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17 janvier 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-29.114
COMM.
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 janvier 2018
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 25 F-D
Pourvoi n° F 15-29.114
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ la société Spacekey Europe, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
2°/ M. Benoît X…, domicilié […] ,
3°/ M. Rémy Y…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 20 novembre 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 8), dans le litige les opposant à la société 3D Plus, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 21 novembre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Z…, conseiller, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Spacekey Europe, de M. X… et de M. Y…, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société 3D Plus, l’avis de Mme A…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2015), que, soutenant qu’une entreprise chinoise proposait sur le marché européen des produits contrefaisant le brevet français FR 94 05729 dont elle est titulaire, intitulé “Interconnexion en trois dimensions de boîtiers de composants électriques utilisant des circuits imprimés”, et que pour ce faire, cette entreprise bénéficiait de la complicité de deux de ses anciens salariés, MM. X… et Y…, ainsi que de celle de la société Spacekey Europe (la société Spacekey), dont ils étaient associés, la société 3D Plus a présenté quatre requêtes en désignation d’un huissier de justice aux fins, d’une part, de procéder à des mesures de saisie-contrefaçon et, d’autre part, des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ; qu’elle a ensuite obtenu la désignation d’un expert ayant mission d’examiner les éléments saisis en exécution des ordonnances rendues le 11 mars 2014, faisant droit à ces requêtes ; que la société Spacekey, M. X… et M. Y… ont demandé la rétractation de ces ordonnances ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Spacekey, M. X… et M. Y… font grief à l’arrêt de rejeter cette demande de rétractation, en tant que formée contre les deux ordonnances autorisant une saisie-contrefaçon, et d’ordonner une expertise alors, selon le moyen :
1°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, les deux ordonnances de saisie-contrefaçon du 11 mars 2014 ont autorisé l’huissier instrumentaire “à effectuer une sauvegarde complète de ses recherches sur tout support, notamment disque dur externe ou clé USB » (point 18), et également “à effectuer des copies complètes des disques durs supports externes ou internes, fichiers informatiques” (point 19) ; que si le point 18 se rapporte implicitement aux recherches effectuées par l’huissier telles que définies par les points 1 et 2 de sa mission, c’est-à-dire relatives aux éléments susceptibles d’être en lien avec la contrefaçon de brevet alléguée, le point 19 ne contient pas une telle précision, ni de manière expresse, ni de manière implicite puisqu’il concerne au contraire l’ensemble des documents informatiques de la société Spacekey, de M. X… et de M. Y…, sans aucune discrimination ; qu’en retenant néanmoins que le point 19 de la mission n’autorisait l’huissier à effectuer “des copies complètes des disques durs, supports externes ou internes, fichiers informatiques” qu’à la condition, fixée par les points 1 et 2 de la mission, de s’inscrire dans la mission de recherche d’une preuve de contrefaçon du brevet litigieux de sorte que l’objet même de ces investigations informatiques est strictement encadré, cependant qu’une telle limitation était exclue par les termes mêmes de la mission telle que définie aux points 18 et 19, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis des ordonnances de saisie-contrefaçon du 11 mars 2014 et violé le principe susvisé ;
2°/ que la saisie-contrefaçon permet de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant ; que la juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants, et également autoriser l’huissier à procéder à toute constatation utile en vue d’établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon ; qu’en conséquence, les mesures ordonnées ne doivent pas aller au-delà de la recherche des preuves de la contrefaçon alléguée et ne peuvent donner à l’huissier une mission générale d’investigation, sans rapport avec la fin probatoire de la saisie-contrefaçon, lui permettant de mener une véritable perquisition civile des locaux des personnes visées ; qu’en l’espèce, les deux ordonnances de saisie-contrefaçon du 11 mars 2014 ont autorisé l’huissier instrumentaire, non seulement “à effectuer une sauvegarde complète de ses recherches sur tout support, notamment disque dur externe ou clé USB” (point 18), mais également “à effectuer des copies complètes des disques durs supports externes ou internes, fichiers informatiques” (point 19) ; qu’elles ont ainsi permis à l’huissier de réaliser une copie intégrale, automatique et exclusive de toute vérification préalable de l’ensemble des documents numériques de la société Spacekey, de M. X… et de M. Y…, privant la mesure ordonnée de toute limitation au regard de son objet, à savoir la preuve des faits de contrefaçon allégués ; qu’en retenant néanmoins que le point 19 n’autorisait l’huissier à effectuer une telle copie complète qu’à la condition, fixée par les points 1 et 2, de s’inscrire dans la mission de recherche d’une preuve de la contrefaçon du brevet litigieux, “de sorte que l’objet même de ces investigations informatiques est strictement encadré”, cependant qu’une telle limitation des mesures était par définition exclue par l’autorisation de faire une copie complète de l’ensemble des fichiers informatiques, en sus de ceux ayant été identifiés comme ayant potentiellement un rapport avec la contrefaçon alléguée, la cour d’appel a violé les articles L. 615-5 et R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, applicable en la cause ;
3°/ que la saisie-contrefaçon permet de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant ; que la juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants, et également autoriser l’huissier à procéder à toute constatation utile en vue d’établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon ; qu’en conséquence, les mesures ordonnées ne doivent pas aller au-delà de la recherche des preuves de la contrefaçon alléguée et ne peuvent donner à l’huissier une mission générale d’investigation, sans rapport avec la fin probatoire de la saisie-contrefaçon, lui permettant de mener une véritable perquisition civile des locaux des personnes visées ; qu’en l’espèce, les deux ordonnances de saisie-contrefaçon du 11 mars 2014 ont autorisé l’huissier instrumentaire à procéder “à une recherche automatique dans tout système informatique et/ou documents informatiques par les mots clés et/ou les noms de fichiers” définis dans une liste de plus de 120 mots, impropre à circonscrire l’objet de la mission aux seuls faits de contrefaçon allégués, dès lors qu’elle permettait d’appréhender l’ensemble des documents relatifs à l’activité de la société Spacekey, de M. X… et de M. Y…, grâce à l’inclusion de termes techniques génériques afférents à l’électronique et des noms et dénomination de M. X…, de M. Y… et de la société Spacekey Europe, mots-clés présents à l’évidence dans tous les documents informatiques détenus par ces derniers ; qu’en retenant néanmoins que “la recherche informatique par mots clés tels qu’énumérés dans le point 8 de la mission en question est expressément circonscrite dans son périmètre, aux éléments définis dans le point 1 de la mission”, cependant que les mots clés choisis, incluant aussi bien des termes génériques que les noms et dénomination de la société Spacekey, de M. X… et de M. Y…, étaient de nature à permettre l’appréhension de tous les documents informatiques de ceux-ci, y compris ceux sans aucun rapport avec les faits de contrefaçon allégués, faisant ainsi de la mission de l’huissier une mission générale d’investigation, la cour d’appel a violé les articles L. 615-5 et R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, applicable en la cause ;
4°/ que la saisie-contrefaçon permet de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que tout document s’y rapportant ; que la juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants, et également autoriser l’huissier à procéder à toute constatation utile en vue d’établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon ; qu’en conséquence, les mesures ordonnées ne doivent pas aller au-delà de la recherche des preuves de la contrefaçon alléguée et ne peuvent donner à l’huissier une mission générale d’investigation, sans rapport avec la fin probatoire de la saisie-contrefaçon, lui permettant de mener une véritable perquisition civile des locaux des personnes visées sans aucune limitation dans le temps ; qu’en l’espèce, les deux ordonnances de saisie-contrefaçon du 11 mars 2014 n’ont pas limité dans le temps les documents et données pouvant être collectés à l’occasion des opérations menées par l’huissier instrumentaire, donnant ainsi à celui-ci une mission d’investigation générale, non seulement par son objet, mais également par son étendue temporelle illimitée ; que la cour d’appel a néanmoins énoncé que “la mission est implicitement et suffisamment limitée dans le temps du fait de la recherche et de la constatation des seuls produits et/ou procédés susceptibles de contrefaire” le brevet litigieux, et relevé en outre que la date des premiers actes de contrefaçon restait légitimement inconnue et que le point de départ de la prescription quinquennale était lié aux résultats des investigations sollicitées ; qu’en statuant par de tels motifs, impropres à établir l’existence d’une limitation temporelle des mesures ordonnées et donc à justifier sa décision, la cour d’appel a derechef violé les articles L. 615-5 et R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, applicable en la cause ;
5°/ que les huissiers de justice peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; qu’en conséquence, le juge ne peut en aucune manière déléguer son pouvoir juridictionnel à un huissier en confiant à celui-ci la mission de porter une appréciation juridique sur les éléments qu’il recueille au cours de ses investigations ; que tel est nécessairement le cas lorsque l’huissier doit, au terme de la mission qui lui a été confiée, déterminer, par des appréciations de nature juridique, si une pièce doit être communiquée à la partie requérante ou si au contraire cette pièce relève de la vie privée ou du secret des affaires de la personne visée par les mesures ; qu’une telle mission, qui constitue une délégation par le juge de son pouvoir juridictionnel, est disproportionnée au regard des droits et intérêts respectifs des parties et du but recherché et porte également atteinte aux droits fondamentaux de celles-ci ; qu’en retenant cependant que ne constituait pas une délégation de pouvoir juridictionnel la mission confiée à l’huissier consistant à prendre la décision de ne mettre sous séquestre que les “données susceptibles de porter atteinte à la vie privée ou au secret des affaires” de la société Spacekey, de M. X… et de M. Y… (point 24), la cour d’appel a violé les articles L. 615-5 et R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, applicable en la cause ;
Mais attendu, en premier lieu, que ces ordonnances n’étant pas rédigées dans les mêmes termes, de sorte que leur compréhension supposait d’opérer un rapprochement entre elles, c’est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que cette ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d’appel a retenu qu’il résultait de ce rapprochement que l’huissier de justice n’était autorisé à effectuer des copies de documents qu’à la condition de s’inscrire dans sa mission de recherche des preuves de contrefaçon du brevet en cause, puis en a déduit que l’objet même de ces investigations informatiques s’en trouvait ainsi encadré, en ce que ces ordonnances ne conféraient pas à l’huissier une mission générale d’investigation, notamment au regard des mots-clés choisis pour se livrer à ces opérations, mais seulement celle de recueillir les éléments en rapport avec les imputations de contrefaçon, et qu’elle était suffisamment limitée dans le temps, dès lors que la date des premiers actes prétendus de contrefaçon était inconnue et que le point de départ de la prescription quinquennale était lié aux résultats de ces mesures de saisie-contrefaçon ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d’appel a exactement retenu que ne constitue pas une délégation de pouvoir juridictionnel la mission confiée à un huissier de justice de mettre sous séquestre les données susceptibles de porter atteinte à la vie privée ou au secret des affaires, une telle précaution n’ayant pour but, dans l’intérêt des parties saisies, que de procéder à une première sélection de documents pouvant apparemment présenter cette nature, l’appréciation définitive de cette qualification ne relevant que du juge du fond ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Spacekey, M. X… et M. Y… font grief à l’arrêt de rejeter leur demande de rétractation, en tant qu’elles commettent un huissier de justice afin de procéder à des constats, et d’ordonner une mesure d’expertise alors, selon le moyen :
1°/ que toute mesure d’instruction in futurum doit être circonscrite à la fois dans son objet et dans le temps, de manière à être limitée aux seules investigations nécessaires à la preuve des faits litigieux et à ne pas porter une atteinte illégitime aux libertés fondamentales des personnes concernées ; que n’est pas circonscrite dans son objet la mesure qui donne à l’huissier une mission générale d’investigation, lui permettant de mener une véritable perquisition civile des locaux des personnes visées ; qu’en l’espèce, les deux ordonnances de constat du 11 mars 2014 ont autorisé l’huissier instrumentaire, non seulement “à demander et à récupérer une sauvegarde complète de ses recherches sur tout support, notamment disque dur externe et clé USB” (point 16), mais également “à effectuer des copies complètes des disques durs supports externes et internes, fichiers informatiques contenant des informations susceptibles d’établir la preuve des opérations visées au paragraphe 1” (point 17) ; qu’elles lui ont ainsi permis de réaliser une copie intégrale, automatique et exclusive de toute vérification préalable de l’ensemble des documents numériques de la société Spacekey, de M. X… et de M. Y…, privant la mesure de recherche de toute limitation au regard de sa finalité, à savoir la preuve des faits de concurrence déloyale allégués ; qu’en retenant néanmoins que les mesures litigieuses étaient légalement admissibles, en raison de leur objet strictement cantonné aux faits dénoncés dans les requêtes, cependant que ces mesures revêtaient une portée générale, en permettant à l’huissier de réaliser une copie complète de l’ensemble des fichiers informatiques, en sus de ceux ayant été identifiés comme ayant potentiellement un rapport avec les faits allégués, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile ;
2°/ que toute mesure d’instruction in futurum doit être circonscrite à la fois dans son objet et dans le temps, de manière à être limitée aux seules investigations nécessaires à la preuve des faits litigieux et à ne pas porter une atteinte illégitime aux libertés fondamentales des personnes concernées ; que n’est pas circonscrite dans son objet la mesure qui donne accès au requérant à l’ensemble des pièces et documents informatiques relatifs aux personnes visées, par le biais d’une utilisation de mots-clés qui, incluant aussi bien des termes génériques que les noms et dénominations des défendeurs, sont nécessairement présents dans tous les documents et ne permettent aucun tri de ceux-ci au regard de la finalité probatoire de la mesure ; qu’une telle mesure, sous couvert de points de recherche apparemment détaillés, donne en réalité à l’huissier une mission générale d’investigation, qui lui permet de mener une véritable perquisition civile des locaux des personnes visées ; qu’en l’espèce, les deux ordonnances de constat du 11 mars 2014 ont autorisé l’huissier instrumentaire à rechercher “de manière plus générale l’ensemble des fichiers notamment par l’emploi de mots-clés ou expressions” définis dans une liste de plus de 120 termes, impropre à circonscrire l’objet de la mission au regard des faits allégués, dès lors qu’elle permettait d’appréhender l’ensemble des documents relatifs à l’activité de la société Spacekey, de M. X… et de M. Y…, grâce à l’inclusion de termes techniques génériques afférents à l’électronique et des noms et dénomination de M. X…, de M. Y… et de la société Spacekey Europe, tous mots clés présents à l’évidence dans tous les documents informatiques détenus par ces derniers ; qu’en retenant néanmoins, pour décider que la mesure était suffisamment circonscrite dans son objet, que la recherche de documents et/ou d’éléments susceptibles de provenir de la société 3D Plus ou faisant référence aux produits développés, fabriqués et commercialisés par cette dernière, était “nécessairement combinée aux mots-clés énumérés” dans le point 1 des ordonnances, cependant que les mots-clés choisis permettaient l’appréhension de tous les documents informatiques de ceux-ci, y compris ceux sans aucun rapport avec les faits de concurrence déloyale allégués, faisant de la mission de l’huissier une mission générale d’investigation, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile ;
3°/ que toute mesure d’instruction in futurum doit être circonscrite à la fois dans son objet et dans le temps, de manière à être limitée aux seules investigations nécessaires à la preuve des faits litigieux et à ne pas porter une atteinte illégitime aux libertés fondamentales des personnes concernées ; que n’est pas circonscrite dans le temps la mesure qui permet à l’huissier de mener une véritable perquisition civile des locaux des personnes visées sans aucune limitation de durée ; qu’en l’espèce, les deux ordonnances de constat du 11 mars 2014 n’ont pas limité dans le temps les documents et données pouvant être collectés à l’occasion des opérations menées par l’huissier instrumentaire, donnant ainsi à celui-ci une mission d’investigation générale, non seulement par son objet, mais également par son étendue temporelle illimitée ; que la cour d’appel a néanmoins énoncé que “la mission est implicitement et suffisamment limitée dans le temps du fait de la recherche et de la constatation de tous document ou élément de toute nature pouvant provenir de la société 3D Plus ou faisant référence à la société, aux produits qu’elle développe et/ou commercialise, à ses techniques de fabrication et de commercialisation”, relevant en outre que la date des premiers actes de concurrence déloyale allégués restait légitimement inconnue et que le point de départ de la prescription quinquennale était lié aux résultats des investigations sollicitées ; qu’en statuant par de tels motifs, impropres à établir l’existence d’une limitation temporelle des mesures ordonnées et donc à justifier sa décision, la cour d’appel a derechef violé l’article 145 du code de procédure civile ;
4°/ que les huissiers de justice peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; qu’en conséquence, le juge ne peut en aucune manière déléguer son pouvoir juridictionnel à un huissier en confiant à celui-ci la mission de porter une appréciation juridique sur les éléments qu’il recueille au cours de ses investigations ; que tel est nécessairement le cas lorsque l’huissier doit, au terme de la mission qui lui a été confiée, déterminer, par des appréciations de nature juridique, si une pièce doit être communiquée à la partie requérante ou si au contraire cette pièce relève de la vie privée ou du secret des affaires de la personne visée par les mesures ; qu’une telle mission, qui constitue une délégation par le juge de son pouvoir juridictionnel, est disproportionnée au regard des droits et intérêts respectifs des parties et du but recherché et porte également atteinte aux droits fondamentaux de celles-ci ; qu’en retenant que ne constituait pas une délégation de pouvoir juridictionnel la mission confiée à l’huissier consistant à prendre la décision de mettre sous séquestre les “données susceptibles de porter atteinte à la vie privée ou au secret des affaires” de la société Spacekey, de M. X… et de M. Y…, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile ;
5°/ que ne sont pas légalement admissibles les mesures d’instruction qui tendent à établir, non pas de simples faits de concurrence déloyale ou de parasitisme, mais en réalité un grief principal de contrefaçon pour lequel la loi organise la mesure probatoire spécifique qu’est la saisie-contrefaçon ; que tel est le cas de la mesure d’instruction in futurum qui tend à rechercher la preuve d’éléments relatifs à la commercialisation et à la mise en vente de produits argués de contrefaçon et donc en réalité à étayer ce grief principal ; qu’une telle mesure menée pour des faits de concurrence déloyale dissimulant en réalité un grief principal et unique de contrefaçon de brevet constitue une saisie-contrefaçon déguisée, opérant un détournement de procédure afin de libérer le requérant des contraintes afférentes à la saisie-contrefaçon ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que la mission confiée à l’huissier par les ordonnances de constat du 11 mars 2014 tendait “à la recherche d’éléments provenant de la société 3D Plus et relatifs à la commercialisation et à la mise en vente de produits argués de contrefaçon” ; qu’en retenant néanmoins que les mesures d’instruction in futurum relatives à des faits permettant de caractériser le grief principal de contrefaçon de brevet, ne constituaient pas une saisie-contrefaçon déguisée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, a violé l’article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 615-5 et R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, applicable en la cause ;
6°/ que ne sont pas légalement admissibles les mesures d’instruction qui tendent à établir, non pas de simples faits de concurrence déloyale ou de parasitisme, mais en réalité un grief principal de contrefaçon pour lequel la loi organise la mesure probatoire spécifique qu’est la saisie-contrefaçon ; que tel est le cas de la mesure d’instruction in futurum qui tend à rechercher la preuve d’éléments relatifs à la commercialisation et à la mise en vente de produits argués de contrefaçon et donc en réalité à étayer ce grief principal ; qu’associée à une saisie-contrefaçon menée en parallèle, le but de cette manoeuvre est de faire appréhender les documents des personnes visées à la fois sur le fondement de l’article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle et sur celui de l’article 145 du code de procédure civile, de manière à éviter une déperdition de preuves au cas où l’un des deux types de mesures, et plus particulièrement la saisie-contrefaçon compte tenu des contraintes qui y sont afférentes, serait annulé ; qu’elle constitue donc bien une saisie-contrefaçon déguisée, opérant un détournement de procédure afin de libérer le requérant des contraintes et aléas inhérents à la saisie-contrefaçon ; qu’en l’espèce, les motifs invoqués par la société 3D Plus pour fonder les mesures d’instruction in futurum sollicitées étaient similaires à ceux fondant les mesures de saisie-contrefaçon par ailleurs demandées ; qu’en effet, la société 3D Plus justifiait ces mesures par ses différents brevets et le fait qu’ils seraient contrefaits ; que les ordonnances de constat du 11 mars 2014 tendent également à permettre à l’huissier de rechercher tout document et élément relatifs aux produits développés, fabriqués et commercialisés par la société 3D Plus, produits argués de contrefaçon ; que la société 3D Plus a ainsi détourné la procédure de l’article 145 du code de procédure civile dans le but de s’assurer en toutes hypothèses une preuve de la contrefaçon alléguée même dans l’hypothèse où les deux ordonnances autorisant les saisies-contrefaçon seraient rétractées en raison notamment de leur caractère trop général ; qu’en retenant cependant que l’existence d’ordonnances de saisie-contrefaçon rendait inopérant le motif tiré d’un détournement de procédure par le biais de l’article 145 du code de procédure civile, la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé ce texte, ensemble les articles L. 615-5 et R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, applicable en la cause ;