Secret des correspondances : 15 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 09/01728

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Secret des correspondances : 15 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 09/01728
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15 juin 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
09/01728

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 15 Juin 2011

(n° , 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 09/01728

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juin 2008 par le Conseil de Prud’hommes de PARIS – Section Encadrement – RG n° 07/07243

APPELANTE

Madame [M] [I] épouse [O]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Michel BERTIN, avocat au barreau de PARIS, R077

INTIMÉE

S.A. POIRAY JOAILLIER

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Annabelle PAVON SUDRES, avocate au barreau de PARIS, A0149

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mai 2011, en audience publique, les parties représentées ne s’y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargés d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

GREFFIÈRE : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de procédure civile.

– signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 27 juin 2008 ayant débouté Mme [M] [I] de l’ensemble de ses demandes et l’ayant condamnée aux dépens.

Vu la déclaration d’appel de Mme [M] [I] reçue au greffe de la Cour le 9 février 2009.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 18 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de Mme [M] [I] qui demande à la Cour :

‘d’infirmer le jugement déféré.

‘statuant à nouveau, de condamner la SA POIRAY JOAILLIER à lui régler les sommes suivantes :

‘ 10 372,25 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 1037,22 euros d’incidence congés payés ;

‘ 3 111,68 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

‘ 62 234 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail ;

‘ 20 745 euros d’indemnité pour préjudice moral.

‘ de condamner la SA POIRAY JOAILLIER à lui payer la somme correspondant aux droits acquis au titre du Droit Individuel à la Formation (DIF), ainsi que celle de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 18 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de la SA POIRAY JOAILLIER qui demande à la Cour de confirmer la décision critiquée, rejeter toutes les demandes de Mme [M] [I] et la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA COUR 

La SA POIRAY JOAILLIER a embauché Mme [M] [I] en contrat de travail à durée indéterminée du 12 juillet 1999 en qualité de Chef de produit, statut de cadre / position B ‘ indice 40 de la Convention Collective Nationale de la Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie et Activités Annexes, moyennant une rémunération forfaitaire brute de 23000 francs mensuels sur 13 mois.

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, Mme [M] [I] percevait une rémunération brute mensuelle de 3 045 euros.

Par lettre du 29 mai 2007, la SA POIRAY JOAILLIER a convoqué Mme [M] [I] à un entretien préalable fixé le 7 juin avec mise à pied conservatoire, avant de lui notifier le 18 juin 2007 son licenciement pour faute grave reposant sur les deux griefs suivants :

‘ utilisation à plusieurs reprises du coursier de l’entreprise à des fins exclusivement personnelles ;

‘ entretien d’un commerce de bijoux pour son compte personnel durant ses heures de travail en utilisant les moyens logistiques de l’entreprise.

Sur le licenciement

Au soutien de la contestation de son licenciement, Mme [M] [I] expose que :

‘ les moyens de preuve utilisés par la SA POIRAY JOAILLIER sont illicites, en ce qu’il s’agit de deux enveloppes lui étant personnellement destinées, eu égard à leurs mentions (« POIRAY ‘ [R] [Adresse 5] », « [M] »), qui ont été irrégulièrement ouvertes par un huissier (procès-verbal du 28 mai 2007) en son absence, sans en avoir été prévenue, ce qui constitue une violation manifeste du secret des correspondances.

‘ si la Cour jugeait licites ces modes de preuve, les deux griefs lui étant reprochés ne sont pas établis.

La SA POIRAY JOAILLIER réplique que :

‘ elle a demandé à un huissier de procéder à l’ouverture des deux lettres destinées in fine à Mme [M] [I] mais que rien ne permettait d’identifier comme personnelles, en ce que les mentions figurant sur la première (« POIRAY ‘ [M] [I] ‘ [Adresse 5] ») et la seconde (« [M] ») ne présentent aucun caractère « PERSONNEL » ou « CONFIDENTIEL », en sorte qu’il n’y a pas eu violation du secret des correspondances, ces éléments de preuve étant parfaitement licites.

‘sur le fond, les griefs reprochés sont caractérisés puisque la salariée a demandé au coursier de l’entreprise à des fins personnelles de se rendre au Club des [4] une dizaine de fois et de porter ou aller récupérer un pli chez la société concurrente MORGANE [L].

La SA POIRAY JOAILLIER a fait procéder par huissier de justice (procès-verbal de constat du 28 mai 2007) à l’ouverture de deux enveloppes confiées au coursier de l’entreprise, M. [E], qui a indiqué à son employeur être déjà allé à la demande de Mme [M] [I] une dizaine de fois dans les locaux du Club des [4], ainsi qu’au siège de la société [D] [L].

Aux constatations effectuées par l’huissier de justice, sont annexées les photographies des deux enveloppes en litige :

‘ la première portant la mention « [Adresse 5] » ;

‘ la deuxième à l’entête [D] [L] PARIS, avec l’indication du « DESTINATAIRE : [M] ».

Dès lors que les deux enveloppes confiées au coursier de l’entreprise, sollicité à cet effet par Mme [M] [I], ne comportent aucune mention les identifiant expressément comme « personnel » ou « confidentiel », ce qui permettait de les considérer comme présentant un caractère professionnel, la SA POIRAY JOAILLIER pouvait de bonne foi et de manière parfaitement licite faire procéder à leur ouverture en ayant recours à un huissier de justice, sans qu’il en soit ainsi résulté une violation du secret des correspondances privées ou, plus généralement, du respect de la vie privée dû à chacun.

Il résulte du constat établi le 28 mai 2007 par l’huissier ayant procédé à l’ouverture des enveloppes que le coursier de la SA POIRAY JOAILLERIE a précisé s’être rendu plusieurs fois au Club des [4] à la demande de Mme [M] [I], que ledit club lui ayant indiqué ne pas être en relation d’affaires avec son employeur, il en a conclu que celle-ci l’y envoyait à des fins personnelles et que courant avril 2007, la salariée lui a remis une enveloppe pour la société [D] [L] dont il savait qu’elle n’était pas le fournisseur de l’intimée.

L’huissier de justice a constaté en ouvrant ces enveloppes la présence de 19 pierres semi-précieuses et d’un inventaire papier conforme à la marchandise répertoriée (premier pli / « POIRAY ‘ [M] [I] »), ainsi que de 4 bracelets et 2 bagues (deuxième pli / « DESTINATAIRE : [M] »), sans rapport avec le type de production joaillière de la société POIRAY.

Celle-ci produit également deux attestations de collaborateurs (pièces 13-14) confirmant qu’elle ne livre directement aucune production au Club des [4], ces acheminements de colis impliquant ce dernier à l’instigation de Mme [M] [I] établissant que celle-ci avait pris l’habitude d’utiliser les services de messagerie de son employeur à des fins personnelles.

Quant à la société [D] [L], aucun élément ne vient caractériser l’existence de relations commerciales avec la SA POIRAY JOAILLERIE qui expliquerait le recours aux services de son coursier par la salariée courant avril-mai 2007.

Il en résulte que Mme [M] [I], profitant des facilités offertes par la SA POIRAY JOAILLERIE, s’est livrée pendant son temps de travail à un commerce parallèle de bijoux à des fins personnelles, ce qui constitue une violation de son obligation générale de loyauté vis-à-vis de son employeur.

Ces faits en eux-mêmes, en raison de leur nature , rendaient impossible la poursuite de la relation de travail entre les parties et nécessitaient le départ immédiat de l’entreprise de Mme [M] [I] sans indemnités.

Le licenciement pour faute grave de Mme [M] [I] reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires s’y rapportant (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour préjudice moral).

Sur le Droit Individuel à la Formation

Mme [M] [I] se contente de solliciter « la somme correspondant aux droits qu’elle a acquis » et reproche à l’intimée de l’en avoir privée.

Cette demande, nouvelle en cause d’appel, est ainsi non chiffrée, étant par ailleurs rappelé que la salariée a été à bon droit licenciée pour faute grave, ce qui justifie qu’elle en soit déboutée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens 

Aucune circonstance d’équité ne commande qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et Mme [M] [I] sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CE MOTIFS 

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe.

CONFIRME le jugement entrepris.

Y ajoutant :

DÉBOUTE Mme [M] [I] de sa demande au titre du Droit Individuel à la Formation ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Mme [M] [I] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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