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14 avril 2016
Cour d’appel de Pau
RG n°
13/04115
VP/CD
Numéro 16/01569
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 14/04/2016
Dossier : 13/04115
Nature affaire :
Demande d’indemnités ou de salaires
Affaire :
[Q] [S]
C/
SAS ALZUYETA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 14 Avril 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 15 Février 2016, devant :
Madame THEATE, Président
Madame PEYROT, Conseiller
Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 7 décembre 2015
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [Q] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Madame [V] [S], épouse, munie d’un pouvoir régulier
INTIMÉE :
SAS ALZUYETA
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 22 OCTOBRE 2013
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
RG numéro : F 12/00184
FAITS – PROCÉDURE
Par requête enregistrée le 31 mai 2012, Monsieur [Q] [S] a attrait son employeur la SAS ALZUYETA devant le conseil de prud’hommes de Bayonne en sollicitant sa condamnation à lui régler les sommes suivantes assorties de l’intérêt légal :
* primes annuelles 2010 et 2011 : 3.216,92 €,
* congés payés sur ces primes : 321,69 €,
* heures supplémentaires : 15.475,04 €,
* congés payés sur ces heures : 1.547,50 €,
* indemnité de congés payés : 7.077,22 €.
Il demandait également, pour mémoire et ‘à évaluer’ :
– son reclassement en rapport avec son expérience et les termes du contrat de travail,
– un état récapitulatif d’épargne salariale prévue par l’article L. 3341-7 du code du travail pour les années 2007 à 2011 inclus,
– la condamnation de la SAS ALZUYETA au versement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En cours de procédure Monsieur [Q] [S] modifiait ses prétentions, certains postes étant revus à la baisse, en sollicitant alors la condamnation de la SAS ALZUYETA à lui régler les sommes suivantes :
* primes annuelles 2010 et 2011 : 3.216,92 €,
* congés payés sur ces primes : 321,69 €,
* heures supplémentaires : 8.816 €,
* congés payés sur ces heures : 881,60 €,
* indemnité de congés payés : 3.860,30 €,
* indemnité pour travail dissimulé : 7.077,22 €,
* dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la privation des indemnités ou prestations consécutives à l’absence d’affiliation aux organismes sociaux (chômage, retraite, maladie) : 27.200 €,
* article 700 du code de procédure civile : 717,60 €.
En défense, la SAS ALZUYETA s’est opposée à toutes les prétentions du salarié dont elle a demandé le rejet. Elle sollicitait en outre et reconventionnellement la condamnation de Monsieur [Q] [S] à lui régler à titre de dommages et intérêts, pour procédure abusive, en application de l’article 32-1 du code de procédure civile une somme de 2.000 € ainsi qu’un même montant sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile, outre condamnation du salarié aux dépens.
Par jugement avant dire droit du 19 février 2013 le conseil de prud’hommes ordonnait une mesure d’instruction aux fins de procéder à l’audition personnelle des parties et les entendre ‘sur les aspects demeurés obscurs des demandes’, cette mesure étant fixée au 29 mars 2013 et la procédure renvoyée à l’audience du 2 juillet 2013. L’instruction a été réalisée à la date prévue par les conseillers rapporteurs désignés qui ont établi, le 17 mai 2013, leur rapport de mission qui précise notamment que :
– Madame [V] [S], épouse et représentante du demandeur, a déclaré :
* maintenir ses demandes au titre des primes annuelles, des congés payés y afférents et des congés payés fondant ses réclamations sur la convention collective (IDCC 2216), bien que son mari Monsieur [Q] [S] soit en arrêt de travail pour maladie depuis le 6 novembre 2009 et qu’il lui ait été expliquer, par les conseillers rapporteurs, qu’aucun article de la convention collective ne prévoyait le paiement de congés annuels pendant une période de suspension du contrat de travail pour maladie,
* maintenir ses demandes pour heures supplémentaires, congés y afférents et travail dissimulé, prétentions sur lesquelles les parties ont été également entendues,
* augmenter toutefois le quantum de sa demande en dommages et intérêts qu’elle porte à 50.000 € ‘ayant entendu au dernier bureau de jugement une femme demander ce montant donc elle aussi’.
– la SAS ALZUYETA, par son Président, Monsieur [G] [J], a présenté ses explications sur le versement de la prime annuelle et a confirmé son opposition aux prétentions du salarié.
Par jugement rendu le 22 octobre 2013, le conseil de prud’hommes de Bayonne, section commerce, a :
– condamné la SAS ALZUYETA à régler à Monsieur [Q] [S] :
au titre de l’indemnité de congés payés la somme de 309,32 €, outre intérêt au taux légal à compter du 31 mai 2012,
au titre de l’article 700 du code de procédure civile celle de 50 €,
– dit que le surplus des demandes de Monsieur [Q] [S] est infondé,
– dit que le paiement de l’indemnité de congés payés est exécutoire de droit à titre provisoire,
– dit que la moyenne des trois derniers mois équivaut à 1.742,50 €,
– condamné la SAS ALZUYETA aux dépens.
Par courrier recommandé avec avis de réception reçu le 19 novembre 2013 au greffe de la cour d’appel, Monsieur [Q] [S] a déclaré interjeter appel de ce jugement, qui lui a été notifié le 24 octobre 2013, dans des conditions de forme et délais qui ne sont pas discutées.
Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe à comparaître à l’audience du 15 février 2016, date à laquelle elles ont comparu par représentation de leur conseil respectif.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur [Q] [S], appelant, a remis ses écritures et ses pièces le 14 octobre 2015, qui ont été oralement développées par son représentant, Madame [V] [S], son épouse dûment habilitée, qui a procédé à certaines modifications et sollicité en dernier état, la réformation du jugement déféré et, consécutivement la condamnation de la SAS ALZUYETA à lui payer les sommes suivantes :
* primes annuelles 2010 et 2011 : 3.216 €,
* congés payés sur ces primes : 321 €,
* indemnité conventionnelle de congés payés : 3.860 €,
* heures supplémentaires : 23.111 €,
* congés payés sur ces heures : 2.311 €,
* indemnité pour travail dissimulé : 7.881 €,
* dommages et intérêts : 34.392 €,
(pour préjudice subi du fait de perte de la prime de départ à la retraite = 3.057 €, du rappel sur la participation de l’entreprise années 2010 à 2015 = 14.890 €, perte de points de retraite complémentaire ARRCO = 11.716 €, perte de salaire pour le calcul de la retraite CARSAT = 4.729 €),
* article 700 du code de procédure civile : 717,60 €.
Au soutien de ses prétentions l’appelant expose qu’il a été contraint de quitter le Gard où il vivait à la suite de graves inondations et d’emménager dans la région, en fin d’année 2002, et indique avoir été engagé, à cette période, par la SAS ALZUYETA exploitant le magasin Intermarché [Localité 2], sur les recommandations de son ancien employeur appartenant également au groupe Intermarché. Il dit avoir obtenu un poste d’ouvrier professionnel boucher coefficient 4A alors qu’il exerçait auparavant, pour un contrat similaire, comme manager de rayon 1 niveau 5 agent de maîtrise.
Il assure avoir travaillé au sein de l’entreprise 55 heures par semaine et n’avoir jamais obtenu les heures supplémentaires correspondantes n’étant rémunéré que sur la base mensuelle de 36,75 heures pour un salaire net de 1.500 €.
Il déclare n’avoir jamais signé ses bordereaux d’horaires et fait état de la vaine intervention de son épouse en 2007 auprès de l’inspection du travail pour signaler cette situation.
Il affirme que les heures supplémentaires qu’il a réalisées s’expliquent simplement par l’absence de recours à un personnel intérimaire pour remplacer les bouchers lors de leurs congés, les bouchers présents assurant le surplus de travail lié à ces absences. Il présente alors l’amplitude journalière de travail, la répartition du travail entre les trois bouchers jusqu’en 2006 puis quatre à partir de 2007, les nombreuses tâches à accomplir.
Il procède ensuite à une analyse de chacune des 263 fiches d’horaires produites par l’employeur révélant d’importantes anomalies telles que : absence de boucher sur de très nombreuses matinées, deux bouchers sur quatre présents sur diverses périodes, etc, déclarant que ces irrégularités accréditent l’accomplissement des heures supplémentaires qu’il réclame.
Il appuie également sa démonstration sur les factures justifiant du recours par l’employeur à des travailleurs intérimaires qui révèlent une utilisation de ces personnels en 2008 à hauteur de 1.947,75 heures, ce faible résultat prouvant la nécessité de recourir à des heures supplémentaires.
Monsieur [Q] [S] procède ensuite au calcul des heures supplémentaires qui lui seraient dues de juin 2007 à avril 2008 et de mai 2008 à octobre 2009 et qu’il chiffre à 23.111 €.
Il sollicite, du fait de ce non-paiement d’heures supplémentaires, sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail, l’indemnité pour travail dissimulé qu’il présente toutefois pour un montant de 7.881 € en déduisant des six mois de salaire réclamés à ce titre la somme reçue au titre de l’indemnité de licenciement : 10.455 € (1.742,50 € x 6) – 2.574 €.
Il sollicite des dommages et intérêts déclarant avoir subi un préjudice important la non déclaration de ses salaires réels, intégrant les heures supplémentaires, l’ayant privé de la perception des indemnités ou prestations équivalentes en matière de chômage, de retraite, de maladie. Il cite un arrêt de cassation du 14 avril 2010. Il présente un détail chiffré des pertes qu’il déclare, par la voie de sa représentante, constituer son préjudice composé : de la perte de la prime de départ volontaire à la retraite, du rappel sur la participation de l’entreprise pour les années 2010 à 2015, des points de retraite complémentaire ARRCO et perte de salaire pour le calcul de la retraite payée par la CARSAT.
La SAS ALZUYETA, intimée, a remis ses conclusions le 19 janvier 2016, également confirmées oralement à l’audience par son avocat.
Elle sollicite la confirmation du jugement contesté et le rejet consécutif de toutes les demandes de Monsieur [Q] [S],
Elle forme par ailleurs appel incident et demande à ce titre :
– de condamner Monsieur [Q] [S] à lui rembourser la somme de 309,39 € au titre de l’indemnité de congés payés,
– de le condamner sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 2.000 € ainsi qu’un même montant à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile,
– de le condamner aux dépens.
La SAS ALZUYETA rappelle avoir engagé Monsieur [Q] [S], le 18 novembre 2002, en contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité d’ouvrier professionnel boucher, catégorie ouvrier, niveau 4, échelon A de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
L’employeur indique que Monsieur [Q] [S] a été en arrêt de travail du 6 novembre 2009 jusqu’au 16 octobre 2011 et déclaré inapte par le médecin du travail après les deux visites obligatoires en date des 17 octobre et 2 novembre 2011.
Il précise avoir licencié Monsieur [Q] [S] le 6 décembre 2011 pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement, au terme d’une procédure régulière et non contestée par le salarié.
L’employeur demande d’écarter les demandes du salarié qu’il déclare injustifiées et auxquelles il s’oppose en les discutant une à une.
1/ sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé :
La SAS ALZUYETA rappelle les règles légales et jurisprudentielles applicables et demande à la Cour de constater que le salarié se contente d’affirmer avoir réalisé des heures supplémentaires sans apporter un seul élément matériel, tel notamment un décompte précis et détaillé des heures réalisées hors durée contractuelle, permettant, à tout le moins, de commencer à étayer sa demande conformément aux exigences posées par l’article L. 3171-4 du code du travail, le juge devant se fonder au vu des éléments présentés par l’employeur et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, et cette absence de tout élément de preuve présenté par le salarié conduisant à écarter sa prétention.
L’employeur fait par ailleurs état du chiffrage unilatéral fait par le salarié des heures qu’il aurait réalisées sans tenir aucun compte des périodes de congés et d’arrêts de travail, il procède à un chiffrage explicatif démontrant le caractère erroné des calculs présentés par le salarié.
Il rappelle que la demande d’exécution d’heures supplémentaires lui appartient en sa qualité d’employeur et indique que si cette pratique a été utilisée les heures supplémentaires ont toujours été payées et figurent sur les bulletins de paye ainsi que ceux de l’appelant le montrent pour décembre et janvier 2008.
Il souligne les conditions de l’intervention de Madame [V] [S] auprès de l’inspection du travail et les réponses données par le Directeur adjoint du travail à l’épouse du salarié, intervenant pour lui, précisant qu’un contrôle avait été diligenté au sein de la SAS ALZUYETA sans que la démonstration de la réalisation d’heures supplémentaires par Monsieur [Q] [S] n’ait été établie rappelant à son interlocuteur la nécessité de preuve en la matière.
Au surplus, il déclare établir le caractère infondé et injustifié de la demande en justifiant de l’absence d’exécution par le salarié des heures supplémentaires réclamées au vu : des fiches horaires produites démontrant que Monsieur [Q] [S] a accepté les horaires qui y étaient fixés en signant chaque document, des attestations de deux anciens salariés ayant travaillé avec Monsieur [Q] [S] qui affirment que ce dernier ne faisait pas d’heures supplémentaires, par les réponses faites par Madame [V] [S] au conseiller rapporteur lors de sa mission, la réponse même faite par le conseil de l’époque au salarié.
L’employeur expose que la demande d’indemnité pour travail dissimulé ne peut qu’être rejetée l’existence des heures supplémentaires n’étant pas démontrée.
2/ sur la prime annuelle :
La SAS ALZUYETA rappelle l’article 3.7 de la convention collective applicable (commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire) en toutes ses dispositions qui s’opposent à cette demande dès lors qu’à la date du versement des primes 2010 et 2011, Monsieur [Q] [S] était suspendu depuis plus d’un an (3.7-2, 3.7-3, 3.7-6) et précise qu’il n’existe pas d’accord d’entreprise pour le versement de la prime annuelle.
3/ sur les congés payés :
L’employeur soutient qu’en application de l’article 7.1 de la convention collective le salarié a acquis des congés payés pendant deux mois durant sa maladie non professionnelle soit 5 jours ouvrables de congés payés, cette règle de la limite de deux mois a été confirmée au salarié par le Directeur de l’Unité territoriale des Pyrénées-Atlantiques par courrier du 5 août 2011 produit par Monsieur [Q] [S].
Le salarié a été rempli de ses droits au titre des congés ayant perçu une somme brute de 1.237,28 € au titre des congés non pris à la date de la rupture du contrat ainsi qu’il en résulte du solde de tout compte.
L’infirmation de la décision sur ce point est sollicitée et la somme de 309,32 € accordée n’étant pas justifiée.
4/ sur la participation pour les années 2012 à 2015 :
La SAS ALZUYETA précise que l’accord de participation exclu Monsieur [Q] [S] de son dispositif dès lors que son contrat de travail a pris fin le 7 décembre 2011.
Il précise justifier de l’exécution de son obligation à ce titre par les sommes versées au salarié pendant le contrat de travail et notamment pour les années 2010 et 2011.
5/ sur la prime de départ à la retraite :
L’intimée rappelle qu’ayant été licencié pour inaptitude, le salarié ne peut prétendre à ce régime qui s’applique aux salariés quittant volontairement l’entreprise pour retraite et qu’il a perçu à son départ l’indemnité conventionnelle de licenciement qui lui revenait et dont elle précise le calcul au regard de l’ancienneté du salarié et des dispositions de la convention collective.
6/ sur la perte de points de retraite complémentaire ARRCO :
L’employeur fait valoir l’absence de tout fondement juridique à cette prétention.
Il déclare néanmoins qu’en application des principes de base de la responsabilité civile issus de l’article 1147 du code civil, le demandeur à la réparation doit démontrer un dommage, un fait générateur de responsabilité (inexécution ou mauvaise foi contractuelle) et un lien de causalité entre les deux.
Il souligne l’absence de toute démonstration par le salarié de ces conditions nécessaires à l’accueil de sa demande et son exécution de bonne foi du contrat.
7/ sur la perte de salaire de base pour le calcul de la retraite payée par la CARSAT au régime général : l’employeur fait valoir les mêmes motifs que dessus au rejet de cette prétention.
8/ sur les dommages et intérêts : considérant les explications orales présentées par l’appelant qui a limité le quantum de cette prétention à la somme de 34.392 €, montant représentant le cumul des pertes revendiquées au titre des postes prime de départ à la retraite pertes des points de retraite ARRCO et CARSAT, déjà discutés, la SAS ALZUYETA réitère ses observations quant au nécessaire rejet d’une telle demande rappelant encore son caractère totalement infondé et injustifié.
9/ sur l’article 700 et la demande de remboursement de frais d’avocats :
L’employeur constate que le salarié est représenté par son épouse, qu’il produit dans la procédure des courriers couverts par le secret des correspondances liant avocat et client, qu’il ne justifie pas du paiement de factures, que le salarié a déclaré, dans le cadre de la mesure d’instruction, se défendre seul après refus de trois avocats de l’assister.
A titre incident la SAS ALZUYETA demande de condamner le salarié au remboursement du montant des congés payés attribués par le conseil de prud’hommes alors qu’il a été établi que le salarié avait été rempli de ses droits à ce titre.
L’employeur déclare que la procédure conduite contre lui par Monsieur [Q] [S] est manifestement abusive au regard des éléments de l’espèce et justifie les dommages et intérêts réclamés à ce titre.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des appels :
L’appel principal de Monsieur [Q] [S] et celui incident de la SAS ALZUYETA ont été formalisés dans les délais et formes requis et sont recevables.
Au fond :
2/ Sur l’appel principal de Monsieur [Q] [S] :
2-1/ Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires :
Aux termes de l’article L. 3171- 4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ; aussi, si l’employeur doit fournir aux juges les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir, préalablement au juge, des éléments de nature à étayer sa demande.
Il est ainsi considéré comme élément suffisant à étayer la demande d’heures supplémentaires d’un salarié, le décompte qu’il a établi dès lors que ce document est clair, précis et circonstancié.
En l’espèce, Monsieur [Q] [S] présente sa demande aux termes :
1/ du décompte suivant qu’il a établi :
‘HEURES SUPPLÉMENTAIRES NON PAYÉES
Entre novembre 2002 et novembre 2009 le montant total dû est estimé à 74.000 euros.
[W] [L], [I] [H], [Q] [S] composent l’équipe de bouchers de 2002 à mars 2007. Ensuite [Z] [L] rejoint l’effectif. Jusqu’au départ de celui-ci en février 2008 mes horaires de travail sont les suivants :
6 heures – 12 heures / 14 heures 30 – 19 heures 3
Les lundi après midi et mardi matin = repos.
Du 1er janvier 2007 au 31 juillet 2007, je gagne 9,58 euros/heure.
A partir du 1er août 2007, je gagne 10,10 €/heure.
Les heures supplémentaires s’élèvent à 9,58 x 125 % = 11,98 €
9,58 x 150 % = 14,37 €
J’ai pris 2 semaines de congés payés du 14 mai 2007 au 27 mai 2007 (1er taux) et 2 semaines du 21 janvier 2008 au 2 février 2008 (2ème taux) soit en tout 4 semaines de congés payés.
Pour calculer le nombre d’heures supplémentaires dues, j’ai travaillé sur les fiches horaires du n° 1 au 87 inclus soit du 30 avril 2007 au 1er mars 2008.
Soit 44 semaines moins 4 semaines de congés, soit 40 semaines pendant lesquelles mes heures supplémentaires n’ont pas été payées.
Je travaillais 55 heures/semaine seulement 36,75 heures étaient payées.
Pour les heures payées 9.58 €/heure du 30 avril 2007 au 31 juillet 2007 le montant dû par semaine s’élève à 55 heures – 36,75 heures = 18,25 heures supplémentaires dues : 8 heures supplémentaires x 11,98 € = 95,80 € + 10 heures supplémentaires x 14,37 € = 147,29 €
Total = 243,09 € x 12 semaines = 2.917 €.
Du 1er août 2007 au 1er mars 2008 pour les heures payées 10,10 € :
55 heures – 36,75 heures = 18,25 heures supplémentaires dues : 8 heures supplémentaires x 12,62 € = 100,96 €
+ 10,25 heures supplémentaires x 15,15 € = 155,29 €
Total = 28 semaines x 256.25 € soit 7.175 €.
En mars 2008 jusqu’au 5 novembre 2009, une nouvelle équipe de bouchers est formée :
[S] [Q], [T] [U] embauché le 3 mars 2008, Daviaud Philippe embauché le 21 avril 2008, Daguerre Benat le 3 novembre 2008.
3 bouchers (indispensables le matin) travaillent 3 semaines d’affilée de 4 heures 30 à 13 heures 30, 6 jours sur 7 soit 54 heures par semaine. La 4ème semaine 13 heures 30 / 19 heures 30, 6 x 6 = 36 heures.
11 semaines de congés payés pris sur cette période + 1 semaine d’hospitalisation :
– du 18 août au 23 août 2008 ;
– du 24 mars au 29 mars 2008 du 19 mai au 31 mai 2008 ;
– du 15 septembre au 27 septembre 2008 ;
– du 19 janvier au 31 janvier 2009 ;
– du 1er juin au 13 juin 2009 ;
– du 14 septembre au 26 septembre 2009 ;
Soit au total 11 semaines de congés payés.
Je travaillais 54 heures/semaine pour 36,75 heures payées soit 17,25 heures supplémentaires non payées :
8 heures x 12,62 € = 100,96 € + 9,25 heures x 15,15 € = 140,14 €
Total = 241,10 € dus par semaine.
66 semaines – 12 semaines = 54 semaines x 241,10 € = 13.019 €
Total des heures supplémentaires dues : 2.917 € + 7.175 € + 13.019 € = 23.111€’
Ce document permet de constater que le salarié dit avoir accompli :
– du 30 avril 2007 au 1er mars 2008 : de façon continue, à l’exception des périodes de congés payés qu’il décompte, 55 heures de travail hebdomadaire contre 36,75 heures payées, le chiffrage est établi sur 40 semaines avec les deux taux horaires,
– de mars 2008 au 5 novembre 2009 : sur toute la période dont il déduit les congés payés et hospitalisation (12 semaines), 54 heures de travail par semaine sur donc 54 semaines, avec la même base de calcul horaire.
2/ des 263 fiches mensuelles d’horaires établies par l’employeur sur la période allant du 30 avril 2007 au 7 novembre 2009 (qu’il produit sous pièce 1 mais numérotées de 1 à 263) :
Le salarié déduit, de l’analyse des dites fiches à laquelle il procède et des anomalies qu’il dit relever sur ces relevés (travail 6 jours sur 7, absence complète de bouchers certains matin ou après-midi – fiches 26, 27… 120, 167…, dates de prises de congés payés le concernant erronées, etc), d’une part, que la SAS ALZUYETA avait nécessairement recours à l’utilisation d’heures supplémentaires et d’autre part, qu’il a, ainsi, réalisé soit 55 soit 54 heures de travail par semaine.
Au vu de ces éléments, il apparaît que le décompte du salarié est très imprécis, non circonstancié et peu crédible présentant une demande d’heures globalisée sans aucune différenciation quant à leurs périodes d’accomplissement mais au contraire données comme systématiquement réalisées pour un contingent d’heure identique chaque semaine sur une période totale de 29 mois (30 avril 2007/novembre 2009).
En outre la réalisation de ces heures par Monsieur [Q] [S] est contredite :
– par les mêmes fiches de travail qu’il communique, qui portent bien mention des horaires accomplis par les salariés concernés dont lui-même, soit 36,75 heures par semaine, et qui sont émargées par les intéressés, la signature de l’appelant figurant à côté de son nom sur la quasi totalité des relevés produits démontrant ainsi qu’il a accepté et réalisé lesdits horaires qui au demeurant, correspondent aux heures portées sur les bulletins de paye du salarié, qu’il communique sur la totalité de la période de travail (de novembre 2002 à décembre 2011), et qui montrent encore, sur la période revendiquée par le salarié qui lui ont été réglées en heures supplémentaires :
* en 2007 : 14 juillet : 5 heures (férié) – décembre 5,95 heures à 25 % et 1,67 heures à 50 % ;
* en 2008 : janvier 3,81 heures à 25 % – juillet 2,86 heures à 25 % et 5 heures (jour férié) ;
* en 2009 : août 1,90 heures à 25 %
– par les attestions que la société employeur produit aux débats (pièces 11 et 12) aux termes desquelles : Monsieur [A] [O], responsable boucherie, déclare que Monsieur [Q] [S] prenait souvent des cafés… et se vantait quand il était de l’après-midi de débaucher et être en voiture à 19 heures 25 mais son heure de quitter son poste de travail était de 19 heures 30″ et Monsieur [U] [T], ancien employé, qui affirme ‘… Monsieur [Q] [S] ne faisait pas d’heures supplémentaires, il faisait d’ailleurs un peu ce qu’il voulait…’.
En considération de ces éléments la Cour considère que Monsieur [Q] [S] n’a pas justifié d’éléments circonstanciés et précis permettant d’étayer préalablement sa demande en paiement d’heures supplémentaires et ainsi, succombant dans la charge qui lui incombe à ce titre, il y a lieu de le débouter de cette prétention injustifiée et de confirmer le jugement contesté.
2-2/ Sur les demandes au titre des congés payés sur heures supplémentaires et pour travail dissimulé :
La demande de Monsieur [Q] [S] au titre des heures supplémentaires étant rejetée il y a lieu de le débouter des demandes de congés payés et en indemnité pour travail dissimulé qui en sont la conséquence.
2-3/ Sur les demandes au titre des primes annuelles pour les années 2010 et 2011 :
Il n’est pas discuté que Monsieur [Q] [S] s’est trouvé en arrêt de travail du 6 novembre 2009 jusqu’au 16 octobre 2011 et qu’il a été déclaré inapte par le médecin du travail après les deux visites médicales prescrites qui ont eu lieu les 17 octobre et 2 novembre 2011. Il est également constant que le salarié a été licencié le 6 décembre 2011 pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement, la procédure de licenciement n’étant pas contestée.
Selon les articles 3.7-2, 3.7-3, 3.7-6 de la convention collective de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire applicable produite par la société employeur sous pièce 13, ne peuvent prétendre au versement de la prime annuelle de l’entreprise que les salariés dont le contrat de travail n’est pas suspendu depuis plus d’un an au moment de son versement.
Or, il est démontré, par les bulletins de salaire produits, que la prime annuelle est versée au mois de novembre de chaque année et que Monsieur [Q] [S] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 6 novembre 2009 et n’a plus repris son travail jusqu’à son licenciement le 6 décembre 2011, cette période de suspension de son contrat de travail puis sa rupture le privant, en application des dispositions susvisées, du bénéfice de la prime annuelle pour 2010 et 2011.
Il convient en conséquence, de débouter Monsieur [Q] [S] de cette demande et de confirmer également sur ce point la décision contestée.
2-4/ Sur la demande de dommages et intérêts :
En dernier état de ses demandes Monsieur [Q] [S] sollicite une somme totale de 34.392 € représentant le préjudice qu’il déclare avoir subi du fait : de la perte de la prime de départ à la retraite qu’il fixe à 3.057 €, de la perte de sa participation aux bénéfices de l’entreprise pour les années 2010 à 2015 qu’il chiffre à 14.890 € sur la base du salaire moyen qu’il aurait dû obtenir avec les heures de travail qu’il considère avoir accomplies, pour les mêmes motifs de la perte en points de retraite complémentaire ARRCO qu’il évalue à 11.716 € et de celle résultant de la perte de salaire pour le calcul de la retraite CARSAT soit 4.729 €.
Cette prétention n’est ni juridiquement fondée, ni justifiée et s’appuie manifestement sur un calcul de ‘pertes subies’ à partir d’un salaire moyen incluant des heures supplémentaires qui n’ont pas été retenues.
Il y a donc lieu de débouter le salarié de cette demande et de confirmer le jugement entrepris.
3/ Sur l’appel incident de la SAS ALZUYETA :
3-1/ Sur la demande de réformation du jugement relativement à la condamnation de l’employeur au paiement d’un reliquat de congés payés :
L’employeur soutient que le salarié a été rempli de ses droits au titre des congés en ayant perçu la somme brute de 1.237,28 € au titre des congés payés non pris à la date de la rupture du contrat ainsi qu’il en résulte du solde de tout compte. Il rappelle qu’en application de l’article 7.1 de la convention collective le salarié a acquis des congés payés pendant deux mois maximum durant sa maladie non professionnelle soit 5 jours ouvrables de congés payés, le total de ses droits étant donc de 20 jours qui ont été réglés.
Il n’est pas discuté qu’en application de l’article 7.1 de la convention collective le salarié, ayant comme Monsieur [Q] [S] une ancienneté d’au moins deux ans et dont le contrat de travail est suspendu pour maladie, bénéficie pendant cette période de suspension, d’un droit acquis à congés payés de deux mois maximum.
En l’espèce, le contrat de travail de Monsieur [Q] [S] a été suspendu pour maladie à compter du 6 novembre 2009 jusqu’au 16 octobre 2011 puis déclaré inapte par le médecin du travail et licencié le 6 décembre 2011.
A la date de la rupture il avait donc acquis, en application de cette règle susvisée, huit mois de droits à congés payés correspondant à la période légale ouverte du 1er juin 2009 au 6 novembre 2009, date de l’arrêt de travail, auxquels s’ajoutent les deux mois conventionnels prévus pendant la suspension du contrat, soit sur la base de 2,5 jours par mois un total de 20 jours de congés payés, que la SAS ALZUYETA déclare avoir intégralement payé par la remise de la somme brute de 1.237,28 € lors de la rupture et ainsi, à défaut du solde de tout compte, comme le montre le dernier bulletin de paye de décembre 2011.
Toutefois, et ainsi que les premiers juges l’ont justement relevé, les bulletins de paye de novembre 2009 à mai 2010 font mention d’un disponible de congés de 29 jours sur lesquels 24 jours ont été pris laissant un solde de 5 jours, le bulletin de juin indique que le disponible est de 25 jours et le solde de 25 jours également,
Curieusement et sans que les bulletins de paye ne portent l’indication d’un paiement de jours au titre des congés, les bulletins suivants vont, à compter de juillet 2010 et jusqu’à mars 2011 inclus, ramener le solde de congés de 25 à 23 jours puis à partir d’avril 2011 jusqu’au bulletin de paye final à 20 jours, total qui sera finalement réglé.
De ces éléments, il démontre que, de façon aussi inexpliquée qu’injustifiée, l’employeur a privé le salarié de 5 jours de congés payés qu’il avait acquis depuis novembre 2009.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné la SAS ALZUYETA à régler au salarié au titre du solde dû sur l’indemnité de congés payés la somme de 309,32 €, outre intérêt au taux légal à compter du 31 mai 2012, cette décision sera donc confirmée et la SAS ALZUYETA déboutée de sa demande incidente à ce titre.
3-2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
La SAS ALZUYETA demande en application de l’article 32-1 du code de procédure civile que Monsieur [Q] [S] soit condamné à lui régler une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts déclarant son action manifestement abusive.
L’article 32-1 du code de procédure civile énonce que : ‘Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3.000 € sans préjudice des dommages intérêts qui seraient réclamés’.
Le droit d’agir en justice ou d’exercer un recours ne dégénère en abus que s’il procède d’une erreur grossière équivalente au dol ou s’il révèle une intention de nuire, ce qui n’est pas démontré en l’absence de caractérisation de la faute, l’employeur se bornant à solliciter des dommages et intérêts à l’encontre de Monsieur [Q] [S] sans préciser en quoi ce dernier aurait fait dégénérer en abus de droit son droit d’agir.
La demande présentée sera dès lors rejetée.
4/ Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens :
Au vu des éléments de l’espèce, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais qu’elle a dû engager pour les besoins de la procédure.
Il convient en conséquence de débouter Monsieur [Q] [S] et la SAS ALZUYETA de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, Monsieur [Q] [S] succombant en son appel principal et la SAS ALZUYETA en son appel incident, il convient, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile, de les condamner chacun pour moitié au paiement des entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DÉCLARE recevables les appels, principal formé par Monsieur [Q] [S], et incident formé par la SAS ALZUYETA,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 octobre 2013 par le conseil de prud’hommes de Bayonne, section commerce,
DÉBOUTE en conséquence Monsieur [Q] [S] de toutes ses demandes,
Y AJOUTANT,
DÉBOUTE la SAS ALZUYETA de sa demande incidente en remboursement des congés payés,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [Q] [S] et la SAS ALZUYETA, chacun pour moitié, aux entiers dépens.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,