Your cart is currently empty!
23 juin 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/06906
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 39H
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 JUIN 2022
N° RG 21/06906 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U3CU
AFFAIRE :
[O] [V]
C/
S.A.S. VALEO VISION
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 30 Août 2021 par le Président du TJ de NANTERRE
N° RG : 20/02173
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 23.06.2022
à :
Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [O] [V]
né le 14 Février 1979 à [Localité 3]
de nationalité Française
[N] [Z] [Adresse 2]
[Adresse 2] POLOGNE
Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2167463
Assisté de Me Agnès REMY, avocat plaidant au barreau de Paris
APPELANT
****************
S.A.S. VALEO VISION
prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège e cette qualité
N° Siret 950 344 333 (Rcs Bobigny)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 21487
Assistée de Me Marie-Aimée PEYRON, avocat plaidant au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue en chambre du conseil le 11 Mai 2022, Madame Nicolette GUILLAUME, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSE DU LITIGE
Du 1er mars 2014 au 28 août 2018, M. [V] a été salarié de la société Valeo Vision, société du groupe Valeo, appartenant au Pôle Systèmes de Visibilité concevant et produisant des systèmes d’éclairage et d’essuyage.
Après avoir exercé les fonctions de directeur des achats du Groupe du Segment Composants Eclairage, puis de directeur des achats projets et opérations du groupe de produits systèmes d’éclairage, M. [V] a démissionné et rejoint la société tchèque Varroc Lighting Systems, qui est également un équipementier automobile ayant notamment pour activité en France, la vente de systèmes d’éclairage extérieur. Il a exercé les fonctions de Senior Vice-Président, directeur des achats, du matériel, de la planification et de la logistique Monde.
Soutenant que M. [V] avait violé ses obligations de loyauté, de discrétion et de confidentialité au profit de son nouvel employeur, la société Varroc Lighting Systems, la société Valeo Vision a obtenu du président du tribunal judiciaire de Nanterre une ordonnance sur requête rendue le 27 novembre 2018, autorisant un huissier à se rendre au domicile de M. [V], et à rechercher fichiers, pièces jointes et courriels sur ses ordinateurs personnel et professionnel, espaces cloud et boites de messageries, notamment sur sa boîte personnelle et son espace google drive associé, et à en prendre copie.
Cette mesure d’instruction a été exécutée le 18 décembre 2018.
Par ordonnance rendue le 12 mars 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a débouté tant M. [V], à titre principal, que la société Varroc Lighting Systems intervenant volontairement, de l’intégralité de leurs demandes visant à la rétractation de l’ordonnance, en ce compris leur demande de restitution et de mise sous séquestre des pièces saisies.
Le 5 décembre 2019, la cour d’appel de Versailles a confirmé 1’ordonnance rendue le 12 mars 2019 en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation, mais a restreint le périmètre de la mesure initiale et a ordonné le placement sous séquestre entre les mains de la SCP [J]-[G], représentée par Maître [J], des documents et fichiers appréhendés, jusqu’à ce que le juge éventuellement saisi autorise leur communication ou que les parties en soient d’accord.
C’est dans ces circonstances que par actes d’huissier du 9 novembre 2020,1a société Valeo Vision a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre au contradictoire de la société Varroc Lighting Systems et de M. [V] pour obtenir de prendre connaissance des pièces saisies, sans pour autant en obtenir la copie, afin de discuter contradictoirement des éventuelles observations que M. [V] entendrait formuler, la mainlevée du séquestre et la communication de l’ensemble des éléments saisis.
Par ordonnance rendue le 15 juin 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a notamment :
– rejeté les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité tirée de la chose jugée soulevées d’office,
– débouté la société Varroc Lighting Systems et M. [V] de leurs demandes de sursis à statuer,
– dit que c’est à bon droit que l’huissier a noté en page 4 de son constat que ‘les fichiers en ‘nom exact’ ne sont pas intéressés par l’ajustement ordonné par cette cour dans son arrêt rendu le 5 décembre 2019,
– dit en revanche que la recherche par mots clés a été restreinte par la cour d’appel aux seuls éléments relatifs à ‘VIS’ et contenant de mot VALEO, si bien que la recherche du mot VALEO ne doit donc être effectuée que sur les éléments relatifs à ‘VIS’ et non sur l’ensemble des éléments,
– rejeté le surplus des demandes relatives au principe de la levée du séquestre,
– rejeté la demande tendant à une remise immédiate des documents et pièces placés sous séquestre à la société Valeo Vision,
– dit que la levée du séquestre de la mesure ordonnée le 27 novembre 2018 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre, telle que modifiée par l’arrêt rendu par cette cour le 5 novembre 2019, aura lieu dans les conditions prévues aux articles R. 153-3 à R. 153-10 du code de commerce,
– à cette fin, ordonné à M. [V] ou à l’huissier de communiquer immédiatement l’ensemble des documents saisi à M. [V] ou à la société Varroc Lighting Systems,
– ordonné à M. [V] ou à la société Varroc Lighting Systems de communiquer au juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre, à peine d’irrecevabilité avant le 6 juillet 2021, et pour chacun des documents et documents placés sous séquestre provisoire : la version confidentielle intégrale, une version non confidentielle ou un résumé, un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires,
– renvoyé la cause au 8 juillet 2021 à l’audience non publique à 15h30,
– débouté la société Valeo Vision de sa demande relative au coût du tri des éléments,
– rejeté la demande d’exécution provisoire,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Valeo Vision aux dépens.
Par ordonnance contradictoire rendue le 30 août 2021 entre la société Valeo Vision et la société Varroc Lighting Systems et M. [V], tous représentés par un avocat, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :
– écarté des débats les pièces 2, 4, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 15, 22, 23, 24, 27 et 29 du fichier intitulé ‘courriels’ résultant de la mesure d’instruction ordonnée le 27 novembre 2018 par le tribunal judiciaire de Nanterre, telle que modifiée par l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 5 décembre 2019 à la société Valeo vision,
– ordonné la restitution de ces pièces à M. [V] par tout détenteur dont la société [J]-[G], huissiers de justice, et la société Valeo vision, dans le délai de 8 jours après le prononcé de la décision à intervenir et fait injonction à ces derniers de n’en conserver aucune copie, ou de les détruire s’il s’agit d’éléments sur support informatique,
– rejeté le surplus des demandes,
– ordonné la mainlevée du séquestre entre les mains de Maître [J], huissier de justice, et par suite la communication ou la production à la société Valeo Vision de l’ensemble des autres pièces issues de la mesure d’instruction ordonnée le 27 novembre 2018 par le tribunal judiciaire de Nantrerre, telle que modifiée par l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 5 décembre 2019,
– laissé les dépens à la société Valeo Vision.
Par déclaration reçue au greffe le 19 novembre 2021, M. [V] intimant la société Valeo Vision, a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle a :
– rejeté le surplus de ses demandes visant notamment à déclarer que les pièces saisies n°1 3 5 6 9 10 16 17 18 19 20 21 25 26 28 et 33 sont en dehors du périmètre de la mission confiée à l’huissier de justice et visant à ordonner la restitution à son bénéfice par tout détenteur, dont la société [J]-[G], huissiers de justice et la société Valeo Vision, des pièces n°1 3 5 6 9 10 16 17 18 19 20 21 25 26 28 et 33, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours après le prononcé de la décision à intervenir et de n’en conserver aucune copie, ou leur destruction s’il s’agit d’éléments sur support informatique,
– ordonné la mainlevée du séquestre entre les mains de Maître [J], de la société [J]-[G], huissiers de justice, et par suite la communication ou la production à la société Valeo Vision de l’ensemble des autres pièces issues de la mesure d’instruction ordonnée le 27 novembre 2018 par le tribunal judiciaire de Nanterre, telle que modifiée par l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 5 décembre 2019.
Dans ses dernières conclusions déposées le 3 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [V] demande à la cour, au visa des articles 6 de la CEDH et 9 du code civil, de :
– débouter la société Valeo Vision de l’ensemble de ses demandes et fins de non-recevoir ;
– réformer l’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 30 août 2021 en ce qu’elle a :
– rejeté le surplus de ses demandes visant notamment à :
– déclarer que les pièces saisies n°1 3 5 6 9 10 16 17 18 19 20 21 25 26 28 et 33 sont en dehors du périmètre de la mission confiée à l’huissier de justice ;
– ordonner la restitution à M. [V] par tout détenteur, dont la société [J]-[G], huissiers de justice et la société Valeo Vision, des pièces n°1 3 5 6 9 10 16 17 18 19 20 21 25 26 28 et 33, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours après le prononcé de la décision à intervenir et de n’en conserver aucune copie, ou leur destruction s’il s’agit d’éléments sur support informatique ;
– déclarer que les pièces 1 3 5 6 9 10 16 17 18 19 20 21 25 26 28 et 33 devront être écartées de tout débat, et ne pourront faire l’objet d’aucune communication ou production en justice ;
– ordonné la mainlevée du séquestre entre les mains de Maître [J], de la société [J]-[G], huissiers de justice, et par suite la communication ou la production à la société Valeo vision de l’ensemble des autres pièces issue de la mesure d’instruction ordonnée le 27 novembre 2018 par le tribunal judiciaire de Nanterre, telle que modifiée par l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 5 décembre 2019 ;
– la confirmer en ses autres dispositions ;
statuant à nouveau :
– juger que les pièces saisies n°1, 3, 5, 6, 9, 10, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 25, 26, 28 et 33 sont en dehors du périmètre de la mission confiée à l’huissier de justice ;
– ordonner leur restitution à M. [V] par tout détenteur, dont la société [J]-[G], huissiers de justice et la société Valeo Vision sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours après le prononcé de la décision à intervenir et de n’en conserver aucune copie, ou leur destruction s’il s’agit d’éléments sur support informatique ;
– juger que les pièces n°1, 3, 5, 6, 9, 10, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 25, 26, 28 et 33 devront être écartées de tout débat et ne pourront faire l’objet d’aucune communication ou production en justice ;
– condamner la société Valeo Vision à payer à M. [V] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 4 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Valeo Vision demande à la cour, au visa des articles 145, 812, 493 et 559 du code de procédure civile et 1355 du code civil, de :
– la déclarer recevable et bien fondée en ses présentes écritures ;
y faisant droit,
– déclarer irrecevable M. [V] compte tenu de l’autorité de chose jugée, en application des dispositions de l’article 1355 du code civil ;
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 30 août 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;
en conséquence,
à titre principal,
– débouter M. [V] de l’intégralité de ses demandes de réformation de l’ordonnance rendue le rendue le 30 août 2021 par le tribunal de judiciaire de Nanterre ;
– confirmer la mainlevée du séquestre et ordonner que les pièces lui soient communiquées sous un délai de 48h à compter de la décision à intervenir, sous astreinte à défaut de communication, de 1 000 euros par jour de retard ;
à titre reconventionnel,
– condamner M. [V] à une amende civile pour procédure manifestement dilatoire et abusive en application des dispositions de l’article 559 du code de procédure civile ;
– condamner M. [V] à lui verser la somme de 10 000 euros pour procédure manifestement dilatoire et abusive ;
– condamner M. [V] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [V] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Christophe Debray.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2022.
Sur demande de l’appelant, les plaidoiries se sont déroulées à huis clos.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 – Sur l’autorité de chose jugée
La société Valeo Vision soulève l’autorité de chose jugée en application des dispositions de l’article 1355 du code civil, au motif que l’arrêt rendu par cette cour le 5 décembre 2019 porte la mention suivante : « les appelants ne fournissent aucun élément justificatif démontrant le risque allégué d’atteinte au secret des affaires à travers les mots clés déterminés qui se rapportent directement aux libellés des fichiers précisément énumérés transférés par Monsieur [V] à partir de l’ordinateur professionnel mis à sa disposition par son ancien employeur».
M. [V] rétorque qu’il ne remet pas en cause la méthodologie fixée par l’arrêt de cette cour mais qu’il demande que les pièces saisies hors du périmètre de la mission confiée à l’huissier soient écartées.
Sur ce,
Selon l’article 122 du code de procédure civile : ‘Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.’
Cependant, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement et a été tranché dans son dispositif, de sorte que la mention qui ne figure que dans la motivation de l’arrêt n’entraîne aucune irrecevabilité des demandes formées par M. [V] et que la fin de non-recevoir soulevée par l’intimée sera rejetée.
2 – Sur la demande de communication des pièces
M. [V] insiste d’abord, sur l’accord intervenu entre les parties relatif aux pièces n° 2, 4, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 15, 22, 23, 24, 27 et 29.
Il demande ensuite que les pièces saisies n°1, 3, 5, 6, 9, 10, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 25, 26 et 28 du fichier intitulé « courriels » et n°33 soient également écartées des débats et lui soient restituées, comme étant en dehors du périmètre de la mission confiée à l’huissier de justice.
Il soutient que l’huissier n’a pas respecté la restriction imposée en appel, dans les termes qui suivent : ‘la recherche du mot « VALEO » ne doit donc être effectuée que sur les courriels et fichiers relatifs à « VIS » et non sur l’ensemble des éléments’. Il conteste ensuite à chacune des pièces, cette caractéristique.
La société intimée demande au contraire la confirmation de l’ordonnance querellée.
Elle relève d’abord l’absence de tout risque de violation du secret des affaires en ce qui concerne son contradicteur, rappelant en outre que ce droit ne constitue pas un obstacle à l’application des mesures d’instruction, dès lors que ces mesures validées y compris par cette cour, procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.
La société Valeo Vision indique que les arguments tenants à une violation du droit à la vie privée et du secret des correspondances ont déjà été formulés devant la cour qui y a répondu.
Elle soutient que l’huissier instrumentaire a parfaitement respecté la mission qui lui était confiée notamment, en dressant et diffusant un nouveau procès-verbal de constat le 16 février 2021.
Elle souligne enfin que le séquestre, objet du litige, concerne des pièces qui ont été saisies au domicile personnel de M. [V] (et non pas dans les locaux de la société Varroc Lighting Systems), et qui ne sont confidentielles que pour elle seule, ayant trait notamment à sa stratégie achat, aux négociations de prix avec ses fournisseurs/clients pour l’éclairage.
Sur ce,
Il est observé en préliminaire qu’aucune des parties ne fait appel du chef de jugement qui a ordonné que soient écartées les pièces 2, 4, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 15, 22, 23, 24, 27 et 29 du fichier intitulé ‘courriels’ résultant de la mesure d’instruction ordonnée le 27 novembre 2018 par le tribunal judiciaire de Nanterre, telle que modifiée par l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 5 décembre 2019.
Or ce même arrêt, confirmant 1’ordonnance rendue le 12 mars 2019 n’avait ordonné le placement sous séquestre entre les mains de la SCP [J]-[G], représentée par Maître [J], des documents et fichiers appréhendés, que jusqu’à ce que le juge éventuellement saisi autorise leur communication ou que les parties en soient d’accord.
Il sera donc retenu qu’en raison de l’accord non remis en cause notamment par la société Valeo Vision, ce chef de jugement figurant dans l’ordonnance querellée est confirmé en ce qu’elle a écarté les pièces 2, 4, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 15, 22, 23, 24, 27 et 29.
Il est ensuite observé que la procédure de tri a été expressément organisée par le juge saisi initialement dans son ordonnance rendue le 15 juin 2021, sur le fondement des articles R. 153-3 à R. 153-10 du code de commerce qui figurent dans le chapitre consacré au ‘secret des affaires’ et qui organise la protection de ce droit fondamental.
D’ailleurs cette même ordonnance précise expressément : ‘il sera au surplus observé que la procédure d’ouverture de séquestre permet justement de concilier les droits fondamentaux des parties que sont le droit de la preuve pour le requérant et le droit à la protection du secret des affaires pour la société Varroc Lighting Systems.’
En l’espèce, M. [V] n’invoque aucune violation du secret des affaires, ce que l’intimée relève.
Il est en outre observé que la société Varroc Lighting Systems qui effectivement, demandait dans l’instance ayant abouti à l’ordonnance rendue le 15 juin 2021 notamment ‘à voir constater que (…) la levée du séquestre est susceptible de porter atteinte au secret des affaires, et en conséquence, à voir mettre en oeuvre toutes les mesures de protection de ce secret prévues aux articles L. 153-1 et R. 153-1 et suivants du code de commerce’, et qui à l’inverse de M. [V], pouvait seule se prévaloir d’une violation du secret des affaires, n’est pas partie à l’instance en cours, et qu’en vue de l’audience qui s’est tenue devant le juge qui a rendu la seule ordonnance attaquée, elle avait fait connaître par courrier de son conseil, qu’ayant pu prendre connaissance des éléments placés sous séquestre, elle n’entendait pas s’opposer à la levée du séquestre.
Enfin, concernant ses propres droits, il sera rappelé que l’ordonnance rendue le 15 juin 2021 (qui n’est pas celle dont appel) indique en page 4 que M. [V] :
‘A titre très subsidiaire, (il) réclame la limitation de la levée de séquestre aux éléments saisis conformément au périmètre redéfini par l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles en date du 5 décembre 2019, et ce sous le contrôle du juge, en disant que les documents saisis devront faire l’objet d’un tri par le juge, en présence de Monsieur [V] et son représentant, et hors présence de la société VALEO VISION et son représentant, après vérification que les documents
entrent bien dans le périmètre de la mission confiée à l’huissier de justice et ne portent pas atteinte à ses propres droits et intérêts fondamentaux’,
ce dont il résulte que cette restriction apportée au périmètre de la mission de l’huissier instrumentaire a déjà été invoquée par rapport à la protection des droits fondamentaux de M. [V].
Or en page 6, cette même ordonnance indique :
‘Sur la rejet de la demande de mainlevée de séquestre
Au soutien de sa demande de rejet de la mainlevée de séquestre, Monsieur [V] invoque l’atteinte excessive à ses intérêts fondamentaux, notamment au respect de sa vie privée, en ce que les opérations se sont déroulées à son domicile, et de façon brutale en présence de son épouse et de ses deux enfants, avec accès à tous ses ordinateurs et à ses boîtes mails y compris personnelles, et à la liberté de travail protégée par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 2946, en le plaçant dans une situation impliquant son nouvel employeur, ce qui porte atteinte à son image professionnelle, et ce alors qu’il avait été délié de sa clause de non-concurrence, et que le transfert de documents stratégiques avant son départ n’est pas établi.
Toutefois, ces griefs, déjà invoqués à l’appui de sa demande de rétractation de la décision ordonnant la mesure d’instruction, ont été précédemment écartés, les juridictions des premiers et second ressort ayant estimé que le secret des affaires, de même que le secret des correspondance et le respect de la vie privée ne constituaient pas en eux-même un obstacle à l’application de l’article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime et son nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.
En l’absence de tout moyen nouveau, cette demande, qui porte en réalité sur le bien-fondé de la mesure d’instruction, déjà jugé, et non sur ses modalités précises d’ouverture du séquestre, ne peut donc qu’être rejetée.’
Dans ces conditions, M. [V] ne peut donc voir aboutir les moyens qu’il soulève et utiliser une procédure qui ne permet la protection que de ce seul droit fondamental du secret des affaires, et il sera retenu qu’en l’absence de toute violation même alléguée de ce droit, le seul moyen soulevé par M. [V] devant la cour sur la régularité de la saisie au regard du périmètre de la mission confiée à l’expert est inopérant.
Les demandes de M. [V] seront donc rejetées, l’ordonnance étant confirmée en ce qu’elle a jugé à ce titre.
3 – Sur la demande reconventionnelle de la société Valeo Vision
La société Valeo Vision sollicite la condamnation de M. [V] au paiement d’une amende civile et à une indemnité pour procédure abusive de 10 000 euros.
Or, outre le fait que l’amende civile prévue par l’article 32-1 du code de procédure civile, soit une sanction dont l’initiative appartient non aux plaideurs mais à la juridiction, il sera retenu pour rejeter ces demandes, que le droit d’agir en justice ne dégénère en abus qu’en cas de malice, de mauvaise foi ou d’une erreur grossière équipollente au dol, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive de faute.
Ces demandes seront donc rejetées.
4 – Sur les demandes accessoires
L’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance, mais partie perdante, M. [V] ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et devra supporter les dépens d’appel avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.
Il est en outre inéquitable de laisser à la société Valeo Vision la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelant sera en conséquence condamné à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance rendue le 30 août 2021,
Y ajoutant,
Condamne M. [V] à payer à la société Valeo Vision la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette toute autre demande,
Dit que M. [V] supportera la charge des dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par les avocats qui en ont fait la demande.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,