Secret des correspondances : 21 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10934

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Secret des correspondances : 21 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10934
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21 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/10934

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 21 AVRIL 2023

(n° , 19 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/10934 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4ET

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/00226

APPELANTE

Madame [K] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Isabelle KUOK BELLAMY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0244

INTIMÉES

SELAS [8]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Mme [O] [S] en vertu d’un pouvoir spécial

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901, substituée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Madame Natacha PINOY, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 10 mars 2023, prorogé au 14 avril 2023, puis au 21 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par [K] [E] (l’assurée) d’un jugement rendu le 27 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige l’opposant à la SELAS [8] (la société) et en présence de la C.P.A.M. de la Seine-Saint-Denis (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

L’assurée, employée en qualité d’assistante de direction par la société depuis le 1er avril 2004, a été victime d’une chute le 14 février 2012, prise en charge au titre d’un accident de trajet. Après un arrêt de travail, elle a repris son travail en novembre 2013 à mi-temps thérapeutique jusqu’au 31 mars 2014. Le 23 avril 2014, elle s’est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé du 3 juillet 2013 au 2 juillet 2018. Son employeur lui a accordé un temps partiel à 80 % à partir du 1er avril 2014. Le 16 juin 2015, l’assurée a été opérée d’une arthroplastie totale de la hanche gauche et placée en arrêt de travail au titre du régime maladie jusqu’au 26 novembre 2015. À cette date, elle a repris le travail à mi-temps thérapeutique jusqu’au 28 décembre 2015, puis à 80 %. Les 24 et 25 mars 2016, l’assurée a eu deux entretiens avec la responsable des ressources humaines. À l’issue du second entretien, elle a été transportée en urgence par son époux à l’hôpital de [Localité 10] puis transférée à l’hôpital [11] d'[Localité 5]. Le certificat médical initial du 25 mars 2016 fait état d’un « état de stress intense sur son lieu de travail avec humeur triste, pleurs, idées noires avec péjoration de l’avenir et sentiment d’avenir bouché, insomnie et irritabilité ».

Le 31 mars 2016, la société a établi une déclaration d’accident du travail pour le fait du 25 mars 2016, avec réserves, en indiquant que l’assurée « se trouvait dans son bureau – difficultés à respirer, s’est sentie très mal », et en précisant pour le siège et la nature des lésions « pas de lésion » et « s’est sentie très mal, affaiblie avec difficultés à respirer ».

La caisse a pris l’accident en charge au titre de la législation professionnelle le 11 avril 2016. La société a saisi en inopposabilité de la décision de prise en charge la commission de recours amiable (CRA) le 7 juin 2016, laquelle a déclaré le recours irrecevable par décision du 14 septembre 2016 au motif que la tarification collective s’appliquant à la société, et non la tarification individuelle ou mixte, cette dernière était dépourvue d’intérêt à agir. La société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre d’une demande en inopposabilité.

L’assurée a demandé à la caisse la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur le 4 avril 2018.

En l’absence de conciliation, l’assurée a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 26 juillet 2018 de la même demande. Le dossier a été transmis au tribunal de grande instance de Bobigny le 1er janvier 2019.

Par jugement du 15 mai 2019, ce tribunal a ordonné la réouverture des débats et demandé à l’assurée de produire les justificatifs de la date de réception de la décision du 11 avril 2016 de prise en charge de son accident du 25 mars 2016, de la saisine de la caisse pour tentative de conciliation dans le cadre de la présente procédure en reconnaissance de la faute inexcusable, du versement des indemnités journalières en lien direct et certain avec l’accident du travail du 25 mars 2016 et de la consolidation de son état de santé.

Au rappel de l’affaire, le tribunal, par jugement du 27 septembre 2019, a :

– Déclaré l’action de l’assurée en reconnaissance de la faute inexcusable de la société recevable ;

– Débouté la société et la caisse de leur demande de sursis à statuer ;

– Débouté l’assurée de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société à la suite de l’accident du travail dont elle a été victime le 25 mars 2016 ;

– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rappelé que la procédure est gratuite et sans frais en application de l’ancien article R. 144-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que la saisine de la caisse aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur par lettre reçue le 8 avril 2018 par l’organisme a interrompu le délai de prescription et qu’ensuite, après la réception de la réponse de la caisse du 15 juin 2018, l’assurée avait saisi le tribunal le 26 juillet 2018. Le tribunal a ensuite estimé qu’au regard de l’indépendance des rapports caisse/employeur et caisse/assuré, il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction de Nanterre sur l’action de la société en inopposabilité de la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle. Sur la faute alléguée, le tribunal a retenu que si l’assurée prouvait son état psychologique, les pièces versées ne permettaient pas d’attester de ce qui se passait réellement aux lieu et temps du travail. De plus, l’analyse des pièces démontrait la bonne entente au sein du quadrinôme dont faisait partie l’assurée sans aucun élément sur les relations de l’intéressée avec sa hiérarchie ou les deux entretiens des 24 et 25 mars. Le tribunal a ajouté que les échanges de courriels entre l’assurée et une collègue le 31 mars 2016, dont une partie était tronquée, montraient que l’assurée avait demandé à sa collègue de confirmer qu’elle était là avant l’arrivée des pompiers et d’indiquer dans quel état elle l’a trouvée, de sorte que cela revenait pour l’assurée à demander à sa collègue, sans le dire expressément, une attestation dans un but non précisé. De plus, l’attestation de cette collègue ne confirme pas les faits tels que l’assurée lui avait demandé de le faire. Ensuite, les échanges de courriels entre la directrice des ressources humaines et un avocat associé étaient normaux et classiques entre deux cadres devant prendre des décisions pour pallier l’absence d’un membre du personnel, lesquels échanges n’avaient pas vocation à être portés à la connaissance de l’assurée, et en tout état de cause ne comportaient aucun mot déplacé ou méprisant. Le tribunal a également retenu que l’assurée ne souhaitait plus travailler avec l’avocat associé en question, de sorte que le second entretien avait pour objet de revoir avec elle son changement d’affectation annoncé le 23 mars mais qu’elle ne souhaitait plus rejoindre. Enfin, le tribunal a relevé que le conseil des prud’hommes de Nanterre avait considéré que le contrat de travail de l’assurée ne prévoyait pas d’affectation à une équipe précise et que les propos de l’avocat associé ne présentaient aucune gravité et n’interdisaient pas la poursuite du contrat de travail, et que cette juridiction n’avait pas retenu le harcèlement moral. Enfin, le tribunal a observé que les autres griefs n’étaient étayés par aucun justificatif.

L’assurée a relevé appel de ce jugement le 28 octobre 2019, lequel lui avait été notifié le 3 octobre 2019.

Par jugement du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a déclaré la prise en charge de l’accident du 25 mars 2016 inopposable à la société.

L’assurée a été déclarée consolidée au 31 mars 2022 avec un taux d’IPP de 12%.

À l’audience du 5 janvier 2023, devant la cour, l’assurée a fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites invitant la cour, au visa des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, R. 4624-10, R. 4624-11 et R. 4624-21 du code du travail, à :

– Débouter la société de son exception de péremption ;

– Juger que sa demande n’est pas prescrite ;

– Juger que l’accident du 25 mars 2016 a bien un caractère professionnel ;

– Juger que la décision de prise en charge de la caisse du 11 avril 2016 est bien fondée ;

– Reconnaître la faute inexcusable de la société ;

Y faisant droit,

– Désigner tel expert qu’il appartiendra à la cour avec pour mission de :

* Procéder à l’examen clinique et de transcrire les constatations de l’assurée ;

* L’interroger et interroger ses proches afin de transcrire leurs doléances ;

* Le cas échéant, se faire communiquer le dossier médical complet de la victime avec l’accord de celle-ci et des éventuels ayants droit ;

* En cas de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l’expertise susvisée ;

* Se faire assister par tout sapiteur d’une spécialité autre que celle de l’expert ;

* Déterminer l’état de l’assurée avant l’accident ;

* Relater les circonstances de l’accident ;

* Faire retranscrire son vécu de l’accident ;

* Relater les constatations faites après l’accident ainsi que l’ensemble des soins et les interventions effectuées y compris la rééducation ;

* Examiner l’assurée et décrire les constatations ainsi faites ;

* Décrire en détail les lésions initiales et secondaires découvertes et leur évolution, les complications éventuelles ;

* Fixer la date de consolidation médico-légale ;

* Décrire avec précision les souffrances physiques et psychiques endurées par la victime du fait traumatique jusqu’à la date de consolidation et les évaluer sur une échelle de 1 à 7 ;

* Noter les doléances de l’assurée ;

* Inviter les victimes et ses proches à s’exprimer sur son cadre familial, social, activités ;

* Décrire ses activités d’agrément ;

* Dire si chacune des anomalies constatées est la conséquence de l’accident ou d’un état d’un accident antérieur ;

* Décrire les actes, gestes mouvements rendus difficiles partiellement ou entièrement impossibles en raison de l’accident ;

* Donner un avis sur le taux de déficit fonctionnel résultant des difficultés, impossibilités constatées ;

* Dire si l’assurée a perdu son autonomie personnelle et si oui, pendant combien de temps ;

* Dans l’affirmative, donner un avis sur la nature et la durée quotidienne de l’aide à tierce personne à domicile ;

* Dire alors dans ce cas si l’intervention d’une tierce personne a été rendue nécessaire ;

* Donner un avis sur les difficultés ou impossibilités de l’assurée de poursuivre l’exercice d’une profession, pratiquer les sports et activités de loisirs ;

* Donner un avis sur le préjudice matrimonial ;

* Donner un avis sur le préjudice sexuel ;

* Donner un avis sur le préjudice moral ;

* Donner un avis sur le préjudice esthétique ;

* Donner un avis sur la gêne quotidienne occasionnée ;

* Donner un avis sur les risques d’évolution ;

* Prendre en considération les observations des parties et celles de leur conseil dans les conditions prévues à l’article 276 du code de procédure civile ;

– Dire que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera l’original et une copie de son rapport au greffe de la cour ;

– Condamner la société à verser solidairement une somme provisionnelle à hauteur de 10 000 euros ;

– Condamner la société au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société a fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions écrites invitant la cour à :

À titre principal,

– Prononcer la péremption de l’instance et ses conséquences sur les fondements des articles 386 à 393 du code de procédure civile ;

– Déclarer irrecevable l’ensemble des demandes formulées par l’assurée ;

À titre subsidiaire,

– Dire et juger que l’accident du 25 mars 2016 n’a pas un caractère professionnel ;

– Déclarer le jugement commun à la caisse ;

– Confirmer le jugement rendu le 27 septembre 2019 par le tribunal judiciaire de Bobigny ;

En conséquence,

– Juger la décision de prise en charge de la caisse le 11 avril 2016 mal fondée ;

– Débouter l’assurée de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– Débouter de même la caisse de toutes demandes, fins et conclusions ;

– Condamner l’assurée à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

À titre infiniment subsidiaire,

– Dire et juger que la société n’a commis aucune faute inexcusable à l’encontre de l’assurée ;

– Débouter l’assurée de sa demande tendant au paiement d’une indemnisation provisionnelle de 10 000 euros.

La caisse a fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions écrites par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, de :

– Débouter la société de son exception de péremption ;

– Statuer ce que de droit sur les mérites de l’appel interjeté par l’assurée quant à la recevabilité de ses demandes, au caractère professionnel de l’accident, au principe de la faute inexcusable et à la majoration de la rente qui en résulterait ;

Dans l’hypothèse où la cour retiendrait la faute inexcusable de l’employeur,

– Donner acte à la caisse de ce qu’elle n’entend pas s’opposer à la demande d’expertise sollicitée par l’assurée ;

– Limiter la mission de l’expert à l’évaluation des postes de préjudices indemnisables au titre de la faute inexcusable ;

– Exclure de la mission d’expertise l’évaluation de la date de consolidation ;

– Ramener à de plus justes proportions la somme allouée à l’assurée à titre provisionnel ;

– Rappeler que la caisse avancera les sommes éventuellement allouées à l’assurée dont elle récupèrera le montant sur l’employeur, y compris les frais d’expertise ;

En tout état de cause,

– Condamner tout succombant aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l’audience du 5 janvier 2023, et visées par le greffe à cette dernière date, pour un exposé complet des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

SUR CE :

Sur la péremption d’instance :

La société demande à la cour de prononcer la péremption d’instance mais ne développe aucun moyen à l’appui de cette demande. Elle fait néanmoins valoir que l’appelante a sollicité plusieurs renvois sans aucune justification.

L’assurée réplique que la date de première audience ayant été fixée par le greffe au 30 septembre 2021, la péremption n’est susceptible d’être acquise, en l’absence de diligence, que le 30 septembre 2023, et qu’en outre elle a adressé ses écritures à la société le 14 avril 2022.

Il résulte des dispositions du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l’article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, que l’article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d’appel initiées à partir du 1er janvier 2019 qu’à celles en cours à cette date.

Lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas, au regard de l’article 386 du code de procédure civile, d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire (Cass., Civ. 2, 17 novembre 1993, n° 92-12.807 ; Cass., Civ. 2, 6 décembre 2018, n° 17-26.202).

La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer (Cass., Civ. 2, 15 novembre 2012, n° 11-25.499).

Il en résulte que le délai de péremption de l’instance n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.

En l’espèce, l’affaire a été enrôlée à la suite de l’appel du 28 octobre 2019. La date de première audience fixée par le greffe dans la première convocation en date du 22 juillet 2020 étant celle du 30 septembre 2021 et l’affaire ayant été plaidée à l’audience du 5 janvier 2023, aucune péremption d’instance ne saurait être retenue.

Sur la recevabilité de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable :

La société soutient que les demandes de l’assurée sont irrecevables dans la mesure où cette dernière a déjà soutenu l’ensemble de ces arguments devant le conseil des prud’hommes et la cour d’appel de Versailles pour solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et du prétendu harcèlement moral. Les juridictions ont rejeté l’ensemble de ces arguments, le conseil par jugement du 28 février 2018 et la cour par arrêt définitif du 17 juin 2021.

L’assurée réplique qu’elle a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements reprochés à son employeur et a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’une demande de reconnaissance d’une faute inexcusable à la suite de l’accident du travail survenu le 25 mars 2016, chacune de ces juridictions étant compétente pour connaître de la demande concernée.

En l’espèce, chaque juridiction a été saisie d’une demande qui relevait de sa compétence exclusive. Il importe peu que ces demandes aient pu être étayées sur une argumentation en tout ou partie commune. Peu important que les deux actions trouvent leur fondement essentiel dans un harcèlement allégué et que leur argumentation soit similaire, dès lors que les demandes demeurent différentes et sont fondées sur des moyens distincts. Il s’ensuit que le rejet de la demande en résiliation du contrat de travail au tort de l’employeur n’emporte pas l’irrecevabilité de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans un accident du travail faute d’autorité de la chose jugée d’une décision sur l’autre.

La demande de l’assurée visant la réparation supplémentaire de son accident du travail en raison d’une faute inexcusable de son employeur est donc recevable.

Sur le caractère professionnel de l’accident :

La société conteste le caractère professionnel de l’accident au motif que celui-ci s’est produit alors que l’intéressée avait fait valoir son souhait de ne plus collaborer avec l’un des avocats de son équipe et que c’est lorsqu’un nouveau poste a été trouvé que celle-ci a finalement renoncé à sa demande. Elle soutient que le caractère professionnel de l’accident déclaré ne peut être retenu faute d’événement soudain et de lésion corporelle ou psychique survenus au temps et au lieu du travail. La société soutient également que c’est le non-respect de la procédure d’instruction qui a conduit à une prise en charge erronée de l’accident puisque la caisse ne l’a jamais informée des mesures d’instruction diligentées, de la date à laquelle elle allait rendre sa décision et de la possibilité de venir consulter le dossier.

Sur le fait accidentel allégué, la société fait valoir qu’il ressort des explications de l’assurée que l’accident serait la conséquence de plusieurs événements intervenus entre novembre 2015 et mars 2016 ; que les échanges entre l’avocat avec lequel l’assurée ne souhaitait plus travailler et la responsable des ressources humaines ont été appréhendés de manière frauduleuse et n’étaient pas destinés à l’assurée qui se les ait procurés de façon irrégulière en consultant la messagerie de l’avocat concerné, faits constitutifs de plusieurs infractions pénales, de sorte que ces pièces doivent être écartées des débats ; qu’en tout état de cause, de ces échanges intervenus le 10 novembre 2015, il ressort que les rapports professionnels de l’assurée avec l’avocat concerné n’étaient pas si difficiles et qu’ils ne peuvent pas motiver un accident du travail ; qu’elle n’a jamais refusé de faire suivre une formation portant sur le logiciel Nova à l’assurée, cette dernière devant suivre cette formation à la fin du premier semestre 2016 ; qu’elle ne lui a jamais proposé une collaboration avec le « service marketing », en revanche l’assurée a demandé de participer à l’organisation des « petits déjeuners », demande qui n’avait pas pu être satisfaite ; qu’en tout état de cause ces questions ne sauraient justifier un accident du travail ; qu’une nouvelle affectation ne saurait constituer un accident du travail pour trois raisons : 1) parce que le contrat de travail ne prévoit pas d’affectation sur une équipe précise, 2) la nouvelle affectation n’entraînait aucune modification des conditions de travail, 3) les pièces régulièrement produites démontrent que c’est l’assurée qui a souhaité changer de poste et a refusé ensuite sa nouvelle affectation ; que les entretiens organisés pour l’assurée ne peuvent en aucun cas constituer un accident du travail tant au regard du contenu de ces entretiens (ils ne visaient en aucun cas une mesure disciplinaire ou un licenciement mais bien au contraire une solution à une demande expresse de l’assurée), qu’au regard de la forme de ces entretiens (polis, courtois, respectueux, sans aucune agressivité d’aucune partie) ; que la lettre remise à l’assurée au cours de l’entretien du 25 mars 2016 ne saurait non plus constituer un événement soudain constitutif d’un accident du travail puisqu’elle ne faisait qu’informer l’intéressée, en réponse à sa demande de changement d’équipe, de sa nouvelle affectation dans des termes parfaitement neutres et ne contenant aucune menace de nature disciplinaire.

S’agissant des lésions, la société fait valoir que l’assurée n’était pas en larmes en quittant le bureau de la responsable de ressources humaines ; qu’ensuite, plus d’une heure après l’entrevue en cause et après s’être isolée dans une salle pour prendre conseil auprès de son mari et avoir contacté un représentant du personnel, vu deux collègues de travail ainsi qu’un des avocats avec qui elle travaille, l’assurée a demandé à l’une de ses collègues, en lui donnant ses codes d’accès, de rédiger à partir de son poste informatique un courriel adressé sous sa signature électronique indiquant qu’elle ne se sentait pas bien, qu’elle avait pris rendez-vous avec son médecin traitant et allait donc quitter son poste de travail, ce qu’elle fera en taxi avec son mari venu la chercher après que le service de sécurité, et non les pompiers, de la tour Prisma à la Défense où sont situés les bureaux de la société s’est assuré de son état à la suite de sa demande ; que la fiche d’intervention des agents de sécurité du 25 mars 2016 mentionne sans ambiguïté un parfait état de santé de l’intéressée et à la question « circonstances et lieux d’intervention » il est coché ni « accident » ni « malaise » mais « autre » ; que les pièces médicales établissant une dégradation de l’état de santé de l’assurée se bornent à retranscrire les propos et doléances de l’intéressée sans recueillir les versions d’autres personnes, sans prendre en compte l’environnement personnel et sans pouvoir intégrer d’éventuels antécédents de l’intéressée, l’état clinique de cette dernière antérieurement au 26 mai 2016 n’étant pas connu ; que deux médecins sont allés plus loin en violation directe de leur obligation déontologique en établissant un lien entre les symptômes et le travail ; que ces certificats sont dépourvus de toute valeur probatoire ; que le médecin du travail est en revanche beaucoup plus réservé pour avoir consulté à deux reprises (6 avril et 29 septembre 2016) l’assurée, à sa demande, et indique seulement ne pas avoir d’avis et ne pouvoir se prononcer qu’à la reprise du travail.

La société conclut que la qualification professionnelle de l’accident revendiqué va à l’encontre de l’attention particulière portée à l’égard de l’assurée tant pour préserver sa santé (mi-temps thérapeutique pris en compte, fauteuil ergonomique, report de congés payés, flexibilité des jours et horaires) que pour renouveler son intérêt dans le travail (participation à un groupe de travail).

L’assurée réplique qu’avant l’entretien du 25 mars 2016, elle travaillait en parfaite harmonie avec ses collègues, malgré la pression de son employeur, de la responsable du service des ressources humaines. Elle ajoute qu’à partir du 25 mars 2016, elle a été arrêtée pour maladie de façon ininterrompue et n’a jamais été en mesure de reprendre son poste de travail.

Sur le fait accidentel, l’assurée fait valoir que les pièces médicales qu’elle produit au débat attestent de son état psychologique et font toutes ressortir qu’elle est dans l’incapacité de travailler depuis l’événement du 25 mars 2016 ; que la société se contredit et déforme les faits ; qu’elle n’a pas pu rédiger un courriel depuis son poste de travail à 13h19 et être prise en charge par les pompiers à 13h30, soit 11 minutes après ; que les pièces produites attestent qu’elle a été victime d’un accident le 25 mars 2016 après son entretien avec la responsable des ressources humaines ; que la fiche de prise en charge indique que « la personne est angoissée et en pleurs suite à une pression de sa hiérarchie au niveau de son travail » et elle précise que la personne a été isolée de son poste de travail ; que le 27 mars 2016 un des avocats associés de la société a fait mention spontanément de l’accident de travail et le 31 mars 2016 la société a établi la déclaration d’accident du travail alors qu’elle devait le faire dès qu’elle en avait connaissance, soit le 26 mars 2016 ; que les courriels de son époux du 26 mars 2018 adressés à son employeur ainsi que la lettre adressée à l’avocat associé le 28 mars 2016 relatent les circonstances de l’accident ; que la déclaration d’accident du travail indique « difficulté à respirer » et « s’est sentie très mal » ce qui confirme que la société a eu les informations pour établir la déclaration à temps ; que la chronologie des événements confirme que son employeur a tout mis en ‘uvre pour lui nuire, pour qu’elle démissionne de ses fonctions et qu’il est bien à l’origine de l’accident survenu le 25 mars 2016 ; que depuis le mois de novembre 2015 elle a relevé une mise à l’écart de la part de son employeur pour lequel elle a ‘uvré depuis 14 ans ; qu’elle a ainsi découvert des échanges de courriels de ses employeurs dans lesquels ils expriment leur lassitude sur ses absences et celles à venir et leur volonté de garder sa remplaçante ; que la société a toujours refusé de la former au logiciel de facturation Nova malgré ses diverses demandes ; que l’employeur voulait la faire collaborer avec le « service marketing » en plus de ses fonctions d’assistante de direction ; que la société a voulu l’affecter « dans une autre équipe alors qu’elle travaille dans la même depuis 18 ans dans un emploi incompatible avec son état de santé » ; que les pressions exercées par son employeur pour lui faire signer une lettre dont elle n’a pu lire le contenu en son entier a « entraîné par la suite l’accident du travail »; que l’attitude incompréhensible de la responsable des ressources humaines était de la pousser vers la sortie, ce qui lui a causé un véritable traumatisme ; que l’entretien en cause n’était pas un entretien professionnel mais une convocation qu’elle avait reçue de la responsable des ressources humaines tandis que les conséquences médicales subies depuis le 25 mars 2016 et son incapacité à reprendre ses fonctions depuis cette date confirment que les échanges n’ont pas été courtois ou respectueux ; que, contrairement aux affirmations de la société, la qualification d’accident du travail peut être reconnue pour un entretien avec un supérieur hiérarchique au cours duquel une rétrogradation est annoncée et qui oblige le salarié à interrompre son activité.

Sur la lésion corporelle ou psychique, l’assurée fait valoir que la société avait elle-même indiqué sur la déclaration d’accident du travail qu’elle s’était « sentie très mal » ; qu’elle a été prise en charge immédiatement par ses collègues, deux délégués du personnel ainsi que les pompiers, de sorte qu’elle n’a pas pu planifier comme le prétend son employeur sa sortie de l’entreprise, d’autant qu’aujourd’hui cette prétendue planification la maintient en arrêt maladie depuis le 25 mars 2016 ; quant au courriel qu’elle aurait envoyé le 25 mars à 13h19, la société sait parfaitement que ce n’est pas elle qui l’a envoyé mais sa collègue avec qui elle travaille en binôme ; que les certificats médicaux qu’elle produits ont été établis par des professionnels de santé qui sont seuls habilités pour apprécier son état de santé et qu’il ne s’agit pas de certificats de complaisance ; qu’elle produit de nouvelles pièces, datées d’octobre à décembre 2019, qui démontrent que depuis le 25 mars 2016 elle est dans l’incapacité de reprendre son activité au sein de la société.

Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

Il appartient à celui qui déclare avoir été victime d’un accident du travail d’établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel.

L’employeur peut se défendre dans le cadre d’une action en faute inexcusable en contestant le caractère professionnel d’un accident.

Au cas d’espèce, l’employeur se prévaut précisément du jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 15 juin 2020 lui ayant déclaré inopposable la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels au motif d’un manquement de la caisse à ses obligations lors de l’instruction de la déclaration d’accident du travail. Le tribunal judiciaire de Nanterre a retenu que la caisse avait pris sa décision sur la seule base du certificat médical initial et de la déclaration d’accident du travail sans diligenter une enquête malgré les réserves expresses de la société alors que les pièces versées au débat ne permettaient pas d’établir la matérialité de l’accident en cause.

Néanmoins, une décision d’inopposabilité à l’employeur de la décision d’une caisse de prendre en charge un accident du travail, intervenue dans les relations entre la société et la caisse, quand bien même elle se fonde sur l’absence de preuve de la matérialité de l’accident en cause, n’a pas d’effet sur les relations entre la société et l’assurée, laquelle peut démontrer la matérialité du même accident du travail dont elle se prévaut pour rechercher la faute inexcusable de son employeur.

L’assurée indique avoir été victime le 25 mars 2016 d’un accident du travail l’empêchant de travailler jusqu’à ce jour. Elle précise que cet accident s’est produit à la suite d’un entretien avec la responsable des ressources humaines qui l’aurait convoquée à 11h50 dans son bureau afin de lui remettre une lettre. Elle explique qu’elle a refusé de signer cette lettre dont elle n’avait pas eu le temps de lire l’entier contenu avant de quitter le bureau.

La société ne conteste pas l’existence de cet entretien et le qualifie de courtois, poli et respectueux et sans agressivité. Il convient néanmoins de rappeler qu’il n’y a aucun témoin de l’entretien en cause et que les termes d’une conversation ne sont pas déterminants quant au caractère professionnel ou non d’un accident pour la qualification duquel il suffit d’un événement certain ayant causé une lésion aux temps et lieu du travail.

La société conteste précisément l’apparition d’une lésion imputable au travail en raison de cet entretien.

L’assurée décrit un fait précis non contesté par la société à l’origine d’une lésion contestée par la société. Pour autant, si le fait de déduire de son état de santé psychique et de son impossibilité à reprendre le travail la preuve de la matérialité d’un fait accidentel et d’une lésion apparue aux temps et lieu du travail n’est pas opérant, en revanche, sur la matérialité de l’accident, il est certain que la nature de l’entretien, sa teneur et sa cordialité sont sans emport sur le fait qu’une lésion psychique est bien apparue aux temps et lieu du travail et a été immédiatement rattachée aux suites de cet entretien comme le démontrent les pièces du dossier.

En effet, la déclaration d’accident du travail (pièce n° 3 de la société) établie le 31 mars 2016 par la société mentionne au titre de l’activité de la victime et de la nature de l’accident : « Se trouvait dans son bureau. Difficultés à respirer, s’est sentie très mal » le 25 mars 2016 à 13h19 (pour un horaire de travail de 9h30 à 12h30 et 13h30 à 17h30) ; accident connu par l’employeur le 29 mars 2016 à 09h51.

Il convient de rappeler que l’entretien fait suite à une convocation de l’assurée par la responsable des ressources humaines à 11h50 et qu’entre 12h30 et 13h30, il s’agit de l’heure de la pause déjeuner.

Ensuite, la « fiche bilan » établie par les services de secours de la tour à la suite de leur intervention du 25 mars 2016 indique une intervention à 13h33 (appel à 13h30) dans l’entreprise pour prise en charge de l’assurée avec pour commentaire « la personne est angoissée et en pleurs suite à une pression de sa hiérarchie au niveau de son travail », avec un bilan physiologique normal. La « fiche bilan » indique également que les services de secours ont « ramené la personne pour l’isoler de son poste de travail » et qu’elle « a regagné son domicile en taxi avec son mari qui est venu la chercher », une personne des services généraux ayant été avisée (pièce n°5 de l’appelante).

L’assurée a été conduite à l’hôpital en taxi par son époux (sa pièce n°6).

L’assurée a été examinée le 25 mars 2016 au service des urgences du centre hospitalier de [Localité 7] à 14h17 (pièce n°7 de l’appelante). Le médecin urgentiste a posé un diagnostic d’« anxiété » en indiquant un examen physiologique normal et :

« Le premier bilan aux urgences a montré :

« Reprise d’activité depuis 3 mois suite à une intervention de la hanche depuis, au travail pressions avec difficultés.

« Aujourd’hui crise avec départ du travail anticipé.

« Insomnie

« Pas de variation du poids

« Anorexie modérée

« En pleurs. Propos suicidaires.

« Réaccentuation des douleurs de la hanche droite connue.

« Donc nécessite un avis psychiatrique urgent. Secteur de [11], appel du psychiatre : peut la recevoir. Transfert. »

Après avoir été immédiatement transférée en ambulance à l’hôpital [11] (pièce n°6 bis de l’appelante), l’assurée a été examinée par un médecin psychiatre qui a établi un certificat le jour même en indiquant :

« Patiente vue ce jour aux urgences pour état de stress secondaire à un harcèlement et une pression sur le lieu de son travail.

« Dit qu’elle travaille avec la même équipe depuis 19 ans en CDI.

« Elle est mère de 3 enfants (23, 20 et 8 ans)

« Avait subi une intervention avec mise en place d’une prothèse de la hanche gauche en juin 2015 avec une reprise anticipée du travail en fin novembre 2015 à 80%.

« Sa supérieure hiérarchique l’aurait convoquée le 24 mars 2016 pour lui annoncer un changement de poste sans avoir pris en considération son avis, puis l’aurait reconvoqué ce jour pour lui faire signer des documents sans lui laisser un temps de réflexion à la lecture des documents (d’après les dires de la patiente). À son retour dans le service elle a été transférée aux urgences pour état de stress intense.

« À l’examen : patiente en pleurs, verbalise des idées noires sans scénario suicidaire. Idées péjoratives avec sentiment d’avenir bouché.

« Rapporte une insomnie depuis quelques jours suite à un stress au travail.

« Évitement

« Traitement anxiolytique et antidépresseur prescrit ce jour. » (pièce n° 8 de l’appelante)

L’assurée justifie donc d’une prise en charge psychothérapeutique dès le 25 mars 2016 qui sera ensuite poursuivie (pièces n° 9 à 15 et 37 à 40 de l’appelante) pour un syndrome anxiodépressif réactionnel avec notamment une hyperactivité neurovégétative (insomnies), un syndrome d’évitement et une grande irritabilité qui, en outre, a réactivé le jour de l’accident les douleurs de la hanche opérée.

Il importe peu qu’il soit fait état de faits de harcèlements allégués depuis trois mois et que les insomnies puissent caractériser une lésion ancienne, dès lors qu’il est établi que le fait du 25 mars 2016 a non seulement dolorisé un état physiologique préexistant mais a également aggravé ou révélé un état psychique antérieur qui était jusqu’ici inconnu. En effet, aucun suivi médical n’est établi avant le 25 mars 2016 (tous les certificats médicaux de 2016 à 2019 font état du seul événement du 25 mars 2016 sans jamais remonter à un événement plus ancien) et les pleurs, l’expression d’idées noires et de propos inquiétants manifestent l’apparition ou la révélation soudaine d’une lésion psychique à la suite de l’entretien en cause, peu important la qualité intrinsèque de cet entretien selon les impressions de la « supérieure hiérarchique » en cause.

Il n’est pas discuté que, lorsque l’assurée est retournée dans son bureau à l’issue de l’entretien en cause, ses collègues étaient parties déjeuner et qu’elle s’est alors isolée dans une salle de conférence où elle a téléphoné à son époux, puis est allée au bureau des délégués du personnel qui étaient également absents et qu’elle a ensuite vu M. [I] dans le bureau de cette dernière. Enfin, l’assurée est retournée dans son bureau où ses deux collègues, dont [M] [V], étaient revenues de déjeuner et qu’elle a eu ensuite une conversation avec un avocat associé de la société dans le bureau de ce dernier. Ces faits sont compatibles avec un entretien à 11h50 et l’appel des secours à 13h30, avec un dernier retour de l’assurée dans son bureau à 13h19.

Il ressort de l’attestation de [M] [V], collègue de travail travaillant avec l’assurée en « quadrinôme » (pièce n° 16 de l’appelante), établie le 16 août 2017, que le 25 mars 2016 l’assurée « est revenue dans notre bureau dans un état inquiétant. M. [I] alors déléguée du personnel a recommandé d’appeler le poste de secours de la tour Prisma. [L’assurée] pleurait et tremblait énormément, elle n’arrivait plus à parler distinctement. C’est donc moi son binôme qui ai appelé l’accueil afin qu’ils fassent monter les pompiers de la tour, et ce en présence de [l’assurée] et de Chrystelle C. Deux pompiers sont arrivés très rapidement, puis ont pris en charge [l’assurée] en l’emmenant avec eux. »

De même, dans son courriel du 31 mars 2016, [Y] [F], collègue de l’assurée et déléguée du personnel (pièce n° 17 de l’assurée), atteste également de l’état de l’assurée après l’entretien en cause puisqu’elle écrit à l’assurée que le 25 mars 2016 à son retour dans le bureau avec ses deux autres collègues, elle l’a « trouvée perdue, bouleversée ». Elle confirme également le départ de l’assurée avec « les messieurs de la sécurité ».

Cette attestation et ce courriel corroborent la « fiche bilan » des services de secours de la tour Prisma (pièce n° 5 de l’appelante déjà citée), peu important qu’il ne s’agisse pas de pompiers au sens strict, qui, au regard de l’état de l’assurée, indique qu’elle a été ramenée avec les intervenants « pour l’isoler de son poste de travail ».

Enfin, le fait que l’assurée qualifie ses relations avec la responsable des ressources humaines en cause de harcèlement moral visant à la faire démissionner traduit le ressenti de l’assurée depuis le 25 mars 2016 et les éléments qu’elle allègue avoir découverts ensuite ne sont pas de nature à remettre en cause le simple fait que la lésion psychique n’est apparue qu’à la suite immédiate de l’entretien en cause, fait révélateur de la lésion.

Il est ainsi établi que le 25 mars 2016 entre 11h50 et 13h19, l’assurée a été à la suite d’un entretien avec la responsable des ressources humaines, aux temps et lieu du travail, victime d’un traumatisme psychologique, avant d’être évacuée par les secours de la tour dans laquelle la société a son siège pour être isolée de son lieu de travail, avant d’être conduite à l’hôpital où ont été médicalement constatés une anxiété aux urgences puis un syndrome anxiodépressif dans un service psychiatrique où lui a été prescrit un traitement adapté.

Par conséquent, l’assurée établit la matérialité des faits, aucune contradiction n’apparaissant dans les déclarations constantes de celle-ci, lesquelles sont corroborées par des éléments objectifs. L’assurée bénéficie donc de la présomption d’imputabilité édictée par les dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, laquelle ne peut être écartée qu’en apportant la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.

La société n’établit pas la preuve que la lésion psychique survenue à la suite de l’entretien résulte d’une cause totalement étrangère au travail.

La matérialité de l’accident du travail étant établie, le moyen de la société fondé sur l’absence d’accident du travail ne peut pas prospérer.

Sur la faute inexcusable :

L’assurée soutient en substance que la chronologie des événements confirme que la société a tout mis en ‘uvre pour lui nuire afin qu’elle démissionne de ses fonctions et qu’elle est bien à l’origine de l’accident.

L’assurée explique que, pendant son absence, elle a eu vent de rumeurs selon lesquelles la société voulait se séparer d’elle et, lorsqu’elle a réintégré son poste de travail, elle est tombée sur des échanges de courriels en date du 10 novembre 2015 entre l’avocat associé avec lequel elle travaillait et la responsable des ressources humaines aux termes desquels par exemple l’avocat a écrit « au fait j’aimerais bien la garder, c’est le jour et la nuit » en parlant de la salariée qui l’a remplacée pendant ses absences, et qu’il avait encore écrit lorsqu’il a appris qu’elle serait encore absente pendant une dizaine de jours et ne reprendrait qu’en mi-temps thérapeutique pendant un mois : « Cela devient fatigant. Cela veut dire que nous ne pouvons pas compter sur elle. Ne peut-on pas garder [B] au moins un mois. » Ces échanges lui ont donc prouvé que la société voulait se séparer d’elle alléguant ne pas pouvoir compter sur elle eu égard à sa maladie. Si la société prétend que c’est de manière frauduleuse qu’elle s’est procuré ces échanges de courriels et que cela constituait une infraction pénale, la salariée rappelle que c’est dans l’exercice de son activité professionnelle d’assistante de direction qu’elle a eu accès à tous les comptes du compte mail des associés ainsi qu’à leurs agendas et que cela fait partie intégrante de ses missions, qu’il n’y avait aucune violation du secret des correspondances et que les courriers litigieux avaient pour objet son prénom et son nom.

L’assurée ajoute que, lorsqu’elle est rentrée en novembre 2015, elle a demandé une formation au logiciel Nova, nouvel outil de facturation, et que malgré ses diverses demandes la société ne la lui a pas accordée bien qu’elle prétende avoir acté cette demande.

L’assurée soutient que la société a poursuivi sa tentative de déstabilisation à son égard jusqu’en février 2016, période à laquelle elle a appris qu’en plus de son travail elle serait amenée à collaborer avec le service marketing, ce qui impliquait de rester debout pour la réception des clients et de modifier ses horaires de travail, alors qu’il lui était contre-indiqué de rester plus de 10 minutes debout à la suite de son accident, qu’elle avait signé un avenant de son temps de travail à 80 % et que la société ne rapporte pas la preuve que c’est elle qui avait manifesté le souhait de participer à l’organisation des « petits déjeuners ».

L’assurée explique que le 7 mars 2016, elle apprenait officieusement son changement d’équipe alors qu’elle travaillait pour la même équipe depuis 18 ans. Elle a appris cette affectation quatre jours avant l’arrivée de la nouvelle équipe. La société ne rapporte pas la preuve que c’est elle qui avait souhaité changer de poste. Ensuite, le 25 mars 2016, la société a voulu lui imposer de signer une lettre dont elle n’a pas pu lire intégralement le contenu en la menaçant de rompre son contrat de travail. En réalité, la salariée soutient qu’il ne s’agissait pas d’une lettre à émarger mais d’une lettre qui lui était imposée pour signature dont le refus l’exposerait à une rupture de son contrat de travail et qu’elle est alors sortie du bureau en pleurs complètement paniquée et déboussolée.

L’assurée soutient que la société a menti sur le déroulement de la journée du 25 mars 2016 en affirmant que c’est l’assurée qui avait contacté elle-même un agent du PC sécurité qui a appelé le SAMU qui a estimé au regard de la situation inutile d’intervenir et qu’aucun témoin ne pouvait confirmer les faits du 25 mars 2016. Or, il ressort du témoignage de [M] [V] (pièce n° 16) que c’est elle qui a appelé les services de secours qui sont intervenus rapidement. Il ressort de ce témoignage que cette salariée était présente après l’entretien en cause, a appelé l’accueil et que les pompiers sont arrivés juste après. La caisse a bien reconnu le caractère professionnel de l’accident. L’assurée soutient qu’elle n’a pas quitté de façon anticipée son poste de travail puisqu’elle a été prise en charge par le PC de sécurité de la tour Prisma et que les pompiers l’ont trouvée dans un état de stress extrême totalement paniquée et perdue.

L’assurée ajoute que la mauvaise foi de la société est établie au regard des chèques cadeaux puisqu’elle aurait dû bénéficier de ces chèques pour Noël et qu’elle n’a rien reçu depuis 2016. Elle en a fait la demande les 3, 17 et 30 décembre 2019 mais ne les a reçus que le 2 juillet 2020 et que ce retard qui peut sembler anodin confirme la volonté de nuire de la société à l’égard de sa salariée et du traitement particulièrement vexatoire qui lui est réservé. La société l’a d’ailleurs informée que son accident de travail devait être considéré comme un accident avec arrêt de travail de droit commun, ce qui a été démenti par la caisse en réponse à son message du 17 septembre 2020, de même que par l’inspection du travail qui lui a répondu que « l’inopposabilité de la décision de reconnaissance de l’accident du travail à la [société] permet uniquement à la société de ne pas avoir à supporter la charge des montants dus au titre de l’accident. Cette inopposabilité ne devrait pas entraîner de modification dans la situation de [l’assurée] concernant ses prestations de la [caisse] et ses droits acquis au sein de la société. » L’assurée fait valoir que la société n’a jamais répondu à sa demande du 12 novembre 2020 l’interrogeant sur le fondement juridique de son affirmation selon laquelle son accident devait être considéré comme un arrêt de droit commun. Elle fait valoir que l’une de ses collègues a également subi un traitement similaire et que cette dernière est en situation de burn-out en raison de la pression subie par la société et que sa santé s’est dégradée, faisant beaucoup de malaises et perdant beaucoup de poids. Elle-même est toujours en arrêt de travail à ce jour et dans l’incapacité de reprendre son activité au sein de la société, comme le confirme le rapport de Malakoff Médéric du 22 octobre 2019 (pièce n°41).

La société réplique que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas remplies et que la faute inexcusable ne se présume pas. Elle soutient que l’assurée ne rapporte pas la preuve d’un manquement à l’obligation de sécurité de résultat, la preuve que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger encouru par sa salariée et la preuve que l’employeur n’a pas pris les dispositions nécessaires pour l’en préserver. La société relève que les arguments en faveur de la reconnaissance d’une faute inexcusable avancés par l’assurée sont : des échanges de mails entre un avocat associé et la responsable des ressources humaines ; une absence de formation au logiciel Nova ; une collaboration avec le service marketing ; une affectation dans une autre équipe ; des pressions exercées pour lui faire signer une lettre ; le retard sur des chèques cadeaux. La société explique ainsi qu’à l’exception de l’argument tiré des chèques cadeaux, il s’agit des mêmes arguments développés par l’assurée pour tenter de justifier le caractère professionnel de l’accident lesquels ont déjà été réfutés, de sorte qu’il convient de se reporter à l’argumentation sur la matérialité de l’accident. Elle observe que cela reflète une absence totale d’arguments sur l’existence même d’une faute inexcusable.

Sur le chèque cadeau, la société répond que cet argument est irrecevable dès lors qu’il relève de la relation contractuelle et de la compétence du Conseil de prud’hommes. La société rappelle que si les chèques cadeaux sont distribués au personnel, celui-ci est tenu de venir les chercher dans un bureau. Or l’assurée était absente en fin d’année, de sorte que les chèques n’ont pu être remis qu’au retour de l’assurée. De plus, compte tenu de l’arrêt de longue durée, ces chèques étaient arrivés à expiration et il a fallu en commander de nouveaux, de sorte que l’intéressée les a reçus en retard.

Sur « le refus de l’assuré d’accepter les conséquences des décisions rejetant le caractère professionnel de son accident », la société allègue que l’autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale implique deux conséquences :

– Dans les rapports salarié/employeur/caisse : deux décisions ont confirmé l’absence de caractère professionnel de l’accident déclaré à la demande de l’assurée ([Localité 9] le 15 juin 2020 et [Localité 6] le 1er octobre 2019 [en réalité le 27 septembre 2019]) ;

– Dans les rapports employeur/salarié : l’assurée a introduit une action en justice sur la relation contractuelle en demandant la résiliation judiciaire du contrat de travail et la reconnaissance d’un harcèlement moral, sans pour autant, à cette occasion, solliciter du juge prud’homal la reconnaissance du caractère professionnel de son accident, de sorte que l’arrêt de la cour d’appel de Versailles est définitif sur cette question et que cette demande ne peut plus être formulée compte tenu du principe de l’unicité de l’instance applicable lors de la saisine du Conseil des prud’hommes par l’assurée.

C’est pourquoi elle a expliqué à l’assurée le 1er décembre 2021 qu’elle avait appliqué pour ses absences les dispositions relatives à la maladie et non à l’accident du travail.

Sur le respect de la réglementation par l’employeur, la société fait valoir que pour étayer l’argument de « rumeurs », l’assurée fait état d’un échange de courriels sans craindre de violer le secret des correspondances entre elle-même et une collègue en produisant un courriel « personnel et confidentiel » dans lequel sa correspondante écrivait en outre « tout ça doit rester entre nous », courriel versé en pièce adverse n°48 qui doit être déclaré irrecevable.

La société confirme qu’elle n’a jamais eu l’intention de se séparer de l’assurée ni pendant son arrêt maladie ni à son retour, et qu’à l’heure actuelle l’assurée fait toujours partie de ses effectifs. En revanche, la société rappelle que c’est bien l’assurée qui a souhaité rompre son contrat de travail par le biais d’une résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, laquelle a été rejetée par le Conseil des prud’hommes de Nanterre.

La société observe que les échanges de courriels témoignent au contraire du parfait accueil de l’assurée à son retour de maladie. L’assurée a sollicité la mise en place d’horaires flexibles, ce qui a été accepté le 26 juin 2015, etc. De manière générale, elle a toujours entendu satisfaire les demandes de l’assurée, par exemple :

– En termes d’organisation d’un entretien en urgence à la demande de la salariée le 26 novembre 2015 ;

– En termes de flexibilité de ses plages horaires de travail ou de report de congés payés non pris (2016) ;

– Les relations entre elles étant empreintes de cordialité (« chère [N] », « Bien cordialement ») ;

– Ainsi qu’en attestent leurs échanges de courriels les 25 et 26 juin, et 10 novembre 2015, et 18 et 19 février 2016, la responsable des ressources humaines a toujours fait preuve de bienveillance à l’égard de l’assurée.

En outre, la société soutient avoir appliqué toutes les règles relatives :

– À l’organisation d’une visite médicale de reprise après l’arrêt maladie de l’assurée ;

– À la mise en place de temps partiels thérapeutiques le 26 novembre 2015 ;

– À l’organisation d’un entretien professionnel conformément à l’article L. 6315-1 du code du travail avec l’assurée à l’issue de son arrêt longue maladie ;

– À l’organisation de formation en vue de l’adaptation de l’assurée à son poste de travail (formation assistante, formation Nova) ;

– Aux préconisations médicales en attribuant un fauteuil ergonomique répondant aux besoins de la salariée.

Il résulte de l’application combinée des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié ou de la maladie l’affectant, il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage, étant précisé que la faute de la victime, dès lors qu’elle ne revêt pas le caractère d’une faute intentionnelle, n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de la responsabilité qu’il encourt en raison de la faute inexcusable.

Il incombe néanmoins au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve d’une part de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, et d’autre part de ce que le manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l’employeur est une cause certaine et non simplement possible de l’accident ou de la maladie.

En l’espèce, si le moyen relatif aux chèques cadeaux ne se confond pas avec une demande et n’a donc pas été définitivement « jugé » par la juridiction prud’homale, pas plus que le caractère professionnel de l’accident qui échappait à sa compétence, pour autant ces éléments, qui sont postérieurs à l’accident du 25 mars 2016 (fins d’année 2016 à 2019), sont inopérants s’agissant de la question de la faute inexcusable.

De même, la question des effets de la déclaration d’inopposabilité à l’employeur de la décision de la caisse de prendre en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels est sans lien avec la question de la faute inexcusable, étant rappelé que dans les rapports caisse/assurée, l’accident reste un accident du travail et que dans les rapports société/caisse, l’employeur n’aura pas à supporter les conséquences financières de la prise en charge de cet accident.

Le respect de la réglementation par un employeur n’est pas de nature à l’exonérer de sa faute inexcusable le cas échéant.

Néanmoins, comme l’a relevé à juste titre la société, l’assurée ne démontre pas l’existence d’une faute inexcusable dès lors qu’elle se borne à invoquer des arguments sans rapport avec la démonstration de l’existence d’un danger dont la société avait ou aurait dû avoir conscience tout en s’abstenant de prendre les mesures nécessaires pour préserver la santé physique et psychique de sa salariée.

Sont inopérant en ce sens :

– Les échanges de mails entre un avocat associé et la responsable des ressources humaines dont l’assurée n’a pris connaissance qu’après le 25 mars 2016 et qui ne démontrent pas la volonté de pousser cette dernière à la démission mais font état d’une situation professionnelle compliquée pour la société ;

– Le courriel personnel reçu d’une collègue par l’assurée postérieurement à l’accident du travail et qui n’est en lien qu’avec l’existence réelle ou supposée d’une rumeur et qui donc n’a joué aucun rôle dans l’accident ; il n’y a pas lieu de déclarer pour autant cette pièce irrecevable ;

– L’absence alléguée de formation au logiciel Nova, étant observé que non seulement ce point est sans rapport avec l’accident et le sujet de l’entretien litigieux mais qu’il n’est pas établi au regard des pièces du dossier ;

– La collaboration alléguée avec le service marketing dont il n’est pas établi qu’elle soit en rapport avec l’accident, l’assurée comme la société ne s’expliquant pas sur le changement d’équipe envisagé et s’il s’agissait précisément de ce dernier service ;

– L’affectation dans une autre équipe, laquelle n’est intervenue qu’à la demande de l’assurée formulée le 26 novembre 2015 lors de l’entretien avec la responsable des ressources humaines qui a eu lieu à la demande de l’assurée à l’occasion de son retour, dans le cadre d’une reprise du travail en mi-temps thérapeutique, au cours duquel elle a fait part de ses difficultés avec l’avocat associé avec lequel elle travaillait ; si les doléances et la demande orale lors de l’entretien informel du 26 novembre 2015 n’ont pas été actées par écrit, l’assurée a néanmoins réitéré ses propos le 9 février 2016 lors de son entretien professionnel, qui a fait l’objet d’un écrit, en suggérant la « préparation des petits-déjeuners » et en expliquant ses doléances depuis sa reprise du travail à l’encontre de l’avocat associé avec lequel elle travaillait et qui lui reprochait ses absences (pièce n° 10 de la société) ; lors de cet entretien professionnel, l’assurée a dit : « Avant d’intégrer la [société] j’ai émis l’option et le souhait de ne pas collaborer avec [l’avocat en cause], chose à l’époque qui avait été prise en considération. Une collaboration est basée sur la confiance ; aujourd’hui ce n’est plus le cas ! » ; il s’évince de ces éléments que, si l’assurée n’a pas expressément demandé à changer d’équipe, elle a expressément demandé de ne plus « collaborer » avec l’avocat associé pour lequel son équipe travaillait, de sorte que cette demande équivalait nécessairement à une demande de changement d’équipe ou d’affectation de son équipe à un autre avocat ;

– Les pressions exercées pour lui faire signer une lettre qui sont alléguées dès lors qu’elles ne sont étayées par aucun élément objectif et probant.

Au surplus, il convient de retenir que l’assurée a saisi le CHSCT le 28 mars 2016 de son accident (pièce n°18 de l’assurée) et que le comité qui s’est réuni le 21 avril 2016 n’a décidé aucune mesure.

Il résulte de l’ensemble des éléments du dossier que l’assurée a été absente de juin à novembre 2015 en raison d’un arrêt de travail relevant du régime maladie ; que ses relations de travail avec son quadrinôme étaient cordiales et même amicales ; que sa reprise du travail à mi-temps thérapeutique avec l’avocat associé au service duquel elle était affectée ne s’est pas déroulée comme elle l’entendait ; qu’elle a souhaité ne plus travailler avec cet avocat ; que la responsable des ressources humaines a proposé à l’assurée une nouvelle affectation le 24 mars 2016 ; que l’assurée l’a refusée ; que le 25 mars 2016, la responsable des ressources humaines a convoqué l’assurée pour lui remettre une lettre relative à cette nouvelle affectation ; que l’assurée a refusé de la signer et a quitté le bureau de la responsable des ressources humaines ; que l’assurée a développé un syndrome anxiodépressif réactionnel à la suite de cet entretien.

De cette chronologie ne résultent ni l’existence d’un danger connu ou ayant dû être connu de la société ni une absence de mesures protectrices de l’assurée, aucune fragilité psychique ou harcèlement n’ayant été porté à la connaissance de la société avant le 25 mars 2016, la mésentente de l’assurée avec l’avocat avec lequel elle travaillait n’ayant été exprimée qu’en des termes neutres et pondérés sans évocation de harcèlement et la société ayant tenu compte de cette mésentente pour satisfaire le souhait de l’assurée de ne plus travailler avec l’intéressé.

Dans ces conditions, l’assurée ne rapporte pas la preuve d’une faute inexcusable de la société à l’origine de l’accident du 25 mars 2016.

Il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges.

L’assurée succombant en appel sera condamnée aux dépens et sa demande formée au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société l’intégralité de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l’appel recevable;

REJETTE le moyen tiré de la péremption d’instance ;

DÉCLARE recevables l’ensemble des demandes de [K] [E] ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT que l’accident du 25 mars 2016 est un accident du travail dans les relations entre la SELAS [8], employeur, et [K] [E], assurée ;

CONDAMNE [K] [E] aux dépens ;

DÉBOUTE [K] [E] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SELAS [8] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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