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17 janvier 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/00916
C4
N° RG 21/00916
N° Portalis DBVM-V-B7F-KYKP
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL MERESSE AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 17 JANVIER 2023
Appel d’une décision (N° RG F 19/00186)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE
en date du 25 janvier 2021
suivant déclaration d’appel du 18 février 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. REMILIE BIO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Christine ETIEMBRE de la SELAS CABINET JURIDIQUE SAONE RHONE, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,
plaidé par Me Dejan MIHAJLOVIC,
INTIMEE :
Madame [F] [K] [G]
née le 21 Octobre 1981 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 1],
[Adresse 1]
représentée par Me Fleurine MERESSE de la SELARL MERESSE AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 novembre 2022,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, et en présence de Mme Capucine QUIBLIER, Greffière stagiaire, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 17 janvier 2023.
Exposé du litige :
Mme [K] [G] a été engagée en qualité d’employée polyvalente dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 05 décembre 2014 par la SARL REMILIE BIO puis par avenant du 1er février 2016, à temps complet.
Mme [K] [G] a été convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement fixé au 23 avril 2019 et a été licenciée pour motifs économiques le 14 mai 2019.
Mme [K] [G] a saisi le conseil des prud’hommes de Vienne, en date du 03 juin 2019 aux fins de contester son licenciement économique et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement du 25 janvier 2021, le Conseil de prud’hommes de Vienne, a :
Jugé :
Qu’aucun fait constitutif de harcèlement moral ne peut être retenu à l’encontre de la SARL REMILIE BIO
Que la SARL REMILIE BIO n’a pas fait preuve de légèreté blâmable dans la direction de l’entreprise.
Que le licenciement de Mme [K] [G] n’est pas entaché de nullité
Que la SARL REMILIE BIO a manqué à son obligation de reclassement, rendant ainsi le licenciement de Mme [K] [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Fixé le salaire mensuel brut moyen de Mme [K] [G] à la somme de 2 936,56 euros.
Condamné la SARL REMILIE BIO 0 VERSER 0 Mme [K] [G] les sommes suivantes:
14 692,83 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
10 518,96 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents à hauteur de 1 052,90 euros
2 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Rappelé que les intérêts au taux légal sont de droit à compter de la date de convocation de la partie défenderesse à la première audience ( signature de l’avis de réception ) sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts.
Débouté Mme [K] [G] de ses dernières demandes relatives:
aux dommages et intérêts pour nullité du licenciement
aux dommages et intérêts pour légèreté blâmable dans la direction de l’entreprise
aux dommages et intérêts pour harcèlement moral
aux dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre du licenciement
Débouté la SARL REMILIE BIO de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Ordonné l’exécution provisoire sur toutes les dispositions de la présente décision au sens de l’article 515 du Code de procédure civile.
La décision a été notifiée aux parties et la SARL REMILIE BIO en a interjeté appel principal et Mme [K] [G] appel incident.
Par conclusions récapitulatives N° 2 du 1er septembre 2021, la SARL REMILIE BIO demande à la cour d’appel de :
Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Vienne en date du 25 janvier 2021 en ce qu’il a :
« dit que la Société REMILIE BIO a manqué à son obligation de reclassement, rendant ainsi le licenciement de Mme [K] [G] dépourvu de cause et sérieux.
fixé la moyenne de salaire moyen brut de Mme [K] [G] à la somme de 2 936,56 euros,
condamné la Société REMILIE BIO à verser à Mme [K] [G] les sommes suivantes :
14 692,83 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
10 518,96 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents à hauteur de 1 052,90 euros,
2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
rappelé que les intérêts au taux légal sont de droit à compter de la date de convocation de la partie défenderesse à la première audience (signature de l’avis de réception) sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts.
débouté la SARL REMILIE BIO de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
ordonné l’exécution provisoire sur toutes les dispositions de la présente décision au sens de l’article 515 du Code de procédure civile. »
Déclarer qu’en sa qualité de cogérante de la Société MEREO et de la Société REMILIE BIO, Mme [L] [G] agit dans des intérêts contraires à ceux de la société dont elle est mandante et, que de ce fait, elle n’a pas d’intérêt à intervenir par voie d’attestation dans le cadre de cette procédure,
Juger l’attestation de Mme [L] [G] comme étant illicite et l’écarter des débats en retenant également son lien familial avec Mme [K] [G] (pièce adverse n° 40),
Juger illicite et écarter des débats l’attestation de Mme [U] (pièce adverse n° 43),
Rejeter des débats cette attestation à ce titre et également du fait de son lien familial avec Mme [K] [G],
Rejeter des débats l’attestation de M. [P] (pièce adverse n° 29) et la pièce adverse n° 35 car illicites et elles violent le secret des correspondances,
Réparer les omissions de statuer
Déclarer que la société REMILIE BIO connait des difficultés financières et économiques importantes,
Déclarer que sa réorganisation a permis d’assurer sa pérennité et sa compétitivité,
Déclarer que la société REMILIE BIO a respecté son obligation de reclassement,
Déclarer que Mme [K] [G] ne démontre nullement la réalité d’un harcèlement moral,
Déclarer que la société REMILIE BIO n’a pas commis de fait constitutif de harcèlement moral,
Déclarer que Mme [K] [G] n’a pas subi de préjudice,
Déclarer que la société REMILIE BIO a respecté les critères fixant l’ordre du licenciement,
Déclarer les attestations de Mme [L] [G], M. [K], Mme [Z], Mme [P], M. [P], Mme [C], Mme [G] comme étant non probantes, du fait de leur lien de proximité avec Mme [K] [G] et les propos fallacieux tenus,
Déclarer l’attestation de Mme [U] comme étant non probante du fait de la méconnaissance de l’accord de confidentialité qu’elle a signé et de sa teneur mensongère,
Décider que Mme [K] [G] n’a pas été victime de faits de harcèlement moral,
Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a considéré que Mme [K] [G] n’a pas été victime de harcèlement moral,
Décider que le licenciement notifié à Mme [K] [G] repose sur une cause économique avérée et que l’obligation de reclassement a été remplie,
Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Mme [K] [G] au titre de sa demande des critères fixant l’ordre des licenciements,
Débouter Mme [K] [G] de l’intégralité de ses demandes et de son appel incident.
A titre subsidiaire,
Décider que la société REMILIE BIO a versé à Pôle Emploi l’équivalent de son préavis,
Décider que la moyenne mensuelle des salaires est de 2.936,56 euros,
Débouter Mme [K] [G] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis,
A titre infiniment subsidiaire,
La renvoyer à se pourvoir à l’encontre de Pôle Emploi,
Réduire le montant estimé en première instance à la somme de 8 809,68 euros.
Condamner Mme [K] [G] à payer à la Société REMILIE BIO la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, distraction faite au profit de la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC.
Par conclusions récapitulative N° 2 du 19 novembre 2021, Mme [K] [G] demande à la cour d’appel de :
Infirmer le jugement en ce qu’il a:
Considéré qu’aucun fait constitutif de harcèlement moral ne pouvait être retenu à l’encontre de la SARL REMILIE BIO ;
Considéré que le licenciement de Mme [K] [G] n’était pas entaché de nullité
Débouté Mme [K] [G] de sa demande de dommages intérêts pour harcèlement moral et pour nullité de licenciement
Fixé le salaire mensuel brut moyen à hauteur de 2 936,56 €
Le confirmer en ce qu’il a alloué à Mme [K] [G] l’indemnité compensatrice de préavis.
Dire et juger irrecevables les demandes nouvelles en cause d’appel émises par la société REMILIE BIO, visant à voir écarter du débat les différentes attestations versées par Mme [K] [G],
Dire et juger que le licenciement notifié à Madame [F] [K] [G] est nul à raison des agissements de harcèlement moral qu’elle a subis,
Fixer la moyenne des salaires bruts à la somme de 3 506,32 €,
Condamner la société REMILIE BIO à verser à Mme [K] [G] la somme de 21 037,92 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral correspondant à six mois de salaires bruts,
Condamner la société REMILIE BIO à lui verser la somme de 24 544,24 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
Condamner la société REMILIE BIO à lui verser la somme de 10 518,96 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents à hauteur de 1 052,90€.
A titre subsidiaire,
Infirmer le jugement en ce qu’il a:
Considéré que le licenciement de Mme [K] [G] reposait sur un motif économique amplement démontré ;
Considéré que la SARL REMILIE BIO n’avait pas fait preuve de légèreté blâmable dans la direction de l’entreprise ;
Débouté Mme [K] [G] de sa demande de dommages intérêts pour non-respect des critères d’ordre du licenciement ;
Fixé le salaire mensuel brut moyen à hauteur de 2 936,56 € ;
Limité le montant des dommages intérêts alloués à hauteur de 14 692,83 euros
Confirmer le jugement en ce qu’il a:
Considéré que la SARL REMILIE BIO avait manqué à son obligation de reclassement rendant ainsi le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;
Alloué à Mme [K] [G] l’indemnité compensatrice de préavis.
Dire et juger que le licenciement pour motif économique ne repose pas sur une cause économique,
Dire et juger que la société REMILIE BIO a manqué à son obligation de reclassement,
Dire et juger que société REMILIE BIO n’a pas respecté les dispositions légales relatives aux critères d’ordre,
Dire et juger que la société REMILIE BIO a fait preuve de légèreté blâmable dans la direction de l’entreprise,
Fixer la moyenne des salaires bruts à la somme de 3 506,32 €,
Allouer la somme de 24 544,24 € à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à sept mois de salaires bruts
Allouer la somme de 21 037.92 € à titre de dommages intérêts pour non-respect des critères d’ordre de licenciement
En tout état de cause,
Condamner la société REMILIE BIO à verser à Mme [K] [G] 3 500,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 04 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur la demande de rejet de pièces :
Moyens des parties :
La SARL REMILIE BIO sollicite le rejet des attestations de Mme [G] [R] et de Mme [S] [U], faisant valoir que Mme [G] [R] est la s’ur de la partie défenderesse et l’ex-femme de M. [L], lequel a notamment repris le contrôle des sociétés HOLDING MEREO, REMILIE BIO et ERE BIO dans lesquelles Mme [K] [G] était cogérante.
La SARL REMILIE BIO soutient également que l’attestation de Mme [S] [U] est illicite car Mme [U] est liée aux Sociétés REMILIE BIO et MEREO par un accord de confidentialité aux termes duquel elle ne peut divulguer les informations qu’elle a obtenues sur lesdites sociétés.
Mme [K] [G] fait valoir pour sa part que le témoignage n’est pas réservé « aux personnes extérieures et sans lien particulier avec les parties ». Elle soutient également que Mme [U] n’a pas trahi l’accord de confidentialité puisqu’elle ne dévoile aucune indication relative à la comptabilité des entreprises. Elle ajoute que la société produit elle-même des témoignages de salariés encore soumis à un lien de subordination.
Enfin, Mme [K] [G] soutient que la demande de la société tendant à rejeter les attestations de Mme [G] [R] et de Mme [S] [U] constitue une demande nouvelle.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l’article 205 du code de procédure civile que chacun peut être entendu comme témoin, à l’exception des personnes qui sont frappées d’une incapacité de témoigner en justice.
Les personnes qui ne peuvent témoigner peuvent cependant être entendues dans les mêmes conditions, mais sans prestation de serment. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l’appui d’une demande en divorce ou en séparation de corps.
Il est également de principe qu’il appartient au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.
Il appartient donc en l’espèce au juge de déterminer si les attestations versées par des membres de la famille, sujettes à caution sont corroborées par d’autres éléments versés aux débats.
Il convient donc de débouter la SARL REMILIE BIO de sa demande de rejet des attestations de Mme [V] [L] [G] (Pièces17 et 40 de Mme [K] [G]), M. [Y] [K] (Pièce16), Mme [M] (Pièce 16), Mme [X] [P] (Pièce 28), M. [A] [P] (Pièces 27, 29 et 36), Mme [C] (Pièce 41), Mme [H] [G] (Pièce20).
S’agissant de l’accord de confidentialité relatif à Mme [S] [U], il ressort de cet accord du 31 octobre 2019, que Mme [U] « s’engage à utiliser les informations confidentielles (dans le cadre d’une acquisition directe ou indirecte d’une partition de la totalité du capital des taux société) que pour son propre compte et aux seules fins d’évaluer les sociétés dans le cas de la transaction envisagée et selon la procédure établie par les sociétés leurs représentants, qu’elle s’abstiendra d’utiliser les informations confidentielles à toute autre fin qui pourrait porter atteinte aux sociétés, représentants et leurs associés. Elle s’engage également à ne pas divulguer, en tout ou partie, de quelque manière que ce soit, à tout tiers ou personnes autres que celles visées au paragraphe C ci-après (à ceux des représentants dont l’intervention pour l’étude et les négociations relatives à la transaction envisagée s’avéraient nécessaire fermer la parenthèse, les informations confidentielles en sa possession.
Mme [U] s’engageant à indemniser la société concernée de tous dommages, préjudices ou pertes de quelque nature que ce soit résultant du non-respect de l’une des quelconques obligations mises par le présent accord de confidentialité ».
Cet accord prévoit ainsi la possibilité pour la SARL REMILIE BIO d’engager la responsabilité de Mme [S] [U] et de solliciter des dommages-intérêts en cas de divulgation d’informations confidentielles, telle que prévu dans l’accord susvisé, mais n’interdit pas à celle-ci de témoigner dans le cadre d’une procédure judiciaire et notamment de la présente procédure. Il convient par conséquent de ne pas faire droit non plus à la demande de rejet de son attestation (Pièce 43).
Il n’y a donc pas lieu de statuer sur le moyen soulevé par Mme [K] [G] relatif au caractère nouveau de cette demande, la SARL REMILIE BIO ayant été débouté de sa demande de rejet de pièces.
Sur le harcèlement moral :
Moyens des parties :
Mme [K] [G] soutient avoir été victime de harcèlement moral et évoque avoir subi un dénigrement de son travail auprès des fournisseur, affirme que ses tâches habituelles lui ont été retirées, qu’elle a été méprisée et a subi des humiliations, qu’on a cherché à lui retirer son véhicule de fonction pour le proposer à un autre salarié, et qu’avant même l’engagement de la procédure de licenciement pour motif économique, son poste était de nouveau pourvu.
La SARL REMILIE BIO fait valoir pour sa part que, Mme [K] [G] ne rapporte pas la preuve d’avoir été victime de harcèlement moral et conteste tout fait de harcèlement moral. Elle affirme n’avoir tenu aucun propos dégradant à l’encontre de Mme [K] [G] ni ne l’avoir mise à l’écart lors de la réorganisation de la société. Elle conteste par ailleurs lui avoir supprimé son véhicule.
Sur ce,
Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Suivants les dispositions de l’article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral; dans l’affirmative, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Le harcèlement moral n’est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l’ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d’un salarié défaillant dans la mise en ‘uvre de ses fonctions.
Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’elle présente au soutien de l’allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.
En application des dispositions de l’article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Pour caractériser le harcèlement moral qu’elle invoque, Mme [K] [G] produit les éléments suivants :
– Une fiche de poste de responsable de magasin BIOMONDE, REMILIE BIO non signée et non datée,
– Un organigramme non contesté dans lequel Mme [K] [G] est responsable du site de [Localité 4]
– L’annexe 1, grille de classification de la convention collective nationale des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers (commerce de détail),
– Un mail du laboratoire Scienta-nature d’avril 2019, fournisseur de la SARL REMILIE BIO adressé à Mme [K] [G] au terme duquel il lui est fait part de « leur surprise d’avoir un appel du gérant, M. [R], pour leur indiquer qu’elle était pas la responsable de magasin, que ses fonctions ne l’autorisaient pas à établir un partenariat avec un nouveau fournisseur, de participer à des discussions commerciales en vue d’un nouveau référencement et surtout en aucun cas de délivrer un RIB et un extrait K bis’ » il indique que « cette information a profondément impacté notre laboratoire d’autant plus que Monsieur [R], souhaite renvoyer la marchandise ou la garder et ne pas honorer le règlement remettant en cause leurs « pratiques douteuses » ‘ précisant « je pense que vous conviendrez de ma stupéfaction ‘ Sachant que nous discutons maintenant depuis une année et que nous avons établi en commun accord un partenariat de qualité basée sur la confiance. Le laboratoire me demande un retour de mail de votre part attestant que vous avez bien la responsable du magasin et que tout le processus de vente se fait en commun accord et dans les meilleures conditions possible »),
– L’attestation de Mme [V] [R], cogérant de la société mère, et s’ur de la salariée qui affirme qu’elle a été employée en qualité d’employé polyvalent en 2014 sur une entreprise naissante et que compte tenu de sa motivation, son investissement personnel (gestion de la page Facebook des magasins sur son temps personnel), assiduité à son travail et application et sérieux, le gérant est elle-même l’ont fait évoluer au poste de responsable de magasin avec une augmentation de salaire et une voiture de fonction qui lui a été accordée de même que pour le responsable adjoint. Madame [V] [R] loue les capacités de manager de Mme [K] [G]. Elle explique que dans le cadre d’un bouleversement de situation personnelle (le gérant a abandonné son poste courant décembre 2017) et de l’entreprise suite à son divorce avec le gérant, M. [L], Mme [K] [G] a fait preuve d’implication, de sérieux et le professionnalisme. Suite au retour de M. [R] en octobre 2018, il a décidé seul de modifier tout le travail mis en place depuis un an et sans aucune communication, a changé les fiches de poste et les protocoles mis en place’ tout le travail effectué était automatiquement bloqué par le gérant, éléments qui dévalorisaient Mme [K] [G] face à l’équipe et la clientèle’ ». Elle témoigne également dans une autre attestation que M. [T] [D] a évolué au poste de responsable de magasin en octobre 2019,
– Le registre d’entrée de sortie du personnel de la SARL REMILIE BIO qui mentionne l’entrée de M. [T] [D] le 1er mars 2019 en qualité de responsable de magasin,
– L’attestation de Mme [M], intérimaire à compter du 31décembre 2018, qui décrit un management faible, inexact et parfois incohérent de M. [L] et la contre-indication de sa part des instructions de Mme [K] [G] de manière quasi instantanée.
– Le témoignage de Mme [X] [P], responsable adjoint, qui atteste que dès son retour en décembre 2018, M. [L] lui a fait part de son souhait de « mettre la pression sur Mme [K]afin de la pousser vers la sortie » ; elle indique également avoir constaté que lors de leurs échanges téléphoniques entre les 2 magasins, Mme [K] était souvent mis au courant des dernières directives de M. [L] et précise « on sentait bien qu’elle a été mise sur la touche »,
– M. [A] [P], chef de rayon qui témoigne avoir constaté ‘depuis le retour en magasin de M. [L] en fin d’année 2018 que l’organisation mise en place par Mme [K] a été revue sans la consulter alors que cela faisait partie de son rôle ; les informations dont elle devait disposer pour assumer ses fonctions ne lui étaient pas nécessairement transmises par M. [L] entre les différentes prises de poste et il faisait également passer des directives par les divers employés au lieu de s’adresser directement à Mme [K]’. Il précise que « ces divers éléments constituent à mes yeux très clairement une mise à l’écart volontaire de Mme [K] au sein du magasin »,
– Mme [S] [U], àSalaise Sur Sane pour effectuer des achats, qui explique que M. [L] est venu l’accoster pour échanger. Lors de cette conversation, il a indiqué avoir arrêté les avantages « de ouf » (véhicule, gros salaire, horaires particuliers) de Mme [K] afin de pouvoir « la lourder » le plus rapidement possible. Il a également dit de ne plus pouvoir faire confiance à Mme [K] sachant qu’elle était la s’ur de son épouse.
– L’avenant N°3 au contrat de travail du 1er juillet 2017 signé par M. [I] [L] qui prévoit à compter de cette date, la mise à disposition d’un véhicule de fonction Citroën C4, la SARL REMILIE BIO ne contestant pas lui avoir proposée d’y renoncer et concluant que « Mme [K] [G] a bénéficié de la part de sa s’ur de nombreux avantages qui n’étaient pas en corrélation avec les moyens de l’entreprise ».
Il doit être noté que si l’attestation de Mme [L] [V] ainsi produite, émane effectivement d’un membre de la famille de Mme [K] [G] et de M. [L] (son ex conjointe et s’ur de Mme [K] [G]), les autres attestations ont pour rédacteurs des membres du personnel et collègues de Mme [K] [G] ou relations commerciales sans qu’on puisse dès lors dénoncer leur parti pris sauf à démontrer la fausseté de leurs déclarations, la SARL REMILIE BIO se contentant d’alléguerla complaisance de ces témoignages.
Il est ainsi établi que la SARL REMILIE BIO a tenté de supprimer le bénéfice du véhicule de fonction contractuellement attribué à Mme [K] [G] et qu’elle a vu, en sa qualité de directrice de site conformément à l’organigramme produit et non contesté, ses décisions et responsabilités dans l’entreprise diminuer à compter du retour de M. [L] en décembre 2018 ; ces décisions étant même discréditées par le gérant tant vis-à-vis des personnes extérieures à l’entreprise que des autres salariés ; un salarié ayant été également recruté dès le mois de mars 2019 sur le poste de directeur de magasin avant son licenciement pour motif économique comme le démontre la lecture du registre des entrées et sorties du personnel. Il doit être également noté que les faits ainsi établis se sont déroulés dans un contexte de conflit personnel entre le gérant et sa femme en instance de divorce, Mme [L] étant la s’ur de Mme [K] [G].
Il résulte de l’examen de l’ensemble des faits ainsi établis susvisés pris dans leur ensemble, des éléments précis, concordants et répétés permettant de présumer que Mme [K] [G] a subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral.
Il incombe dès lors à l’employeur de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral.
Le fait conclu par la SARL REMILIE BIO selon lequel de nombreux salariés auraient quitté l’entreprise à la suite du départ du gérant en mars 2018 et de la reprise en main de la direction des magasins par son ex-épouse est inopérant s’agissant de la situation de Mme [K] [G] postérieure au retour de gérant fin 2018.
Le fait que certains salariés attestent n’avoir jamais entendu de propos malveillants, provoquant ou dénigrant de la part de M. [L] à l’encontre de Mme [K] [G] et qu’elle n’a jamais été prise à partie dans le divorce des époux [L], ne suffit pas à démontrer que ces propos n’ont pas pu être tenus alors qu’ils n’étaient pas présents.
S’il n’est pas, s’agissant de la suppression du véhicule de fonction, comme conclu, interdit à un employeur de proposer une modification du contrat de travail, celle-ci ne doit pas intervenir dans un contexte de harcèlement moral, dont il n’est pas contesté qu’il est concomitant à un conflit personnel lié au divorce du gérant d’avec la s’ur de la salariée concernée par le présent litige.
Si la SARL REMILIE BIO conteste que Mme [K] [G] disposait de certaines responsabilités dans l’entreprise, il échoue à démontrer quelles étaient précisément les responsabilités professionnelles contractuelles de Mme [K] [G], celle-ci ayant été recrutée en qualité d’employée polyvalente et figurant pourtant dans l’organigramme en qualité de directrice de site avec mise à disposition d’un véhicule de fonction. La SARL REMILIE BIO reconnaissant qu’elle est restée responsable après le retour de M. [L] jusqu’à son départ de l’entreprise.
L’employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [K] [G] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est par conséquent établi par voie d’infirmation du jugement déféré.
Il convient de condamner la SARL REMILIE BIO à verser à Mme [K] [G] la somme de 10 000 de dommages et intérêts à ce titre.
Le licenciement pour motifs économiques en mai 2019 concomitant aux faits de harcèlement moral, doit être déclaré nul et la SARL REMILIE BIO devra indemniser Mme [K] [G]. Mme [K] [G] justifie qu’elle n’a pu retrouver du travail qu’au mois de novembre 2020 et qu’elle avait quatre jeunes enfants à charge. Il convient d’évaluer son préjudice à 22 025 € par voie d’infirmation du jugement déféré et de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SARL REMILIE BIO à verser à la salarié la somme de 10 518,96 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1 052,90 € de congés payés afférents.
Sur le remboursement des allocations chômage :
Il conviendra, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans version issue de la loi du 5 septembre 2018 et applicable au 1er janvier 2019, d’ordonner d’office à l’employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois, les organismes intéressés n’étant pas intervenus à l’audience et n’ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.
Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE Mme [K] [G] recevable en son appel,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
Fixé le salaire mensuel brut moyen de Mme [K] [G] à la somme de 2 936,56 euros,
Condamné la SARL REMILIE BIO à VERSER à Mme [K] [G] les sommes suivantes :
10 518,96 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents à hauteur de 1 052,90 euros,
2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Rappelé que les intérêts au taux légal sont de droit à compter de la date de convocation de la partie défenderesse à la première audience ( signature de l’avis de réception ) sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts,
Débouté la SARL REMILIE BIO de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonné l’exécution provisoire sur toutes les dispositions de la présente décision au sens de l’article 515 du code de procédure civile.
INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,
Y ajoutant,
DIT que Mme [K] [G] a été victime de harcèlement moral de la part de la SARL REMILIE BIO,
DIT que le licenciement est nul car en lien avec les faits de harcèlement moral constatés,
CONDAMNE la SARL REMILIE BIO à verser à Mme [K] [G] les sommes suivantes :
10 000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
22 025 € de dommages et intérêts pour licenciement nul.
CONDAMNE la SARL REMILIE BIO à payer la somme de 2 500 € à Mme [K] [G] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par la salariée du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois,
DIT qu’une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction,
CONDAMNE la SARL REMILIE BIO aux dépens de l’instance.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,