fiscalead sis [Adresse 4] et au domicile de Mme [G] [T] sis [Adresse 2], ou à défaut de procéder à leur restitution à ces derniers ;
– ordonner l’huissier de justice à dresser un procès-verbal de cette destruction ou de cette restitution, dont un exemplaire sera remis à la société Fiscalead ;
– ordonner que le constat d’huissier dressé et l’ensemble des éléments recueillis lors des opérations de constat devront être écartés de tout débat, et ne pourront faire l’objet d’aucune communication ou production en justice ;
à titre subsidiaire,
– modifier l’ordonnance du tribunal judiciaire en date du 21 mai 2021 rendue sur requête du 12 mai 2021 en supprimant les éléments ci-après entre guillemets :
« EUROTAX », « UPS », « [Courriel 7] » ; « PLUGWINE », « FRANCE GOURMET DIFFUSION », « VINOSELECCION », « NOUVELLE DE PRODUITS ALIMENTAIRES », « GRANDDIBOTTIGLIE », « DOMAINE DES HAUTES GLACES », « CHAPOUTIER », « GRANDCRUWIJNEN » ; « CROWN », « NBK », « 4eyes » ;
– modifier l’ordonnance du tribunal judiciaire en date du 21 mai 2021 rendue sur requête du 12 mai 2021 en supprimant l’autorisation au lieu ci-après entre guillemets :« au domicile de la présidente de la société Fiscalead, Mme [G] [T] épouse [A] situé [Adresse 2] » ;
– modifier l’ordonnance du tribunal judiciaire en date du 21 mai 2021 rendue sur requête du 12 mai 2021 de la société EUROTAX en modifiant le dispositif suivant : « rechercher, se faire remettre et prendre copie de tous documents, toutes correspondances, factures, contrats, tous fichiers démontrant les actes de concurrence déloyale et parasitaires commis par la société Fiscalead à l’encontre de la société Eurotax comportant les termes suivants : »
par le dispositif suivant : « rechercher, se faire remettre et prendre copie de tous documents, toutes correspondances, factures, contrats, tous fichiers envoyés, transmis, reçus lors de la période du 1er novembre 2020 au 26 décembre 2020 démontrant les actes de concurrence déloyale et parasitaires commis par la société Fiscalead à l’encontre de la société Eurotax comportant les termes suivants :» ;
en conséquence,
– déclarer nul et de nul effet les saisies effectuées par l’huissier instrumentaire et les constats dressés par celui-ci, au sein domicile personnel de Mme [G] [T] ;
– déclarer nul et de nul effet les saisies effectuées par l’huissier instrumentaire et les constats dressés par celui-ci, suivant les termes « EUROTAX », « UPS », « [Courriel 7] » ; « PLUGWINE », « FRANCE GOURMET DIFFUSION », « VINOSELECCION », « NOUVELLE DE PRODUITS ALIMENTAIRE », « GRANDDIBOTTIGLIE », « DOMAINE DES HAUTES GLACES », « CHAPOUTIER », « GRANDCRUWIJNEN » ; « CROWN », « NBK », « 4eyes » ;
– déclarer nul et de nul effet les saisies effectuées par l’huissier instrumentaire et les constats dressés par celui-ci, pour la période de recherche étendue au-delà de la période entre le 1er novembre et le 26 décembre 2020 ;
– ordonner la destruction par l’huissier instrumentaire de l’intégralité des éléments saisis au domicile de Mme [G] [T], ou à défaut de procéder à leur restitution à celle-ci ;
– ordonner la destruction par l’huissier instrumentaire de l’intégralité des éléments saisis ou constats dressés en vertu de la modification de l’ordonnance à intervenir, ou à défaut de procéder à leur restitution à la société Fiscalead et à Mme [G] [T] ;
– ordonner à l’huissier de justice de dresser un procès-verbal des destructions et restitutions effectuées en vertu de la modification de l’ordonnance à intervenir, dont un exemplaire sera remis à la société Fiscalead et à Mme [G] [T] ;
en tout état de cause,
– débouter la société Eurotax de l’ensemble de ses demandes, fins, prétentions et conclusions ;
– condamner la société Eurotax à régler à la société Fiscalead la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Eurotax aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti Avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile’.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 janvier 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Eurotax demande à la cour, au visa des articles 145, 493, 496 et 497 du code de procédure civile, de :
‘- confirmer l’ordonnance de référé du 24 juin 2022 en ce qu’elle a :
– débouté la société Fiscalead de l’ensemble de ses demandes et, de ce fait, confirmé l’ordonnance non-contradictoire du 21 mai 2021 ;
– condamné la société Fiscalead au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Fiscalead aux entiers dépens ;
– infirmer l’ordonnance de référé du 24 juin 2022 en ce qu’elle a :
– débouté la société Eurotax de sa demande de mainlevée du séquestre ordonné le 18 juin 2021 ;
statuant à nouveau,
– ordonner la mainlevée de la mesure de séquestre ordonnée par le tribunal judiciaire de Nanterre le 18 juin 2022 ;
– ordonner à l’étude ID FACTO, Commissaire de Justice, la remise de l’ensemble des éléments saisis à la société Eurotax ;
– déclarer irrecevable la demande nouvelle de modification des termes de l’ordonnance du 21 mai 2021 ;
– à défaut, à titre subsidiaire, débouter la société Fiscalead de sa demande de modification de l’ordonnance du 21 mai 2021 ;
– débouter la société Fiscalead de sa demande de nullité des procès-verbaux établis le 17 juin 2021 ;
en tout état de cause,
– condamner la société Fiscalead à régler à la société Eurotax la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Fiscalead aux entiers dépens ;
– débouter la société Fiscalead de toutes demandes, fins et conclusions’.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023.
Par message RPVA en date du 6 février 2023, la cour a sollicité une note en délibéré sur ces points :
1/ Existe-t-il une procédure aux fins de levée du séquestre pendante devant le tribunal judiciaire de Nanterre ‘
2/ la cour envisage, si elle devait confirmer l’ordonnance attaquée, d’ordonner la levée du séquestre selon les modalités prévues aux articles R. 153-3 et suivants du code de commerce.
Les parties ont fait parvenir à la cour chacune une note en délibéré le 13 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
sur l’exception de nullité
La société Fiscalead invoque in limine litis la nullité des procès-verbaux du 17 juin 2021 faisant valoir en premier lieu que la société Eurotax a communiqué ces procès-verbaux alors qu’elle n’aurait pas dû être en leur possession dès lors que, le jour des saisies, elle a immédiatement adressé une requête et obtenu une ordonnance du président du tribunal judiciaire de Nanterre ordonnant la mise sous séquestre de tous les éléments saisis lors des opérations.
Elle en déduit que cette violation du séquestre constitue un motif de nullité des procès-verbaux.
L’appelante indique ensuite que le fait que ces procès-verbaux aient été transmis à la société Eurotax sans lui être remis constitue une violation du principe du contradictoire.
Elle soutient que l’huissier n’a jamais remis aucune copie des pièces saisies à Mme [T], sa dirigeante, qu’elle a donc été privée de la possibilité de solliciter la protection de son secret des
affaires en utilisant la procédure indiquée aux articles L. 153-1 et R. 153-1 à R. 153-10 du code de commerce et en déduit que cette violation du principe du contradictoire entraîne manifestement la nullité des procès-verbaux et, par conséquent, la nullité des documents saisis.
Après avoir indiqué que cette demande ne constitue pas une exception de procédure, la société Eurotax expose en réponse qu’il appartient à la société Fiscalead de démontrer l’existence d’un vice de fond au sens de l’article 117 du code de procédure civile ou d’un vice de forme lui faisant grief, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Contestant la violation du séquestre, elle soutient que le séquestre ne concerne que les éléments saisis lors des opérations et non les procès-verbaux de constat, qui pouvaient donc lui être transmis, étant précisé qu’ils ne contiennent aucun élément confidentiel.
Elle fait d’ailleurs valoir que le conseil de la société Fiscalead, qui a sollicité auprès du sien la communication de ces procès-verbaux, est mal fondé à lui reprocher ensuite de les avoir demandés à l’huissier.
Sur la violation du principe du contradictoire, la société Eurotax expose que les procès-verbaux indiquent qu’une copie des pièces saisies a été laissée à Mme [T] et à la société Fiscalead et conclut qu’aucune nullité ne peut être encourue de ce chef.
Sur ce,
En vertu des dispositions de l’article 495 du code de procédure civile, ‘Copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée’.
En l’espèce, les procès-verbaux de constat du 17 juin 2021 indiquent que ces formalités ont été respectées.
Outre que la remise à Mme [T] de la copie des pièces saisies par l’huissier est discutée, aucune disposition légale n’imposant à l’huissier cette remise, aucune nullité ne peut être encourue à ce titre.
Concernant le séquestre, l’ordonnance du 18 juin 2021 mentionne notamment : ‘
Ordonnons le placement sous séquestre provisoire entre les mains de l’huissier saisissant de l’ensemble des éléments saisis lors des opérations menées en exécution de l’ordonnance du 21 mai 2021, pendant le délai et dans les conditions prévues à l’article R. 153-1 du code de commerce.’
Il convient dès lors de constater que les procès-verbaux établis à l’occasion de ces opérations, qui ne peuvent manifestement pas être qualifiés d”éléments saisis’, ne sont pas concernés par ce séquestre et aucune violation du séquestre ou du principe du contradictoire n’est caractérisée de ce chef.
Il n’y a donc pas lieu de prononcer la nullité des procès-verbaux de constat établis le 17 juin 2021 et l’exception soulevée par la société Fiscalead sera rejetée. Il sera ajouté à l’ordonnance querellée à ce titre.
Sur l’exception d’incompétence
La société Fiscalead invoque également in limine litis l’incompétence du tribunal judiciaire de Nanterre au profit du tribunal de commerce au motif que, dès lors qu’ une action en concurrence déloyale contre des sociétés commerciales, relève au moins en partie de la compétence du tribunal de commerce, le président du tribunal de commerce est compétent pour autoriser les mesures d’instruction, même celles qui doivent être réalisées chez un tiers, fût-il un ex-salarié ne relevant pas à titre personnel du tribunal de commerce.
Elle fait valoir que les mesures d’instruction devaient avoir lieu à son siège social ainsi qu’au domicile de sa présidente, Mmes [T] et [E] étant qualifiées de ‘dirigeantes’ dans la requête et non d’anciennes salariées.
Soutenant que la société Eurotax a déjà initié deux procédures devant le conseil de prud’hommes, concomitamment au dépôt de sa requête devant le tribunal judiciaire de Nanterre, l’appelante expose que celle-ci estimait donc avoir assez d’éléments probants pour que soit retenue la prétendue responsabilité de ses anciennes salariées et que la requête ne visait d’ailleurs qu’une procédure en concurrence déloyale au titre du procès en germe.
Elle en conclut que le tribunal judiciaire de Nanterre n’était pas compétent pour prononcer des mesures d’instruction, seul le tribunal de commerce de Nanterre devant être saisi.
La société Eurotax conclut à la compétence du tribunal judiciaire de Nanterre faisant valoir que le président de ce tribunal est seul compétent pour ordonner une mesure d’instruction pour les litiges relevant au fond de la compétence du conseil de prud’hommes.
Elle expose que le président du tribunal judiciaire est compétent dès lors que le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce qu’en partie, de la compétence de la juridiction à laquelle il appartient, ce qui est le cas en l’espèce puisque les litiges potentiels mentionnés dans la requête relevaient à la fois de la compétence du tribunal de commerce, de celle du conseil de prud’hommes et de celle du tribunal judiciaire.
L’intimée explique avoir saisi le conseil de prud’hommes concomitamment à la procédure sur requête pour interrompre la prescription mais envisager de produire, dans cette instance, les pièces provenant des saisies litigieuses.
Sur ce,
En vertu des dispositions de l’article 845 du code de procédure civile, ‘le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi. Il peut également ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement’.
L’article 875 du code de procédure civile relatif aux pouvoirs du président du tribunal de commerce, dispose que ‘le président peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement’.
Le juge compétent pour connaître d’une procédure sur requête est donc le président de la juridiction qui serait compétente, ne serait-ce qu’en partie, pour statuer sur le fond du litige.
En l’espèce les faits mentionnés dans la requête concernent à la fois des faits de concurrence déloyale mais aussi un manquement de Mmes [T] et [E] à leur obligation de loyauté.
Les litiges en germe invoqués par la société Eurotax relevaient donc pour partie du conseil de prud’hommes, qui a d’ailleurs effectivement été saisi le 18 juin 2021 sur ce fondement.
En l’absence de procédure sur requête prévue devant cette juridiction, c’est à juste titre que le premier juge a indiqué que le président du tribunal judiciaire était compétent pour statuer sur la requête de la société Eurotax et rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Fiscalead. L’ordonnance querellée sera confirmée de ce chef.
Sur la rétractation
La société Fiscalead expose à titre liminaire que l’ordonnance sur requête attaquée lui porte préjudice et qu’elle est tenue, dans son argumentation, d’expliquer des faits relatifs à ses dirigeantes, la circonstance que celles-ci ne soient pas personnellement partie à la procédure étant sans incidence.
Pour solliciter la rétractation de l’ordonnance litigieuse, l’appelante fait valoir dans un premier temps que la société Eurotax ne démontre pas l’existence de circonstances particulières justifiant que les mesures sollicitées ne soient pas prises contradictoirement.
Elle affirme en effet que celle-ci se contente dans sa requête d’évoquer des principes généraux, des formules stéréotypées et des affirmations de principe qui ne caractérisent nullement de circonstances particulières au cas d’espèce.
La société Fiscalead se fonde ensuite sur l’absence légitime au soutien de sa demande de rétractation, faisant valoir que, pour étayer ses allégations de concurrence déloyale, la société Eurotax n’a produit aucun indice probant de confusion, de dénigrement, de désorganisation ou de parasitisme.
Elle affirme que ni les sociétés ‘prospects’ ni les sociétés ‘partenaires’ ne peuvent être détournées puisque les premières ne sont liées par aucun contrat et peuvent donc choisir une société concurrente répondant à leurs attentes, tandis que les secondes n’ont pas de lien exclusif.
Contestant toute similarité entre les sites internet des deux sociétés, l’appelante en déduit qu’aucune confusion ne peut intervenir, étant au surplus précisé que son site n’a été mis en ligne que postérieurement à leur départ de la société Eurotax.
La société Fiscalead expose ensuite que l’association EDRA (pour ‘Excise Duty Representative Alliance’) a été créée par Mmes [T] et [E] à leur initiative, que la société Eurotax n’en est ni membre fondateur ni participante et qu’il s’agit d’un cercle de réflexion et non ‘ une réunion de partenaires visant à échanger sur les clients de la société Eurotax’ comme indiqué dans la requête.
Elle conteste que l’intimée ait pu payer le dépôt du logo de l’EDRA ou exiger une adhésion à l’association EDRA comme prérequis pour être son partenaire, soulignant qu’elle ne produit aucune preuve au soutien de ses allégations.
Elle soutient que cette association, qui n’a pas d’activité commerciale, n’a jamais facturé aucun service et que les salariés de la société Eurotax n’ont jamais travaillé pour cette association durant leur temps de travail.
L’appelante indique que, si Mmes [T] et [E] ont adressé, en décembre 2020, un courriel à l’ensemble des membres de l’EDRA pour préciser qu’Eurotax n’était pas membre de l’association, cet envoi ne peut être qualifié de déloyal dès lors qu’il s’agissait de donner une information exacte aux membres de l’association.
Sur la créations de sociétés par Mmes [T] et [E], la société Fiscalead soutient qu’elles ne sont tenues d’aucune clause de non-concurrence dans le domaine des droits d’accises à l’égard de la société Eurotax et qu’elles peuvent donc, en vertu de la liberté du commerce, créer une société concurrente.
Elle rappelle que les deux salariées étaient soumises à des clauses de non-concurrence pour un autre secteur, qui ont au surplus été volontairement levées par la société Eurotax.
Affirmant que la société Pangee, créée par Mme [E] le 13 novembre 2020, et la société [T], créée par Mme [T] le 17 décembre 2020, ont des activités distinctes de celle de la société Eurotax, elle expose que la société Fiscalead a été créée avec une date d’effet au 28 décembre 2020, alors que les contrats de travail de Mmes [T] et [E] avaient pris fin au 26 décembre 2020, excluant ainsi toute déloyauté.
Elle conteste tout détournement de clientèle et s’explique précisément sur chacun des clients dont la société Eurotax a fait mention dans sa requête ( les sociétés Groupe France gourmet, Decantalo, Nouvelle de produits alimentaires, Granddibottiglie, Nbk, Vinoseleccion , Crown et UPS).
La société Fiscalead expose que Mmes [T] et [E], au regard du contexte, ont récupéré leurs courriels lors de leur départ de la société Eurotax afin de les utiliser dans le cadre d’une procédure judiciaire à l’encontre de leur ancien employeur, pour les droits de leur défense, ce qui ne peut leur être reproché.
Elle affirme n’avoir jamais débauché Mme [J], qui n’a jamais travaillé pour elle, ni M. [K], qui a été embauché plus d’un an après le départ de Mmes [T] et [E] de la société Eurotax.
Concluant à l’absence de motif légitime, elle fait valoir que c’est la compétence et le professionnalisme de ses dirigeantes, dont la société Eurotax a largement profité, qui l’a amenée à se constituer aisément une clientèle.
Sur la légalité des mesures ordonnées, dont elle rappelle qu’elles doivent être circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi, la société Fiscalead indique d’abord qu’aucun séquestre n’était prévu et qu’elle a donc dû le solliciter elle-même.
Elle soutient ensuite que les mesures ne sont pas circonscrites ni le temps, ni dans leur objet, du fait notamment de l’usage trop large de mots-clés non justifiés dans la requête ou génériques.
Soutenant enfin que ces mesures ne sont pas proportionnées au but poursuivi, l’appelante fait valoir que la notion de ‘tous documents’ est trop vague et peut conduire à la saisie de n’importe quel écrit, la saisie constituant de véritables actes d’investigation et d’exploration de l’huissier.
Elle conclut à l’existence d’une mission générale et illimitée d’investigation sur tous les supports et fichiers remis à l’huissier, celui-ci ayant d’ailleurs saisi des courriels confidentiels avec son avocat et eu accès au portable personnel de Mme [T].
La société Fiscalead affirme que l’ordonnance sur requête est également disproportionnée en ce qu’elle prévoit que ‘seront exclus du champ de la recherche de l’huissier de justice, tout document ou dossier intitulé « personnel » ou « perso » ou « privé » » ou qui s’attachent aux relations entre un avocat et son client’ , cette limitation n’étant pas suffisante pour empêcher les atteintes à la vie privée de Mmes [T] et [E] dès lors que leurs ordinateurs et téléphones personnels étaient concernés par les mesures d’instruction.
Elle soutient que la requête ne justifiait pas de la nécessité de procéder à des mesures de saisie au domicile personnel de Mmes [T] et [E] alors qu’elles ne travaillent pas chez elles.
Concluant toujours au caractère illégal des mesures in futurum, l’appelante conteste l’autorisation faite à l’huissier d”emporter momentanément les pièces à copier à son Etude pour les reproduire’ ainsi que le fait qu’il soit d’abord autorisé ‘à se faire assister d’un expert informaticien ou d’un technicien qui l’aidera dans sa mission’ puis, de manière contradictoire, à se faire aider d’un ‘expert informaticien et/ou technicien informatique’, faisant enfin valoir que la formule « se faire assister de tout commissaire de police ou détenteur de la force publique territorialement compétent, de tout homme de l’art, d’un serrurier et toute autre personne nécessaire à l’accomplissement de sa mission, d’un ou plusieurs collaborateurs de son étude’ est nécessairement trop large et trop vague.
Elle expose que l’ordonnance sur requête autorise l’huissier à saisir tout élément comportant le terme ‘Nouvelle de produits alimentaires’, alors même que ce terme est erroné car le nom exact est : ‘société Nouvelle de produits alimentaires’.
La société Fiscalead argue d’une atteinte au secret des affaires et d’une atteinte à la vie privée de ses dirigeantes, faisant valoir qu’elle est une jeune société qui dispose dans son système informatique de l’intégralité de sa stratégie commerciale et de développement, du nom de ses prospects et de ses travaux de recherches fiscales et douanières, le risque étant en conséquence important que la société Eurotax, concurrente, se retrouve en possession d’éléments techniques, stratégiques ou commerciaux sensibles.
Subsidiairement, la société Fiscalead sollicite la modification de l’ordonnance sur requête, expliquant que cette demande est recevable en appel sur le fondement des articles 564 et 566 du code de procédure civile, avec une exclusion des domiciles de Mmes [T] et [E] des lieux concernés par les mesures de saisie, une restriction des mots-clés et une limitation dans le temps des mesures à la période du 1er novembre 2020 au 26 décembre 2020.
A titre liminaire, la société Eurotax indique que Mmes [T] et [E] ne sont pas partie à la procédure, qu’elles n’ont donc pas entendu contester les saisies pratiquées à leur domicile et que la société Fiscalead, qui ne peut donc parler en leur nom, n’est autorisée à répondre que des griefs la concernant personnellement et exposés dans la requête.
Elle soutient que doivent être écartés tout argument de la société Fiscalead portant sur la période où elle n’était pas encore créée ainsi que les arguments tirés des intérêts personnels de Mmes [T] et [E], selon l’adage ‘nul ne plaide par Procureur’.
Sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire, la société Eurotax soutient avoir minutieusement exposé dans sa requête, sous une forme non stéréotypée, les circonstances factuelles la justifiant et elle reprend ces arguments qu’elle détaille à nouveau, s’agissant notamment du comportement particulièrement déloyal de Mmes [T] et [E].
Concernant le motif légitime, l’intimée expose qu’il ne lui appartenait que de justifier que l’existence d’une concurrence déloyale commise par le détournement de clientèle constitue une hypothèse crédible et sérieuse, ce qu’elle estime avoir amplement fait.
Contestant la présentation des faits effectuée par l’appelante et rappelant la chronologie des événements selon elle, la société Eurotax expose que Mmes [T] et [E] ont créé, pendant l’exécution de leur contrat de travail et sans en informer leur employeur, des sociétés concurrentes, dont l’activité a débuté avant la fin de leur contrat de travail, au mépris de l’obligation de loyauté dont elles étaient tenues à son égard.
Affirmant que l’appelante se trouve en possession de multiples documents confidentiels qui lui ont été transmis par Mmes [T] et [E], la société Eurotax affirme que ces faits suffisent à démontrer l’existence d’un acte de concurrence déloyale.
Elle explique que la société Decantalo et la société Nouvelle de produits alimentaires, captées par la société Fiscalead, constituent ses deux plus gros clients en matière d’accise d’alcool, ce qui explique sa très importante perte de chiffre d’affaires sur l’activité accises en 2021.
La société Eurotax fait valoir que l’argumentation de l’appelante visant à contester la caractérisation des actes déloyaux relève du juge du fond, seule la question de l’existence d’indices en ce sens faisant l’objet de la procédure.
Reconnaissant qu’un ancien salarié non lié par une clause de non-concurrence est libre de démarcher la clientèle de son ancien employeur, elle affirme que ce démarchage devient concurrence déloyale lorsqu’il s’accompagne d’actes déloyaux, ce qui a été le cas en l’espèce.
Concernant l’EDRA, association dont elle indique qu’il s’agit d’une association à l’activité commerciale, la société Eurotax fait valoir qu’elle est en réalité un membre fondateur et qu’elle a été créée et animée sur leur temps de travail par Mmes [T] et [E], à sa demande et à ses frais.
Elle soutient que la démission de l’association EDRA par Mmes [T] et [E], à sa demande, concomitamment à la rupture conventionnelle de leur contrat démontre la pertinence de sa version selon laquelle elle leur avait demandé de créer et animer un réseau de partenaires européens compétents en matière d’accises et capables de répondre, dans chaque pays, aux besoins de ses clients.
Exposant que Mme [T] a, le 25 décembre 2020, à partir de la messagerie de sa société, indiqué aux membres de l’EDRA que la société Eurotax n’en était pas membre et que, pour toute prestation en France, les partenaires devaient s’adresser uniquement à elle et Madame [E], l’intimée soutient que la société Fiscalead a ainsi récupéré gratuitement le réseau de partenaires créé à son initiative, ce qui constitue un acte déloyal.
Arguant ensuite d’indices tendant à caractériser un détournement de clientèle et de prospects par la société Fiscalead, la société Eurotax détaille les événements concernant plusieurs sociétés avec lesquelles elle était en contact ou qui étaient ses cocontractantes (société Plugwine, Decantalo, Nouvelle de produits alimentaires, Grandibottiglie, NBK, Vinoseleccion, Clown, UPS, Chapoutier, Domaine des glaces, Grandcruwijnen), mettant en exergue les agissements de Mmes [T] et [E] à compter du mois de septembre 2020 de nature à mettre en place les conditions nécessaires à ces détournements (notamment modification des contrats-types et retard dans la signature des contrats partenaires) et soutenant que ces faits sont avérés pour la société Decantalo.
Elle affirme que le fait pour la société Fiscalead de reconnaître que Mmes [T] et [E] lui ont transmis les données, documents et informations sur les clients, créés et développés pendant leur contrat de travail constituent un aveu judiciaire du vol d’éléments clients et intellectuels lui appartenant et, en tout état de cause, un acte de concurrence déloyale.
Elle expose que la société Fiscalead a débauché deux de ses anciens salariés, Mme [J] et M. [K].
Arguant d’une réelle et considérable désorganisation du fait des agissements de Mmes [T] et [E] ayant entraîné la perte de plusieurs salariés et, en particulier, de la quasi intégralité de son département accises, la perte de ses deux plus importants clients et la fuite de son réseau de partenaires au profit de la société Fiscalead, la société Eurotax conclut qu’elle est bien fondée à rechercher et préserver la preuve du caractère organisé et déloyal de cette désorganisation qui constitue un agissement de concurrence déloyale, constituant un motif légitime de solliciter les mesures d’instruction litigieuses.
Sur la légalité des mesures ordonnées, la société Eurotax affirme que rien n’impose au juge de fixer un délai de réalisation des mesures ordonnées et que, la société Fiscalead n’ayant été créée qu’en décembre 2020, aucun élément antérieur à cette période ne doit pouvoir être saisi sauf à ce qu’il s’agisse d’éléments lui appartenant transmis illicitement à la société Fiscalead, ce qui est justement l’objet de la mesure.
Elle soutient que la mesure limitée aux relations commerciales décrites dans la requête, visant uniquement certains clients ou des correspondances échangées entre des personnes définies, sur une période déterminée, est parfaitement admissible, d’autant que des mots clés précis permettent en l’espèce de limiter la saisie et que l’huissier n’était donc pas chargé d’une mission générale.
Exposant que l’huissier indique avoir identifié les courriers échangés avec des avocats et les avoir ôtés de la saisie, la société Eurotax explique qu’en tout état de cause, la société Fiscalead peut solliciter le retrait de certains éléments dans le cadre de la procédure de levée de séquestre.
Sur l’atteinte à la vie privée de Mme [T], l’intimée fait valoir que celle-ci n’est pas partie à la procédure et que la société Fiscalead ne peut s’en prévaloir, outre que, sur le fond, aucune messagerie privée n’a été consultée.
Concernant la demande de modification de l’ordonnance du 12 mai 2021, la société Eurotax soutient qu’elle est irrecevable comme nouvelle en appel.
Elle conclut sur le fond que cette demande est infondée concernant les locaux, Mme [T] n’étant pas partie à la procédure et ne pouvant donc se plaindre d’une saisie à son domicile, la société Fiscalead ne disposant pas de bureaux.
Sur les mots clés, l’intimée fait valoir que les termes utilisés sont proportionnés et nécessaires.
Elle indique enfin que la limitation de la période demandée par l’appelante n’est pas adaptée.
Sur ce,
Il y a lieu à titre liminaire de dire que la société Fiscalead, dans le cadre de son recours exercé à l’encontre de l’ordonnance dont elle sollicite la rétractation, peut invoquer ou discuter l’ensemble des éléments transmis par la société Eurotax au soutien de sa requête, fussent-ils relatifs à Mmes [T] et [E]. La circonstance que celles-ci ne soient pas parties à la procédure est en effet sans incidence dès lors qu’il s’agit pour la société appelante d’exercer son droit à ester en justice, qui n’est pas contesté et que celle-ci dispose d’un intérêt personnel à obtenir la rétractation sollicitée.
Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et tenu d’apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.
A hauteur d’appel, et à défaut d’invoquer un moyen de nullité particulier, il ne peut donc qu’être demandé l’infirmation de l’ordonnance ayant dit n’y avoir lieu à rétracter l’ordonnance sur requête, ainsi que la rétractation de celle-ci. Les demandes des appelantes seront donc examinées sous ce prisme, et il sera dit n’y avoir lieu à prononcer la nullité des ordonnances du 19 janvier 2022.
La régularité de la saisine du juge des requêtes étant une condition préalable à l’examen de la recevabilité et du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée, il convient d’abord de s’assurer que la requête ou l’ordonnance y faisant droit a justifié de manière circonstanciée qu’il soit dérogé au principe de la contradiction, avant de statuer sur l’existence du motif légitime puis le contenu de la mesure sollicitée.
Enfin, il sera rappelé que les éléments de preuve postérieurs à la requête sont admissibles devant le juge de la rétractation, à l’exclusion toutefois des résultats de l’exécution des mesures sollicitées par le requérant. Les parties sont donc mal fondées à les invoquer à l’appui de leurs démonstrations réciproques. Il n’en sera pas tenu compte.
Sur la motivation de la dérogation au principe de la contradiction
En application des articles 493 et 495 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête rendue non contradictoirement doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l’adoption des motifs de la requête, s’agissant des circonstances qui exigent que la mesure d’instruction sollicitée ne soit pas prise contradictoirement.
En l’espèce, l’ordonnance litigieuse indiquait sur ce point : ‘attendu qu’au regard des circonstances particulières de l’espèce, détaillées à la requête et notamment de la nature particulièrement volatile et délocalisable des éléments recherchés, le risque de disparition des éléments de preuve est particulièrement élevé. Ces circonstances d’espèce justifient que les mesures sollicitées ne soient pas prises contradictoirement, l’effet de surprise ainsi créé autant pour objectif de permettre d’éviter le dépérissement des éléments de preuve’.
Au surplus, l’ordonnance vise la requête et les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête. Celle-ci détaille longuement, en ses pages 23 et 24, les circonstances qui exigent que la mesure ne soit pas prise contradictoirement et indique notamment : ‘Or, au delà du risque de concertation qui existe entre les dirigeantes de la société Fiscalead, la mesure sollicitée ci-après vise notamment à appréhender des correspondances électroniques, ainsi que des dossiers et fichiers informatiques notamment une liste confidentielle de prospects transmise par la société UPS, dont il est vraisemblable qu’ils se trouvent en possession de la société Fiscalead et/ ou de leurs dirigeantes. La préservation de ces éléments, qui peuvent être facilement supprimés et effacés, de manière irréversible, si la mesure d’instruction est annoncée à l’avance à la société Fiscalead et Mmes [T] et [E], est donc essentielle à l’efficacité et l’utilité même de la mesure. Les pièces recherchées dans la mesure sollicitée, en l’occurrence courriels, devis, contrats, pourraient aisément être dissimulés ou effacés par la société Fiscalead et ses dirigeantes, ces documents ne faisant l’objet d’aucune obligation légale de conservation. La préservation de ces données intrinsèquement fragiles et aisément délocalisables ne peut être assurée que si la mesure d’instruction est mise en oeuvre par surprise. Le risque de dépérissement des preuves, si la mesure n’était pas ordonnée non-contradictoirement, est d’autant plus important en l’espèce qu’il a précédemment été démontré que Mmes [T] et [E] n’ont pas hésité, pendant l’exécution de leur contrat de travail, pour préparer leur activité déloyale, à dissimuler des contrats, des discussions, des prospects…’
Dans ces conditions, il sera retenu que l’ordonnance est motivée par renvoi à la nature des faits allégués de concurrence déloyale et à l’attitude de Mmes [T] et [E] et de la société Fiscalead expressément dénoncés dans la requête, justifiant le recours à cette procédure non contradictoire, de sorte que la société requérante a donc suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction par rapport à un contexte précis et suffisamment décrit.
Sur l’existence d’un motif légitime
Il est constant que l’auteur de la demande à une mesure d’instruction in futurum à l’origine non contradictoire n’a pas à rapporter la preuve, ni même un commencement de preuve, du grief invoqué, mais qu’il doit toutefois démontrer l’existence d’éléments précis constituants des indices de violation possible d’une règle de droit permettant d’établir la vraisemblance des faits dont la preuve pourrait s’avérer nécessaire dans le cadre d’un éventuel procès au fond.
L’application de ces dispositions suppose que soit constaté qu’il existe un procès “en germe” possible, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.
Il sera également rappelé qu’il appartient à la partie requérante de justifier de ce que sa requête était fondée, et non aux demandeurs à la rétractation de rapporter la preuve qu’elle ne l’est pas.
Il n’est pas contesté en l’espèce que la société Fiscalead est concurrente de la société Eurotax.
Le Kbis de la société Fiscalead fait apparaître qu’elle a été immatriculée le 21 décembre 2020 avec un commencement d’activité le 28 décembre 2020, les statuts précisant en annexe au titre de la ‘reprise des engagements accomplis et des frais exposés pour le compte de la société avant la signature des statuts’ que le nom de domaine et l’hébergement existaient depuis le mois de septembre 2020 et font mention de factures des 9 novembre et 9 décembre 2020 pour ‘l’application de téléphonie Onoff’ dont il n’est pas contesté qu’elle permet de disposer de 2 lignes téléphoniques sur le même téléphone
Concernant l’association EDRA, la société Eurotax verse aux débats :
– les statuts de l’association qui indiquent que son siège social est celui de la société Eurotax ;
– la preuve qu’elle a réglé les frais de logo de 52 euros en juillet 2019 ainsi que les factures de la société Slack fournissant un espace de collaboration aux membres de l’association ;
– un extrait de la présentation de l’EDRA de juin 2019 qui fait ressortir de manière apparente que le logo de la société Eurotax figure sur toutes les diapositives, que l’objet de la réunion était ‘immédiate business opportunities, commitments, getting organized’ qui s’apparente davantage à un objet commercial qu’à un cercle de réflexion, et que les adresses mail de Mmes [T] et [E] figurant dans la présentation sont leurs adresses professionnelles au sein de la société Eurotax.
Ces éléments accréditent la thèse de la société Eurotax selon laquelle elle avait demandé à Mmes [T] et [E] de procéder à la création de cette association dans un but mercantile et que le temps que celles-ci y ont consacré était, toujours à sa demande, pris sur leur temps de travail. Dans ce contexte, le courriel adressé par Mme [T] aux membres de l’EDRA le 25 décembre exposant notamment : ‘nous avons le plaisir de vous informer qu'[S] et moi quittons Eurotax avec effet immédiat pour une nouvelle aventure pleine de possibilités plus larges ! (…) Notre départ de l’entreprise n’a rien à voir avec la continuité de notre association EDRA qui continuera d’être animée. Veuillez noter qu’Eurotax n’est PAS membre de l’association, tout sujet lié à l’association devraient être discutés qu’avec ses seuls membres’, suivi d’un autre courriel le 5 janvier 2021 exposant ‘veuillez trouver ici nos nouvelles coordonnées sous notre société Fiscalead’, sont susceptibles de constituer des manoeuvres déloyales ou un détournement des partenaires ou des clients de la société Eurotax.
La société Eurotax verse ensuite aux débats un modèle de contrat de prestation de services ainsi qu’un échange de courriels démontrant la mise en oeuvre de contrats-types au sein de la société.
Or, le contrat de prestation de services conclu avec la société Nouvelle de produits alimentaires le 23 novembre 2020, signé par Mme [T] représentant la société Eurotax, ne correspond pas au contrat type en ce qu’il ne prévoit pas la durée habituelle du contrat mais autorise la résiliation à tout moment sous réserve d’un préavis de 60 jours.
Là encore, et dès lors que la résiliation du contrat avec la société Eurotax, à l’initiative de la société Nouvelle de produits alimentaires, est intervenue le 26 janvier 2021 et que la directrice administrative et financière de ladite société indique dans son attestation qu’elle a choisi de travailler ensuite avec la société Fiscalead, ces éléments sont susceptibles de caractériser des manoeuvres déloyales commises par Mme [T] à l’encontre de la société Eurotax.
Concernant la société Decantalo, dont il n’est pas contesté qu’elle était cliente de la société Eurotax au moins depuis le 25 février 2020, il apparaît qu’elle a résilié le 11 janvier 2021 le contrat l’unissant à la société Eurotax, contrat qui prenait donc fin le 25 février 2021. Or, un échange de courriels adressé par erreur à Mme [E] sur son adresse @eurotax permet de constater que dès le 29 janvier 2021, la société Decantalo passait par la société Fiscalead pour les mêmes prestations, la société Eurotax étant ainsi fondée à soupçonner un détournement de clientèle, voire même une captation des prestations concernant le Royaume-Uni qui avaient été discutées avec la société Eurotax en décembre 2020 et qui auraient été réalisées en réalité par la société Fiscalead en janvier 2021.
Ces éléments de preuve ainsi réunis par la société Eurotax rendent plausibles ses griefs de concurrence de déloyale, de détournement de clientèle et de déloyauté, et sont de nature à constituer le motif légitime nécessaire pour justifier la mesure in futurum en application de l’article 145 précité.
Sur les mesures ordonnées
Au sens de l’article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile dès lors que celles-ci ne portent atteinte à aucune liberté fondamentale et qu’elles sont proportionnées au but recherché.
Le secret des affaires, de même le secret des correspondances avocat/client, le secret bancaire, ou le secret des correspondances ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées, ce qui est le cas en l’espèce vu le motif légitime ci-dessus caractérisé et donc la nécessité pour la société Eurotax de rechercher les preuves nécessaires à établir les faits de concurrence déloyale suspectés.
Sans qu’il soit besoin de s’interroger sur la recevabilité de la demande en ce sens formée à titre subsidiaire par la société Fiscalead, il y a lieu de rappeler que le juge de la rétractation peut, de sa propre initiative, modifier la mission en la complétant ou l’amendant afin qu’elle soit limitée dans son étendue et dans le temps, conformément aux articles 149 et 497 du code de procédure civile.
Aux termes de l’ordonnance du 21 mai 2021, l’huissier de justice a été autorisé à :
‘- rechercher, se faire remettre et prendre copie de tous documents, toutes correspondances, factures, contrats, tous fichiers démontrant les actes de concurrence déloyale et parasitaires commis par la société Fiscalead à l’encontre de la société Eurotax comportant les termes suivants : « EUROTAX », « UPS », « [Courriel 7] » ; « PLUGWINE », « FRANCE GOURMET DIFFUSION », « VINOSELECCION », « NOUVELLE DE PRODUITS ALIMENTAIRE », « GRANDDIBOTTIGLIE », « DOMAINE DES HAUTES GLACES », « CHAPOUTIER », « GRANDCRUWIJNEN » ; « CROWN », « NBK », « 4eyes », autant de documents dont la recherche est légitime au regard des faits allégués de concurrence de déloyale, de détournement de clientèle et de déloyauté au préjudice de la société Eurotax, s’agissant des noms des sociétés dont elle démontre qu’elles étaient ses clientes, ses partenaires ou qu’elles étaient en relation pré-contractuelles dans la période ayant immédiatement précédé le départ de Mmes [T] et [E], sans qu’aucune disproportion ne soit caractérisée.
La société Fiscalead fait néanmoins valoir à juste titre que l’absence de toute limite de temps dans l’ordonnance n’est pas adaptée, dès lors notamment que Mmes [T] et [E] étaient salariées de la société Eurotax depuis plusieurs années et que la saisie de tous documents contenant le mot clé ‘Eurotax’ serait de nature à concerner un grand nombre d’éléments non pertinents pour le litige. Il y a lieu en conséquence d’ajouter à la mission susmentionnée la mention ‘tous documents, toutes correspondances, factures, contrats, tous fichiers établis entre le 1er août 2020 et le 21 mai 2021’.
Sous cette précision, la décision querellée sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête.
Sur la levée du séquestre
La société Eurotax affirme que c’est à tort que sa demande de mainlevée du séquestre a été refusée par le premier juge, l’article R. 153-1 du code de commerce prévoyant au expressément que le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation est compétent pour statuer sur le séquestre.
Elle conclut à la mainlevée du séquestre et sollicite la communication des pièces saisies.
La société Fiscalead conclut à la confirmation de l’ordonnance querellée en ce qu’elle a débouté la société Eurotax de sa demande de mainlevée du séquestre et précise qu’une autre procédure aux mêmes fins est pendante devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
Sur ce,
Ainsi qu’il l’a été rappelé, par ordonnance sur requête en date du 18 juin 2021, le président du tribunal judiciaire a ordonné ‘ le placement sous séquestre provisoire entre les mains de l’huissier saisissant de l’ensemble des éléments saisis lors des opérations menées en exécution de l’ordonnance du 21 mai 2021, pendant le délai et dans les conditions prévues à l’article R. 153-1 du code de commerce’.
Cet article R. 153-1 du code de commerce dispose que : ‘Lorsqu’il est saisi sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ou au cours d’une mesure d’instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection du secret des affaires.
Si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l’article 497 du code de procédure civile dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l’alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant.
Le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10″.
Il convient en conséquence de dire qu’il appartient à la cour, statuant en appel du juge saisi en référé d’une demande de rétractation de l’ordonnance, de se prononcer sur la levée du séquestre et l’ordonnance déférée sera infirmée de ce chef.
L’article L. 153-1 du code de commerce prévoit que : ‘Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense :
1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l’avis, pour chacune des parties, d’une personne habilitée à l’assister ou la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection prévues au présent article ;
2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ;
3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil ;
4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires’.
La société Eurotax justifie avoir introduit une procédure en référé aux fins de levée du séquestre le 1er juillet 2022 devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre.
Les parties ont sollicité le renvoi dans l’attente du présent arrêt et la société Fiscalead indique dans sa note en délibéré que si la cour ordonnait la mainlevée du séquestre, elle s’engage à se désister de l’instance et de l’action pendantes devant cette juridiction.
La société Fiscalead se prévaut d’une atteinte au secret des affaires, faisant valoir que de très nombreuses pièces ont été saisies, concernant notamment les noms de ses clients et prospects, sa stratégie commerciale, ses contrats, ses factures et ses plans de développement commercial, toutes informations qui ne sont connues que par un nombre restreint de personnes et ont une valeur commerciale effective ou potentielle.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de l’appelante de recourir à la procédure de tri selon les modalités décrites aux articles R. 153-3 à R. 153-9 du code de commerce. Il n’y a pas lieu de distinguer selon que les documents ont été saisis au siège de la société Fiscalead ou au domicile de Mme [T], les mesures d’instruction ordonnées procédant de la même requête et la circonstance que la saisie ait été effectuée à deux endroits différents ne constituant qu’une modalité d’exécution de ces mesures in futurum.
Il convient d’impartir à l’appelante un délai d’1 mois pour saisir le juge de premier degré de cette procédure.
Sur les demandes accessoires
L’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante pour l’essentiel, la société Fiscalead ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d’appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Eurotax la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelant sera en conséquence condamné à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a statué sur le séquestre ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant ;
Rejette l’exception de nullité soulevée par la société Fiscalead ;
Ajoute à la mission de l’huissier les termes suivants :’tous documents, toutes correspondances, factures, contrats, tous fichiers établis entre le 1er août 2020 et le 21 mai 2021′ ;
Ordonne à l’étude d’huissier ID FACTO de procéder à un nouveau tri des éléments appréhendés obtenus hors du périmètre ainsi modifié ;
Ordonne à l’huissier la restitution à la société Fiscalead de tous les éléments prélevés en contradiction de cette restriction de la mission ordonnées en appel ;
Dit que l’appelante pourra saisir le juge de premier degré dans le délai d’un mois selon les modalités décrites aux articles R. 153-3 à R. 153-9 du code de commerce ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne la société Fiscalead à verser à la société Eurotax la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Fiscalead aux dépens d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président, et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,