Secret des correspondances : 19 mai 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00709

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Secret des correspondances : 19 mai 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00709
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19 mai 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/00709

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 MAI 2022

N° RG 20/00709 – N° Portalis DBV3-V-B7E-TZQP

AFFAIRE :

[C] [N]

C/

S.A.S. CMI MEDIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Janvier 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F17/03393

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Christine AUBAGUE-MACAIRE

Me Michael AMADO

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [C] [N]

née le 07 Décembre 1969 à ALTON (GRANDE BRETAGNE)

de nationalité Anglaise

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Christine AUBAGUE-MACAIRE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 271

APPELANTE

****************

S.A.S. CMI MEDIA

N° SIRET : 345 404 040

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Michael AMADO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0448, susbtitué à l’audience par Maître GUY Charlotte, avocate au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Février 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Valérie AMAND, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCEDURE

Mme [N] a été engagée à compter du 1er février 2006 en qualité de Directrice Clientèle au sein de l’équipe Air France Hors Médias, par la société Hachette Filipacchi Interdeco, selon contrat de travail à durée indéterminée.

Le contrat de travail de Mme [N] a été transféré à la société Interdeco et ce, à compter du 1er juin 2007.

La société Interdeco est devenue Lagardère Publicité puis CMI Média par changement d’actionnariat et de dénomination.

La salariée a été nommée, à compter du 20 avril 2009, Directrice de Clientèle au sein de la Direction commerciale Europe, puis, en dernier lieu, elle exerçait les fonctions de Directrice de Clientèle à l’international, au sein de l’équipe Lagardère Global Advertising.

L’entreprise, qui a une activité de régie publicitaire dans le domaine des médias (presse, radio, télévision, Internet, mobile et tablette), emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des cadres, techniciens et employés de la publicité française.

Convoquée le 17 juillet 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 31 juillet suivant, Mme [N] a été licenciée par lettre datée du 3 août 2017 énonçant une cause réelle et sérieuse et plus particulièrement un ‘dénigrement, agressivité et malveillance vis-à-vis d’une stagiaire affectée à votre service et dont vous étiez la tutrice et une attitude irrespectueuse et malveillance vis-à-vis de vos supérieurs hiérarchiques et de vos collègues ; injures et remise en cause de leur compétence’. La salariée a été dispensée d’exécuter son préavis.

Contestant son licenciement, Mme [N] a saisi le 14 novembre 2017, le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et que soit condamnée la société à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s’est opposée aux demandes de la requérante et a sollicité une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 15 janvier 2020, notifié le 6 février 2020, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement de Mme [N] par la société Lagardère Publicité devenue CMI Média est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Rejette l’intégralité des demandes pécuniaires de Mme [N] ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles par elles engagés ;

Condamne Mme [N] aux dépens.

Le 6 mars 2020, Mme [N] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 12 janvier 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 14 février 2022.

‘ Selon ses dernières conclusions datées du 4 juin 2020, Mme [N] demande à la cour de :

La dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Infirmer en sa totalité le jugement,

En conséquence,

Dire et juger que le licenciement notifié par la société Lagardère Publicité devenue CMI Média suivant courrier en date du 3 août est dénué de cause réelle et sérieuse,

Par conséquent

Condamner la société CMI Média à lui verser les sommes suivantes :

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail : 68 946 euros.

– Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et brutal : 8618,34 euros

– Dommages et intérêts pour violation de la vie privée : 8618,34 euros

Assortis des intérêts au taux légal à compter de l’envoi de la lettre recommandée avec AR en date du 4 septembre 2017 de mise en demeure,

Condamner la société CMI Média à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de la présente procédure et les éventuels frais d’huissier de justice en cas d’exécution forcée de la présente décision.

‘ Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 27 août 2020, la société CMI Média demande à la cour de :

Confirmer le jugement ;

Ce faisant :

Dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Rejeter Mme [N] en l’ensemble de ses demandes, notamment la débouter de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire, vu l’article L. 1235-3 du code du travail ;

Constater injustifiée toute demande formée par Mme [N] sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail supérieure à 6 mois de salaire ; l’en débouter ;

En tout état de cause,

Rejeter Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement prétendument vexatoire et brutal ; l’en débouter ;

Rejeter Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts pour prétendue violation de sa vie privée ; l’en débouter ;

Rejeter Mme [N] de sa demande d’intérêts à compter du 4 septembre 2017 ;

A titre reconventionnel,

Condamner Mme [N] au paiement de la somme de 3 000 euros au profit de la société CMI Média en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [N] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

I – Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

‘Nous vous avons convoquée par courrier RAR du 17 juillet 2017 (également remis en main propre le 18 Juillet) à un entretien préalable à votre éventuel licenciement.

Vous étiez présente à cet entretien qui s’est déroulé le 31 juillet dernier, assistée par Mme [Y].

Vos explications n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits, malgré notre réflexion.

Nous vous notifions donc par le présent courrier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs suivants :

– Dénigrement, agressivité et malveillance vis~à-vis d’une stagiaire affectée à votre service et dont vous étiez la tutrice ;

– Attitude irrespectueuse et malveillante vis-à-vis de vos supérieurs hiérarchiques et de vos collègues ; injures et remise en cause de leurs compétences ;

En votre qualité de Directrice de Clientèle à l’international (LGA), vos principales missions regroupaient la gestion de la qualité du réseau des représentants à l’étranger, le support et l’aide à ce dernier, l’organisation des rendez-vous commerciaux et la participation à la réalisation du chiffre d’affaires.

Vos missions impliquaient à ce titre le suivi hebdomadaire des forecasts réseau (le follow up chart), le fait d’être force de proposition sur la diversification, le suivi de la formation réseau et la démarche qualité auprès des publishers France.

Dans ce cadre, Mme [U] était votre Manager N+2 depuis Avril 2016, ayant au demeurant rencontré une résistance certaine de votre part depuis son arrivée. M. [X] était votre Manager N+1, et il en a été de même le concernant.

Toujours est-il que nous avons découvert de votre part récemment des faits fautifs graves concernant d’une part une stagiaire affectée à votre service et dont vous étiez la tutrice, et d’autre part concernant les Managers précités, ainsi que certains de vos collègues.

1. Dénigrement, agressivité et malveillance vis-à-vis d’une stagiaire affectée à votre service et dont vous étiez la tutrice :

Dans le bilan de fin de stage d'[VG] [LS], stagiaire, que vous avez envoyé à la DRH le 13 juillet 2017, vous vous exprimez dans des termes offensants qui sont les suivants :

« En tant que tuteur du stage de Mme [VG] [LS], je suis très déçue par cette expérience.

Son comportement et ses compétences professionnelles me semblent très limités (versus ses prétentions/ études « international Business Studies »). J’ai dû la recadrer et lui expliquer à plusieurs reprises les points qu’il lui fallait impérativement améliorer.

Sa mauvaise maitrise du Français, qu’elle refuse d’utiliser – obligeant ainsi ses interlocuteurs à échanger en Anglais exclusivement – mais aussi de l’anglais, est très problématique dans le travail quotidien.

Par ailleurs, après 6 mais de stage, [VG] fait toujours preuve d’un très grand manque de compréhension de notre activité professionnelle. Elle ne sait pas se fixer/ni accepter les challenges (même quand on le lui demande). Elle oublie ou laisse tomber beaucoup de tâches…

Malheureusement, son attitude n’est souvent pas à la hauteur. Elle n’est pas soigneuse et n’effectue pas le travail demandé. Elle se braque assez facilement et n’a pas l’esprit d’équipe.

Elle manque par ailleurs de rigueur, y compris pour des taches basiques (ex : envoi d’un fichier par email, fixer un rdv, faire un calcul, prendre une petite initiative….).

J’ai toujours eu de très belles expériences avec mes stagiaires en tant que « tutrice ” notamment, [RL] [Z] « [PM] ” et [T] [R], en revanche, je suis extrêmement déçue et insatisfaite du travail et du relationnel d'[VG] [LS]. ”

Or, nous avons une analyse radicalement différente de la situation.

En effet, vos supérieurs hiérarchiques ont pour leur part constaté à plusieurs reprises et notamment lorsqu’ils ont repris vos dossiers en votre absence que vous ne transmettiez pas à [VG] [LS] les informations nécessaires pour accomplir sa mission. Ils vous en ont fait part en avril 2017 (mails de [D] [X] et de [TJ] [U] en date des 12 et 13 avril 2017).

Vous n’avez par ailleurs jamais alerté votre hiérarchie au sujet des difficultés que vous dites avoir rencontrées avec cette jeune femme.

C’est finalement [VG] [LS] elle-même qui, traumatisée et meurtrie par votre comportement des six derniers mois, a « craqué ” dans le bureau de [TJ] [U] quelques jours avant la fin de son stage.

Motivée par la volonté d’empêcher que les prochains stagiaires ne subissent le même sort, elle a envoyé un long mail à vos supérieurs hiérarchiques avant de quitter l’entreprise, le 13 juillet 2017.

Au-delà de l’absence de consignes, d’information et d’accompagnement de votre part, [VG] [LS] formalise dans ce mail l’enfer relationnel que vous lui avez fait vivre pendant six mois. Votre comportement, tel qu’il est décrit, est non seulement contraire aux valeurs et aux principes du Groupe Lagardère, mais purement et simplement inadmissible.

[VG] [LS] affirme en effet que vous lui avez interdit d’adresser la parole à plusieurs collaboratrices au sein du service pour des motifs divers, par exemple parce que l’une serait, selon vous, une personne ‘horrible’ ou qu’une autre travaille pour le bureau de [Localité 5] et que vous ne souhaiteriez pas qu’elle se mêle de vos affaires.

Coupée du reste de l’équipe, [VG] [LS] était dans l’incapacité de se défendre ou de trouver du soutien pour résister à vos attaques et à vos remarques blessantes, comme ce jour où, voulant s’assurer que votre volonté était bien de modifier un document important (le « follow up chart ”), elle vous a demandé de lui confirmer cette consigne. [VG] [LS] déclare que vous l’avez alors emmenée dans une salle de réunion et que vous lui avez rappelé en hurlant qu’elle n’était qu’une stagiaire alors que vous étiez senior, avant d’affirmer qu’elle avait un problème de compréhension et qu’elle devait améliorer son anglais.

Ce dernier point, que vous mentionnez aussi dans le bilan de stage que vous avez transmis à la DRH le 13 juillet dernier, est d’autant plus étonnant qu'[VG] [LS] a travaillé pendant deux ans comme interprète! De plus, d’après vos supérieurs hiérarchiques, [VG] [LS] parle parfaitement bien l’anglais.

Une chose est certaine cependant : en accablant [VG] [LS] de remarques incessantes et en lui interdisant de s’adresser à tels ou tels collègues, vous êtes parvenue à isoler votre stagiaire et à lui faire perdre toute confiance en elle pendant plusieurs mois.

Une de vos collègues, [M] [E], a constaté qu'[VG] [LS] était la seule stagiaire qui ne parlait pas au reste de l’équipe. Elle restait de longues heures à son poste de travail, régulièrement jusqu’à 19h30 voire jusqu’à 20h00, alors que vous quittiez le bureau habituellement vers 17h30.

[K] [G], qui était en stage du 1er septembre 2016 au 1er février 2017 et que [D] [X] a recontactée suite au mail d'[VG] [LS], explique dans un mail en date du 18 juillet 2017 qu’elle a été étonnée d’entendre vos commentaires durs et condescendants à propos d'[VG] [LS], alors que celle-ci ne cherchait qu’à progresser et à apprendre. Elle se dit aussi choquée de la différence de traitement qu’elle a constatée entre [VG] [LS] et la stagiaire précédente, envers laquelle vous aviez une attitude nettement plus accessible et amicale.

[VG] [LS] n’était dans l’entreprise que depuis deux semaines lorsqu'[K] [G] terminait son stage.

Votre attitude était telle qu’avant de partir, [K] [G] a conseillé à [VG] [LS] d’informer [TJ] [U] de la situation si celle-ci venait à perdurer. [VG] [LS] n’en a rien fait et a continué de souffrir en silence. Elle est cependant restée en contact avec [K] [G] à qui elle a envoyé plusieurs messages, lui décrivant une situation qui ne faisait qu’empirer. [K] [G] lui a de nouveau conseillé d’en parler à [TJ] [U].

Suite à son mail du 13 juillet dernier, [VG] [LS] a été reçue par [D] [X]. En pleurs, la jeune femme a expliqué qu’elle avait supporté tout cela pendant des mois sans rien dire ni alerter qui que ce soit parce que d’une part son premier réflexe, lié à sa culture et à son éducation, avait été de se remettre d’abord elle-même en question et que d’autre part, elle pensait que votre comportement était un comportement typiquement français (‘french style’) !

Heureusement, [VG] [LS] s’est finalement rendu compte que vous étiez la seule à vous conduire de la sorte au sein du service et que votre comportement ne pouvait être expliqué par aucune caractéristique culturelle ‘typique’ de la société française.

Votre attitude ‘harcelante’ responsable du mal être d'[VG] [LS] n’est ni excusable ni admissible et porte atteinte à l’image et à la réputation de la société Lagardère PUBLICITE et du Groupe Lagardère.

C’est d’ailleurs pour cela que [TJ] [U], qui avait vu [VG] [LS], demandait à remplir le rapport de fin de stage destiné à son École, craignant, compte-tenu des révélations de votre stagiaire sur le calvaire qu’elle avait subi, que les remarques que vous auriez pu formuler à son sujet nuisent à la suite de son parcours.

Les craintes de [TJ] [U] se sont d’ailleurs rapidement confirmées à la lecture du bilan de fin de stage, destiné au service RH de notre Société, que vous avez adressé à la DRH le 13 juillet dernier, conformément à ce qui précède.

Un point qui est très révélateur: alors que l’usage au sein de notre Société est de recevoir les stagiaires en entretien de fin de stage, ce que vous ne pouviez ignorer compte tenu de votre ancienneté, vous n’avez pas tenu cet entretien, préférant compléter le bilan de stage en l’absence de tout échange avec [VG] [LS]. Plus encore, vous vous êtes assurée de n’avoir pas à confronter votre rapport à la stagiaire concernée, pouvant faire part des propos malveillants précités sans avoir à en rendre compte… et en laissant en outre votre collègue de travail [KT] [Y] corriger ce rapport, à charge, en allant encore au-delà de ce que vous-même aviez l’intention d’indiquer !!!

Cette intervention de Madame [Y] dans vos écrits était d’ailleurs habituelle, ce que nous avons constaté, ayant été alertés par [VG] [LS] de contenus de mails choquants de votre part à l’égard de votre hiérarchie. Nous avons donc vérifié, et avons fait le constat d’un comportement gravement fautif de votre part à un tout autre titre, concernant vos Managers.

2. Attitude irrespectueuse et malveillante vis-à-vis de vos supérieurs hiérarchiques et de vos collègues : injures et remise en cause de leurs compétences :

Le fait est que vous ne semblez pas avoir davantage de considération pour vos supérieurs hiérarchiques que pour vos collègues ou votre stagiaire, ce que nous avons découvert en prenant connaissance de vos emails professionnels à compter du 13 Juillet dernier.

Depuis son arrivée au sein de Lagardère Publicité en Avril 2016, vous avez adopté une attitude constamment sur la défensive envers la Directrice Commerciale Internationale, [TJ] [U], vous montrant négative quant aux initiatives qu’elle a pu prendre.

Vous êtes même allée jusqu’à remettre en cause devant l’équipe la compétence et la stratégie de [TJ] [U]. Lors de la préparation d’une réponse à un appel d’offre du client Breitling, la présentation que vous aviez préparée avec le marketing n’étant pas convaincante, [TJ] [U] a reprécisé ce qu’elle attendait de vous. Vous avez alors affirmé – devant les équipes du service marketing – que [TJ] [U] ne comprenait pas le business parce qu’elle avait une approche trop « newspaper » et pas assez « magazine ». Celle-ci vous a alors recadrée avant de formaliser sa position dans un mail en date du 18 Janvier 2017, auquel vous n’avez pas répondu.

Lors de votre échange du 16 Janvier 2017, vous avez de plus reconnu avoir été «cruelle» envers [TJ] [U] pendant huit mois. Suite à cette discussion, [TJ] [U] vous a fait part, dans un mail en date du 31 Janvier 2017, de sa décision de ne vous attribuer que 80% de votre prime qualitative du deuxième semestre 2016, vous rappelant que « ce type de comportement est contre-productif et pénalise l’ensemble de l’équipe car il véhicule une ambiance négative et que « la bienveillance est l’une des valeurs fondamentales au sein du Groupe Lagardère ».

Alors que vos supérieurs hiérarchiques ont tenté de préserver une relation de travail saine et n’ont de cesse que de vous proposer leur soutien (cf mail de [TJ] [U] en date du 18 Janvier 2017 : « la porte de mon bureau t’est toujours ouverte pour parler de tes idées, tes problématiques ou tes besoins, n’en doute jamais ”, mail de [TJ] [U] en date du 30 Mars 2017 : « Si tu as du mal à gérer tes priorité, je te propose qu’on fasse un point tous les lundis ou que tu viennes me voir plus régulièrement pour que moi ou [D] t’aidions »), vous n’avez jamais « joué le jeu» et, à l’inverse, vous vous êtes murée dans une attitude négative, renforcée par un très mauvais état d’esprit, ponctué de jugements de valeur, de remises en cause des compétences de vos Managers voire d’insultes les concernant.

Ce comportement incontestablement gravement fautif est notamment illustré par vos nombreux échanges avec la Directrice Marketing et Communication, [KT] [Y], à qui vous transférez systématiquement vos échanges avec vos supérieurs hiérarchiques ; ces innombrables transferts donnant lieu à des commentaires désobligeants voire à des insultes donc, y compris de votre part.

Ainsi, le 6 juillet 2017, vous avez transféré à [KT] [Y] un mail que [TJ] [U] venait de vous adresser en indiquant « connasse ”.

Ce mail n’est qu’un parmi tant d’autres où vous traitez à multiples reprises [TJ] [U] de « C—l », de « C— ! x 10000 », d’incompétente ou de menteuse.

Il en va de même pour [D] [X] qui ‘ne comprend rien’, a selon vous les compétences d’un stagiaire (mail à [KT] [Y] en date du 5 Janvier 2017) et que vous êtes impatiente de voir chuter (mail du 28 Mars 2017). Il ne s’agit là que de quelques exemples parmi de nombreux autres où vous qualifiez [D] [X] de « cas… pitoyable », de « FLAMBY » (mail à [KT] [Y] du 28 Juin 2017), ou encore de ‘con’ (mail à [KT] [Y] du 23 Mars 2017).

Votre comportement nuit ainsi au bon fonctionnement de l’équipe et empêche toute performance collective alors que la situation économique critique dans laquelle se trouve la Presse, et plus particulièrement le marché de la presse féminine, nécessite plus que jamais la mobilisation de tous.

Loin de jouer collectif, vous rechignez à rendre compte de votre activité à vos supérieurs hiérarchiques qui sont sans cesse obligés de vous relancer pour savoir où en sont les dossiers dont vous avez la charge.

A cela s’ajoutent les qualificatifs et autres surnoms dégradants que vous donnez aussi bien à vos supérieurs hiérarchiques qu’à vos collègues. A titre d’illustration, vous tenez à l’encontre de [XE] [S], Assistante de direction de vos N+2 et N+3, que vous semblez appeler ‘[F]’, des propos choquants.

Ainsi, [XE] [S], que vous décrivez comme une personne «beurk» (mail à [KT] [Y] du 28 Juillet 2016) serait, selon vous, une «salope sans c’ur ” (mail à [KT] [Y] du 13 octobre 2016), « bizarre ” (mail à [KT] [Y] du 29 Mars 2017), « bête » (mail à [KT] [Y] du 22 Juin 2017), à tel point que « plus conne tu meurs… 😉 » ou encore « dégoutante » (mails à [KT] [Y] du 2 Novembre 2016).

D’autres de vos collègues sont qualifiés de « limace », « caca » (mail à [KT] [Y] du 25 Avril 2016) ou encore ‘[A]’ (mail à [KT] [Y] du 13 Octobre 2016)… Autant de propos aussi inadmissibles que choquants.

Vos échanges avec [KT] [Y] ne se limitent pas à insulter ou à dénigrer vos supérieurs hiérarchiques et vos collègues. En effet, vous avez pour habitude de lui transférer de façon systématique non seulement les mails qu’ils vous adressent mais aussi vos projets de réponse, qu’elle vous renvoie corrigés en quelques minutes !

Au-delà du non-respect des principes et de la morale, votre comportement envers vos différents interlocuteurs vous fait perdre un temps et une énergie considérables.

Cette perte de temps et d’énergie ne vous permet pas d’être efficace dans la réalisation des tâches qui vous sont confiées, d’autant que votre temps de présence au bureau est très inférieur à celui de vos collègues (cf échange de mails avec [TJ] [U] en date du 1er Mars 2017). De tels actes révèlent un comportement calculateur et totalement déplacé.

Au demeurant, il est manifeste que vous faites également preuve de beaucoup de préjugés. Travaillant au sein d’un département international, vous devriez faire preuve d’une grande ouverture d”esprit ce qui n’est manifestement pas le cas, pour exemples certains de vos propos à ce sujet : « Ces Grecs, ils ne savent pas faire du business », «les éditeurs asiatiques sont horribles», « les salariés du back office ne sont pas stressés » autant de jugements sans appel entendus par [VG] [LS] tout au long de son stage. Sans parler de vos réflexions au sujet de ses compatriotes chinois : « Ces gens ne semblent pas savoir se servir d’intranet, nous devons les baby sitter ».

De tels préjugés sont incompatibles avec votre fonction de Directrice de clientèle au sein d’un service international.

Votre comportement s’inscrit en outre en totale contradiction avec le Code de déontologie du Groupe Lagardère, dont vous avez parfaitement connaissance, lequel prévoit notamment en son article 2 qu’« aucune situation professionnelle ne peut justifier d’actes de dénigrement, de violence ou de propos injurieux ».

Cette situation ne peut perdurer car elle est grave et intolérable, en dépit de votre ancienneté.

Nous avons été contraints de vous prévenir, le mardi 18 Juillet 2017, que nous étions amenés à envisager votre licenciement (votre convocation ayant été envoyée la veille). Clairement, nous avions hésité à envisager votre éventuel licenciement pour faute grave en vous mettant à pied à titre conservatoire, ce que nous avons finalement décidé de ne pas faire compte tenu de votre ancienneté. Mais la gravité des faits constatés et de votre comportement fautif est une réalité.

Pendant l’entretien préalable, vous avez nié non sans une certaine mauvaise foi l”ensemble des éléments qui vous ont été exposés, affirmant que vous n’aviez pas le souvenir d’avoir écrit de tels mails, et indiquant vous être toujours bien comportée envers [VG] [LS], qui selon vous, ne respectait pas le règlement de l’entreprise. En tout état de cause, le prétendu non-respect du règlement de l’entreprise par votre stagiaire ne justifiait en aucun cas que vous agissiez de la sorte avec elle.

Toujours au cours de l’entretien préalable, vous nous avez reproché de ne pas avoir discuté des griefs précités avec vous hors du cadre procédural, indiquant que nous prenions pour vérité absolue la parole d’une stagiaire ». Outre le fait que la parole de chaque membre de notre Société compte, peu important son statut ou son ancienneté, les dires d'[VG] [LS] sont corroborés par l’ensemble des éléments précités, graves et inacceptables, que vous avez écrits, qu’une discussion n’aurait pas effacés.

Vous avez conclu l’entretien en indiquant que : «Je suis une personne digne, honnête. Beaucoup de gens vont dire du bien de moi. J’ai un avocat, je ne suis pas dans l’obligation de vous répondre aujourd”hui ».

Dont acte.

Nous n’avons pas la même analyse de la situation, ce que nous regrettons, mais il est impossible de poursuivre plus avant nos relations contractuelles.

Par le présent courrier, nous vous notifions donc votre licenciement pour cause réelle et sérieuse’.

Mme [N] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, contestant les deux griefs qui lui sont reprochés. Elle affirme que l’employeur ne rapporte aucun élément objectif permettant de justifier de ces faits prétendument commis par elle, ni de leur gravité et prétend qu’il s’agit en réalité d’un licenciement économique déguisé.

La salariée reproche notamment au conseil de prud’hommes d’avoir jugé qu’elle avait commis un abus de pouvoir vis-à-vis de Mme [LS], de s’être contenté de s’appuyer sur de simples présomptions et estime que les moyens utilisés pour obtenir les informations litigieuses sont illicites, concluant qu’elle n’a commis aucun abus de la liberté d’expression.

La société réplique qu’elle a été informée en juillet 2017 de faits graves à l’encontre de Mme [N] justifiant le prononcé d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Elle affirme que les motifs du licenciement s’appuient sur de nombreux éléments objectifs, écrits et concrets. Elle reproche ainsi à Mme [N] d’avoir adopté une attitude harcelante vis-à-vis de Mme [LS] et d’avoir fait preuve d’une attitude irrespectueuse et malveillante avec elle, attitude que la salariée a également adoptée vis-à-vis des collègues et plus particulièrement de ses supérieurs hiérarchiques.

Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il convient d’observer qu’aucune prescription des faits fautifs n’est invoquée par la salariée qui conclut que l’employeur n’en a eu connaissance qu’à la suite de la réception de la lettre envoyée par Mme [LS] le 13 juillet 2017.

Il convient également d’observer que le contrat de travail de la salariée stipule notamment que : ‘Vous êtes tenue de conserver en bon état les biens, moyens et matériels mis à votre disposition par l’entreprise et à les utiliser conformément aux règles édictées par celle-ci. L’accès et l’utilisation des informations traitées dans l’entreprise doivent s’exercer dans le cadre de votre activité professionnelle […] En cas d’inobservation de votre part des règles d’utilisations définies ci-dessus, vous vous exposez à des mesures disciplinaires en fonction de la gravité du manquement commis.

L’utilisation d’internet est réservée à un usage professionnel et ne doit, aucunement, être susceptible de mettre en jeu la responsabilité pénale de l’entreprise […]’.

Mme [N] a par ailleurs signé une déclaration de prise de connaissance d’un code de déontologie du groupe Lagardère le 2 décembre 2016 et le règlement intérieur produit par la société fait ainsi mention : ‘Les lignes informatiques et téléphoniques mises à la disposition des salariés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions ne peuvent être utilisées à des fins personnelles que si celles-ci sont liées aux nécessités impératives de la vie privée.

7.2 Le matériel confié aux salariés de la société dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions est la propriété de la société et doit être exclusivement utilisé à des fins professionnelles. Il ne peut être ni emporté, ni utilisé à d’autres fins, notamment personnelles, sans autorisation préalable. […]

7.3 L’attention des salariés de la société est tout particulièrement attirée sur le fait que l’entreprise est une communauté constituée de personnes très différentes qui doivent collaborer en vue de l’accomplissement de leur activité professionnelle. Chacun doit ainsi veiller à adopter une tenue vestimentaire et une attitude permettant aux relations professionnelles de s’exprimer dans la plus grande sérénité et dans le respect de la liberté et de la dignité de chacun. Il en résulte que toute rixe, injure, insulte, incivilité ou encore tout comportement agressif qui se produirait sur le lieu de travail et qui seraient susceptibles de compromettre le bon déroulement du travail et de porter atteinte à la dignité des personnes et à l’image de la société pourraient faire l’objet de l’une des sanctions les plus sévères prévues au présent règlement intérieur. Il en est très exactement de même de tout comportement raciste, xénophobe, sexiste et/ou discriminant au sens des dispositions du code du travail et du code pénal’.

La société reproche à Mme [N] un dénigrement, ainsi que d’avoir fait preuve d’agressivité et malveillance vis-à-vis d’une stagiaire ainsi qu’une attitude irrespectueuse et malveillante vis-à-vis de ses collègues, caractérisée notamment par des injures et une remise en cause de leurs compétences.

S’agissant du dénigrement, agressivité et malveillance vis-à-vis d’une stagiaire :

L’employeur produit aux débats un mail envoyé par Mme [LS] à Mme [U], avec en copie M. [X], daté du 13 juillet 2017rédigé en langue anglaise et traduit librement en ces termes :

‘Le temps file et il est temps de dire au revoir. Ce stage a été semé de hauts et de bas, j’ai acquis des compétences professionnelles limitées et j’ai finalement décidé d’agir professionnellement pour cette entreprise et de terminer mes 6 mois précieux ici. Je m’excuse si les faits que je vais mentionner vous attristeront, mais je ne peux pas simplement ignorer ces choses qui, selon moi, vont s’aggraver et blesser plus de gens.

“C’est une personne horrible, je ne veux même pas que tu lui parles !”

En février, alors que je préparais la visite de [MR], on m’a demandé d’emprunter un projecteur à [XE]. Je l’ai emprunté et j’ai demandé de l’aide à [XE] parce que c’était la première fois, que je l’utilisais et que je ne voulais pas casser un bien public. [C] s’est mise tellement en colère et m’a demandé d’aller dehors avec elle. Elle a dit : ‘C’est une personne horrible, je ne veux même pas, que tu lui parles ! Tu dois réfléchir et comprendre les choses par toi-même !’ Et depuis lors, je suis assise sur un étrange axe entre [C] et [XE].

Quand [XE] était en vacances, j’ai demandé à [C] où elle était allée et elle a répondu : « il y a des gens ici qui nous intéressent et d’autres auxquels nous n’avons pas besoin de faire attention.” Et ça c’était le début de toutes ces étranges choses.

“Oui, [VG], tu m’as causé beaucoup de problèmes’

Au cours de son premier long congé, elle ne m’a laissé aucune instruction concernant les affaires et a juste dit : « Si vous avez un problème, vous pouvez demander à des personnes autour de vous dans ce bureau ”.

Lors de la réunion hebdomadaire, lorsque vous avez demandé si [C] m’avait donné des instructions à propos des demandes de renseignements ou non, j’ai dit que je n’avais rien reçu, mais que je vérifierais ses courriels. Plus tard, [D] lui a envoyé un courriel pour lui dire que cela n’avait aucun sens de laisser une proposition importante et de partir en vacances. J’ai vu le courrier électronique et j’ai envoyé un message à [C] pour qu’elle vérifie son courrier électronique. Elle a ensuite vérifié et travaillé dessus. Je l’ai appelée pour lui dire que j’étais horriblement désolée de ne pas être au courant des demandes de renseignements qui ont provoqué l’envoi d’un courrier électronique de [D] et que cela n’a pas dû être agréable pour elle.

Elle a répondu : ‘Oui, [VG], vous m’avez causé beaucoup de problèmes, j’ai entendu dire que vous aviez dit que je ne vous avais rien dit lors de la réunion ”.

“[H] travaille pour le bureau de [Localité 5], je ne veux pas qu’elle soit dans mes affaires”

Pour la demande de [P] [B] au sujet d’une interview, elle était en vacances, alors vous avez demandé à [H] de m’aider avec cela. [C] a vu cela et m’a demandé pourquoi j’avais envoyé des choses à [H]. J’ai dit que vous aviez demandé à [H] de m’aider. A son retour de vacances, elle me dit : “[H] travaille pour le bureau de [Localité 5], je ne veux pas qu’elle soit dans mes affaires.” On m’a d’abord demandé de ne pas parler à [XE], puis je ne pouvais pas poser des questions sur les affaires du bureau de [Localité 5]. Mais je dois dire que j’ai été tellement impressionnée par la façon dont [H] a géré la demande, c’est l’expérience la plus instructive que j’ai jamais vécue au bureau.

“Vous êtes juste un stagiaire, je suis une senior ici !”

“Je pense que tu devrais améliorer ton anglais et je pense que tu as un problème de compréhension”. En ce qui concerne le tableau de suivi, elle a trouvé des modifications à propos de GANT qu’elle ou vous m’aviez précédemment transmises et m’a demandé de les modifier à nouveau. Je voulais m’en assurer et lui ai demandé si elle en était sûre parce que je n’aurais jamais rien changé du suivi sans aucune instruction. Elle s’est fâchée et m’a demandé d’aller à la salle de réunion avec elle. Dans la salle de réunion, elle m’a crié : « Tu n’es qu’une stagiaire, je suis une senior ici ! Je pense que tu devrais améliorer ton anglais et je pense que tu as un problème de compréhension ! ”. Ma majeure en Chine était l’anglais et j’ai travaillé comme traductrice à plein temps pendant deux ans. À cette époque, personne n’a jamais dit que j’avais un problème de compréhension avant elle.

“On dirait que ces personnes ne savent pas utiliser l’intranet, nous devons les baby-sitter”

Une fois que [D] a transmis à [C] une demande de renseignements de notre représentant en Chine, [C] a déclaré : ‘Il semble que ces personnes ne sachent pas utiliser l’intranet, nous devons les baby-sitter’. Mais lorsque j’ai appelé le représentant en Chine, il m’a dit qu’il avait le compte Intranet depuis l’année dernière et qu’il souhaitait simplement que le mémoire soit plus précis puisqu’il s’agissait d’un cas particulier.

« Les gens de back office n’ont pas de stress ”

[C] m’a demandé de mettre à jour le tableau de suivi avec [OO] qui n’avait pas eu le temps avant le 6 juillet. J’y suis allée et j’ai vérifié beaucoup de choses avec [OO]. Elle avait même créé un nouveau fichier Excel afin de m’aider. Quand je suis revenue au bureau, [C] m’a demandé comment les choses s’étaient passées. J’ai dit que [OO] avait été très gentille avec moi et qu’elle m’avait beaucoup aidé. [C] a déclaré : ‘Oh, les employés du back-office n’ont pas de stress ”. En réponse, je lui ai dit que [OO] travaillait très dur. Elle a déclaré : ‘Tout le monde travaille dur au bureau ”, puis elle s’est retournée et a continué à consulter son compte Facebook.

“Je ne vais pas vous répondre à moins que tu me présentes des excuses.”

Le 7 juillet, je me suis disputée avec elle dans le bureau parcequ’elle dit à [O] : « [VG] a dit qu’il serait difficile pour elle de faire un IO en anglais. ” Je ne lui ai jamais dit cela. Je ne pouvais pas croire qu’après avoir travaillé dur dans cette entreprise avec elle pendant six mois, elle pourrait fabriquer des faits sur moi sans raison. À ce stade, il y avait quelque chose pour lequel j’avais besoin d’une vérification de sa part, mais elle m’a dit : « Je ne vais pas te répondre à moins que tu me présentes des excuses, maintenant je suis prête, tu peux dire : [C], je m’excuse pour… ” J’ai refusé par principe, car j’ai considéré qu’il n’y avait rien dont je devais m’excuser.

“Pouvez-vous arrêter de me poser des questions et utiliser votre logique ‘”

“Je ne suis pas surpris qu'[AW] à Hong Kong ait été remplacée, elle est horrible.”

“Ces Grecs ne savent pas comment faire des affaires.”

“Ces éditeurs asiatiques sont horribles’

J’ai simplement entendu trop de jugements sévères et discriminatoires rendus par [C] au cours des six derniers mois.

Je n’avais jamais fait de stage auparavant, parce que mon université m’a recommandée et que j’ai été embauchée avant même d’avoir obtenu mon diplôme, j’ai donc sauté la période de stage. J’ai voyagé et travaillé (j’ai travaillé comme traducteur pour des voyages d’affaires gouvernementaux et des groupes de charité internationaux) en Chine quand j’étais à l’université et j’ai travaillé comme traducteur professionnel pour un projet international pendant 2 ans. J’ai eu des expériences avec des entreprises et des projets internationaux, mais cette fois avec [C] a été vraiment unique. Au début, je pensais que c’était le style français, mais ensuite, j’ai juste remarqué que tout le monde travaillait si dur, à part elle. Mes autres collègues sont très sympathiques et on n’a pas dit aux autres stagiaires de ne pas parler à quelqu’un. Je ne veux pas

juger [C] et je ne veux pas attaquer votre relation de travail. Mais pour le bien de cette entreprise et des futurs stagiaires, je pense que je dois écrire ces choses.

Bien que mon tuteur lors de ce stage n’ait pas été aussi bon, j’ai quand même été impressionnée par le travail acharné de mes collègues et par la manière dont vous et [D] motivez nos clients et nos représentants. J’ai appris des choses ici, mais si j’avais une autre chance, je ne reprendrais pas cette position. Le temps est précieux et ces jugements sévères ont fait très mal. Ces commentaires et approches vis-à-vis de nos clients et représentants étaient totalement différents de mon expérience de travail dans le passé et des théories que j’ai apprises à l’école.

Je me sentais très coupable pour mon niveau de français mais je n’avais pas réalisé que le français était la langue de travail ici et personne ne me l’a dit auparavant. Mon entretien téléphonique avec [C] était en anglais et je lui ai demandé si un entretien en face à face serait nécessaire. Elle a répondu non. Je ne demandais pas ce stage et je ne méritais pas d’être traitée comme je l’ai été. Même si je ne refuse jamais de traduire anglais-français et que je traduis des dossiers de presse en chinois, il aurait donc été préférable que notre bureau utilise le français comme langue de l’interview. J’ai refusé quatre autres offres d’entretien et suis venu chez LGA afin de me développer, mais maintenant je dois essayer d’oublier les mauvaises choses que j’ai vécues.

Malgré ce comportement négatif et ces jugements cruels sur nos partenaires stratégiques du monde entier, LGA est sans aucun doute une équipe performante. Je voulais vraiment rejoindre l’équipe, mais je ne pouvais pas. J’espère que ces choses que j’ai mentionnées aideront l’équipe et j’espère vraiment que les choses iront mieux’.

Cette plainte de la stagiaire, Mme [LS], est corroborée par des courriels émanant d’autres salariés de l’entreprise et notamment de :

– M. [X] qui indique à Mme [J], à la suite de la réception de la plainte de Mme [LS] : ‘Je suis étonné du bilan que [C] donne à sa stagiaire [VG] car [C] ne nous a jamais alerté sur cette situation. Pendant les congés et absences de [C], [TJ] et moi avons travaillé plusieurs fois avec [VG] qui est une jeune femme consciencieuse et désireuse d’en apprendre plus. Son anglais est absolument irréprochable et son français dans l’environnement international de notre département (qui accueille actuellement 3 stagiaires anglophones) n’est pas nécessaire dans le cadre de ses fonctions. Je suis donc doublement surpris des commentaires de [C]. En revanche, ci-joint l’email que je viens de recevoir d'[VG] et que j’allais justement te transférer. Je suis stupéfait et abasourdi de ses commentaires.

Cet email fait échos aux différents problèmes de comportement que nous rencontrons avec [C] depuis maintenant plusieurs mois et te demande d’intervenir en urgence sur cette situation qui doit cesser. Certains membres de l’équipe sont déjà venus me parler du comportement de [C] et nous ne pourrons tolérer de tels agissements et comportements au sein de notre département, que nous voulons ouvert, bienveillant et accueillant pour les jeunes recrues’.

– Mme [G], ancienne stagiaire, qui relate le 18 juillet 2017 à M. [X] les faits suivants : ‘Oui, j’ai commencé à remarquer que [C] agissait de manière déraisonnable envers [VG] lors de mon dernier mois au bureau. Son comportement vis-à-vis de son ancienne stagiaire, Stef, était beaucoup plus amical et abordable, et je savais que Stef ne parlait qu’affectueusement de [C]. J’ai donc été surprise d’entendre des commentaires tout à fait condescendants envers [VG] alors qu’elle essayait seulement d’apprendre et de s’améliorer.

J’ai mentionné à [VG], quand je suis partie, de parler à quelqu’un comme [TJ] à ce sujet si cela continuait.

Au cours des derniers mois, j’ai reçu des messages d'[VG] expliquant comment elle se portait. Tandis que la situation semblait s’aggraver, je lui ai dit de parler à [TJ] le que possible, car elle semblait souffrir en silence. [VG] m’expliquait qu’elle continuait à recevoir des commentaires plutôt méchants de [C], par exemple, chaque fois que [VG] commettait une erreur, elle semblait toujours « mettre la faute sur les autres ” et qu’elle devait ‘utiliser sa logique chinoise’ au travail. [VG] a expliqué qu’elle se sentait souvent mal et qu’elle essayait de corriger ce qu’elle faisait mal, mais [C] ferait encore des remarques selon lesquelles [VG] ne la respecterait pas assez, ce avec quoi je ne peux honnêtement pas être d’accord considérant les efforts déployés par [VG] pour essayer réaliser les tâches qui lui étaient confiée. Je suis choquée par la différence de traitement entre la précédente stagiaire et [VG], puisque [C] a informé les RH des deux jours de congés demandés par [VG], déduction en étant faite sur son salaire, ce qui n’a pourtant pas été le cas pour l’ancien stagiaire – qui a demandé des jours de congé – et son salaire est resté le même. Au moment où on m’a informée de cela, je l’ai persuadée de parler à [TJ], car cela ne semblait pas être un comportement raisonnable. Depuis, elle est très reconnaissante et j’ai l’impression qu’elle est contente de repenser à son stage et de savoir qu’elle a beaucoup appris. D’après ce que j’ai entendu d'[VG], [C] semble avoir davantage profité d'[VG] en tant que stagiaire personnelle pour la contrôler, et d’après ce que j’ai compris, je suis d’avis que le prochain stagiaire pourrait être davantage partagé au sein de l’équipe pour tenter d’éviter tout problèmes similaires qui pourraient survenir. J’espère que cela vous aidera à comprendre la situation à laquelle [VG] a été confrontée. Je sais qu’elle ne veut pas attrister [C] et c’est pourquoi elle hésitait à en parler à qui que ce soit, mais je sais qu’elle est plus heureuse depuis qu’elle sait qu’elle a le soutien de [TJ]’.

Contrairement à ce que fait valoir Mme [N], le seul envoi d’un mail de Mme [LS] à sa tutrice le 10 mars 2017 rédigé en des termes élogieux suite à une autorisation de congés ne suffit pas à exclure tout comportement néfaste de la part de la salariée envers sa stagiaire, cette dernière ayant pu vouloir témoigner de sa reconnaissance et rassurer Mme [N] quant à sa motivation.

Outre ces éléments et alors que le bilan de stage est particulièrement négatif, Mme [N] n’a pas permis à sa stagiaire de s’expliquer ou de formuler ses observations puisqu’elle a expliqué à Mme [Y], dans un mail du 10 juillet 2017, qu’elle souhaitait éviter toute discussion avec la stagiaire [VG] [LS] et partant, a consulté Mme [Y] afin d’obtenir son avis quant à l’obligation éventuelle de recevoir la stagiaire en entretien de fin de stage ou la possibilité de remplir elle-même le bilan de fin de stage sans réaliser d’entretien, ce qu’elle a effectivement fait par la suite.

L’attitude reprochée à Mme [N] vis-à-vis de Mme [LS] dont elle était la tutrice est démontrée. Le grief est établi.

Sur l’attitude irrespectueuse et malveillance vis-à-vis des collègues et remise en cause de leurs compétences :

Pour justifier de ce grief, la société verse aux débats de nombreux échanges de mails.

En premier lieu, Mme [N] soutient que l’employeur devait l’informer au préalable des modalités et des raisons de la surveillance de ses courriels professionnels, ce qu’il n’a pas fait, en violation notamment des dispositions de l’article L.2323-47 du code du travail.

Aux termes de l’article L. 1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

L’article L. 2323-32 du code du travail, antérieur à la loi nº 2015-994 du 17 août 2015, devenu postérieurement l’article L 2323-47 du même code, dispose que le comité d’entreprise est informé, préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi ainsi que sur toute modification de celles-ci. Il est aussi informé, préalablement à leur introduction dans l’entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci.

Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en ‘uvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés.

Toutefois, l’absence de déclaration simplifiée d’un système de messagerie électronique professionnelle non pourvu d’un contrôle individuel de l’activité des salariés, qui n’est dès lors pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés au sens de l’article 24 de la loi « informatique et libertés », ne rend pas illicite la production en justice des courriels adressés par l’employeur ou par le salarié dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés et conservés par le système informatique.

En l’espèce, la messagerie professionnelle incriminée n’a pas été installée, ni utilisée pour contrôler individuellement l’activité de Mme [N], de sorte que celle-ci ne peut invoquer les dispositions du code du travail relatives aux conditions de mise en ‘uvre, dans une entreprise, des moyens et techniques de contrôle de l’activité des salariés.

En deuxième lieu, il doit être rappelé que les courriers adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels.

En l’espèce, il convient de relever, d’une part, que l’employeur a bien mis à la disposition de la salariée une adresse de messagerie professionnelle avec laquelle cette dernière a envoyé l’ensemble des courriels litigieux et qu’aucun des mails figurant sur la boite professionnelle n’est identifié comme « personnel », de sorte qu’ils pouvaient légitimement être consultés par l’employeur sans atteinte à l’intimité de la vie privée.

En troisième lieu, la salariée invoque une atteinte à la liberté d’expression et au principe du secret des correspondances privées et la nécessité pour le juge de vérifier la justification et la proportionnalité de l’atteinte portée par l’employeur à ces principes. Rappelant que seul l’abus de la liberté d’expression par l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs est répréhensible, Mme [N] considère que tel n’est pas le cas de ses mails qui doivent s’apprécier au regard du contexte dans lequel sont intervenus ces échanges, à savoir que les propos tenus n’avaient aucune vocation à être publics et qu’ils n ‘ont entraîné aucune perturbation dans l’entreprise.

L’employeur réplique qu’il poursuivait un but légitime puisqu’informé par Mme [LS] d’échanges de courriels injurieux de la part de Mme [N] à l’égard de sa hiérarchie, sur la messagerie professionnelle, sans identification d’un contenu ‘personnel’, il était légitime à les ouvrir, ces mails n’ayant aucun caractère privé. L’employeur affirme qu’il pouvait procéder au licenciement en considération du contenu auquel il avait connaissance compte tenu de son pouvoir de contrôle. La société ajoute que les salariés avaient notamment signé un code de déontologie et qu’ils devaient agir avec respect.

Sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. Un abus est caractérisé lorsque les propos reprochés sont excessifs, diffamatoires ou injurieux.

Il résulte des échanges litigieux les éléments suivants :

S’agissant de Mme [U] :

– suite à un mail envoyé par Mme [U] le 5 juillet 2017 à Mme [N] afin de lui demander un retour sur le bouclage et sur la vente d’une page sur le réseau, Mme [N] y a répondu le 6 juillet 2017 et a transféré le mail à Mme [Y] en commentant ‘Connasse’. Par un second transfert de mail, Mme [N] a également écrit : ‘Elle comprend ce qu’on fait tu crois” ;

– en réponse à un mail envoyé par Mme [U] le 26 janvier 2017 à Mme [N], afin d’obtenir un rendez-vous avec Google Star, Mme [N] a indiqué qu’elle allait poser la question à [KT] [[Y]] et lui a transféré le mail en annotant : ‘C—-!’ ;

– Mme [N] a également transféré un mail qui lui avait été envoyé par Mme [U] le 26 janvier 2017 par lequel elle refusait la demande de prime exceptionnelle en écrivant : ‘C—–! x 10 000″ ;

– suite à un mail envoyé le 30 mars 2017 par Mme [U] à Mme [N] concernant une proposition Turkish Airlines et la possibilité de faire un point hebdomadaire pour l’aider à gérer les priorités, Mme [N] a transféré ce mail à Mme [Y] le lendemain en indiquant ‘menteuse’ ;

S’agissant de M. [X] :

– suite à un mail envoyé par M. [X], Directeur commercial adjoint, à Sinsegi Média le 4 janvier 2017 avec Mme [N] en copie, cette dernière a transféré ce mail à Mme [Y] le lendemain en annotant : ‘En fait, ce type ne comprend rien…les compétences je dirais d’un stagiaire…’ ;

– suite au mail envoyé par M. [X] à Mme [N] lui demandant de répondre à la Malaisie et de les tenir au courant s’agissant du client polonais le 28 mars 2017, Mme [N] l’a transféré à Mme [Y] qui a écrit : ‘Tu as un nouveau boss’!’ et Mme [N] répondant : ‘Est-ce qu’il fait réellement quelque chose à part se tripoter … 😉 J’ai hâte de voir le jour où il tombera… sur son…’.

– suite à un mail envoyé par M. [X] à M. [W] avec en copie Mme [N] le 28 juin 2017

concernant la thématique Japon et le suivi du dossier, Mme [N] à transféré ce mail à Mme [Y] en écrivant : ‘Sérieux… ;)’, Mme [Y] a répondu : ‘Heureusement qu’il est là pour te dire ce que tu as à faire !!!!’ et Mme [N] ajoutant : ‘Non mais sérieux… C’est un cas… Pitoyable, FLAMBY je vais l’appeler’ ;

– suite à un mail envoyé par M. [X] à Mme [N] le 23 mars 2017 s’agissant de l’opération Elle Bridal Award, Mme [N] a transféré son mail à Mme [Y] en annotant : ‘Plus con tu… ;)’.

– suite à un mail de M. [X] du 29 mars 2017 s’étonnant sur le fait que l’IO n’ait pas été fait depuis 15 jours, Mme [N] a transféré son mail à Mme [Y] en commentant : ‘Il a ses… ;))))’ ;

– suite à un mail de M. [X], envoyé notamment à M. [FZ] pour annoncer un départ et présenter un nouveau collègue, Mme [N] a transféré son mail à Mme [Y] en écrivant : ‘Heureusement qu’il est là…’ ;

S’agissant de Mme [S] :

– suite à un mail envoyé par Mme [S], Assistante de direction, à Mme [N] le 28 juillet 2016, rédigé en anglais, Mme [N] a demandé son avis à Mme [Y] qui a répondu : ‘C’était mieux en anglais 🙂 Reste en anglais car c’est plus compliqué pour elle :-))’ et Mme [N] ajoutant : ‘Je viens de la croiser…elle me fait un ‘sour face’.. Elle est vraiment pas gentille cette personne, beurk’ ;

– Dans un mail du 13 octobre 2016, Mme [N] a écrit à Mme [Y] comme suit : ‘Même allure que Limace. Ce look Harvard Wannabe’, Mme [Y] approuvant : ‘Excellent !!! :-)’, Mme [N] ajoutant : ‘Et tu vois [F]…pour le retour, elle a validé les cartes d’em de [A] et [I] Ils sont donc côte à côte. Tandis que moi je dois valider ma carte. Pas besoin de te dire le fond de ma pensée pour elle je pense. Heartless bi…’. Mme [Y] a alors répondu : ‘[V] à elle même : big bi… :-))’ et Mme [N] concluant : ‘Même pas mal mais c’est vrai que je pense qu’elle est vide’.

– suite à un mail envoyé par Mme [S] à Mme [N] le 29 mars 2017 s’agissant de la Publisher list, Mme [N] a transféré son mail à Mme [Y] en écrivant : ‘C’est pas un peu bizarre qu’elle copie les deux dans sa réponse…’ Bizarre cette personne’ ;

– suite à un mail envoyé par Mme [S] à Mme [N] le 22 juin 2017 à propos du répertoire Maloha, cette dernière a transféré le mail à Mme [Y] en indiquant : ‘Je m’appelle [F] et je suis bête ;)’ ;

– Mme [N] a écrit à Mme [Y] le 2 novembre 2016 en ces termes : ‘[F], Plus conne tu meurs…;)’. Mme [Y] a répondu ‘Punaise, elle fait sa loi et elle mène tout le monde par le bout du nez’ et Mme [N] ajoutant : ‘Dégoutante’ ;

S’agissant d’autres collègues :

– suite à un mail envoyé par Mme [YD], directrice de clientèle Elle à propos d’une campagne Samsung et des vacances de Mme [SK] [L], Mme [N] a transféré ce mail à Mme [Y] en commentant : ‘Where is Limace’ Limace is in the kitchen ;-)’, Mme [Y] répondant : ‘Je viens d’éclater de rire, tu m’as entendue’!!!!!’ et Mme [N] concluant : ‘Tu devrais la dire pour Limace et Caca car elle est à l’écoute pour le moment…’ ;

– suite à un mail envoyé par M. [FA] le 19 janvier 2017, à propos d’un graff Air France Madame, Mme [N] a transféré sa réponse à Mme [Y] en annotant : ‘Petit mail reminder pour dire qu’on connaît aussi le marché..;) La frime c’est jolie mais c’est nulle haha’.

Alors qu’il n’est pas utilement contesté que l’employeur a eu connaissance des mails litigieux suite à la dénonciation par Mme [LS], stagiaire, du comportement adopté par Mme [N] à son égard, il est constant que l’employeur était autorisé à accéder à ces mails, extraits du compte professionnel de la salariée qui ne les avait pas identifiés comme « personnels ».

1° – La salariée est fondée à invoquer la liberté d’expression, tel que prévue à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En revanche, les messages émis par Mme [N] à l’attention de Mme [Y], lesquels se fondent pour la plupart d’entre eux sur des courriers électroniques d’ordre strictement professionnel que lui avaient adressés ses supérieurs ou collègues, assortis de commentaires désobligeants ou injurieux, à partir et à destination de leurs adresses mails professionnelles, en utilisant les outils mis à disposition de l’employeur, messages qui n’avaient pas été identifiés comme étant « personnels », ne présentent pas le caractère d’une conversation privée.

2° – Ainsi que le plaide Mme [N], l’utilisation à des fins disciplinaires par l’employeur des messages échangés avec sa collègue est susceptible de porter atteinte à sa liberté d’expression.

3° – Cependant, l’employeur est non seulement légitime, conformément à une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation de contrôler, dans l’exercice de son pouvoir de direction, l’exécution du travail commandé en s’assurant que ses salariés exécutent leurs missions, mais il est également tenu, en application des dispositions des articles L. 4121 et suivants du code du travail, d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses employés. À ce titre, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et est légitime pour ce faire d’ imposer aux salariés d’adopter, dans le cadre professionnel, des comportements respectueux, ce qu’il avait fait en faisant adopter un code de déontologie.

4° – Les courriers électroniques, ci-avant reproduits, adressés par Mme [N] à Mme [Y] présentent à l’évidence un caractère dénigrant sur les compétences ou qualités de ses collègues et supérieurs hiérarchiques, voire sont pour certains d’entre eux injurieux.

L’argumentation de la salariée selon laquelle ces emails ne constituaient ‘qu’un défouloir face à la pression qu’elle subissait’ est inopérante, aucune pression n’étant établie par l’intéressée ; les seules pièces visées dans ses conclusions, à savoir des relances de Mme [U] ou sa demande du 17 janvier 2017 relative à un déjeuner avec un partenaire commercial, auquel Mme [N] a, du reste, refusé de se rendre, n’établissent pas la pression alléguée ni une situation de stress susceptible d’expliquer un « défouloir » et la tenue des propos litigieux.

Certes, les messages n’avaient pas vocation à être rendus publics. Cependant, compte tenu, d’une part, du caractère itératif des propos dénigrant ou injurieux tenus à l’égard de ses collègues, parfaitement abusifs et contraires, de surcroît, aux règles déontologiques auxquelles la salariée était soumise, d’autre part, des responsabilités qui lui étaient confiées en sa qualité de Directrice de clientèle à l’international, et alors qu’il est établi qu’un incident l’avait opposée à Mme [U], qui est l’une des personnes visées dans les messages, qui avait dû la recadrer en janvier 2017 après que la salariée ait remis en question son autorité en réunion, l’employeur a pu légitimement considérer, que de tels propos constituaient un manquement à ses obligations professionnelles caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement, la sanction ainsi prononcée étant proportionnée aux éléments de la cause.

Nonobstant les bons rapports qu’elle a pu entretenir avec deux stagiaires, les entretiens d’évaluation satisfaisants et l’absence d’antécédent disciplinaire, le dénigrement avéré de Mme [LS] et le caractère injurieux des propos échangés par Mme [N] avec sa collègue à l’égard de ses supérieurs et collègues, manifesté ainsi à de nombreuses reprises et dans les circonstances ci-dessus relatées, justifient la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Les difficultés économiques de la société, même objectivées, ne sont pas de nature à remettre en question le caractère justifié du licenciement prononcé pour faute.

Par confirmation du jugement, la salariée sera déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

II – Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement

Au soutien de sa demande de la somme de 8 618,34 euros de dommages et intérêts, Mme [N] affirme qu’elle ‘a vécu cette procédure comme une mesure brutale et vexatoire’ compte tenu notamment des griefs retenus à son encontre.

Elle fait valoir qu’elle n’est ‘pas parvenue à outrepasser le grief reproché, vivant celui-ci comme une accusation injustifiée’. Elle explique avoir été immédiatement reçue par son médecin traitant.

La société s’oppose à la demande et précise qu’elle a permis à Mme [N] de bénéficier d’un préavis dispensé payé et de son indemnité de licenciement alors que la salariée a passé la dernière année de sa collaboration à dénigrer et injurier via sa messagerie professionnelle, sa hiérarchie et ses collègues.

Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l’emploi. Il en est ainsi, alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d’une faute et d’un préjudice spécifique résultant de cette faute.

Indépendamment du rejet de ses demandes au titre du bien-fondé du licenciement, Mme [N] ne justifie pas de circonstances entourant son licenciement qui soient de nature brutale ou vexatoire, la salariée ayant pu envoyer un mail à ses collaborateurs le 7 septembre 2017 pour les remercier et les informer qu’elle quittait le groupe Lagardère.

Par ailleurs, les motifs du licenciement qui ont été retenus ne peuvent être considérés comme mensongers ou diffamatoires.

Faute pour la salariée de justifier du caractère vexatoire et brutal de son licenciement et de caractériser une quelconque faute de l’employeur à ce titre, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande indemnitaire formulée de ce chef.

III – Sur les dommages et intérêts pour violation de la vie privée

Mme [N] soutient ‘avoir découvert, avec stupeur, que la société a violé sa vie privée en produisant devant le conseil sa page Facebook et notamment une photographie de son fils, ce qui constitue un acte malveillant pour tenter de faire croire aux juges qu’elle a quitté la France et qu’elle se porte bien tout en continuant de toucher ses allocations de chômages’. Elle ne conteste pas avoir été contrainte de partir en Australie pour un proche malade mais affirme avoir demandé à Pôle Emploi la suspension de ses droits. Elle sollicite, au regard de ces moyens déloyaux et d’une particulière gravité, la condamnation de la société à lui verser la somme de 8 618,34 euros à titre de dommages et intérêts.

La société rétorque que la communication par la société de cet élément est nécessairement restreinte au contentieux en cours et qu’il était en libre accès sur Internet au moment où l’employeur a conclu et qu’il y a eu accès. Elle explique que Mme [N] ne peut conférer un caractère privé à ce qu’elle a volontairement exposé publiquement sur Internet.

Aux termes des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et 9 du Code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée.

Mme [N] ne conteste pas que les pièces litigieuses (pièces 55 et 55 bis) sont constituées par les captures d’écran tirées de son profil Facebook public et plus particulièrement de ses publications partagée en mode ‘Public’ des 30 juillet, 26 septembre et 7 octobre 2018.

Il en résulte que les conditions dans lesquelles l’employeur a eu effectivement accès aux photographies litigieuses sont déterminables et il convient dès lors, confirmant la décision entreprise, de considérer que la production des dites publications et photographies dans le cadre de la présente instance ne constitue pas de la part de l’employeur une atteinte injustifiée à la vie privée de Mme [N], qui ne justifie, au surplus, ni de l’existence ni de l’étendue du préjudice allégué.

IV – Sur les autres demandes

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Mme [N] sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [N] aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

 


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