Your cart is currently empty!
22 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-25.469
CIV. 1
NL4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 septembre 2021
Rejet
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 548 F-D
Pourvoi n° B 19-25.469
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2021
Mme [R] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 19-25.469 contre l’arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l’opposant à M. [E] [H], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [X], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H], et l’avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 juin 2021 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, M. Girardet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2019), le 26 mai 2014, M. [H], avocat, a été désigné au titre de l’aide juridictionnelle pour assister Mme [X] souhaitant se constituer partie civile dans une procédure pénale d’abus de confiance sur personne vulnérable, imputé à un autre avocat.
2. Le 26 octobre 2015, Mme [X] a formé une action en responsabilité civile professionnelle contre M. [H], lui reprochant d’avoir manqué à son obligation de conseil et de diligence et de n’avoir pas respecté le mandat confié, invoquant une perte de chance, des préjudices matériels et la rétention abusive d’un dossier volumineux. Un jugement du 15 septembre 2016 a rejeté ses demandes et Mme [X] en a interjeté appel.
3. Entre temps, le 5 août 2016, Mme [X] a assigné M. [H] en indemnisation de son préjudice moral pour atteinte à sa vie privée, au secret de ses correspondances et à son honneur occasionnée par la diffusion d’éléments confidentiels à l’occasion de l’action en responsabilité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [X] fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1° / que, sous réserve des strictes exigences de sa propre défense, devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévus ou autorisés par la loi, l’avocat ne peut commettre, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel ; qu’en se bornant à constater que la main-courante et le constat d’huissier versés par l’avocat dans le litige résultant de la mise en cause de sa responsabilité civile professionnelle par son ancienne cliente apportaient un éclairage sur les relations qui existaient entre celle-ci et la partie adverse, qui était son ancien avocat et avec laquelle elle avait eu une liaison, et que la production de ces pièces ne pouvait de ce fait être regardée comme une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit au respect de la vie privée, ceci d’autant plus que le choix de saisir une juridiction d’un litige contre cet ancien avocat impliquait, avec une audience publique, la révélation d’un certain nombre d’éléments, sans examiner, comme il lui était demandé, si la production de ces éléments, quelle que soit l’incidence de leur divulgation sur le droit au respect de la vie privée de l’intéressée, n’avait pas eu lieu en violation du secret professionnel en tant qu’elle ne relevait pas des strictes exigences de la défense de l’avocat dont la responsabilité civile professionnelle était recherchée et sans constater ainsi, au cas d’espèce, les strictes exigences de la défense de l’avocat rendaient nécessaires la production de correspondances couvertes par le secret professionnel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;
2°/ que le secret professionnel de l’avocat s’étend à toutes les pièces du dossier ; qu’en retenant que les pièces figurant sur le bordereau produit aux débats n’étaient pas couvertes par le secret professionnel dans la seule mesure où il ne s’agissait pas de courriers échangés entre avocats, la cour d’appel a méconnu l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;
3°/ qu’en retenant que la production des pièces apportait un éclairage sur les relations qui existaient entre la cliente de l’avocat défendeur et la partie contre laquelle ce dernier avait été mandaté pour agir, circonstance impropre à justifier la nécessité de porter atteinte au secret de l’intimité de la vie privée, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que l’exercice d’une action en justice n’emporte aucune renonciation à son droit au respect de l’intimité de la vie privée pour ce qui ne concerne pas l’objet du litige ; qu’en justifiant l’atteinte au droit au respect de la vie privée par la considération qu’en exerçant une action en responsabilité professionnelle à l’encontre de son ancien avocat, Mme [X] aurait renoncé à se prévaloir de son droit à l’intimité de sa vie privée pour ce qui concerne ses relations privées avec l’intéressé, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
5°/ que la protection attachée au droit au respect de la vie privée s’étend à l’ensemble des informations, non publiques, relatives à une relation entre deux personnes et aux conditions dans lesquelles cette relation a pris fin, et ne se limite pas aux détails de cette relation ou de cette rupture ; qu’en se fondant sur la circonstance que les pièces ne révélaient pas des détails des relations intimes entre Mme [X] et M. [Q], la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. D’abord, il ne résulte ni de l’arrêt ni des conclusions d’appel de Mme [X] que celle-ci ait soutenu, devant la cour d’appel, que la production des pièces litigieuses avait eu lieu en violation du secret professionnel et ne relevait pas des strictes exigences de la défense de l’avocat.
6. Ensuite, ayant examiné les pièces produites par M. [H], la cour d’appel a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, par motifs propres et adoptés, qu’elles apportaient un éclairage sur les relations qui existaient entre les parties directement mises en cause dans l’affaire dont il avait à s’occuper, sans porter une atteinte injustifiée à la vie privée de Mme [X], et qu’elles étaient nécessaires à sa défense, de sorte qu’elle n’a pu qu’en déduire qu’aucune faute n’était imputable à M. [H].
7. Le moyen, irrecevable en sa première branche qui est nouvelle et mélangée de fait et de droit, et inopérant en sa deuxième qui critique un motif surabondant, n’est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [X] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [X] et la condamne à payer à M. [H] la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.