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15 décembre 2022
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/05139
ARRET
N°
S.C.M. SCM CABINET MEDICAL VERT BUISSON
C/
[Y]
copie exécutoire
le 15 décembre 2022
à
Me Daimé
Me Saada
CB/MR
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 15 DECEMBRE 2022
*************************************************************
N° RG 21/05139 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IIE5
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 18 OCTOBRE 2021 (référence dossier N° RG 21/00011)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.C.M. CABINET MEDICAL VERT BUISSON
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée, concluant et plaidant par Me Aurelien DAIME, avocat au barreau de COMPIEGNE
ET :
INTIMEE
Madame [N] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me Rachel SAADA de la SELARL SAINT-MARTIN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Nicolas VIARD de la SELARL SAINT-MARTIN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l’audience publique du 03 novembre 2022, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
– Madame Corinne BOULOGNE en son rapport,
– les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 15 décembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 15 décembre 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
Mme [Y] a été embauchée par contrat à durée déterminée le 4 février 2017, par la société Cabinet médical vert buisson, en qualité de réceptionniste.
La relation de travail s’est poursuivie à compter du 3 juillet 2018 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
Son contrat est régi par la convention collective du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981.
La société emploie moins de 10 salariés.
La salariée a saisi initialement le conseil de prud’hommes par requête du 15 janvier 2021, afin de contester la durée de son contrat de travail, la non reprise de son ancienneté depuis son premier contrat à durée déterminée, ainsi que la réparation de faits de harcèlement moral.
Par courrier en date du 10 mars 2021, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Sollicitant la requalification de sa prise d’acte de la rupture en licenciement nul, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Creil d’une seconde requête en date du 17 mars 2021.
Les deux affaires ont été jointes sous le même numéro de rôle.
Le conseil de prud’hommes de Creil par jugement du 18 octobre 2021, a :
– rappelé que la jonction des instances, conformément aux articles 367 et 368 du code de procédure civile a été ordonnée le 12 avril 2021 ;
– jugé que la société a modifié le contrat de travail à deux reprises en faisant faire le ménage à Mme [Y] et en changeant la répartition de ses horaires de travail ;
– jugé que le temps de travail a été modifié de 86,67 heures à 149,33 heures mensuelles ; – fixé le salaire mensuel brut à la somme de 1 556,60 euros ;
– fixé l’ancienneté au 2 juillet 2018 ;
– dit que l’avertissement du 6 octobre 2020 était justifié ;
– jugé que la rupture du contrat de travail liant Mme [Y] à la société Cabinet médical vert buisson s’analysait comme une prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et emportait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Cabinet médical vert buisson à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :
– 5 297 euros brut au titre des rappels de salaire consécutif à la requalification du contrat à temps partiel à un temps de travail supérieur ;
– 3 113,20 euros net au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 924,23 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 3 113 euros brut au titre de l’indemnité de préavis ;
– 311 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
– ”1 230 euros brut au titre du complément de l’indemnité compensatrice de congés payés;
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné la remise de l’attestation pôle emploi conforme sous astreinte de 20 euros par jour à compter du 15ème jour de la notification du jugement ;
– dit que le conseil se réservait le droit de liquider l’astreinte ;
– dit que les condamnations qui ont été prononcées au titre des rappels de salaire consécutif à la requalification du contrat à temps partiel à un temps de travail supérieur, de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité de préavis, des congés payés y afférents, du complément de l’indemnité compensatrice de congés payés portaient intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2021, date de réception par la société Cabinet médical vert buisson de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation ;
– dit que la condamnation prononcée au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produisait intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2021, date de mise à disposition du jugement.
Ce jugement a été notifié le 20 octobre 2021 à la société Cabinet médical vert buisson qui en a relevé appel le 26 octobre 2021.
Mme [Y] a constitué avocat le 30 novembre 2021.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 21 octobre 2022, la société Cabinet médical vert buisson prie la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Creil du 18 octobre 2021, en ce qu’il a jugé que le contrat de travail avait été modifié à deux reprises, en ce qu’il a fixé le salaire mensuel brut à la somme de 1 556,60 euros, en ce qu’il a jugé que le temps de travail a été modifié à 149,33 heures mensuelles, en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat de travail était une prise d’acte emportant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [Y] la somme de 5 297 euros brut de rappels de salaires, 529,70 euros brut de congés payés y afférents, 3 113,20 euros net d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 924,23 euros net d’indemnité de licenciement, 3 113 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis, 311 euros brut de congés payés y afférents, 1 230 euros de complément d’indemnité compensatrice de congés payés, 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il l’a condamnée à la remise d’une attestation Pôle Emploi conforme sous astreinte, en ce qu’il l’a condamnée aux intérêts de retard, à l’exécution provisoire sur l’intégralité de la décision, dit et jugé que le licenciement reposait sur une faute grave, et l’a déboutée de ses demandes reconventionnelles de remboursement des majorations d’heures complémentaires indues, d’indemnisation du préavis non effectué, d’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Creil du 18 octobre 2021, en ce qu’il a débouté Mme [Y] de ses demandes d’annulation de l’avertissement du 6 octobre 2020, de dommages et intérêts pour irrespect de la priorité de réembauche à temps complet, pour préjudice moral lié au harcèlement et atteinte à la santé ;
– dire et juger Mme [Y] irrecevable et infondée en toutes ses demandes ;
– l’en débouter ;
A titre principal,
– requalifier la prise d’acte de la rupture de Mme [Y] en démission ;
– condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 2 507,26 euros net au titre de l’indemnisation du préavis non effectué ;
A titre subsidiaire,
– limiter les condamnations aux sommes suivantes :
– 626,82 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 507,26 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
– 250,76 euros brut au titre des congés payés y afférents ;
– 758,44 euros net au titre de l’indemnité de licenciement ;
Dans tous les cas,
– fixer le montant du rappel de salaire dû à Mme [Y] à la somme de 928,73 euros brut, et à 92,87 euros brut les congés payés y afférents ;
– condamner Mme [Y] à lui payer la somme de la somme de 1 775,06 euros brut au titre du remboursement des majorations d’heures complémentaires indues ;
– condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 177,51 euros brut au titre du remboursement des congés payés y afférents ;
– condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [Y] aux entiers dépens ;
– condamner Mme [Y] aux intérêts au taux légal à compter de la saisine ;
– ordonner la capitalisation des intérêts (anatocisme) de l’article 1343-2 du code civil ;
– fixer le salaire mensuel moyen à la somme de 1 253,63 euros brut ;
– ordonner la compensation de créances réciproques.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 février 2022, Mme [Y] prie la cour de :
– rejeter l’appel formé par la société Cabinet médical vert buisson ;
– confirmer le jugement, sauf en ce qu’il :
– l’a déboutée de sa demande :
– de juger que la prise d’acte emportait les effets d’un licenciement nul ;
– d’annuler de la sanction du 6 octobre 2020 ;
– indemnitaire au titre du non-respect de la priorité d’embauche à temps complet, du préjudice moral du fait du harcèlement moral, de l’atteinte à la santé ;
– a limité à :
– 924,23 euros l’indemnité légale de licenciement ;
– 3 113 euros l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 500 euros la condamnation au titre de l’article de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
– juger que la prise d’acte emporte les effets d’un licenciement nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– condamner la société à lui verser :
– 9 340 euros (6 mois) au titre de l’indemnité pour licenciement nul ;
– Subsidiairement, 5 448 euros (3,5 mois) pour absence de cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
– juger que la société a modifié le contrat de travail ;
– juger que le temps de travail a été modifié de 86,67 à 149,33 heures mensuelles ;
– fixer le salaire mensuel brut à 1 556,60 euros ;
– annuler l’avertissement disciplinaire du 6 octobre 2020 ;
– condamner la société à lui verser :
– 1 102,6 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 3 113 euros (2 mois) au titre de l’indemnité de préavis et 311 euros pour les congés payés y afférents ;
– 1 230 euros au titre du complément de l’indemnité compensatrice de congés payés ;
– 5 297 euros au titre des rappels de salaire consécutif à la requalification du contrat à temps partiel à un temps de travail supérieur ;
– 5 000 euros pour non-respect de la priorité d’embauche à temps complet ;
– 5 000 euros pour préjudice moral du fait du harcèlement moral ;
– 5 000 euros pour atteinte à la santé ;
– 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner la remise de l’attestation Pôle Emploi rectifiée, sous astreinte de 100 euros par jour, le conseil se réservant la liquidation de l’astreinte ;
– dire que cette indemnité s’entend nette de CSG et de CRDS ;
– assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal à compter de la saisine avec capitalisation ;
– condamner la société aux dépens et frais d’exécution éventuels ;
– dire que les condamnations s’entendent nettes de CSG et de CRDS.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 octobre 2022 et l’affaire fixée pour être plaidée le 3 novembre 2022.
MOTIFS
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur le rappel de salaire suite à modification de nombre mensuelles d’heures de travail
Mme [Y] sollicite de la cour qu’elle constate la modification du nombre d’heures de son contrat de travail à la suite de la réalisation d’heures complémentaires car elle remplit les conditions prévues à l’article L 3123-13 du code du travail.
Elle sollicite en conséquence un rappel de salaires exposant que l’employeur peut augmenter le nombre d’heures de travail effectuées par un salarié à temps partiel par des heures complémentaires grâce à un avenant en respectant les dispositions de l’article L 3123-13 du code du travail mais qu’elle n’a pas signé d’avenant alors qu’elle effectuait des heures complémentaires ; que l’employeur a refusé son passage à temps complet en remplacement de sa collègue partant à la retraite, que son temps de travail aurait du être modifié et porté à hauteur de l’horaire moyen réellement accompli entre avril et juin 2020, elle verse aux débats un tableau de calcul de sa revendication.
La société s’oppose à cette demande répliquant que Mme [Y] était volontaire pour effectuer des heures complémentaires, que l’avenant est possible mais pas exigé par l’article L 3123-13 du code du travail, qu’en outre le calcul des heures requiert de connaître le nombre d’heures réellement accomplies et de tenir compte des congés et jours fériés ; que de fait elle doit un remboursement supérieur au titre des majorations complémentaires indues.
Sur ce
Toutes les heures effectuées au-delà de la durée du travail prévue dans le contrat de travail à temps partiel sont des heures complémentaires.
En vertu de l’article L3123-22 du code du travail « Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d’augmenter temporairement la durée de travail prévue par le contrat.
La convention ou l’accord :
1° Détermine le nombre maximal d’avenants pouvant être conclus, dans la limite de huit par an et par salarié, en dehors des cas de remplacement d’un salarié absent nommément désigné ;
2° Peut prévoir la majoration salariale des heures effectuées dans le cadre de cet avenant ;
3° Détermine les modalités selon lesquelles les salariés peuvent bénéficier prioritairement des compléments d’heures.
Les heures complémentaires accomplies au delà de la durée déterminée par l’avenant donnent lieu à une majoration salariale qui ne peut être inférieure à 25 %.»
L’article 9 de l’avenant n°64 du 1er juillet 2014 de la convention collective applicable dispose que « Conformément à l’article L. 3123-25 du code du travail, la durée contractuelle hebdomadaire du salarié à temps partiel pourra être augmentée temporairement par avenant et, ainsi, amener le salarié à un temps partiel plus élevé mais également à un temps complet.
Il ne pourra être conclu plus de six avenants par an et par salarié. En cas de remplacement d’un salarié temporairement absent nommément désigné, le nombre d’avenants conclus avec un même salarié n’est pas limité, l’employeur et le salarié pouvant en conclure autant que de besoin.
Les compléments d’heures négociées dans le cadre d’avenants au contrat de travail sont rémunérés au taux normal, autrement dit sans aucune majoration, dans la limite d’un temps plein.
Toute heure travaillée au-delà du complément d’heures fixé dans l’avenant au contrat constitue une heure complémentaire entraînant une majoration salariale d’au moins 25 %.
L’avenant conclu avec le salarié doit mentionner les modalités selon lesquelles les compléments d’heures peuvent être accomplis, en l’occurrence le nombre d’heures prévues, leur répartition sur la semaine ou sur le mois ainsi que la période concernée.
Une fois par an, il appartient à l’employeur de recenser les salariés souhaitant bénéficier d’avenants de compléments d’heures. Dès lors que les salariés se sont portés volontaires, l’employeur devra leur proposer prioritairement les avenants correspondant aux besoins de compléments d’heures identifiés. Lorsque plusieurs salariés sont susceptibles d’être intéressés, l’employeur doit effectuer un choix en tenant compte de critères objectifs.
Le refus d’un salarié d’augmenter sa durée du travail n’est pas une faute et ne peut entraîner de sanction disciplinaire. »
Toutefois l’article L 3123-13 du code du travail prévoit que « Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines ou pendant la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3121-44 si elle est supérieure, l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé.
L’horaire modifié est égal à l’horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement accompli. »
En l’espèce il n’a pas été régularisé d’avenant au contrat de travail pour en modifier le nombre d’heures prévu initialement au contrat soit 86,67 heures par mois. En revanche le contrat stipulait que la salariée pourrait être amenée à effectuer des heures complémentaires qui lui seront communiquées au moins 3 jours à l’avance avant date prévue, dans la limite de 1/3 de la durée hebdomadaire/mensuelle du travail.
Il convient donc de rechercher si pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines ou pendant la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3121-44 si elle est supérieure, l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat.
Il est établi par les fiches de paie qu’au mois d’avril 2020 la salariée a travaillé 87 heures complémentaires, en mai elle en a effectué 61 et en juin 40 donc elle a nécessairement travaillé l’équivalent mensuel de deux heures au moins par semaine en plus de l’horaire contractuel et ce sur une durée de 12 semaines sans qu’il soit requis de tenir compte des jours fériés payés et non travaillés car même en en tenant compte ( lundi de pâques, 1er, 8 mai et 21 mai) l’augmentation du nombre d’heures effectuées correspond à l’équivalent mensuel de ces deux heures, étant précisé que la semaine à retenir est la semaine civile. Dans une telle hypothèse, la salariée est en droit de demander la réévaluation de son horaire de travail et refuser de revenir à l’horaire antérieur. Cette revalorisation est automatique et ne nécessite pas un avenant au contrat.
Le calcul du nombre d’heures mensuelles doit donc être calculé comme suit :
le nouveau calcul s’établit sur les mois d’avril à juin 2020 et la salariée a effectué les heures suivantes :
avril : 173,67 heures totales ( normales et complémentaires)
mai : 147,67 heures totales
juin : 126,67 heures totales
soit un total de 448,01 heures ramenée à 149,33 heures mensuelles en moyenne et ramenées sur 30,5 jours par mois = 4,90 heures par jour.
De ce total il faut retirer les 4 jours fériés et les 8 jours de congés annuels donc un total de 58,80 heures à retirer ; on aboutit à un total de 389,21 heures de travail réellement accompli à diviser par les 3 mois. Ainsi le nombre d’heures réellement accompli est de 129,74 heures mensuelles ramené à 130 heures.
L’employeur devait donc verser à compter de juillet 2020 ( après les 12 semaines ayant servies de base au recalcul des heures complémentaires effectuées) un salaire de 130x 10,42 euros de l’heure = 1354,60 euros.
La cour constate que l’employeur a versé en :
juillet : 926,50 euros
août : 1417,85 euros
septembre : 904,12 euros
octobre 780,53 euros
alors qu’il aurait du verser une somme de 1354,60 x 3 (de juillet à septembre) et 1221,36 euros ( car il faut tenir compte de l’arrêt de travail en octobre).
Il est donc du à la salarié un rappel de salaire de 1256,16 euros.
Le salaire mensuel de la salariée doit être fixé à la somme de 1354,60 euros.
La cour, par infirmation du jugement, jugera que le temps de travail a été modifié de 86,67 heures à 130 heures mensuelles et condamnera l’employeur à payer à Mme [Y] la somme de 1256,16 euros à titre de rappel de salaire suite à cette modification.
Sur le non respect de la priorité d’accès à un poste à temps complet
Mme [Y] sollicite de la cour qu’elle condamne l’employeur à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice né du refus de lui donner priorité à un poste à temps complet exposant que sa collègue également à temps partiel devait partir en retraite au mois de septembre 2020, qu’elle a donc demandé à passer à temps complet le 19 août 2020 mais que la société s’y est refusée soutenant qu le poste ne serait pas remplacé alors que de fait Mme [B] a été embauchée pour démissionner quelques mois plus tard.
La société s’oppose à cette demande rétorquant que le poste de Mme [E] a été supprimé après son départ à la retraite, que la pièce de l’expert comptable est un faux car il ne lui a pas été adressé et constitue une violation du secret des correspondances et doit être écartée des débats.
Elle argue que Mme [E] occupait un poste à 80 heures par mois qui n’ouvre pas droit à priorité à l’embauche d’un autre salarié à temps partiel car sa durée mensuelle de travail étant 10 ou 149 heures mensuelles ce qui aboutirait à un dépassement de la durée maximale du travail ; que le préjudice n’est pas établi car la salariée a cessé le travail le 26 octobre 2020.
Sur ce
En application de l’article L 3123-3 du code du travail « Les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d’une durée au moins égale à celle mentionnée au premier alinéa de l’article L. 3123-7 ou un emploi à temps complet et les salariés à temps complet qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps partiel dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent ou, si une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu le prévoit, d’un emploi présentant des caractéristiques différentes.
L’employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants. »
L’article 11 de l’avenant n°64 du 1er juillet 2014 de la convention collective applicable prévoit que les salariés à temps partiel bénéficient d’une priorité pour l’attribution, dans le cabinet médical qui les emploie, d’un poste disponible à temps complet ou à temps partiel dont l’horaire de travail est plus important que le leur et ressortissant à leur catégorie professionnelle ou à un emploi équivalent.
L’employeur porte à la connaissance des salariés, par voie d’affichage, la liste des emplois disponibles correspondants.
L’employeur a infligé à la salariée un avertissement pour avoir le 1er octobre 2020 refusé de former au standard téléphonique Mme [B], nouvellement embauchée au cabinet médical. Ainsi contrairement aux affirmations de l’employeur qui prétend que le poste de Mme [E] était supprimé, la société a bien embauché Mme [B] pour assurer le standard téléphonique et l’accueil au cabinet, ce poste venant nécessairement en remplacement de celui de Mme [E] partie en retraite en septembre 2020.
Mme [E] était employée à temps partiel à raison de 80 heures par mois alors que Mme [Y] était recrutée sur un temps partiel de 86,67 heures par mois.
La cour constate que si le poste disponible à temps complet ou à temps partiel ressortissait de la catégorie professionnelle de Mme [Y], l’horaire de travail de Mme [E] était moins important que le sien.
Dès lors la salariée ne pouvait bénéficier d’une priorité pour l’attribution du poste de Mme [E] et doit être déboutée de sa demande d’indemnisation de ce chef.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la visite médicale d’embauche
Mme [Y] sollicite l’indemnisation de l’absence de visite médicale d’embauche qui n’a pas pris soin de sa santé.
L’employeur réplique que la visite médicale d’embauche n’existe plus depuis 2017 remplacée par la visite médicale d’information et de prévention.
Sur ce
Conformément aux dispositions des articles L.4624-1 et R.4624-10 du code du travail dans leur version applicable au litige, le travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention réalisée par le service de santé au travail dans un délai qui ne doit pas excéder trois mois à compter de la prise de poste effective.
Il appartient à l’employeur d’assurer l’effectivité de cette visite ; ce dernier est en effet tenu d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre toutes les mesures de prévention adaptées.
En l’espèce, la société ne conteste pas l’absence de visite d’information et de prévention et ne fait pas valoir de moyen propre à justifier ce manquement.
Cependant il n’est pas démontré que l’absence de visite de prévention et d’information soit à l’origine d’une quelconque maladie constatée chez la salariée, il n’apparaît pas que la salarié ait informé la société de l’existence d’une pathologie nécessitant dans un temps proche de sa prise de poste d’être orientée sans délai devant le médecin du travail qui se serait assuré de son aptitude au poste sur lequel elle était affectée.
Elle ne verse en outre aucun élément sur un préjudice qui serait issu de cette absence de visite médicale.
C’est à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [Y] de cette demande.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la sanction disciplinaire
Mme [Y] sollicite l’annulation de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée le 7 octobre 2020 après l’agression verbale du docteur [C] au prétexte qu’elle aurait refusé d’exécuter un ordre consistant en la formation d’une nouvelle embauchée, qu’elle n’a pas refusé d’exécuter la consigne mais a simplement indiqué qu’elle n’avait pas la compétence de formatrice et que la collègue devait simplement la regarder travailler pour se former.
La société cabinet médical vert buisson affirme que Mme [Y] a refusé de montrer le maniement du standard téléphonique à la candidate au poste de réceptionniste, que l’insubordination est patente, qu’elle n’avait pas contesté auparavant cet avertissement alors qu’elle savait contester d’autres demandes, notamment d’effectuer des tâches de ménage.
Sur ce
Le salarié peut contester la mesure disciplinaire prise à son encontre par son employeur.
En application de l’article L. 1333-1 du code du travail, le juge prud’homal apprécie en cas de litige la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, l’employeur a sanctionné la salariée pour avoir refusé de montrer à une future collègue le maniement de l’outil de travail (standard téléphonique) .
La société produit le témoignage de Mme [B] qui atteste que le 1er octobre 2020 étant nouvellement embauchée au cabinet médical Mme [Y] a refusé de la former au standard téléphonique considérant que ce n’était pas sa fonction, l’attestation de Mme [R], médecin du cabinet qui indique avoir demandé vainement à Mme [Y] de former la nouvelle salariée, que le docteur [F] est arrivé en lui disant que la désobéissance constituait une faute valant avertissement si elle persistait dans cette voie, que la salariée a alors pris le combiné téléphonique malgré l’opposition du docteur [F] qui lui a retiré le combiné pour raccrocher.
La salariée produit aux débats le témoignage de Mme [D] qui était dans le cabinet médical le 1er octobre 2020, qui indique que Mme [Y] a refusé d’effectuer une tâche ordonnée par le docteur [F] qui l’a menacé de lui infliger un avertissement.
Le fait de refuser d’exécuter une consigne de travail faisant partie des fonctions normales du salarié constitue une insubordination. Mme [Y], qui était standardiste, en cabinet médical ne pouvait légitimement s’opposer à montrer à la nouvelle salariée les modalités de fonctionnement de l’outil de travail dont elle connaissait parfaitement le fonctionnement étant à ce poste depuis deux ans. Si elle n’a pas de diplôme de formatrice, celui-ci ne lui était pas nécessaire s’agissant du maniement relativement simple ne requérant pas une formation avancée.
L’employeur a infligé un avertissement qui constitue le premier degré de sanction disciplinaire.
S’il existait un climat de tension au sein du cabinet médical ce comportement ne saurait fonder le refus de la salariée d’exécuter une consigne relevant des fonctions habituelles du poste occupé.
Dans ces conditions, la sanction apparaît justifiée et disproportionnée aux agissements reprochés et il convient par application des dispositions de l’article L 1333-2 du code du travail de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande d’annulation de sanction disciplinaire.
Sur le harcèlement moral
Mme [Y] rapporte qu’elle a été victime à compter de l’année 2020 de harcèlement moral de la part de l’employeur, que le 1er octobre 2020 le docteur [F] l’a agressé verbalement en étant menaçant et en hurlant et lui a arraché le combiné téléphonique des mains alors qu’elle se trouvait dans le secrétariat du cabinet médical, qu’un témoin en atteste et qu’un autre médecin a du intervenir, que cette situation l’a amené à être en arrêt maladie.
Elle fait valoir que le 13 octobre 2020 le docteur [F] lui a également fait des remarques intimidantes et déplacées notamment en lui faisant signer un document sans lui laisser le temps de le lire dont il s’est avéré qu’il lui faisait reproche d’avoir refusé d’effectuer des tâches de ménage en lui imposant en outre des modifications de ses horaires de travail, cet événement survenant alors qu’elle était fragilisée par la scène du 1er octobre.
Elle argue du comportement anxiogène généré par l’attitude du docteur [F] qui lui parlait sur un ton assez strict, qu’il lui a reproché d’avoir été à l’origine de l’hospitalisation d’un patient voire de son décès éventuel, d’avoir le 26 octobre 2020 abandonné son poste de travail alors qu’elle se trouvait dans le bureau d’un médecin pour résoudre un problème informatique, une patiente présente explicitant la scène ; ces événements ayant entraîné un arrêt de travail ininterrompu jusqu’à son courrier de prise d’acte de son contrat de travail et à la saisine de l’inspection du travail.
Elle sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement ainsi subi.
L’employeur s’oppose à cette demande répliquant que la salariée ne produit qu’une seule pièce non corroborée par d’autres éléments, que le docteur [R] a établi un témoignage en sens inverse, qu’au surplus elle avait refusé de montrer à la nouvelle recrue le fonctionnement du standard téléphonique, qu’il n’y a eu ni agression verbale ni menace ou hurlement.
Il nie toute forme de harcèlement, affirme que la salariée fait état de ressentis et non de faits, que le courrier à signer ne consistait qu’en une preuve de remise contre décharge sans acceptation du contenu de ce courrier, que la salariée s’opposait à un nouveau planning pourtant nécessaire car elle refusait désormais de travailler le samedi mais pouvait effectuer le ménage en présence des patients, que le fait de lui dire qu’elle est là pour lui faciliter la vie n’est pas humiliant, qu’en réalité elle ne supportait pas la moindre instruction, qu’il n’a pas reproché l’hospitalisation du patient mais le fait qu’elle ne lui ai pas transmis l’information selon laquelle il n’allait pas bien, que le reproche d’abandon de poste ne repose que sur une seule attestation postérieure aux débats de première instance et que le mail produit est un transfert dont le caractère authentique n’est pas établi.
Il relate que les arrêts maladie ne sont pas en lien avec les conditions de travail puisqu’il n’y est pas mentionné la pathologie, que Mme [Y] n’a pas régularisé de déclaration de maladie professionnelle, que le certificat médical versé émane d’un ancien associé qui a quitté le cabinet car il prenait le parti de la salariée et pour laquelle elle travaille depuis et que le témoignage versé en cause d’appel doit être écarté.
Sur ce
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L.1154-1du même code, le salarié a la charge de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte du premier de ces textes que les faits susceptibles de laisser présumer une situation de harcèlement moral au travail sont caractérisés, lorsqu’ils émanent de l’employeur, par des décisions, actes ou agissements répétés, révélateurs d’un abus d’autorité, ayant pour objet ou pour effet d’emporter une dégradation des conditions de travail du salarié dans des conditions susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d’une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l’employeur révélateurs d’un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d’autorité, de direction, de contrôle et de sanction.
La salariée verse aux débats :
– le témoignage de Mme [D] qui était dans le cabinet médical le 1er octobre 2020, que face au refus de Mme [Y] d’effectuer une tâche ordonnée par le docteur [F] , celui-ci l’a menacé de lui infliger un avertissement, qu’elle a téléphoné au docteur [V] mais que le docteur [F] s’est approché et a raccroché le combiné téléphonique assez violemment, qu’il était assez agressif, qu’il a hurlé dans le secrétariat, qu’il était énervé, agressif et faisait limite peur, ce qui était très gênant pour les patients
– le témoignage de Mme le docteur [G] qui atteste que le 13 octobre 2020 elle a entendu le docteur [F] dire à Mme [Y] si je vous avais envoyé une lettre avec accusé de réception vous l’auriez signé avant de l’avoir lu. Il est reparti en disant maintenant que vous l’avez lu vous signez, puis il est ressorti avec un sourire. Ce témoin ajoute que le 15 octobre 2020 le docteur [F] était au secrétariat et après avoir attendu que la salariée termine avec un appel téléphonique, il lui a dit sur un ton assez sec
‘quand je suis là je n’ai pas à attendre pour vous parlez, mettez les autres en attente vous êtes là pour me faciliter la vie’
– les mails échangés entre le docteur [F] et Mme [Y] les 26 et 29 octobre 2020 par lesquels la salariée se disait extrêmement choquée de ses propos l’accusant d’être responsable de l’hospitalisation d’un patient et de son éventuel décès car il avait demandé un rendez vous pour prolonger son arrêt de travail car il n’y avait pas d’amélioration de sa situation, qu’elle l’a donc inscrit sur une liste d’attente faute de rendez vous le jour même, qu’elle déplore que ce n’est pas la première fois qu’il tente de la rendre responsable de faits graves, notamment du manque d’hygiène au cabinet du fait de son refus de faire le ménage en période de pandémie car il a lui-même modifié ses horaires de travail et les tâches de son poste ; la réponse du médecin qui réfute ces affirmations car il y aurait méprise, qu’il lui reproche d’avoir interprété les propos du patient qui disait ne pas pouvoir reprendre le travail mais aussi qu’il n’allait pas bien, qu’il lui reproche de ne pas l’avoir informé de son état grave endossant un costume pour lequel elle n’avait pas de formation ni compétence. Il ajoute que les remarques sont factuelles et dans l’intérêt de la patientèle, qu’il a effectué le ménage avec les deux autres médecins et qu’il ne lui reproche pas ce fait.
– un courrier qu’elle a adressé à l’employeur le 13 octobre 2020 par lequel elle s’insurge contre le fait qu’il lui a imposé de signer une lettre alors qu’elle ne le souhaitait pas et que face à son attitude menaçante elle a accepté de signer ce document, qu’elle n’avait jamais refusé de faire le ménage depuis 2018 mais que suite au départ d’une collègue elle ne pouvait plus assumer le standard et le ménage car il avait lui même modifié ses horaires pour fixer un dernier planning de travail de 7 heures à 11 heures pour qu’elle puisse effectuer le ménage entre 7 et 8 heures
– le mail transféré de Mme [B] adressé au docteur [V] faisant état d’une plainte devant le conseil de l’ordre des médecins contre le docteur [G] déposée par le docteur [F] qui l’interpelle et qui indique qu’elle comprend les soucis et démêlés avec [N] car il faut une solide expérience pour pouvoir se dégager d’une agressivité hors norme et de recherche de domination constante, ledit comportement ayant aussi influencé son départ car travailler dans des conditions avec une personne inconstante qui sape l’ambiance, vous cherche, vous agresse, ce n’est vraiment pas possible
– le témoignage de Mme [T], patiente du cabinet qui atteste que le 26 octobre 2020 étant dans la salle d’attente elle entend des hurlements et voit la secrétaire Mme [Y] suivie du docteur [F] qui hurle en lui disant qu’elle venait de faire un abandon de poste, inadmissible et que cela allait lui coûter très cher, le docteur [V] arrive et lui dit qu’elle avait eu besoin de la secrétaire quelques instants pour un problème administratif mais que le docteur [F] l’insulte la traite d’incapable et lui imputant que par sa faute la secrétaire allait perdre son poste, qu’elle a été très choquée, que la secrétaire faisait son possible pour ne pas pleurer et le docteur [V] lui a présenté des excuses pour le comportement du docteur [F]
– les arrêts de travail ininterrompus du 26 octobre 2020 date du dernier reproche sur l’abandon de poste supposé et le courrier de prise d’acte du contrat de travail
– les arrêts de travail à compter du 26 octobre 2020.
La salariée présente ainsi des éléments de fait qui sont de nature à laisser supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral en présence de laquelle l’employeur se doit d’établir que les comportements et faits qui lui sont reprochés étaient justifiés par des éléments objectifs à tout harcèlement moral.
La société produit le témoignage de Mme [B] ci-dessus repris.
Le courriel transféré de Mme [V] à Mme [Y] émanant initialement de Mme [B] ancienne salariée du cabinet, est recevable car en matière prud’homale la preuve est libre et il présente des garanties suffisantes pour permettre à la cour de se forger une conviction sur la valeur et la portée des éléments qu’il contient et ne saurait être écarté au seul motif qu’il a émane d’une ancienne salariée.
Le témoignage de Mme [T] conforme aux dispositions de l’article 220 du code de procédure civile, est aussi recevable, les parties pouvant produire des pièces nouvelles an cause d’appel.
La cour a débouté Mme [Y] de sa demande d’annulation de l’avertissement infligé le 6 octobre 2020. Cependant si le reproche de l’employeur était fondé, le fait d’avoir été agressif envers la salariée et ce devant la patientèle en attente de rendez vous n’était pas un comportement adapté.
Par ailleurs, au cours de ce mois d’octobre 2020, le docteur [F] a multiplié les reproches, pas toujours justifiés notamment sur l’abandon de poste et le fait qu’elle aurait été responsable de l’hospitalisation d’un patient, mais surtout sur un ton agressif incompatibles avec des conditions de travail normales, ce qui créait un climat délétère qui s’est d’ailleurs poursuivi après le départ de Mme [Y] ainsi qu’il en ressort des dires de Mme [B] qui venait d’être embauchée concomittament à ce départ.
Les arrêts maladie ne mentionnent pas le motif médical dont il n’est pas indiqué qu’il s’agisse d’une dépression susceptible de se rattacher à une situation de harcèlement moral cependant ils sont concomittants au dernier reproche du 26 octobre 2020 relatif à un abandon de poste inexistant et ont perduré jusqu’à la prise d’acte du contrat de travail.
Il résulte de l’ensemble de ces circonstances qu’est démontré des faits de harcèlement moral caractérisés par des méthodes de management agressives, inadaptées et non résultant d’un pouvoir hiérarchique ordinaire et dirigées contre Mme [Y] personnellement.
La cour juge que le harcèlement moral est établi et Mme [Y] est donc bien fondée dans sa demande de condamnation de l’employeur à lui verser des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité qu’il convient d’évaluer à la somme de 3000 euros.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
Sur la demande relative à l’atteinte à la santé
La salariée sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser une indemnité de 5000 euros pour indemniser l’atteinte à sa santé causée par le le harcèlement moral de l’employeur.
La société s’y oppose répliquant qu’il n’y a pas de lien entre les faits dénoncés et la santé de la salariée, que la pathologie justifiant des arrêts maladie n’est pas connue , qu’elle est allée travailler pour le docteur [V] dés le 14 mars 2021 à la fon d’un arrêt maladie.
Sur ce
L’article L.4121-1 du code du travail dispose :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
La cour a jugé que la salariée avait été victime de harcèlement moral de l’employeur et l’a indemnisée à ce titre.
La salariée, qui ne justifie pas d’un préjudice distinct, ne peut revendiquer une double indemnisation fondée sur le même motif, à savoir le harcèlement moral.
Dés lors elle doit être déboutée de sa demande par confirmation du jugement sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la prise d’acte
Mme [Y] sollicite de la cour qu’elle juge que la prise d’acte du contrat de travail du 10 mars 2021 s’analyse en en licenciement aux torts exclusifs de l’employeur qui emporte les effets d’un licenciement nul en raison du harcèlement moral dont elle a été victime.
La société Cabinet médical vert buisson s’oppose à cette demande répliquant que la rupture du contrat de travail doit être jugée comme une démission, que la salariée n’a pas été victime de harcèlement, qu’elle a trouvé immédiatement du travail au cabinet médical du docteur [V], que le grief invoqué n’est pas actuel car du fait de l’arrêt maladie Mme [Y] n’est pas revenue travailler. Il sollicite la condamnation de la salariée à lui verser le préavis qu’elle ‘na pas effectué.
Sur ce
La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié.
Il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Il appartient au salarié d’établir les manquements invoqués et leur gravité ayant empêché la poursuite de contrat qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner
les manquements de l’employeur invoqué devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnées dans cet écrit.
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail à raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
En l’espèce, il résulte de la lettre de rupture du salarié qu’il reproche à l’employeur les manquements suivants:
pas de régularisation d’avenant au contrat de travail suite à la modification des heures du nombre d’heures mensuels,
refus de passage d’un contrat à temps complet,
modification des horaires de travail sans respect des dispositions applicables notamment le délai de prévenance,
agression verbale du 1er octobre 2020,
avertissement injustifié le 7 octobre 2020,
remarques déplacées et dévalorisantes de la part du docteur [F] portant atteinte à sa dignité,
dégradation de son état de santé ayant nécessité un arrêt de travail continu jusqu’à la prise d’acte du contrat de travail.
La cour ayant jugé précédemment que la salariée avait été victime de harcèlement moral de la part de l’employeur, il y a lieu de juger, par infirmation du jugement sur ce point que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur doit produire les effets d’un licenciement nul par application des dispositions de l’article L 1152-3 du code du travail.
Sur les conséquences de la prise d’acte du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur produisant les effets d’un licenciement nul
Mme [Y] sollicite la condamnation de la société vert buisson à lui verser une indemnité en réparation du licenciement nul une somme correspondant à 6 mois de salaire pour licenciement nul.
L’employeur s’y oppose.
Sur ce
En application de l’article L 1235-3-1 du code du travail « L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4.
Dés lors peu importe que la salariée ait pu retrouver un emploi rapidement auprès d’un autre cabinet médical.
La société Cabinet médical vert buisson est condamnée à verser à Mme [Y] une somme de 8127 ,60 correspondant à 6 mois de salaires.
Sur les autres indemnités
Mme [Y] sollicite le paiement d’une indemnité de préavis basée sur deux mois de salarie recalculés suite à la modification du nombre d’heures de travail outre une indemnité légale de licenciement calculée sur cette même base et en tenant compte d’une ancienneté de 2 ans et 10 mois calculée de l’embauche à l’expiration du préavis.
Elle demande par ailleurs le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés soit ceux inscrits sur la fiche de paie d’octobre 2020 en sus ceux acquis entre novembre 2020 et février 2021.
L’employeur rétorque que l’indemnité de préavis doit être calculée sur la base d’un salaire réajusté selon un salaire erroné, qu’il en est de même pour l’indemnité de licenciement.
Concernant l’indemnité compensatrice de congés payés la société fait valoir que Mme [Y] a été en arrêt maladie de novembre 2020 et février 2021 et ne peut revendiquer des congés payés pour une période non travaillée.
Sur ce
Sur le préavis
L’article L 1234-1 du code du travail dispose que « Lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois ;
3° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté de services plus favorable pour le salarié »
L’article 25 de a convention collective applicable est plus favorable prévoit que :
Pour toute rupture du contrat de travail par l’employeur ou l’employé au-delà de la période d’essai et sauf faute grave, la durée du préavis réciproque sera fixée comme suit :
A. – Personnel ayant moins de 6 mois de présence dans l’établissement (toutes catégories à l’exception du personnel embauché pour une durée déterminée) : 15 jours ;
B. – Personnel ayant de 6 mois à 2 ans de présence (toutes catégories) : 1mois ;
C. – Personnel ayant plus de 2 ans de présence :
– licenciement : 2 mois ;
– démission : 1 mois.
Les dispositions sont donc similaires en ce qui concerne la durée du préavis qui est de deux mois pour les salariés disposant de plus de deux d’ancienneté.
Le contrat de travail a débuté le 2 juillet 2018 et a cessé par l’envoi de la lettre de prise d’acte du contrat de travail par la salariée, la date à retenir pour la détermination de la durée du préavis est celle de la première présentation de la lettre recommandée à l’adresse du destinataire soit le 10 mars 2021. La salariée avait donc 2 ans et 8 mois d’ancienneté et a donc droit à deux mois de préavis.
Elle est donc bien fondée à revendiquer le paiement d’une somme de 2709,20 euros correspondant au salaire réajusté suite à la modification du temps de travail outre 270,92 euros de congés payés.
Sur l’indemnité légale de licenciement
En application de l’article L.1234-9 du Code du travail la salariée a droit à l’octroi d’une indemnité légale de licenciement ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée, par année de service dans l’entreprise, sur la base d’1/4 de mois ; son montant est majoré à partir de 10 ans d’ancienneté de 1/3 de mois par année au-delà de 10 ans. Les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l’indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence. Enfin pour le calcul du montant de l’indemnité, l’ancienneté prise en considération s’apprécie à la date de fin du préavis.
Le montant de l’indemnité légale de licenciement doit donc être fixé à la somme de 903,07 euros.
Sur l’indemnité compensatrice de congés payés
La cour observe que la fiche de paie du mois d’octobre 2020 mentionne que la salariée avait acquis sur N-1 12 jours de congés non pris et pour l’année N 12,5 jours soit un total de 24,5 jours qui lui sont dus.
Par ailleurs elle réclame des jours de congés pour la période comprise entre novembre 2020 et février 2021 mais elle n’a pas travaillé à cette période étant en arrêt maladie. Cette partie de la demande doit donc être rejetée puisque les jours de congés s’acquièrent à raison de 2,5 jours de congés par mois de travail effectué.
Il est donc du à la salariée la somme de 1088,04 euros.
Sur les documents de fin de contrat
Mme [Y] demande à la cour de condamner l’employeur à lui remettre une attestation pôle emploi rectifiée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
La société cabinet vert buisson ne réplique pas à cette demande.
Sur ce,
La cour ayant fait droit à la demande de reconnaissance du bien-fondé de la prise d’acte qui s’analyse en un licenciement nul, l’employeur est tenu de lui délivrer les documents de contrat. La cour condamne l’employeur à lui délivrer une attestation pôle emploi, un solde de tout compte et une fiche de paie.
En revanche il n’est pas produit d’élément laissant craindre que l’employeur n’exécuterait pas spontanément cette remise, la cour déboute Mme [Y] de sa demande d’astreinte.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts
Mme [Y] demande à la cour d’assortir la condamnation d’intérêts au taux légal avec capitalisation.
L’employeur ne réplique pas sur ce point.
Sur ce
Les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires et à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
Conformément à la demande du salarié, par infirmation du jugement, il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions de première instance seront infirmées sur l’article 700 du code de procédure civile et confirmées sur les dépens.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [Y] les frais qu’elle a exposé pour la présente procédure. La société cabinet vert buisson sera condamné à lui verser en application de l’article 700 du code de procédure civile une somme de 2500 euros pour l’ensemble de la procédure.
Succombant la société cabinet vert buisson est déboutée de sa demande au même titre.
Elle sera en outre sera condamnée aux entiers dépens de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Creil du 10 mai sauf en ce qu’il a débouté Mme [N] [Y] de ses demandes relatives à :
l’annulation de l’avertissement
la demande en dommages et intérêts relative à l’atteinte à la santé
la demande en dommages et intérêts relative au non-respect de la priorité à l’embauche à temps complet
la demande en dommages et intérêts relative à l’absence de visite médicale
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Dit que le temps de travail a été modifié de 86,67 heures mensuelles à 130 heures mensuelles à compter de juillet 2020,
Dit que le salaire de Mme [Y] est fixé à la somme de 1354,60 euros à compter de juillet 2020,
Dit que Mme [Y] a été victime de harcèlement moral,
Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur produit les effets d’un licenciement nul,
Condamne la société cabinet vert buisson à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :
– 1256,16 euros à titre de rappel de salaire
– 3000 euros en réparation du préjudice moral consécutif au harcèlement moral
– 8127,60 euros au titre du licenciement nul
– 1088,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés non liquidés
– 959,20 euros à titre d’indemnité de licenciement
Ordonne à la société cabinet vert buisson de délivrer à Mme [Y] une attestation pôle emploi conforme au présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte pour garantir la remise de ces documents,
Condamne la société cabinet vert buisson à verser à Mme [Y] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure,
Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière,
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
Condamne la société cabinet vert buisson aux dépens de la procédure d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.