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16 juin 2022
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
20/01325
MHD/PR
ARRÊT N° 418
N° RG 20/01325
N° Portalis DBV5-V-B7E-GA2P
S.A. CHAMOIS NIORTAIS FOOTBALL CLUB
C/
[S]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 16 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 avril 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NIORT
APPELANTE :
S.A. CHAMOIS NIORTAIS FOOTBALL CLUB
N° SIRET : 414 702 373
[Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Et pour avocat plaidant Me Nathalie ATTIAS de la SCP ATTIAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [U] [S]
né le 05 Septembre 1975 à [Localité 6] (44)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Didier LACOMBE de la SELARL LEX ARENA – AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat à durée déterminée signé le 20 mai 2016, soumis à la convention collective nationale des métiers du football ou charte du football professionnel, Monsieur [U] [S] a été engagé par la SASP Chamois Niortais ‘ société anonyme sportive professionnelle spécialisée dans le secteur d’activité de l’enseignement de disciplines sportives et d’activités de loisirs ‘ pour deux saisons sportives se déroulant du 1er juillet 2016 au 30 juin 2018 ‘ en qualité d’entraîneur adjoint équipe 1 du club de football des [5], moyennant une rémunération mensuelle brute de 3.500 € outre le versement de primes variables liées aux résultats du club en championnat selon des modalités précisées par un avenant signé le même jour.
Il a été précisé qu’il exercerait ses fonctions d’entraîneur adjoint auprès de l’entraîneur principal, Monsieur [B] [I].
Son contrat a été renouvelé par deux avenants signés le 15 janvier 2018, venant annuler et remplacer les dispositions du contrat de travail et de l’avenant antérieurs pour les deux saisons sportives suivantes s’étendant du 1er juillet 2018 au 30 juin 2020, moyennant une rémunération mensuelle brute de 5.000 € à compter du 1er juillet 2018, outre le versement de primes variables liées aux résultats du club en championnat.
Le 26 février 2018, son employeur lui a notifié verbalement sa mise à pied et a voulu lui remettre en mains propres, en vue d’un éventuel licenciement, une lettre de convocation à un entretien préalable fixé au 9 mars 2018 qu’il a refusée de recevoir.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 février 2018, il lui a confirmé sa mise à pied conservatoire, notifiée oralement la veille et l’a convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 12 mars 2018.
Le 2 mars 2018, par lettre envoyée en recommandé avec accusé de réception, il a annulé et remplacé cette convocation par une nouvelle convocation tout en maintenant la mise à pied conservatoire.
Le 22 mars 2018, après l’échec de la tentative de conciliation menée par la commission juridique de la ligue de football professionnel, la SASP Chamois Niortais a notifié à Monsieur [S] la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave.
Par requête en date du 3 avril 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Niort aux fins de voir relever les irrégularités de procédure, de faire requalifier en mise à pied disciplinaire la période de mise à pied conservatoire, de contester les motifs invoqués à l’appui de la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée et d’obtenir la condamnation de son employeur au paiement des indemnités subséquentes.
Après s’être déclaré en partage de voix, par procès-verbal du 18 décembre 2019, le conseil de prud’hommes a – par jugement en date du 20 avril 2020 – :
– débouté Monsieur [U] [S] de ses demandes relatives à l’irrégularité de la procédure ;
– débouté Monsieur [U] [S] de sa demande de requalification de la mise à pied conservatoire ;
– écarté des débats la pièce 2 versée par la SASP Chamois Niortais relative à la retranscription de messages obtenus en violation du principe du droit au respect de la vie privée ;
– déclaré abusive la rupture du contrat de travail de Monsieur [U] [S] ;
– fixé à la somme de 3831,90 € brut la rémunération mensuelle brute moyenne de Monsieur [U] [S] ;
– condamné la SASP Chamois Niortais à verser à Monsieur [U] [S] avec intérêts au taux legal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale la somme de 132’653 € au titre de l’indemnité de rupture abusive de son contrat de travail à durée déterminée ;
– condamné la SASP Chamois Niortais à verser à Monsieur [U] [S] avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale la somme de 3006,15 € brut au titre de la période de mise à pied non rémunérée et de 300,61 € brut au titre des congés payés y afférents ;
– débouté Monsieur [U] [S] de ses autres demandes indemnitaires,
– constaté que Monsieur [U] [S] relève du statut de cadre,
– dit que la SASP Chamois Niortais devra régulariser la situation de Monsieur [U] [S] auprès de la caisse de retraite correspondante,
– condamné la SASP Chamois Niortais à verser à Monsieur [U] [S] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration en date du 15 juillet 2020, la SASP Chamois Niortais a interjeté appel de tous les chefs de la décision.
***
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 février 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions du 8 avril 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SASP Chamois Niortais demande à la cour de :
– dire et juger qu’elle est recevable en son appel et bien fondé en ses demandes,
– en conséquence,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
° a écarté la pièce n°3 qu’elle a versée relative à la retranscription des messages échangés entre Messieurs [I] et [S] concernant l’exercice de leur activité professionnelle et la rupture de leur contrat de travail ;
° a déclaré abusive la rupture du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [I],
° l’a condamnée à verser à Monsieur [S] avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’hommale les sommes de 132’653 € au titre de l’indemnité de rupture abusive de son contrat de travail à durée déterminée, de 3006,15 € bruts au titre de la période de mise à pied non rémunérée et de 300,61€ bruts au titre des congés payés y afférents,
° a constaté que Monsieur [S] relevait du statut cadre et a dit qu’elle devait régulariser sa situation auprès de la caisse de retraite correspondante,
° l’a déboutée de ses demandes reconventionnelles,
– statuant à nouveau,
– dire et juger recevable ladite pièce n°3 ;
– dire et juger que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de Monsieur [S] pour faute grave est pleinement justifiée et caractérisée et qu’il ne relève pas du statut cadre,
– débouter Monsieur [S] de l’intégralité de ses demandes incidentes, fins et conclusions et le condamner à lui verser les sommes de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d’appel,
– confirmer la décision attaquée en toutes ses autres dispositions.
Par conclusions du 8 janvier 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [S] demande à la cour de :
– constater régulières et recevables sa constitution et son action,
– constater et juger in limine litis que la procédure est irrégulière, confirmant le jugement dont appel sur ce point et que dès lors la rupture anticipée doit être considérée comme ne reposant sur aucune faute sans qu’il soit besoin d’examiner le litige au fond, infirmant sur ce point le jugement dont appel,
– constater et juger à titre subsidiaire, que la période de mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire et que la rupture anticipée, doit être considérée comme ne reposant sur aucune faute sans qu’il soit besoin d’examiner le litige au fond, infirmant le jugement dont appel sur ce point,
– constater et juger à titre infiniment subsidiaire, confirmant sur ce point le jugement dont appel, sans faute grave la rupture anticipée à l’initiative de l’employeur de son contrat notifiée le 22 mars 2018,
– fixer à la somme de 3834,5 € sa rémunération mensuelle brute moyenne,
– et par conséquent et en tout état de cause :
– condamner la SASP Chamois Niortais à lui payer les sommes suivantes avec production d’intérêts aux taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale :
° 7 669 € d’indemnité au titre du non-respect de la procédure de licenciement
° 23’007 € au titre du préjudice professionnel, d’image et extrapatrimonial.
°132’653 € de dommages et intérêts pour rupture abusive du CDD
° 5 000 € de perte de chance d’obtenir des primes individuelles
° 25’000 € de perte de chance d’obtention des primes collectives
° 3 000 € au titre de la prime individuelle de maintien 2017/2018
° 3 067 € au titre de la rémunération de la période de mise à pied
° 306 € au titre des congés payés sur mise à pied,
– condamner la SASP Chamois Niortais à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel en sus de la condamnation sur ce point en première instance,
– condamner la SASP Chamois Niortais aux entiers dépens d’appel et de première instance.
SUR QUOI,
I – SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE DE LICENCIEMENT :
La lettre de convocation d’un salarié d’une société à un entretien préalable doit être signée par une personne ayant qualité pour engager l’entreprise, c’est-à-dire un membre du personnel ayant reçu mandat explicite ou non pour ce faire, sans qu’il soit nécessaire que ce soit la personne qui sera chargée par la suite de la conduite de l’entretien qui la signe.
Le défaut de signature ou l’absence de signature ‘valable’ constitue des irrégularités de procédure.
Celles-ci ne peuvent donner lieu – ipso facto – au prononcé d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elles ne peuvent ouvrir droit qu’à l’octroi de dommages et intérêts au profit du salarié en application de l’article L 1235-2 du code du travail dès lors que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le salarié peut établir le préjudice qui est résulté pour lui de l’irrégularité de la procédure.
***
En l’espèce, Monsieur [U] [S] fait valoir que chacune des trois lettres de convocation à l’entretien préalable à la rupture anticipée de son contrat est entachée d’irrégularités et que notamment la troisième convocation a été signée ‘pour ordre’ par un signataire inconnu. Il en conclut que ceci est constitutif d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui doit être immédiatement prononcé sans examen du fond de l’affaire.
La société s’en défend en soutenant que la troisième convocation a régularisé l’irrégularité contenue dans la deuxième et qu’elle a été régulièrement signée par Monsieur [H], responsable comptabilité du club, expressément autorisé à signer au nom et pour le compte du club, sur délégation écrite ou verbale du président du directoire, tous les actes relatifs à une procédure de licenciement.
***
Cela étant, il convient de rappeler :
– que le 26 février 2018, Monsieur [P] [R], président du directoire de la SASP Chamois Niortais a notifié verbalement à Monsieur [U] [S] sa mise à pied conservatoire et a tenté vainement de lui remettre en main propre contre décharge une convocation préalable à la rupture anticipée de son contrat de travail,
– que le 27 février 2018, Monsieur [S] a été destinataire d’une deuxième lettre de convocation, envoyée en recommandé avec accusé de réception, qui comportait une irrégularité quant au choix de la personne pouvant assister le salarié lors de l’entretien,
– que le 2 mars 2018, il a reçu une troisième lettre de convocation annulant et remplaçant la précédente, mentionnant à l’endroit de la signature ‘pour ordre [P] [R], Président du Directoire de la SASP Chamois Niortais’ suivi d’une signature dont l’auteur n’était pas précisé.
Contrairement à ce que soutient Monsieur [S], seule la régularité de la troisième convocation qui lui a été délivrée importe dans la mesure où elle a expressément annulé et remplacé la deuxième, affectée d’une irrégularité.
Or à ce titre, contrairement à ce que soutient l’employeur, cette troisième convocation n’est pas régulière en raison de l’incertitude entourant l’identité de son signataire.
En effet, à défaut de la production de tout élément de comparaison des signatures, rien ne permet d’affirmer que le signataire est effectivement ‘ comme le prétend l’employeur ‘ Monsieur [T] [H], ‘responsable – comptabilité du club’ qui a reçu – ainsi que cela résulte de la pièce 26 du dossier de la société – par procès-verbal du directoire du 15 juin 2017 pouvoir pour signer au nom et pour le compte du club tous les actes relatifs à une procédure de licenciement.
Cependant – au vu des principes sus-rappelés – contrairement à ce que soutient Monsieur [S] – cette irrégularité n’entraîne pas ipso facto le prononcé d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sans examen du fond de l’affaire.
Il doit donc être débouté de sa demande formée de ce chef à titre principal.
***
La cour appréciera le bien-fondé de la demande indemnitaire qu’il présente sur ce fondement, à titre infiniment subsidiaire, après avoir statué sur fond de l’affaire.
II – SUR LA LA MISE A PIED :
Il existe deux types de mises à pied :
– la mise à pied disciplinaire qui constitue une sanction infligée par l’employeur au salarié à la suite de la faute qu’il a commise,
– la mise à pied conservatoire qui permet à l’employeur d’écarter le salarié de l’entreprise pendant toute la durée de la procédure disciplinaire qui peut s’achever notamment par le prononcé d’un licenciement.
Il en résulte donc que la mise à pied conservatoire, contrairement à la mise à pied disciplinaire, n’a pas la nature d’une sanction et n’épuise donc pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur.
***
En l’espèce, Monsieur [U] [S] soutient que comme la troisième lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement a annulé la précédente convocation dans laquelle était notifiée la mise à pied et que la période du 27 février au 2 mars ne lui a pas été rémunérée, la mise à pied qualifiée de conservatoire par l’employeur doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire. Il en conclut que celle-ci ‘ qui a épuisé le pouvoir de sanction de l’employeur ‘ rend abusive la rupture anticipée de son contrat.
L’employeur s’en défend en prétendant que la mise à pied litigieuse constitue une mise à pied conservatoire parfaitement régulière.
Cela étant, il n’est pas contesté :
– que le 26 février 2018, une mise à pied conservatoire a été notifiée oralement par Monsieur [R] au salarié lors de la tentative de remise en main propre de la convocation à l’entretien préalable au licenciement du 26 février 2018,
– que le 27 février suivant, cette mise à pied a été confirmée par écrit dans la lettre de convocation à l’entretien préalable.
Contrairement à ce que soutient le salarié, la lettre du 2 mars 2018 qui porte nouvelle convocation à un entretien préalable annule et remplace uniquement la précédente convocation à l’entretien préalable délivrée par lettre recommandée du 27 février précédent.
Elle ne vise pas l’annulation de la mise à pied conservatoire initialement prononcée le 26 février 2018 et confirmée par lettre le 27 février 2018.
Sa rédaction le confirme :
– en mentionnant expressément en caractères ‘gras’, parfaitement lisibles et mis en relief par les interlignes laissées : ‘OBJET : Annule et remplace la précédente convocation à un entretien préalable’,
– en précisant clairement : ‘ .. compte tenu de la gravité de vos agissements, nous vous confirmons ici la mise à pied que le Président Monsieur [P] [R] vous a notifiée dans le précédent courrier de convocation à l’entretien préalable. Cette mise à pied est prononcée à titre conservatoire jusqu’à la décision définitive qui découlera de l’entretien..’
Il en résulte que cette mise à pied constitue sans aucune ambiguité une mise à pied à titre conservatoire.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué de ce chef en ce qu’il a débouté Monsieur [S] de sa demande de requalification.
III – SUR LA RUPTURE DU CONTRAT :
A – Sur la production en justice de la pièce n° 2 du dossier de l’employeur :
Les courriers adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail (Cass. soc., 15 déc. 2010, no 08-42.486) sont présumés avoir un caractère professionnel.
Dès lors, l’employeur peut régulièrement les ouvrir en dehors de la présence de l’intéressé sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels.
Il en va de même des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur qui ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié (Cass. soc., 19 juin 2013, no 12-12.138).
Si ‘l’ordinateur mis à la disposition du salarié peut être protégé par un mot de passe ou un login, cette mesure de sécurité est destinée à éviter les utilisations malveillantes ou abusives par un tiers : elle n’a pas pour objet de transformer l’ordinateur de l’entreprise en un ordinateur à usage privé’ (Rapp. Cnil, 5 févr. 2002, sur la cyber-surveillance des salariés sur les lieux de travail).
De ce fait, si l’entreprise met à disposition du salarié un outil informatique doté d’un système de protection par mot de passe afin d’en garantir l’unique accès au salarié et si celui-ci est seul détenteur du mot de passe, par application du principe de loyauté, il est tenu, lorsque l’employeur en fait la demande, de restituer les éléments matériels, de communiquer les informations qu’il détient, nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise (Cass. soc., 6 févr. 2001, no 98-46.345 ; Cass. soc., 18 mars 2003, no 01-41.343) et de ce fait de communiquer le mot de passe secret.
Par ailleurs, le salarié ne peut pas ignorer que les SMS qu’il envoie ou reçoit sont enregistrés par l’appareil récepteur (Cass. soc., 23 mai 2007, no 06-43.209).
Enfin, le secret de la correspondance n’est pas opposable à l’employeur lorsque, par une man’uvre malencontreuse, le salarié a transmis les messages litigieux à d’autres salariés de l’entreprise.
En tout état de cause, le droit à la preuve d’une des parties au contentieux peut justifier la production d’éléments portant atteinte à une liberté fondamentale comme la vie personnelle du salarié protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ‘toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance’, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice des droits de la défense et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. (Cass. 1re civ., 25 févr. 2016, no 15-12.403 ; Cass. soc., 9 nov. 2016, no 15-10.203).
En revanche, tout recours à un stratagème destiné à confondre le salarié est considéré comme un procédé de contrôle ‘clandestin et déloyal’, même s’il présente l’apparence de la licéité.
***
En l’espèce, afin d’établir la déloyauté et les manoeuvres qu’elle reproche à Monsieur [S] d’avoir mis en place – de concert avec l’entraineur principal – pour provoquer la rupture de leur contrat de travail respectif et en tirer un profit financier, la société verse en pièce 2 de son dossier le procès-verbal dressé par Maître [N], huissier de justice à [Localité 7], le 24 mai 2018 constatant les messages SMS que les deux entraîneurs ont échangés et qu’elle a retrouvés sur l’ordinateur professionnel mis à la disposition de Monsieur [S].
Elle prétend que ces messages établissent la volonté manifeste et délibérée de ce dernier d’accomplir de façon défectueuse son travail pour tirer financièrement profit d’une rupture qu’il a provoquée et rappelle que le salarié a déjà obtenu la condamnation de son précédent club dans un contexte quasiment similaire devant le conseil de prud’hommes de Paris.
Pour s’en défendre, Monsieur [S] fait valoir que la pièce numéro 2 relative à la retranscription de ses échanges de SMS avec Monsieur [I] doit être écartée des débats au motif que ces messages ont été obtenus en violation du secret des correspondances privées s’agissant d’une captation réalisée à partir de l’ICloud activé sur l’ordinateur professionnel qu’il a restitué et qui était rattaché à son adresse mail privée.
Il ajoute que ces messages ont été envoyés à partir d’un poste téléphonique et d’un abonnement personnels et qu’il a fallu une manipulation pour restaurer une sauvegarde d’un téléphone privé qui n’a jamais été en possession des dirigeants du club.
Il conclut que de surcroît le club a eu accès aux autres échanges de SMS qu’il avait pu avoir avec sa famille et son conseil, violant ainsi le secret de la correspondance des avocats.
***
Cela étant, il y a lieu de rappeler :
– que la société avait mis uniquement à la disposition de Monsieur [S] un ordinateur professionnel, à l’exclusion de tout téléphone portable professionnel,
– qu’il utilisait donc son IPhone personnel dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail qu’il avait synchronisé avec son ordinateur professionnel,
– que de ce fait, tous les messages SMS qu’il recevait sur son téléphone personnel s’affichaient sur son ordinateur professionnel,
– que le 22 mars 2018, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave,
– que le 27 mars 2018, il a restitué à son employeur son ordinateur portable professionnel Macbook Pro sans déconnecter et désynchroniser son téléphone personnel,
– que de ce fait, les messages SMS qu’il avait reçus précédement sur son téléphone portable personnel étaient toujours synchronisés avec son ordinateur portable professionnel Macbook Pro s’il ne les avait pas effacés,
– que le procès-verbal de constat, dressé le 24 mai 2018 à la demande de l’employeur par Maître [N], huissier de justice à [Localité 7] a relevé que Monsieur [R] – directeur du directoire de la société – avait branché un téléphone portable sur l’ordinateur qui avait proposé une sauvegarde du téléphone de Monsieur [S] qui avait été validée et qu’ainsi les messages SMS échangés entre Monsieur [S] et Monsieur [I] étaient apparus sur le téléphone jusqu’à la dernière sauvegarde soit le ler mars 2018,
– que par procès-verbal complémentaire du 29 janvier 2019, l’huissier de justice a attesté que la restauration avait été réalisée à partir d’une sauvegarde sur l’ordinateur professionnel restitué par Monsieur [S] et non sur l’ICloud, précisant avoir sélectionné dans ITunes, l’onglet ‘références’ constatant la sauvegarde de l’appareil sur l’ordinateur et la possibilité de la supprimer.
Il en résulte que lorsque le 27 mars 2018, le salarié a restitué définitivement à son employeur son ordinateur professionnel à la suite de la rupture de son contrat de travail, il savait que ce dernier, en récupérant ce matériel, allait exercer toutes les prérogatives du propriétaire et notamment avoir accès à tous les messages professionnels et personnels qu’il n’avait pas effacés.
Aussi, en ne procédant à aucune désynchronisation de son téléphone personnel et à aucun effacement de ses discussions, il a pris, en toute connaissance de cause, le risque de voir son employeur accèder à leur contenu et l’utiliser dans le cadre d’une procédure judiciaire ; d’autant que tous les messages litigieux avaient un lien avec l’exécution de son contrat de travail.
De ce fait, en application des principes sus-rappelés, faute pour le salarié de désynchroniser les appareils quand il a restitué l’ordinateur professionnel, d’effacer les messages qui y figuraient et d’établir et de caractériser sérieusement la ou les manoeuvres réalisées par son employeur pour accéder aux SMS, il n’y a pas lieu d’écarter la pièce 2 du dossier de la SASP Chamois Niortais.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement attaqué de ce chef.
B – Sur les motifs de la rupture :
En application de l’article L222-2-l du code du sport pris dans sa version en vigueur au 3 mars 2017 :
‘Le code du travail est applicable au sportif professionnel salarié et à l’entraineur professionnel salarié à l ‘exception des dispositions des articles L. 1221-2, L. 1241-1 à L. 1242-5, L. 1242-7 à L. 1242-9, L. 1242-12, L. 1242-13, L. 1242-17, L. 1243-7 à L. 1243-10, L. 1243-13 à L. 1245-1, L. 1246-1 et L. 1248-1 à L. 1248-11 relatives au contrat de travail à durée déterminée.’
Il en résulte que sur le fondement de l’article L. 1243-1 code du travail, sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée de l’entraineur sportif ne peut être rompu par l’employeur avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
Cette faute grave est définie comme étant le fait ou l’ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations résultant du contrat de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite la cessation immédiate du contrat de travail.
Le principe selon lequel la lettre de licenciement fixe les limites du litige a pour objet d’assurer au salarié sa complète information sur les motifs invoqués à l’appui de son licenciement et de permettre au juge de vérifier que les motifs invoqués constituent bien une cause réelle et sérieuse de licenciement.
De ce fait, en cas de contestation du licenciement devant la juridiction prud’homale, l’employeur ne peut invoquer d’autres motifs que ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.
Enfin, il n’est pas nécessaire que les faits soient datés, il suffit qu’ils soient datables.
***
En l’espèce, après avoir rappelé que Monsieur [S] – qui formait avec l’entraineur principal, Monsieur [I], un binôme chargé de la direction et de l’entrainement de l’équipe professionnelle du club – n’avait jamais remis en cause le mode de fonctionnement de ce dernier et n’avait pas alerté le club des dysfonctionnements graves qui auraient eu lieu les semaines précédentes, l’employeur a informé le salarié qu’il considérait que les griefs formulés à l’encontre de Monsieur [I] lui étaient également reprochés et a reproché au salarié :
1 – son manque d’implication ayant entrainé une série de contre-performances sportives, caractérisé de la façon suivante :
‘…Depuis la prolongation de votre contrat de travail (signée le 15 janvier 2018), vous avez eu un comportement général qui a manifesté un désintérêt croissant pour l’accomplissement de vos fonctions dans les meilleures conditions.
Ce manque d’implication de votre part a entrainé une série de contre- performances de l’équipe professionnelle des Chamois Niortais dans le championnat de France de Ligue 2 avec seulement une victoire sur sept matches (pour six défaites), faisant de l’équipe professionnelle des Chamois Niortais l’équipe la plus faible sur la période allant de la 21ème à la 27ème journée du Championnat de France de Ligue 2.
Ces très mauvais résultats sportifs ont sérieusement compromis les chances de maintien du Club dans un championnat professionnel…’
‘..De la même façon, il a été porté à notre connaissance que dans l’exercice de vos fonctions, vous ne cherchiez aucunement auprès des joueurs à créer la moindre vocation de devenir ultérieurement éducateur.
S’agissant de l ‘avenir à moyen terme du Club, il nous a été indiqué que vous vous étiez désintéressé des dernieres réunions organisées avec le personnel du centre de formation, ce qui constitue une preuve supplémentaire de votre détachement pour les missions qui vous ont été confiées pour assurer le développement actuel et futur du Club…’.
L’employeur a précisé que les contre-performances s’étaient déroulées du 16 janvier au 23 février 2018 alors que sur la période antérieure les résultats étaient bien meilleurs.
2 – son absence de considération à l’égard du staff technique et des joueurs caractérisée de la façon suivante :
‘… Plusieurs membres du staff technique nous ont alors fait connaitre leur mal-être profond, lequel est en partie causé par le peu de considération que vous accordez à leur travail et par le fait que vous et l’entraineur principal (Monsieur [B] [I]) ne les consultez pas, même lorsqu’il s’agit de leur domaine de compétence respectif
Certains membres du staff nous ont également révélé que l’établissement des plannings d ‘entrainement était le plus souvent effectué en tenant compte des convenances personnelles de l’entraineur principal, lesquelles s’avéraient le plus souvent totalement déconnectées de l’objectif d’optimisation de la performance du groupe professionnel (refus systématique des séances supplémentaires préconisées par le préparateur physique, séances trop courtes, trop rares décrassages le samedi matin pourtant jugés importants dans la récupération et la prévention médicale, jours de repos trop nombreux sans justification liée à l’optimisation de la performance physique des joueurs, etc).
Mais plus encore, après avoir entendu certains joueurs de l’effectif professionnel en entretien, il est apparu que certains se plaignent des conditions de travail directement liées à votre management et à celui de l’entraineur principal (absence totale de dialogue avec certains joueurs, lesquels se sentent purement et simplement exclus du projet ; perte de confiance de certains membres de l’effectif en raison d’une négligence générale à leur égard ; manque de discipline au sein de l’effectif).
Ces obligations figuraient pourtant à votre contrat de travail et un tel comportement exclut toute confiance, pourtant essentielle et indispensable dans le cadre d’une collaboration professionnelle…’.
3 – son absence de dénonciation de l’attitude de dénigrement du club par Monsieur [I] à l’égard de ses partenaires caractérisée de la façon suivante :
‘.. Consécutivement à la réception de ces témoignages accablants, j’ai également pris contact avec des partenaires du Club et certains nous ont fait savoir que l’entraineur principal avait pu avoir une attitude de dénigrement du club dans le cadre de ses rapports avec eux.
Nous doutons très sérieusement que cette attitude vous étiez ( sic ) inconnue et une fois encore, votre absence de réaction ne saurait être tolérée et la confiance que le club vous accordait est dorénavant totalement rompue…’.
Afin d’étayer l’ensemble de ces griefs, la société verse aux débats :
– des témoignages du staff technique et des joueurs qui selon elle attestent des manquements de Monsieur [S] à ses obligations, de leur mal-être profond quant au manque d’implication de Monsieur [I] et de Monsieur [U] [S] et de leur mépris total quant à l’objectif d’optimisation de la performance du groupe,
– des articles de presse établissant selon l’employeur l’évolution négative des résultats sportifs du club à compter du renouvellement du contrat de travail du salarié,
– les échanges de SMS entre les deux entraineurs dont elle considère qu’il ressort qu’ils s’étaient tous les deux entendus pour provoquer des contre-performances sportives concommittamment à la stratégie déloyale et malveillante qu’ils avaient mis en place immédiatement après le renouvellement de leur contrat.
En réponse, après avoir rappelé la législation et la jurisprudence applicables, Monsieur [S] se défend d’avoir commis une quelconque faute et plus particulièrement des fautes graves et verse des attestations de joueurs, des articles de presse et des interviews données par Monsieur [R] aux média locaux.
Cela étant, il est acquis que l’absence de résultat sportif n’est pas constitutive d’une faute grave sauf lorsque les contre-performances résultent de la mauvaise volonté délibérée de l’entraineur de remplir de bonne foi ses obligations.
Aussi, la société ne peut pas tirer argument des seuls mauvais résultats du club concommittants au renouvellement du contrat de travail de Monsieur [S] pour en déduire que l’existence de la faute grave est établie.
Encore faut-il, en effet, pour caractériser la faute grave, que l’employeur rapporte la preuve d’autres éléments qui pris dans leur ensemble avec les contre-performances sportives révèlent l’action volontaire du salarié pour parvenir à ces dernières.
A ce titre, au-delà des résultats sportifs présentés par les articles de presse versés aux débats qui traduisent très objectivement les contre-performances réalisées par l’équipe des Chamois Niortais à compter de janvier 2018, les déclarations :
– tant du staff technique composé de Monsieur [L] [K], masseur kinésithérapeute, Monsieur [Z] [G], entraîneur des gardiens de but et de Monsieur [F] [C] préparateur physique du club qui relèvent tous en substance un dialogue inexistant avec Monsieur [S], un manque de confiance de la part de ce dernier dans les soigneurs, une désinvolture certaine dans le suivi des entrainements des joueurs qui étaient fixés quand il voulait et comme il voulait,
– que de deux joueurs, à savoir Monsieur [O] [M] et Monsieur [W] [Y] [A] qui expriment un sentiment d’exclusion et une perte de confiance en eux-mêmes après les décisions prises par Monsieur [S] à leur égard qui leur avait fait comprendre qu’il ne comptait pas sur eux et ne les avait pas fait jouer sans leur fournir une quelconque explication,
établissent que les méthodes de travail du salarié étaient contestées par le staff technique et restaient incomprises par certains joueurs.
Quoiqu’en dise Monsieur [S] qui conteste ces témoignages ‘ en soutenant qu’ils ont été établis plusieurs mois après les faits et en versant les messages de soutien que des joueurs lui ont adressés au moment de son départ du club ‘ les attestations produites par l’employeur sont précises et circonstanciées et établissent son insuffisance professionnelle.
Cependant, il est constant que celle – ci, à défaut de tout élément confirmant son caractère volontaire, ne peut constituer une faute grave justifiant la rupture du contrat de travail.
En effet, le seul fait que Monsieur [S] n’ait pas dénoncé les agissements de Monsieur [I] est tout à fait inopérant pour ce faire dans la mesure où comme il avait personnellement les mêmes méthodes de travail que celui-ci dont il était le subordonné, ces méthodes étaient pour lui normales et n’encourait aucun reproche.
De même, l’employeur n’établit pas le dénigrement auquel le salarié aurait procédé personnellement ou aurait cautionné auprès des partenaires du club.
Enfin, les SMS que Monsieur [S] et Monsieur [I] ont échangé avant et pendant la procédure de licenciement et qui sont retranscrits dans le procès-verbal de constat d’huissier dressé par Maître [N] figurant en pièce 2 du dossier de l’employeur – à laquelle il convient de se reporter – confirment le climat désagréable et les difficultés existant mais n’établissent pas le caractère volontaire de l’insuffisance professionnelle du salarié et la programmation calculée d’un sabotage réfléchi des matchs du club ; la réflexion faite par Monsieur [S] : ‘De toute façon on n’arrivera pas à travailler comme on le souhaite. Soit on la ferme et on attend de se faire virer (période compliquée) soit on claque la porte..’ démontrant que les salariés voulaient travailler et hésitaient entre la poursuite de leur mission sans tenter d’imposer leurs méthodes de travail et la démission.
En conséquence, à défaut de tout autre élément produit par l’employeur pour établir l’existence d’une faute grave qui seule peut justifier la rupture du contrat à durée déterminée, à l’exclusion de toute insuffisance professionnelle, le licenciement du salarié doit être déclaré abusif.
Le jugement attaqué doit être confirmé de ce chef.
C – Sur les indemnisations :
1 – Sur l’indemnité au titre du non respect de la procédure de licenciement :
Monsieur [S] sollicite l’octroi d’une somme de 7 669€ – correspondant à deux mois de salaires – au titre de la réparation du préjudice spécifique résultant pour lui des irrégularités de la procédure de licenciement.
Cependant, au vu des principes sus rappelés, il doit être débouté de sa demande formée de ce chef dans la mesure où le caractère abusif de son licenciement vient d’être reconnu et où il va percevoir des dommages intérêts pour rupture abusive.
Le jugement attaqué est donc confirmé par substitution de motifs.
2 – Sur les dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée :
En cas de rupture abusive d’un contrat de travail de travail à durée déterminée, l’indemnisation ne peut être inférieure à la totalité des salaires que le salarié aurait perçus jusqu’à la fin de son contrat ou la fin prévisible de ce dernier, soit en l’espèce jusqu’au 30 juin 2020.
Au jour de la rupture du contrat de travail, Monsieur [U] [S] percevait un salaire brut mensuel moyen de 3831,90 euros, outre les diverses primes de matchs et sur objectifs.
Son contrat courait jusqu’au 30 juin 2018 et une prolongation de ce dernier avait été signée jusqu’au 30 juin 2020, avec la possibilité de le voir prolonger jusqu’au 30 juin 2021 en cas de montée de l’équipe en ligue l, pour un salaire brut mensuel de 5 000 euros bruts, outre les diverses primes.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a accordé au salarié la somme de 132 653 € au titre d’un licenciement abusif.
3 – Sur les pertes de chance au titre des primes :
Monsieur [S] soutient qu’il a subi une perte de chance d’obtenir des primes individuelles et collectives, dans la mesure où il bénéficiait dans son contrat de primes de résultats de matchs.
Cependant, il ne produit aucun élément permettant de démontrer l’existence de l’éventuel préjudice qu’il pourrait souffrir de ces chefs dès lors qu’il n’est pas contesté que les résultats sportifs du club n’étaient pas bons et que de ce fait, les chances du club de progresser dans les championnats de Ligue étaient nulles.
En conséquence, le jugement attaqué doit être confirmé.
4 – Sur la perte de la prime individuelle de maintien 2017/2018 :
Monsieur [S] soutient que son licenciement sans cause réelle et sérieuse l’a privé de la prime contractuelle individuelle d’objectif incluse dans son contrat de travail.
Cela étant, l’avenant signé par les parties est ainsi rédigé :
‘Si l’équipe première du Chamois Niortais FC se maintient dans le Championnat de France de Ligue 2 (sportivement et administrativement) à la fin de la saison 2017/2018, Monsieur [U] [S] percevra une prime de maintien d’un montant de 3.000 € bruts (‘) non cumulable avec la prime individuelle de classement ci-dessus), congés payés inclus, Monsieur [U] [S] présent au Club. Le versement de cette prime sera effectué le 30 juin 2018.’
Or, à la fin de la saison 2017/2018, Monsieur [S] n’était plus en charge de l’équipe et avait quitté les effectifs de la SASP Chamois Niortais.
Il ne peut donc prétendre au versement de cette prime et doit être débouté de sa demande formée à ce titre.
En conséquence, le jugement doit être confirmé de ce chef.
5 – Sur le préjudice professionnel d’image et extra-patrimonial :
Monsieur [S] sollicite en réparation de ce préjudice une somme d’un montant de 23 007€ correspondant à six mois de salaires en soutenant qu’il s’agit de la réparation d’un préjudice distinct, lié à la spécificité du métier d’entraineur de football d’une équipe professionnelle, qu’à ce jour, il n’a toujours pas retrouvé de poste équivalent et qu’il s’est temporairement reconverti dans une activité de travailleur agricole saisonnier puis d’agent immobilier.
Cependant, il se borne à alléguer ces éléments sans rapporter la preuve qu’il a vainement recherché des postes d’entraîneur.
En conséquence, il doit être débouté de ses demandes formées de ce chef.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé.
6 – Sur la rémunération de la mise à pied injustifiée :
Compte tenu du caractère abusif du licenciement et de l’absence de toute contestation relative aux calculs réalisés par le premier juge, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à Monsieur [S] les sommes de 3006,15 € au titre de la rémunération de la période de mise à pied non rémunérée du 26 février au 21 mars 2018 et de 300, 61 € au titre des congés payés sur mise à pied avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la présente juridiction.
IV- SUR LE STATUT DE CADRE :
Le juge, saisi d’une contestation sur la qualification attribuée à un salarié, doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées, par comparaison avec la classification de la convention collective et former sa conviction au vu des éléments dont il dispose.
C’est au salarié qui conteste sa qualification, de prouver par tous moyens, le bien-fondé de sa contestation.
En se fondant sur l’article 651 de la charte du football professionnel, convention collective régissant les rapports des parties – pris dans sa version applicable à l’espèce – qui dispose que :
‘ Tout club utilisant les services d’un BMF, d’un BEF, d’un entraîneur titulaire du DES, du BEFF ou du BEPF, contre rémunération, est tenu de remplir les obligations de l’employeur au regard de la législation sociale, y compris l’inscription à une caisse de retraite de cadres si l’entraîneur remplit les conditions requises’ Monsieur [S] sollicite la reconnaissance de son statut de cadre, en soutenant qu’il remplit les conditions et que la seule question à se poser est celle de savoir si la SAS Chamois Niortais utilise ou pas le service de joueurs professionnels.
Pour s’en défendre, l’employeur prétend que le salarié n’apporte aucun élément susceptible d’attester de ce qu’il remplissait les conditions prévues à l’article précité pour bénéficier du statut de cadre.
Cela étant, il appartient à Monsieur [S] d’établir que tant son degré d’autonomie que son niveau de responsabilité et de technicité justifient qu’il bénéficie du statut cadre au sein de la structure ’employeur’.
A ce titre, alors qu’il est titulaire du BEES2 ‘ dont le résumé de la certification est la suivante : ‘L’éducateur sportif deuxième degré de football exerce en autonomie son activité d’encadrement, en utilisant le support technique football dans la limite des cadres réglementaires. Il est responsable au plan pédagogique, technique et logistique. Il assure la sécurité des tiers et des publics dont il a la charge. Il a la responsabilité pleine et entière du suivi financier et politique du projet de la structure’ ‘ son contrat de travail prévoit qu’il exerce toutes ses fonctions sous l’autorité de l’entraîneur principal.
Or il n’établit pas – contrairement à la preuve qu’il lui incombe de rapporter – qu’il exerce, en réalité, dans les faits, ses fonctions d’entraîneur en autonomie.
En conséquence, comme il échoue à établir qu’il peut être classé comme cadre, il doit être débouté de toutes ses demandes formées de ce chef.
Le jugement attaqué doit donc être infirmé.
V – SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLE ET ACCESSOIRES :
Soutenant que Monsieur [S] aurait fait preuve à son égard d’une déloyauté sans limite et qu’il aurait usé de manoeuvres malhonnêtes pour obtenir la rupture de son contrat de travail dans le seul but stratégique de récupérer le maximum de profits et d’instrumentaliser le conseil de prud’hommes tout en se répandant en contre – vérités dans la presse pour tenter de jeter l’opprobre sur le club, l’employeur sollicite une somme de 5000€ à titre de dommages intérêts.
Cependant, la présente procédure a démontré le caractère abusif du licenciement du salarié, l’absence de faute grave et de manoeuvres malhonnêtes commises par ce dernier.
En conséquence, il convient de débouter l’employeur de sa demande en dommages intérêts.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé.
***
Les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par moitié par chacune des parties qui succombe partiellement dans leurs prétentions respectives.
***
Il n’est pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives formées en première instance et en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 20 avril 2020 par le conseil de prud’hommes de Niort sauf en ce qu’il a :
– écarté des débats la pièce 2 versée par la SASP Chamois Niortais relative à la retranscription de messages obtenus en violation du principe du droit au respect de la vie privée ;
– constaté que Monsieur [U] [S] relève du statut de cadre,
– dit que la SASP Chamois Niortais devra régulariser la situation de Monsieur [U] [S] auprès de la caisse de retraite correspondante
– condamné la SASP Chamois Niortais à verser à Monsieur [U] [S] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– déclare recevable la pièce n°2 figurant au dossier de la SASP Chamois Niortais,
– déboute Monsieur [U] [S] de toutes ses demandes relatives au statut de cadre,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,
– dit que les dépens doivent être partagés par moitié entre la SASP Chamois Niortais et Monsieur [U] [S] qui sont condamnés à en supporter chacun la moitié.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,