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16 juin 2022
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
20/01326
MHD/PR
ARRÊT N° 419
N° RG 20/01326
N° Portalis DBV5-V-B7E-GA2R
S.A. CHAMOIS NIORTAIS FOOTBALL CLUB
C/
[I]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 16 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 avril 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NIORT
APPELANTE :
S.A. CHAMOIS NIORTAIS FOOTBALL CLUB
N° SIRET : 414 702 373
[Adresse 3]
[Localité 8]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Et pour avocat plaidant Me Nathalie ATTIAS de la SCP ATTIAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [S] [I]
né le 20 septembre 1974 à [Localité 6] (44)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Ayant pour avocat plaidant Me Didier LACOMBE de la SELARL LEX ARENA – AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat à durée déterminée signé le 20 mai 2016, soumis à la convention collective nationale des métiers du football ou charte du football professionnel, Monsieur [S] [I] a été engagé par la SASP Chamois Niortais ‘ société anonyme sportive professionnelle spécialisée dans le secteur d’activité de l’enseignement de disciplines sportives et d’activités de loisirs qui détient le Club de football des Chamois Niortais ‘ pour une durée de 2 saisons, prenant effet à compter du 1er juillet 2016 pour se terminer le 30 juin 2018 en qualité de ‘entraîneur principal équipe 1′, moyennant une rémunération mensuelle brute de 12.500 € pour la saison 2016/2017, puis une rémunération mensuelle de brute de 14.500 € pour la saison 2017/2018, outre le versement de primes variables liées aux résultats du club en championnat selon des modalités précisées par un avenant signé le même jour.
Par un protocole d’accord régularisé entre les parties le 23 mai 2016, la SASP Chamois Niortais a mis à la disposition de Monsieur [I] pour l’exercice de son activité professionnelle un véhicule assuré et entretenu par le Club, un badge de télépéage, un ordinateur portable Apple Macbook, un abonnement téléphonique illimité et un poste téléphonique de type smartphone.
Son contrat a été renouvelé par deux avenants signés le 15 janvier 2018, venant annuler et remplacer les dispositions du contrat de travail et de l’avenant antérieurs pour les deux saisons sportives suivantes s’étendant du 1er juillet 2018 au 30 juin 2020, moyennant une rémunération mensuelle brute de 16.000 € à compter du 1er juillet 2018, outre le versement de primes variables liées aux résultats du club en championnat.
Monsieur [S] [I] était assisté dans ses fonctions par Monsieur [K], entraîneur adjoint.
Le 26 février 2018, son employeur lui a notifié verbalement sa mise à pied et a voulu lui remettre en mains propres, en vue d’un éventuel licenciement, une lettre de convocation à un entretien préalable fixé au 9 mars 2018 qu’il a refusée de recevoir.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 février 2018, il lui a confirmé sa mise à pied conservatoire, notifiée oralement la veille et l’a convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 12 mars 2018.
Le 2 mars 2018, par lettre envoyée en recommandé avec accusé de réception, il a annulé et remplacé cette convocation par une nouvelle convocation tout en maintenant la mise à pied conservatoire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 mars 2018, la SASP Chamois Niortais a – après l’échec de la tentative de conciliation menée par la commission juridique de la ligue de football professionnel – notifié à Monsieur [I] la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave.
Par requête en date du 3 avril 2018, Monsieur [S] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Niort aux fins de voir relever les irrégularités de procédure, de faire requalifier en mise à pied disciplinaire la mise à pied conservatoire, de contester les motifs invoqués à l’appui de la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée et de voir condamner son employeur au paiement des indemnités subséquentes.
Après s’être déclaré en partage de voix, par procès – verbal du 18 décembre 2019, le conseil de prud’hommes a – par jugement en date du 20 avril 2020 – :
– débouté Monsieur [I] [S] de ses demandes relatives à l’irrégularité de la procédure ;
– débouté Monsieur [S] [I] de sa demande de requalification de la mise à pied conservatoire ;
– écarté des débats la pièce 3 versée par la SASP Chamois Niortais relative à la retranscription de messages obtenus en violation du principe du droit au respect de la vie privée ;
– déclaré abusive la rupture du contrat de travail de Monsieur [S] [I] ;
– fixé à la somme de 14 855, 25 € brut la rémunération mensuelle brute moyenne de Monsieur [S] [I] ;
– condamné la SASP Chamois Niortais à verser à Monsieur [S] [I] avec intérêts au taux legal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale la somme de 433 357, 76 € au titre de l’indemnité de rupture abusive de son contrat de travail à durée déterminée ;
– condamné la SASP Chamois Niortais à verser à Monsieur [S] [I] avec intérêts au taux legal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale la somme de 11 654, 82 € brut au titre de la période de mise à pied non remunérée et de 1165, 48 € brut au titre des congés payés y afférents ;
– débouté Monsieur [S] [I] de ses autres demandes indemnitaires
– condamné la SASP Chamois Niortais à verser à Monsieur [S] [I] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration en date du 15 juillet 2020, la SASP Chamois Niortais a interjeté appel de tous les chefs de la décision.
***
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 février 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions du 8 avril 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SASP Chamois Niortais demande à la cour de :
– dire et juger qu’elle est recevable en son appel et bien fondé en ses demandes,
– en conséquence,
¿ infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
° a écarté la pièce n°3 qu’elle a versée relative à la retranscription des messages échangés entre Messieurs [I] et [K] concernant l’exercice de leur activité professionnelle et la rupture de leur contrat de travail ;
° a déclaré abusive la rupture du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [I],
° l’a condamnée à verser à Monsieur [I] avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale la somme de 433.357, 76 euros au titre de l’indemnité de rupture abusive de son contrat de travail à durée déterminée,
° a condamné à verser à Monsieur [I] avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale la somme de 11.654, 82 euros bruts au titre de la période de mise à pied non rémunérée et de 1.165, 48 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
° débouté la SASP Chamois Niortais de ses demandes reconventionnelles,
– statuant à nouveau,
– dire et juger recevable ladite pièce n°3 ;
– dire et juger que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de Monsieur [I] pour faute grave est pleinement justifiée et caractérisée,
– débouter Monsieur [S] [I] de l’intégralité de ses demandes incidentes, fins et conclusions,
– condamner Monsieur [I] à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamner Monsieur [S] [I] à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d’appel,
¿ confirmer la décision attaquée en toutes ses autres dispositions.
Par conclusions du 8 janvier 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [I] demande à la cour de :
– constater régulières et recevables sa constitution et son action,
– constater et juger in limine litis les irrégularités de procédure, confirmant le jugement dont appel sur ce point, et que dès lors la rupture anticipée, doit être considérée comme ne reposant sur aucune faute sans qu’il soit besoin d’examiner le litige au fond, infirmant sur ce point le jugement dont appel,
– constater et juger à titre subsidiaire, que la période de mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire et que la rupture anticipée, doit être considérée comme ne reposant sur aucune faute sans qu’il soit besoin d’examiner le litige au fond,
– infirmant le jugement dont appel sur ce point,
– constater et juger à titre infiniment subsidiaire, confirmant sur ce point le jugement dont appel, sans faute grave la rupture anticipée à l’initiative de l’employeur de son contrat notifiée le 22 mars 2018,
– fixer à la somme de 14 855 € sa rémunération mensuelle brute moyenne,
– et par conséquent et en tout état de cause :
– condamner la SASP Chamois Niortais à lui payer les sommes suivantes avec production d’intérêts aux taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale ;
° 29’710 € d’indemnité au titre du non-respect de la procédure de licenciement
° 89’130 € au titre du préjudice professionnel, d’image et extrapatrimonial.
° 437’478 € de dommages et intérêts pour rupture abusive du CDD
° 10’000 € de perte de chance d’obtenir des primes individuelles
° 49 000 € de perte de chance d’obtention des primes collectives
° 8 000 € au titre de la prime individuelle de maintien 2017/2018
° 11 884 € au titre de la rémunération de la période de mise à pied
° 1 188 € au titre des congés payés sur mise à pied,
– condamner la SASP Chamois Niortais à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel en sus de la condamnation sur ce point en première instance,
– condamner la SASP Chamois Niortais aux entiers dépens d’appel et de première instance.
SUR QUOI,
I – SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE DE LICENCIEMENT :
A – Sur la convocation à l’entretien préalable au licenciement :
La lettre de convocation d’un salarié d’une société à un entretien préalable doit être signée par une personne ayant qualité pour engager l’entreprise, c’est-à-dire un membre du personnel ayant reçu mandat explicite ou non pour ce faire, sans qu’il soit nécessaire que ce soit la personne qui sera chargée de conduire l’entretien qui la signe.
Le défaut de signature ou l’absence de signature ‘valable’ constitue des irrégularités de procédure.
Celles-ci ne peuvent donner lieu – ipso facto – au prononcé d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elles ne peuvent donner lieu qu’à l’octroi de dommages et intérêts au profit du salarié en application de l’article L 1235-2 du code du travail dès lors que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le salarié peut établir le préjudice qui est résulté pour lui de l’irrégularité de la procédure.
***
En l’espèce, Monsieur [S] [I] fait valoir que chacune des trois lettres de convocation à l’entretien préalable à la rupture anticipée de son contrat est entachée d’irrégularités et que notamment la troisième convocation a été signée ‘pour ordre’ par un signataire inconnu. Il en conclut que ceci est constitutif d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui doit être immédiatement prononcé sans examen du fond de l’affaire.
La société s’en défend en soutenant que la troisième convocation a régularisé l’irrégularité contenue dans la deuxième et qu’elle a été régulièrement signée par Monsieur [N], responsable comptabilité du club, expressément autorisé à signer au nom et pour le compte du club, sur délégation écrite ou verbale du président du directoire, tous les actes relatifs à une procédure de licenciement.
***
Cela étant, il convient de rappeler :
– que le 26 février 2018, Monsieur [M] [F], président du directoire de la SASP Chamois Niortais a notifié verbalement à Monsieur [S] [I] sa mise à pied conservatoire et a tenté vainement de lui remettre en main propre contre décharge une convocation préalable à la rupture anticipée de son contrat de travail,
– que le 27 février 2018, Monsieur [I] a été destinataire d’une deuxième lettre de convocation, envoyée en recommandé avec accusé de réception, qui comportait une irrégularité quant au choix de la personne pouvant l’assister lors de l’entretien,
– que le 2 mars 2018, il a reçu une troisième lettre de convocation annulant et remplaçant la précédente, mentionnant à l’endroit de la signature ‘pour ordre [M] [F], Président du Directoire de la SASP Chamois Niortais’ suivi d’une signature dont l’auteur n’était pas précisé.
Contrairement à ce que soutient Monsieur [I], seule la régularité de la troisième convocation qui lui a été délivrée importe dans la mesure où elle a expressément annulé et remplacé la deuxième, affectée d’une irrégularité.
Or à ce titre, contrairement à ce que soutient l’employeur, cette troisième convocation n’est pas régulière en raison de l’incertitude entourant l’identité de son signataire.
En effet, à défaut de la production de tout élément de comparaison des signatures, rien ne permet d’affirmer que le signataire est effectivement ‘ comme le prétend l’employeur ‘ Monsieur [V] [N], ‘responsable – comptabilité du club’ qui a reçu – ainsi que cela résulte de la pièce 26 du dossier de la société – par procès-verbal du directoire du 15 juin 2017 pouvoir pour signer au nom et pour le compte du club tous les actes relatifs à une procédure de licenciement.
Cependant – au vu des principes sus-rappelés – contrairement à ce que soutient Monsieur [I] – cette irrégularité n’entraîne pas ipso facto le prononcé d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sans examen du fond de l’affaire.
Il doit donc être débouté de sa demande formée de ce chef à titre principal.
***
La cour appréciera le bien-fondé de la demande indemnitaire qu’il présente sur ce fondement, à titre infiniment subsidiaire, après avoir statué sur fond de l’affaire.
B – Sur la communication par l’employeur à Monsieur [K] d’un courrier visant Monsieur [I] :
En application de l’article L1232-6 alinéa 1 du code du travail, pris dans sa version en vigueur au moment des faits : ‘Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.’
En l’espèce, le 20 mars 2018, Monsieur [M] [F], président de la SASP Chamois Niortais, a envoyé un courriel à l’avocat de la société, à Monsieur [K] et en copie à Monsieur [B], ainsi rédigé :
‘Bonsoir [Z],
Mes amendements en rouge sur le projet afin d’échanger avec toi demain matin. Quid de la voiture et le téléphone mis à disposition ‘ A ton écoute. Bien à toi. [M].’
Il l’a complété le lendemain matin en adressant aux mêmes destinataires une pièce jointe.
Il n’est pas contesté que Monsieur [K] a transféré en suivant les deux messages à Monsieur [I].
Celui-ci en déduit que la communication de la pièce jointe à Monsieur [K] constitue en fait la notification de son licenciement, que celle-ci n’est pas conforme aux dispositions du code du travail et constitue une irrégularité de procédure lui ouvrant droit à une indemnité spécifique.
En réponse, l’employeur s’en défend en soutenant qu’il s’agit d’un fait accidentel qui en tout état de cause ne peut pas être assimilé à une notification d’une lettre de licenciement.
Cela étant, le libellé même du mail du 20 mars 2018 établit que la lettre ainsi communiquée à Monsieur [I] par Monsieur [K] ne constitue qu’un projet de lettre de licenciement rédigée par l’avocat de la société et annotée par Monsieur [F] qui doit servir de base de réflexion à la rédaction du courrier définitif de licenciement qui sera notifié au salarié dans les jours suivants.
D’ailleurs, la qualification de projet de lettre de licenciement à donner à la pièce jointe accompagnant le mail litigieux est confirmée par le fait que certaines mentions n’y figurent pas et sont laissées en blanc, à savoir l’en-tête du club, rédacteur du courrier, le numéro de recommandé donné à la lettre, la date de la lettre, son signataire et l’adresse de son destinataire.
Il en résulte que le licenciement n’est entaché d’aucune irrégularité de ce chef.
En conséquence, le jugement attaqué ayant débouté Monsieur [I] de toute demande d’indemnité doit être confirmé.
II – SUR LA MISE A PIED :
Il existe deux types de mises à pied :
– la mise à pied disciplinaire qui constitue une sanction infligée par l’employeur au salarié à la suite de la faute qu’il a commise,
– la mise à pied conservatoire qui permet à l’employeur d’écarter le salarié de l’entreprise pendant toute la durée de la procédure disciplinaire qui peut s’achever notamment par le prononcé d’un licenciement.
Il en résulte donc que la mise à pied conservatoire, contrairement à la mise à pied disciplinaire, n’a pas la nature d’une sanction et n’épuise donc pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur.
***
En l’espèce, Monsieur [S] [I] soutient que comme la troisième lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement a annulé la précédente convocation dans laquelle était notifiée la mise à pied et que la période du 27 février au 2 mars ne lui a pas été rémunérée, la mise à pied qualifiée de conservatoire par l’employeur doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire. Il en conclut que cette mise à pied disciplinaire – qui a épuisé le pouvoir de sanction de l’employeur – rend abusive la rupture anticipée de son contrat.
L’employeur s’en défend en prétendant que la mise à pied litigieuse constitue une mise à pied conservatoire parfaitement régulière.
Cela étant, il n’est pas contesté :
– que le 26 février 2018, une mise à pied conservatoire a été notifiée oralement par Monsieur [F] au salarié lors de la tentative de remise en main propre de la convocation à l’entretien préalable au licenciement du 26 février 2018,
– que le 27 février suivant, cette mise à pied a été confirmée par écrit dans la lettre de convocation à l’entretien préalable.
Contrairement à ce que soutient le salarié, la lettre du 2 mars 2018 qui porte nouvelle convocation à un entretien préalable annule et remplace uniquement la précédente convocation à l’entretien préalable délivrée par lettre recommandée du 27 février précédent.
Elle ne vise pas l’annulation de la mise à pied conservatoire initialement prononcée le 26 février 2018 et confirmée par lettre le 27 février 2018.
Sa rédaction le confirme :
– en mentionnant expressément en caractères ‘gras’, parfaitement lisibles et mis en relief par les interlignes laissées : ‘OBJET : Annule et remplace la précédente convocation à un entretien préalable’,
– en précisant clairement : ‘.. compte tenu de la gravité de vos agissements, nous vous confirmons ici la mise à pied que le Président Monsieur [M] [F] vous a notifiée dans le précédent courrier de convocation à l’entretien préalable. Cette mise à pied est prononcée à titre conservatoire jusqu’à la décision définitive qui découlera de l’entretien..’
Il en résulte que cette mise à pied constitue sans aucune ambiguité une mise à pied à titre conservatoire.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué de ce chef en ce qu’il a débouté Monsieur [I] de sa demande de requalification.
III – SUR LA RUPTURE DU CONTRAT :
A – Sur la production en justice de la pièce n° 3 du dossier de l’employeur :
Les courriers adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail (Cass. soc., 15 déc. 2010, no 08-42.486) sont présumés avoir un caractère professionnel.
Dès lors, l’employeur peut régulièrement les ouvrir en dehors de la présence de l’intéressé sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels.
Il en va de même des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur qui ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié (Cass. soc., 19 juin 2013, no 12-12.138).
Si ‘ l’ordinateur mis à la disposition du salarié peut être protégé par un mot de passe ou un login, cette mesure de sécurité est destinée à éviter les utilisations malveillantes ou abusives par un tiers : elle n’a pas pour objet de transformer l’ordinateur de l’entreprise en un ordinateur à usage privé’ (Rapp. Cnil, 5 févr. 2002, sur la cyber-surveillance des salariés sur les lieux de travail).
De ce fait, si l’entreprise met à disposition du salarié un outil informatique doté d’un système de protection par mot de passe afin d’en garantir l’unique accès au salarié et si celui-ci est seul détenteur du mot de passe, par application du principe de loyauté, il est tenu, lorsque l’employeur en fait la demande, de restituer les éléments matériels, de communiquer les informations qu’il détient et qui sont nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise (Cass. soc., 6 févr. 2001, no 98-46.345 ; Cass. soc., 18 mars 2003, no 01-41.343) et de ce fait de communiquer le mot de passe secret.
Par ailleurs, le salarié ne peut ignorer que les SMS qu’il envoie ou reçoit sont enregistrés par l’appareil récepteur (Cass. soc., 23 mai 2007, no 06-43.209 ).
Enfin, le secret de la correspondance n’est pas opposable à l’employeur lorsque, par une man’uvre malencontreuse, le salarié a transmis les messages litigieux à d’autres salariés de l’entreprise.
En tout état de cause, le droit à la preuve d’une des parties au contentieux peut justifier la production d’éléments portant atteinte à une liberté fondamentale comme la vie personnelle du salarié protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ‘ toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance’, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice des droits de la défense et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. (Cass. 1re civ., 25 févr. 2016, no 15-12.403 ; Cass. soc., 9 nov. 2016, no 15-10.203).
En revanche, tout recours à un stratagème destiné à confondre le salarié est considéré comme un procédé de contrôle ‘clandestin et déloyal’, même s’il présente l’apparence de la licéité.
***
En l’espèce, afin d’établir la déloyauté et les manoeuvres qu’elle reproche à Monsieur [I] d’avoir mis en place – de concert avec l’entraineur adjoint, Monsieur [K] – pour provoquer la rupture de leur contrat de travail respectif et en tirer un profit financier, la société verse en pièce 3 de son dossier le procès-verbal dressé par Maître [J], huissier de justice à [Localité 8], le 24 mai 2018 constatant les messages SMS que les deux entraîneurs ont échangés et qu’elle a retrouvés sur l’ordinateur professionnel mis à la disposition de Monsieur [K] qu’il lui a restitué.
Elle prétend que ces messages établissent la volonté manifeste et délibérée de Monsieur [I] d’accomplir de façon défectueuse son travail pour tirer financièrement profit d’une rupture qu’il a provoquée et rappelle que le salarié a déjà obtenu la condamnation de son précédent club dans un contexte quasiment similaire devant le conseil de prud’hommes de Paris.
Pour s’en défendre, Monsieur [S] [I] fait valoir que la pièce numéro 3 relative à la retranscription d’échanges de SMS avec Monsieur [K] doit être écartée des débats au motif que ces SMS ont été obtenus en violation du secret des correspondances privées s’agissant d’une captation réalisée à partir de l’ICloud activé sur l’ordinateur professionnel mis à la disposition de Monsieur [K] que ce dernier avait synchronisé avec son téléphone portable personnel et qui était rattaché à son adresse mail privée.
Il ajoute que ces messages ont été envoyés à partir d’un poste téléphonique et d’un abonnement personnels et qu’il a fallu une manipulation pour restaurer une sauvegarde d’un téléphone privé qui n’a jamais été en possession des dirigeants du club.
***
Cela étant, il y a lieu de rappeler :
– que la société avait mis uniquement à la disposition de Monsieur [K] un ordinateur professionnel, à l’exclusion de tout téléphone portable professionnel,
– que celui-ci utilisait donc son IPhone personnel dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail qu’il avait synchronisé avec son ordinateur professionnel,
– que de ce fait, tous les messages SMS qu’il recevait sur son téléphone personnel s’affichaient sur son ordinateur professionnel,
– que le 22 mars 2018, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave,
– que le 27 mars 2018, il a restitué à son employeur son ordinateur portable professionnel Macbook Pro sans déconnecter et désynchroniser son téléphone personnel,
– que de ce fait, les messages SMS qu’il avait reçus sur son téléphone portable personnel demeuraient toujours synchronisés avec son ordinateur portable professionnel Macbook Pro,
– que le procès-verbal de constat, dressé le 24 mai 2018 à la demande de l’employeur par Maître [J], huissier de justice à [Localité 8] a relevé que Monsieur [F] – président du directoire de la société – avait branché un téléphone portable sur l’ordinateur qui avait proposé une sauvegarde du téléphone de Monsieur [K] qui avait été validée et qu’ainsi les messages SMS échangés entre M. [K] et M. [I] à partir de leur téléphone portable respectif étaient apparus sur l’appareil de [F] jusqu’à la dernière sauvegarde soit le ler mars 2018,
– que par procès-verbal complémentaire du 29 janvier 2019, l’huissier de justice a attesté que la restauration avait été réalisée à partir d’une sauvegarde sur l’ordinateur professionnel restitué par Monsieur [K] et non sur l’ICloud, précisant avoir sélectionné dans ITunes, l’onglet ‘références’ constatant la sauvegarde de l’appareil sur l’ordinateur et la possibilité de la supprimer.
Il en résulte que lorsque le 27 mars 2018, Monsieur [K] a restitué à son employeur son ordinateur professionnel à la suite de la rupture de son contrat de travail, il savait que ce dernier, en récupérant ce matériel, allait exercer toutes les prérogatives du propriétaire et notamment avoir accès à tous les messages professionnels et personnels qu’il n’avait pas effacés.
Conformément aux principes sus rappelés, Monsieur [I] ne pouvait pas ignorer que les SMS qu’il envoyait ou recevait avaient été enregistrés sur le téléphone portable de Monsieur [K] auquel d’ailleurs il ne fait pas grief de les recevoir – à la suite de la synchronisation opérée – sur son ordinateur professionnel mis à sa disposition.
De ce fait, il a accepté les risques de les voir divulguer – faute d’individualisation comme messages privés sur cet appareil – à l’employeur lors de la restitution de l’appareil sans désynchronisation.
Aussi, en application des principes sus-rappelés, faute pour le salarié de caractériser sérieusement la ou les manoeuvres réalisées par l’ employeur pour accéder aux SMS qui avaient de surcroît un lien avec l’exécution de son contrat de travail, il n’y a pas lieu d’écarter la pièce 3 du dossier de la SASP Chamois Niortais.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement attaqué de ce chef.
B – Sur les motifs de la rupture :
En application de l’article L222-2-l du code du sport pris dans sa version en vigueur au 3 mars 2017 :
‘Le code du travail est applicable au sportif professionnel salarié et à l’entraineur professionnel salarié à l ‘exception des dispositions des articles L. 1221-2, L. 1241-1 à L. 1242-5, L. 1242-7 à L. 1242-9, L. 1242-12, L. 1242-13, L. 1242-17, L. 1243-7 à L. 1243-10, L. 1243-13 à L. 1245-1, L. 1246-1 et L. 1248-1 à L. 1248-11 relatives au contrat de travail à durée déterminée.’
Il en résulte que sur le fondement de l’article L. 1243-1 code du travail, sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée de l’entraineur sportif ne peut être rompu par l’employeur avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
Cette faute grave est définie comme étant le fait ou l’ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations résultant du contrat de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite la cessation immédiate du contrat de travail.
Le principe selon lequel la lettre de licenciement fixe les limites du litige a pour objet d’assurer au salarié sa complète information sur les motifs invoqués à l’appui de son licenciement.
De ce fait, en cas de contestation du licenciement devant la juridiction prud’homale, l’employeur ne peut invoquer d’autres motifs que ceux mentionnés dans la lettre de licenciement, sauf à apporter des précisions quant aux motifs figurant déjà dans la lettre.
Enfin, il n’est pas nécessaire que les faits soient datés, il suffit qu’ils soient datables.
***
En l’espèce, après avoir rappelé au salarié que ‘depuis la prolongation de son contrat de travail (signée le 15 janvier 2018) il avait eu un comportement général qui avait manifesté un désintérêt croissant pour l’accomplissement de ses fonctions dans les meilleures conditions’, l’employeur a reproché au salarié :
1 – son manque d’implication ayant entrainé une série de contre-performances sportives et la détérioration de son comportement professionnel, caractérisés de la façon suivante :
‘Ce manque d’implication de votre part a entraîné une série de contre-performances de l’équipe professionnelle des Chamois Niortais dans le championnat de France de Ligue 2 avec seulement une victoire sur sept matchs (pour six défaites), faisant de l’équipe professionnelle des Chamois Niortais l’équipe la plus faible sur la période allant de la 21 ème à la 27 ème journée du Championnat de France de Ligue 2.
En marge de ces performances négatives, votre comportement professionnel s’est singulièrement détérioré : vous avez été expulsé du banc de touche lors de la défaite contre le [Localité 7] Olympique le 23 février 2018 et vous avez même quitté l’équipe professionnelle au cours du trajet de retour après la défaite contre [Localité 5] le 16 février 2018.
Ces très mauvais résultats sportifs ont sérieusement compromis les chances de maintien du Club dans un championnat professionnel’
‘ …Ce désintérêt pour le projet global du Club des Chamois Niortais s’est un peu plus mis en évidence lorsqu’il a été constaté votre déconnection progressive avec le travail réalisé par le centre de formation du Club, qui représente pourtant le vivier de joueurs pour les saisons sportives à venir.
Sur ce point, il nous a été indiqué que vous vous étiez désintéressé des dernières réunions organisées avec le personnel du centre de formation, ce qui constitue une preuve supplémentaire de votre détachement pour les missions qui vous ont été confiées pour assurer le développement actuel et futur du Club.’
‘.. nous vous rappelons qu’un club de football professionnel est une entreprise où les enjeux économiques et financiers (très conséquents) ainsi que de nombreux emplois dépendent très directement des compétitions sportives. Aussi, la gestion de l’aspect sportif d’un Club de football impose une exigence extrême afin de limiter autant que possible l’impact de l’aléa sportif. A ce titre, il était attendu de vous que vous portiez la plus grande attention sur l’optimisation des performances via une programmation physique, technique et tactique en collaboration étroite avec le staff mis à votre disposition, où chaque membre excelle dans son domaine de compétence respectif.
Les éléments en notre possession prouvent que vous avez failli sur ce point…’
2 – son absence de considération à l’égard du staff technique et des joueurs :
‘ .. et suite à la défaite à domicile contre [Localité 9] le 9 février 2018, nous avons alors reçu divers témoignages internes, lesquels ont mis en évidence des dysfonctionnements qui demeuraient jusqu’alors inconnus et qui se sont révélés particulièrement graves et incompatibles avec vos fonctions.Plusieurs membres du staff technique nous ont alors fait connaître leur mal-être profond, lequel est en partie causé par le peu de considération que vous accordez à leur travail et par le fait que vous et votre adjoint (Monsieur [L] [K]) ne les consultez pas, même lorsqu’il s’agit de leur domaine de compétence respectif.
Certains membres du staff nous ont également révélé que l’établissement des plannings d’entraînement était le plus souvent effectué en tenant compte de vos convenances personnelles, lesquelles s’avéraient le plus souvent totalement déconnectées de l’objectif d’optimisation de la performance du groupe professionnel (refus systématique des séances supplémentaires préconisées par le préparateur physique, séances trop courtes, trop rares décrassages le samedi matin pourtant jugés importants dans la récupération et la prévention médicale, jours de repos trop nombreux sans justification liée à l’optimisation de la performance physique des joueurs, etc.).
… après avoir entendu certains joueurs de l’effectif professionnel en entretien, il est apparu que certains se plaignent des conditions de travail directement liées à votre management et à celui de votre adjoint (absence totale de dialogue avec certains joueurs, lesquels se sentent purement et simplement exclus du projet ; perte de confiance de certains membres de l’effectif professionnel en raison d’une négligence avérées à leur égard ; manque de discipline au sein de l’effectif)….’
3 – son refus de respecter les décisions prises par le club quant au sort d’un joueur :
‘ .. …vous vous êtes également permis de tenir à l’égard d’un joueur un discours totalement déconnecté de la volonté des dirigeants du Club.
En effet, alors qu’au cours du mercato d’hiver de la saison sportive en cours, nous avions tous ensemble acté du départ de Monsieur [U] [C], celui-ci nous a récemment confié que vous lui aviez indiqué que vous étiez opposé à son départ et que vous souhaitiez le maintenir au club à tout prix.
Une telle insubordination exclut toute confiance, pourtant essentielle et indispensable dans le cadre d’une collaboration professionnelle…’
4 – son attitude de dénigrement du club à l’égard de ses partenaires
‘… Consécutivement à la réception de ces témoignages accablants, nous avons également pris contact avec des partenaires du Club et certains nous ont fait savoir que vous avez pu avoir une attitude de dénigrement du club dans le cadre de ses rapports avec eux (au mépris des principes de réserve et de confidentialité qu’un employeur est en droit d’attendre de son employé).
Une fois encore, une telle attitude ne saurait être tolérée et la confiance que votre club vous accordait est dorénavant totalement rompue…’
Afin d’étayer l’ensemble de ces griefs, la société verse aux débats :
– des témoignages du staff technique et des joueurs qui selon elle attestent des manquements de Monsieur [I] à ses obligations, de leur mal-être profond quant au manque d’implication de Monsieur [I] et de Monsieur [L] [K] et de leur mépris total quant à l’objectif d’optimisation de la performance du groupe,
– des articles de presse établissant selon l’employeur l’évolution négative des résultats sportifs du club à compter du renouvellement du contrat de travail du salarié,
– un article de presse établissant selon l’employeur l’amélioration des résultats de l’équipe à compter du départ de Monsieur [I],
– les échanges de SMS entre les deux entraineurs dont elle considère qu’il ressort qu’ils s’étaient tous les deux entendus pour provoquer des contre-performances sportives concommittamment à la stratégie déloyale et malveillante qu’ils avaient mis en place immédiatement après le renouvellement de leur contrat.
En réponse, après avoir rappelé la législation et la jurisprudence applicables, Monsieur [I] se défend d’avoir commis une quelconque faute et plus particulièrement des fautes graves et verse des attestations de joueurs, des articles de presse et des interviews données par Monsieur [F] aux média locaux.
Cela étant, il est acquis que l’absence de résultat sportif n’est pas constitutive d’une faute grave sauf lorsque les contre-performances résultent de la mauvaise volonté délibérée de l’entraineur de remplir de bonne foi ses obligations.
Aussi, la société ne peut pas tirer argument des seuls mauvais résultats du club concommittants au renouvellement du contrat de travail de Monsieur [I] pour en déduire que l’existence de la faute grave est établie.
Encore faut-il, en effet, pour caractériser la faute grave, que l’employeur rapporte la preuve d’autres éléments qui pris dans leur ensemble avec les contre-performances sportives caractérisent l’action volontaire du salarié pour parvenir à ces dernières.
A ce titre, au-delà des résultats sportifs présentés par les articles de presse versés aux débats qui traduisent très objectivement les contre-performances réalisées par l’équipe des Chamois Niortais à compter de janvier 2018, les déclarations :
– tant du staff technique composé de Monsieur [W] [T], masseur kinésithérapeute, Monsieur [P] [X], entraîneur des gardiens de but et de Monsieur [O] [A] préparateur physique du club qui relèvent tous en substance un dialogue inexistant avec Monsieur [I], un manque de confiance de la part de ce dernier dans les soigneurs, une désinvolture certaine dans le suivi des entrainements des joueurs qui étaient fixés quand il voulait et comme il voulait,
– que de deux joueurs, à savoir Monsieur [Y] [D] et Monsieur [G] [E] [R] qui expriment un sentiment d’exclusion et une perte de confiance en eux -mêmes après les décisions prises par Monsieur [I] à leur égard qui leur avait fait comprendre qu’il ne comptait pas sur eux et ne les avait pas fait jouer sans explication,
établissent que les méthodes de travail du salarié étaient contestées par le staff technique et restaient incomprises par certains joueurs.
Quoiqu’en dise Monsieur [I] qui conteste ces témoignages ‘ en soutenant qu’ils ont été établis plusieurs mois après les faits et en versant des messages de soutien que des joueurs et quelques responsables de la société lui ont adressés au moment de son départ du club ‘ les attestations produites par l’employeur sont précises et circonstanciées et sont révélatrices d’une certaine insuffisance professionnelle.
Cependant, il est constant que celle – ci, à défaut de tout élément confirmant son caractère volontaire, ne peut constituer une faute grave justifiant la rupture du contrat de travail.
En effet, les SMS que Monsieur [K] et Monsieur [I] ont échangé avant et pendant la procédure de licenciement et qui sont retranscrits dans le procès-verbal de constat d’huissier dressé par Maître [J] figurant en pièce 3 du dossier de l’employeur – à laquelle il convient de se reporter – confirment – certes – le climat désagréable et les difficultés existant mais n’établissent pas le caractère volontaire de l’insuffisance professionnelle du salarié et la programmation calculée d’un sabotage réfléchi des matchs du club ; la réflexion faite par Monsieur [K] ‘De toute façon on n’arrivera pas à travailler comme on le souhaite. Soit on la ferme et on attend de se faire virer (période compliquée) soit on claque la porte.’ démontrant que les salariés voulaient travailler et hésitaient entre continuer sans tenter d’imposer leurs méthodes de travail et démissionner.
Par ailleurs, la détérioration du comportement professionnel du salarié n’est pas établie.
En effet, s’il ne peut pas être contesté que celui-ci a été exclu du banc de touche à la 67ème minute du match contre [Localité 7] le 23 février 2018 pour avoir levé les bras au ciel en signe de contestation d’une décision de l’arbitre et si cela constitue un manquement professionnel pouvant justifier une sanction disciplinaire, il n’en demeure pas moins :
– que jusque là, il ne s’était vu reproché aucun comportement inadapté et fautif sur un terrain de sport,
– que la commission de discipline ne l’a d’ailleurs sanctionné que par une suspension assortie du sursis de toutes ses fonctions officielles limitée à un seul match,
– qu’en tout état de cause, son caractère véniel est même reconnu par le règlement intérieur du club (pièce 35 du dossier du salarié) qui prévoit de sanctionner par un simple avertisssement une condamnation prononcée avec sursis par la LFP.
Cet incident ne peut donc pas constituer une faute grave et ne permet pas davantage d’établir le caractère volontaire de l’insuffisance professionnelle du salarié.
Il en va de même pour le retour de Monsieur [I] à son domicile le 16 février 2018.
En effet, s’il n’est pas contesté que le 16 février 2018, lors du voyage – retour du match à l’issue duquel l’équipe Niortaise a été battue face à [Localité 5], Monsieur [S] [I] a quitté le bus transportant les joueurs au niveau du péage du [Localité 4] à [Localité 6] afin de regagner son domicile familial avec son véhicule personnel, il n’en demeure pas moins :
– que d’une part, son contrat de travail applicable à ce moment-là aux relations contractuelles unissant les parties ne mettait pas à sa charge l’obligation de réaliser avec l’équipe tous les trajets routiers nécessités par les matchs ; cette obligation n’ayant été prévue que par l’avenant du 15 janvier 2018 applicable uniquement à compter du 1er juillet 2018,
– que d’autre part, à défaut d’établir expressément l’autorisation que lui avait donnée Monsieur [F] de descendre en cours de route, le caractère implicite de celle-ci se déduit du fait que l’employeur ne conteste pas qu’à l’aller, le salarié avait utilisé son véhicule personnel jusqu’au péage du [Localité 4] où il avait déposé son véhicule et que ceci impliquait nécessairement sa récupération au retour.
En tout état de cause, les reproches développés par l’employeur dans ses conclusions quant à l’absence du salarié les deux jours précédant le match contre [Localité 5] et quant au fait que Monsieur [I] n’avait pas « mis les pieds » au Club et n’avait donc participé à aucun des entraînements de son équipe durant ce laps de temps constitue un grief nouveau – par rapport à ceux figurant dans la lettre de licenciement – qui, de ce fait, ne peut être invoqué par l’employeur.
Par ailleurs, l’employeur n’établit pas le dénigrement auquel le salarié aurait procédé personnellement auprès des partenaires du club dans la mesure où la seule pièce qu’il verse à son dossier – pièce 25 – constitue son droit de réponse à un article qu’il se garde bien de produire et qui aurait permis à la cour d’étudier la gravité du dénigrement reproché.
Enfin, l’insubordination que l’employeur reproche encore au salarié et qu’il veut voir dans le fait qu’il n’aurait pas respecté les décisions prises par le club quant au devenir professionnel de Monsieur [C] n’est pas établie.
En effet, ce joueur explique ‘ dans l’attestation produite par Monsieur [I] en pièce 47 de son dossier ‘ sans être contredit au final par l’employeur ‘ que ‘…le club des Chamois Niortais ne l’a jamais poussé à partir, ni … que le coach l’a forcé à rester au club …’
En conséquence, au vu des principes sus rappelés, à défaut pour l’employeur d’établir l’existence d’une faute grave, le licenciement du salarié doit être déclaré abusif.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé de ce chef.
C- Sur les indemnisations :
1 – Sur l’indemnité au titre du non respect de la procédure de licenciement :
Monsieur [I] sollicite l’octroi d’une somme de 29 710€ – correspondant à deux mois de salaires – au titre de la réparation du préjudice spécifique résultant pour lui de l’irrégularité de la procédure de licenciement.
Cependant, au vu des principes sus rappelés, il doit être débouté de sa demande formée de ce chef dans la mesure où le caractère abusif de son licenciement vient d’être reconnu et où en conséquence, il va percevoir des dommages intérêts pour rupture abusive.
Le jugement attaqué est donc confirmé par substitution de motifs.
2 – Sur les dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée :
En cas de rupture abusive d’un contrat de travail de travail à durée déterminée, l’indemnisation ne peut être inférieure à la totalité des salaires que le salarie aurait perçus jusqu’à la fin de son contrat ou la fin prévisible de ce demier, soit en l’espèce jusqu’au 30 juin 2020.
Au jour de la rupture du contrat de travail, Monsieur [S] [I] percevait un salaire brut mensuel moyen de 14 855, 25€, outre les diverses primes de matchs et sur objectifs.
Son contrat courait jusqu’au 30 juin 2018 et une prolongation de ce dernier avait été signée jusqu’au 30 juin 2020, avec possibilité de prolonger jusqu’au 30 juin 2021 en cas de montée de l’équipe en ligue l, pour un salaire brut mensuel de 16 000 € bruts, outre les diverses primes.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a accordé au salarié la somme de 433 357, 76€ brut au titre d’un licenciement abusif.
3 – Sur les pertes de chance au titre des primes :
Monsieur [I] soutient qu’il a subi une perte de chance d’obtenir des primes individuelles et collectives, dans la mesure où il bénéficiait dans son contrat de primes de résultats de matchs.
Cependant, il ne produit aucun élément permettant de démontrer l’existence de l’éventuel préjudice qu’il pourrait souffrir de ces chefs dès lors qu’il n’est pas contesté que les résultats sportifs du club n’étaient pas bons et que de ce fait, les chances du club de progresser dans les championnats de Ligue étaient nulles.
4 – Sur la perte de la prime individuelle de maintien 2017/2018 :
Monsieur [I] soutient que son licenciement sans cause réelle et sérieuse l’a privé de la prime contractuelle individuelle d’objectif incluse dans son contrat de travail.
Cela étant, l’avenant signé par les parties est ainsi rédigé :
‘Si l’équipe première du Chamois Niortais FC se maintient dans le Championnat de France de Ligue 2 (sportivement et administrativement) à la fin de la saison 2017/2018, Monsieur [S] [I] percevra une prime de maintien d’un montant de 8.000 € bruts (‘) non cumulable avec la prime individuelle de classement ci-dessus), congés payés inclus, Monsieur [S] [I] soit toujours en charge de l’équipe première au moment du maintien administratif et sportif du club en championnat de France Ligue 2.’
Or, à la fin de la saison 2017/2018, Monsieur [I] n’était plus en charge de l’équipe et avait quitté les effectifs de la SASP Chamois Niortais.
Il ne peut donc prétendre au versement de cette prime et doit être débouté de sa demande formée de ce chef.
Le jugement attaqué est donc confirmé de ce fait.
5 – Sur le préjudice professionnel d’image et extra-patrimonial :
Monsieur [I] sollicite en réparation de ce préjudice une somme d’un montant de 89 130€ correspondant à six mois de salaires en soutenant qu’il s’agit de la réparation d’un préjudice distinct, lié à la spécificité du métier d’entraineur de football d’une équipe professionnelle, qu’à ce jour, il n’a toujours pas retrouvé de poste équivalent et qu’il s’est temporairement reconverti dans une activité d’agent immobilier.
Cependant, il se borne à alléguer ces éléments sans rapporter la preuve qu’il a vainement recherché des postes d’entraîneur.
En conséquence, il doit être débouté de ses demandes formées de ce chef.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé.
6 – Sur la rémunération de la mise à pied injustifiée :
Compte tenu du caractère abusif du licenciement et de l’absence de toute contestation relative aux calculs réalisés par le premier juge, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à Monsieur [I] les sommes de 11 654, 82 € au titre de la rémunération de la période de mise à pied non rémunérée du 26 février au 21 mars 2018 et de 1165, 48€ au titre des congés payés sur mise à pied avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la présente juridiction.
V – SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLE ET ACCESSOIRES :
Soutenant que Monsieur [I] aurait fait preuve à son égard d’une déloyauté sans limite et qu’il aurait usé de manoeuvres malhonnêtes pour obtenir la rupture de son contrat de travail dans le seul but stratégique de récupérer le maximum de profits et d’instrumentaliser le conseil de prud’hommes tout en se répandant en contre-vérités dans la presse pour tenter de jeter l’opprobre sur le club, l’employeur sollicite une somme de 5000 € à titre de dommages intérêts.
Cependant, si la présente procédure a démontré les éventuelles insuffisances professionnelles de l’entraîneur et les fautes simples dont il a pu se rendre responsable, elle n’a pas établi leur caractère volontaire et les manoeuvres conduites par le salarié.
En conséquence, il convient de débouter l’employeur de sa demande en dommages intérêts.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé.
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Les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par moitié par chacune des parties qui succombe partiellement dans leurs prétentions respectives.
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Il n’est pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives formées en première instance et en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 20 avril 2020 par le conseil de prud’hommes de Niort sauf en ce qu’il a :
– écarté des débats la pièce 3 versée par la SASP Chamois Niortais relative à la retranscription de messages obtenus en violation du principe du droit au respect de la vie privée ;
– condamné la SASP Chamois Niortais à verser à Monsieur [S] [I] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– déclare recevable la pièce n°3 figurant au dossier de la SASP Chamois Niortais,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,
– dit que les dépens doivent être partagés par moitié entre la SASP Chamois Niortais et Monsieur [S] [I] qui sont condamnés à en supporter chacun la moitié.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,