Secret des correspondances : 23 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 10/20111

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Secret des correspondances : 23 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 10/20111
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23 juin 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
10/20111

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 1

ARRÊT DU 23 JUIN 2011

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° 232 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/20111

Décision déférée à la Cour : décision du 28 Septembre 2010 rendue par le Conseil de discipline de l’ordre des avocats de PARIS

DEMANDEUR AU RECOURS:

M. [W] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Avril 2011, en audience publique, les parties et autorités ne s’y étant pas opposées, devant la Cour composée de :

– Monsieur Jacques BICHARD, Président

– Monsieur François GRANDPIERRE, Président

– Monsieur Pascal CHAUVIN, Président

– Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

– Madame Christine BARBEROT, Conseiller désigné pour compléter la Cour en application de l’ordonnance de roulement du 17 décembre 2010 portant organisation des services de la Cour d’Appel de Paris à compter du 03 janvier 2011, de l’article R312- 3 du Code de l’organisation judiciaire et en remplacement d’un membre de cette chambre dûment empêché

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Melle Sabine DAYAN

MINISTERE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au Procureur Général, représenté lors des débats par Mme Jocelyne KAN, Substitut du Procureur Général qui a fait connaître son avis.

M. LE BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE PARIS ES-QUALITES D’AUTORITE DE POURSUITE:

Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Loïc DUSSEAU,

Avocat au Barreau de Paris

Toque P 187

DÉBATS : à l’audience tenue le 28 Avril 2011, ont été entendus :

– Mme Dominique GUEGUEN, en son rapport

– M. [W] [G], en ses demandes et observations, ayant eu la parole en dernier

– Me Loïc DUSSEAU, avocat représentant M. Le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Barreau de Paris ès-qualités d’autorité de poursuite, en ses observations

– Mme Jocelyne KAN, Substitut du Procureur Général, en ses observations

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Jacques BICHARD, président et par Melle Sabine DAYAN, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

* * *

Considérant que par arrêté en date du 28 septembre 2010, notifié le même jour à l’intéressé, le Conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Paris a dit que M. [W] [G] s’est rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de délicatesse, de modération et de courtoisie, a, en conséquence, violé les dispositions de l’article 1.3 du Règlement Intérieur du barreau de Paris, a prononcé à l’encontre de M. [G] la sanction de l’avertissement et l’a condamné aux dépens,

Considérant que M. [G] a déclaré le 30 septembre 2010 au secrétariat-greffe de la cour d’appel de Paris exercer un recours contre ledit arrêté,

Considérant que par conclusions déposées le 30 septembre 2010 et soutenues à l’audience l’appelant demande à voir :

– prononcer la nullité de la citation qui lui a été délivrée faute de préciser l’état civil et l’adresse de la personne du Bâtonnier et déclarer la formation disciplinaire non valablement saisie,

-subsidiairement annuler les poursuites comme incluant des échanges et documents émanant de la commission dite de déontologie, couverts par le secret professionnel, en tout état établis en dehors des règles et protections des articles 188 à 192 du décret du 27 novembre 1991, rejeter des débats les lettres entre avocats ne constituant pas une infraction pénale, ainsi que lesdits échanges et documents couverts par le secret professionnel,

-plus subsidiairement, entériner le rapport d’enquête et dire qu’aucune infraction n’a été commise, l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse accordant de surcroît l’immunité totale aux propos échangés dans le cadre d’une instance judiciaire,

Entendus en leurs observations à l’audience, M. [G], M. le Représentant de l’Autorité de Poursuite, M. Le Procureur Général, M. [G] ayant été en mesure de s’expliquer et ayant eu la parole en dernier, étant précisé qu’aucune des parties n’a été autorisée à produire une note en délibéré.

SUR CE :

Considérant que le recours de M. [G], formé dans le délai d’un mois de la notification de l’arrêté entrepris, est recevable en la forme ;

Sur les divers moyens de nullité de la citation, d’annulation des poursuites et de rejet des débats de divers lettres et documents figurant au dossier disciplinaire:

Considérant que l’appelant invoque en premier lieu la nullité de la citation qui lui a été délivrée le 6 septembre 2010 comme ne comportant pas l’état civil et l’adresse de la personne au nom de laquelle elle est délivrée, précision d’état civil qu’il estime lui être nécessaire pour diligenter la procédure appropriée à la production en justice des lettres d’avocat à avocat ne portant pas la mention officielle; qu’à partir de cette circonstance de nature selon lui à vicier la saisine de la formation disciplinaire, il développe une argumentation complémentaire ainsi articulée ; qu’il fait valoir que ce manquement lui fait d’autant plus grief qu’aucune liste de pièces n’est jointe à la citation, cause supplémentaire de nullité, dès lors qu’il permet la production d’un document établi lors d’une réunion de la prétendue commission de déontologie, qu’il s’agit au surplus de lettres qui évoquent le contenu d’une procédure de divorce elle-même couverte par le secret professionnel, qu’ainsi, ladite commission de déontologie l’a convoqué sans respecter les règles et protections des articles 188 à 192 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, qu’il demande le rejet des débats des lettres entre avocats adressées à ladite commission comme ne constituant pas d’infraction pénale et qui sont toutes, sans exception, couvertes par le secret professionnel ; qu’il fait encore valoir que les lettres à sa consoeur, non seulement étaient parfaitement justifiées dans l’intérêt de la défense de son client, dans le cadre de la difficulté créée par cette dernière et relative à la communication des pièces, mais encore constituent des actes de procédure, échangés dans le cadre de l’instance judiciaire, bénéficiant donc d’une immunité totale et sur lesquels l’Ordre des Avocats ne peut exercer de censure ni s’opposer à leur production en invoquant leur caractère confidentiel dès lors que dans cette hypothèse, ces lettres ne peuvent davantage servir de fondement aux poursuites ; qu’il ajoute que n’ayant pas lui-même remis les lettres à une juridiction, la poursuite est donc empreinte d’une contradiction qui la vicie et révèle un harcèlement à son encontre, qui s’explique par les conflits l’ayant déjà opposé à l’Ordre des Avocats sur des graves questions de principe;

Considérant que la citation délivrée le 6 septembre 2010 à M. [G] l’a été à la requête de ‘ M. Le Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris, autorité de poursuite, domicilié à [Adresse 5]’ , élisant domicile en l’étude de l’huissier, valant dénonciation du rapport d’instruction disciplinaire établi le 26 mai 2010;

Considérant que ces seules mentions permettent à l’avocat cité en matière disciplinaire de disposer de toutes les informations utiles, puisque le Bâtonnier, agissant ès-qualités d’autorité de poursuite est parfaitement identifiable et identifié ; que la preuve d’un grief qui en résulterait n’est donc pas rapportée ;

Que s’agissant des pièces versées au dossier disciplinaire, M. [G], convoqué, auditionné, auquel le rapport d’instruction disciplinaire a été dénoncé par l’acte de citation, en a une parfaite connaissance et l’appelant ne démontre pas davantage l’existence d’un manquement à ce titre susceptible de lui faire un quelconque grief ;

Qu’il estime devoir qualifier la commission de déontologie de ‘ prétendue commission’, ce qui relève de ses moyens de défense au fond mais ne saurait en aucune manière venir étayer ou fonder ses moyens relatifs à l’irrégularité de la procédure ;

Qu’enfin, s’agissant du secret professionnel s’attachant aux lettres confidentielles entre avocats, si l’appelant rappelle ainsi exactement les principes d’ordre public qui leur sont effectivement applicables, principes qui ne sont d’ailleurs nullement contestés, il demeure cependant en l’espèce que ces documents sont produits non pas dans le cadre d’une instance judiciaire mais dans le cadre très spécifique d’une procédure disciplinaire, les autorités disciplinaires étant précisément en charge de veiller au respect des principes essentiels régissant notamment les relations entre confrères et donc autorisées dans ce cadre, elles-mêmes étant soumises au secret professionnel, à prendre intégralement connaissance de ces correspondances entre avocats ;

Que l’appelant qui lors des débats d’audience a demandé à la cour, pour les mêmes motifs, de ne pas davantage ni en faire rapport ni en prendre connaissance, développe en conséquence une argumentation non pertinente d’annulation ou de rejet de pièces des débats qui sera écartée;

Sur le fond :

Considérant que selon la citation susvisée, il a été reproché à M. [G] deux manquements :

-d’une part, l’envoi de lettres officielles à une consoeur et leur production en justice en contrariété avec l’avis émis par un membre du Conseil de l’Ordre, ce qui contreviendrait au secret des correspondances entre avocats,

-d’autre part, la tenue de propos incompatibles avec les principes de délicatesse, de modération et de courtoisie envers un membre du Conseil de l’Ordre,

Considérant que l’arrêté querellé a reproduit le texte intégral des correspondances litigieuses, exposé auquel la cour en conséquence renvoie ;

Considérant que sur les échanges de lettres entre M. [G] et son confrère, Mme [D] [Z], ainsi d’ailleurs que retenu par le rapporteur, il convient de constater que M. [G] a toujours été en mesure d’expliquer à partir du dossier leur raison d’être;

Que leur contenu n’est pas critiquable puisqu’il est le simple commentaire d’une situation procédurale précise, issue des réclamations de la partie adverse et a pour but premier, non pas d’être discourtois, mais d’assurer la pleine défense des intérêts du client en énonçant très clairement le point de vue de la partie et de son conseil, afin d’informer complètement les juridictions, en charge de la régularité de la procédure et devant être pleinement éclairées des circonstances et des incidents pouvant survenir ;

Que le ton employé, est certes vif, mais n’est cependant pas excessif ;

Que d’ailleurs, si l’arrêté querellé s’est en réalité limité à ce propos à quelques appréciations négatives sur la tonalité et les critiques y figurant, comme le fait de faire état des ‘manoeuvres du contradicteur’, il n’a pas finalement retenu de manquement de ce chef ni sanctionné leur auteur, qu’il convient pour la cour de constater l’absence de manquement de ce chef de la citation aux principes de délicatesse et de modération ;

Considérant que sur les lettres adressées par M. [G] aux représentants de l’Ordre des avocats à l’occasion de sa convocation et de son audition, l’intéressé a développé pour sa défense une argumentation non seulement sur le dossier mais élargie à son opinion très négative du fonctionnement de son Ordre professionnel ;

Qu’il a en particulier été retenu par l’arrêté déféré comme un manquement aux principes de courtoisie et de modération qu’il avait écrit en substance que ‘ les représentants de l’Ordre sont disqualifiés pour lui donner la moindre leçon, que seul un avocat ne s’occupant que de prétendue déontologie pourrait faire semblant de croire que …’ ou encore que ‘ le comportement significatif de nos déontologues est une honte ‘; que les écrits comportent encore les propos suivants ‘ en outre , je cherche en vain dans les textes qui régissent notre profession, une commission de déontologie ; cette dernière ne me semble avoir aucune existence légale. Détrompez-moi..’ ou ‘ Alors même que les finances de l’Ordre sont pillées par des prélèvements abusifs et avantages exorbitants et pharaoniques au profit du bâtonnier, du dauphin ( bientôt des vice bâtonnier et vice dauphin ) mes cotisations sont suffisamment gaspillées pour que, de plus, vous vous permettiez ces prélèvements abusifs.’ ou ‘ sur le plan formel, je vous dénie le droit de me harceler en utilisant, notamment à répétition, ma télécopie c’est à dire ma machine et mon papier’, ‘ne vous étonnez pas que je sois déterminé à faire payer à l’Ordre ces agressions et cette discrimination à mon égard’, ‘ la première déontologie à faire respecter serait l’honnêteté la plus élémentaire mais les avocats français n’ont même pas voulu intégrer dans les règles françaises l’interdiction aux avocats européens de mentir délibérément au juge’ ;

Considérant que s’il est légitime qu’un avocat poursuivi disciplinairement puisse exprimer librement le fond de sa pensée, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un avocat confirmé puisque M. [G] a prêté serment en novembre 1972 et a été admis au Tableau en 1976, encore faut-il que les propos tenus, dont le ton peut être vif voire polémique ne s’assimilent pas à des propos tellement dépourvus de toute modération qu’ils en deviennent discourtois à l’égard de leurs destinataires, qui sont les représentants de son ordre professionnel ; qu’en l’espèce, en imputant aux membres de l’Ordre, agissant dans le cadre de la commission de déontologie, un comportement honteux et en reprochant au bâtonnier et à son dauphin un pillage des finances de l’Ordre, M. [G] a excédé les limites de la liberté d’expression et a manqué de modération ainsi que de courtoisie dans ses propos, de sorte que l’arrêté entrepris doit être confirmé ;

PAR CES MOTIFS :

Déboute M. [G] de tous ses moyens relatifs à la régularité de la procédure,

Confirme l’arrêté entrepris en toutes ses dispositions.

Condamne M. [G] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

 


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