Secret des correspondances : 13 mars 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 11/16524

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Secret des correspondances : 13 mars 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 11/16524
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13 mars 2012
Cour d’appel de Paris
RG n°
11/16524

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 13 MARS 2012

(n° 159 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/16524

sur renvoi après cassation d’un : Arrêt du 30 Juin 2010 rendu par la Cour d’Appel de VERSAILLES – sur appel d’une ordonnance de référé rendue le 10 juin 2009 par le président du tribunal de grande instance de NANTERRE

DEMANDEUR A LA SAISINE

Monsieur [H] [U],

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par : Me Frédéric INGOLD (avocat au barreau de PARIS, toque : B1055)

assisté de : Me Bouziane BEHILLIL de la SELARL BEHILLIL & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : P0557)

DEFENDEUR A LA SAISINE

SAS SQLI, prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par : Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

assistée de : Me Chantal CORDIER VASSEUR de la SELARL LATOURNERIE WOLFROM & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : L0199)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre

Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

La SA SQLI, créée en mars 1990, est une société de services en ingenierie informatique spécialisée en technologie internet qui propose à ses clients un accompagnement global de leur gestion interne afin de leur permettre d’optimiser leur organisation via la modernisation de leur système d’informations et l’utilisation de technologies internet.

Depuis 2002, elle s’est inscrite dans une démarche d’amélioration de son processus de fabrication en intégrant le modèle CMMI (capacity maturity model integration), modèle de référence destiné à appréhender, évaluer, améliorer les activités des entreprises d’ingenierie, en permettant de garantir la réussite des projets informatiques s’inscrivant notamment dans des contextes complexes comme ceux de «nearshore» (agences de province regroupant des experts en pratique CMMI et en informatique et des chefs de projet) ou de l’ «offshore» (centres de développement informatiques situés à l’étranger dont l’effectif est exclusivement composé de développeurs informatiques).

La SA ALTI, qui est concurrente de la société SQLI, conseille les grandes entreprises et leur offre un ensemble de services dont la finalité est d’optimiser l’organisation et les systèmes d’information de ses clients.

L’agence de [Localité 8] de la société SQLI qui est la plus importante du réseau et génère 40% du chiffre d’affaires, était dirigée depuis sept années par M. [U]. Celui-ci a été licencié pour insuffisance professionnelle le 20 octobre 2008. Il a quitté la société SQLI à l’issue de son préavis le 26 janvier 2009.

Soupçonnant la société ALTI d’avoir, avec la complicité de M. [U], procédé au débauchage de salariés et au pillage de son savoir-faire stratégique, la société SQLI a, par requête présentée le 23 mars 2009, sollicité du président du tribunal du tribunal de grande instance de Nanterre, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, la désignation d’huissiers afin de constats au siège social de la société ALTI et aux domiciles respectifs de trois anciens salariés, Messieurs [U], [E] et [C] afin que soit établie et conservée avant tout procès la preuve des actes de concurrence déloyale suspectés.

Par quatre ordonnances en date du 23 mars 2009, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a accueilli la requête. Une ordonnance supplémentaire en date du 28 mars 2009 est intervenue afin d’autoriser les opérations de constat au domicile de la compagne de M. [U].

Les opérations de constat se sont déroulées le 30 mars 2009.

Par acte du 17 avril 2009, Messieurs [U], [E] et [C] ont assigné en référé la société SQLI devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, la société ALTI intervenant volontairement à la procédure, afin d’obtenir la désignation d’un expert pour examiner les documents saisis invoquant la violation de leur vie privée et le secret des affaires, du principe du contradictoire et du droit au procès équitable.

Par ordonnance du 6 mai 2009, le président du tribunal de commerce de Nanterre a dit n’y avoir lieu à référé.

M. [U] a, le 18 mai 2009, alors fait assigner la société SQLI en rétractation de l’ordonnance du 28 mars 2009 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre qui, par ordonnance du 26 juin 2009, a confirmé l’ordonnance du « 27 » mars 2009 et condamné M. [U] à payer à la société SQLI la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [U] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 30 juin 2010, la Cour d’appel de Versailles a déclaré irrecevable l’appel provoqué de la société ALTI, déclaré irrecevables les interventions volontaires de Messieurs [C], [E], [O], [L] et [J], infirmé l’ordonnance de référé du 26 juin 2009 et a rétracté l’ordonnance sur requête rendue le 28 mars 2009, annulé les constats dressés par huissier de justice en date du 30 mars 2009, condamné la société SQLI à restituer sous astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à courir à l’expiration d’un délai d’un mois après la signification de l’arrêt, l’intégralité des éléments saisis par voie d’huissier de justice et listés au procès-verbal de constat du 30 mars 2009, fait défense à la société SQLI d’utiliser de quelque manière que ce soit, les informations protées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par l’huissier de justice désigné par l’ordonnance rétractée, condamné la société SQLI à payer à M. [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Cette décision a été cassée sauf en ses dispositions déclarant irrecevables l’appel provoqué de la société ALTI ainsi que les interventions volontaires de Messieurs [O], [L] et [J], [C] et [E] par arrêt de la Cour de Cassation du 5 mai 2011. L’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Paris.

La Cour de Cassation a visé au soutien de la cassation, les articles 42, 145 et 493 du code de procédure civile et retenu qu’en statuant comme elle l’avait fait, « alors que l’instance introduite par la requête unique de la société SQLI visait plusieurs personnes, dont certaines étaient domiciliées dans le ressort du tribunal de grande instance de Nanterre, susceptible de connaître de l’éventuelle instance au fond, et qu’étaient formées à leur encontre des demandes connexes tendant à conserver ou à établir la preuve de faits similaires dont pourrait dépendre la solution du même litige, la cour d’appel a violé les textes susvisés » .

M .[U] a saisi la cour d’appel de renvoi le 26 juillet 2011.

Par conclusions du 3 novembre 2011, M. [U], demandeur sur renvoi en cassation, souhaite voir « réformer » l’ordonnance rendue le 26 juin 2009 et statuant à nouveau, que la cour d’appel dise que le président du tribunal de grande instance de Nanterre n’avait pas compétence ratione loci pour statuer sur la requête déposée le 28 mars 2009 tendant à la mise en ‘uvre de mesures à exécuter à son domicile, que l’ordonnance du 28 mars 2009 porte atteinte au secret des correspondances et au respect de sa vie privée, que les demandes de la société SQLI devaient faire l’objet d’un débat contradictoire, déclare nulles toutes les conséquences attachées à l’exécution de cette ordonnance et annule purement et simplement les opérations de constat du 30 mars 2009, condamne la société SQLI à restituer l’intégralité des documents saisis par les huissiers et listés dans le constat du 30 mars 2009 sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, fasse défense à la société SQLI de faire usage de quelque manière que ce soit des informations portées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par l’huissier désigné par l’ordonnance rétractée et condamne la société SQLI à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société SQLI, par conclusions du 28 décembre 2011, demande à la cour de dire que le président du tribunal de grande instance de Nanterre était compétent pour connaître de la requête présentée par elle aux fins d’obtenir l’autorisation de pratiquer quatre mesures de constat dont l’une au domicile de M. [U], de dire que l’efficacité de ces mesures de constat requérait qu’il soit dérogé au principe du contradictoire, de dire que l’atteinte à la vie privée et au secret des correspondances de M. [U], de constater que la seconde partie de la mission de l’huissier instrumentaire figurant dans l’ordonnance du 23 mars 2003 rendue contre M. [U] ne l’autorisait pas à collecter des documents ou autres éléments de preuve mais seulement à en recevoir et à en procéder à leur conservation, de dire qu’en collectant des e-mails à caractère non personnels échangés par M. [U] avec des anciens salariés de la société SQLI ayant rejoint la société ALTI sur une adresse email autre que « sqli .com » , l’huissier instrumentaire a exécuté l’un des chefs de mission énoncée dans la première partie de l’ordonnance du 28 mars 2009, dire que la mission de l’huissier résultant de l’ordonnance du 28 mars 2009 n’a pas de caractère général, débouter M. [U] de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 28 mars 2009, confirmer l’ordonnance du 10 juin 2009, débouter les appelants et les intervenants volontaires de leurs demandes et condamner M. [U] à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la compétence ratione loci du président du tribunal de grande instance de Nanterre :

Considérant que M. [U] soutient que le juge territorialement compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le président de la juridiction éventuellement déjà saisie au fond ou à défaut celui du tribunal du lieu où la mesure doit être exécutée et que la rétractation de l’ordonnance rendue sur requête par un juge territorialement incompétent s’impose ;

Considérant qu’il expose avoir son domicile au Raincy, que le juge du tribunal de grande instance de Nanterre était incompétent pour ordonner la mesure que seul celui du tribunal de grande instance de Bobigny pouvait prendre ; qu’il souligne qu’il y a eu deux requêtes distinctes, une première le 23 mars 2009 puis une seconde le 27 mars 2009, ce qui exclut l’idée d’une procédure unique dès lors qu’elles ont été enregistrées sous deux numéros différents ; qu’il ajoute que le caractère unique de la procédure est contestable dès lors qu’il existe bien quatre ordonnances rendues par deux magistrats différents et que les quatre ordonnances ont été rendues contre des personnes différentes ; qu’il considère que chacune des décisions correspond à une instance propre ;

Considérant qu’il estime qu’il ne peut être tiré argument du fait que la société SQLI a assigné la société et ses anciens salariés pour dire qu’il y a unicité de l’instance alors que les manquements reprochés aux anciens salariés correspondent à des faits commis au cours de leur contrat de travail et relevant de ce fait du conseil des prud’hommes ;

Considérant qu’il ajoute que le fait qu’il n’ait pas agi en référé rétractation contre l’ordonnance du 23 mars 2009 ne signifie pas qu’il ait accepté la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre ;

Considérant que la société SQLI déclare avoir présenté une seule requête au président du tribunal de grande instance de Nanterre ayant pour objet la recherche de preuves relative à une unique opération de concurrence déloyale dont elle était victime de la part de plusieurs morales et physiques agissant ensemble ;

Considérant qu’elle estime que le président du tribunal de grande instance de Nanterre était compétent puisque deux des mesures de constat devaient être effectuées dans son ressort territorial et qu’il était compétent pour connaître du litige au fond ; qu’elle ajoute que le tribunal de grande instance a compétence pour connaître des actes de concurrence déloyale commis par Messieurs [U], [E] et [C] et qu’au surplus, le président du conseil des prud’hommes ne dispose pas de pouvoirs en matière d’ordonnance sur requête ;

Considérant que les articles 493 et suivants du code de procédure civile ne donnent aucune indication sur le juge territorialement compétent pour statuer sur la requête ;

Considérant toutefois que, sauf disposition légale contraire, le juge compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le président de la juridiction saisie au fond ou celui du tribunal du lieu où la mesure doit être exécutée ;

Considérant qu’en l’espèce, la requête étant sollicitée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, aucune juridiction n’est saisie d’un procès au fond ;

Considérant qu’en cas de pluralité de défendeurs, l’article 42 du même code a vocation à s’appliquer ; qu’il suffit pour qu’il y ait prorogation de compétence que le demandeur puisse sérieusement prétendre avoir une action directe et personnelle contre les diverses personnes assignées sans qu’il soit nécessaire que ces parties soient engagées d’une manière égale et semblable dès lors que la question à juger est la même pour tous peu important qu’elles soient tenues à des titres différents ;

Considérant qu’il convient de se placer au jour où la requête est présentée pour apprécier la compétence du juge qui l’a rendue et la prorogation éventuelle de compétence pour pluralité de défendeurs ;

Considérant que la cour constate que la société SQLI a présenté le 23 mars 2009 au président du tribunal de grande instance de Nanterre une requête visant des agissements de concurrence déloyale reprochés notamment à la société ALTI et à M. [U] constitués par des tentatives de débauchage et du pillage de savoir-faire ; que, dans cette requête, sont visés outre ces deux parties, Messieurs [C] et [E] en leur qualité d’anciens salariés de la société SQLI ; que la demande tend à obtenir la désignation d’huissiers afin de constats et de remise de documents, en présence d’un informaticien, réalisés au siège social de la société ALTI à [Localité 7], au domicile de M.[U] à [Localité 8], de M. [C] à [Localité 4] et au domicile de M. [E] à [Localité 6] ;

Considérant qu’il ressort de cette pièce que deux des personnes visées ont leur domicile dans le ressort du tribunal de grande instance de Nanterre ;

Considérant que les faits énoncés dans la requête à savoir des actes de concurrence déloyale concernent toutes les parties figurant dans cette requête à un titre ou à un autre ;

Considérant que cette requête a donné lieu à la signature de quatre ordonnances par le magistrat le 23 mars 2009, deux désignant un huissier du ressort du tribunal de grande instance de Nanterre, un de celui du tribunal de Paris et le dernier du ressort du tribunal de grande instance de Créteil ;

Considérant qu’il est exact qu’une seconde requête identique à la première a été présentée le 27 mars 2009 à un autre magistrat du tribunal de grande instance de Nanterre, le domicile de M. [U] s’étant révélé inexact, celui-ci résidant au Raincy avec sa concubine ce qui justifiait la désignation d’un huissier dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny et ce qui a donné lieu à une dernière ordonnance en date du 28 mars 2009 ;

Considérant que cette seconde ordonnance n’est que la reprise intégrale de la première ; qu’il convient de considérer que la demande de la société SQLI a été matérialisée par une unique requête ;

Considérant dès lors que cette requête unique de la société SQLI visait plusieurs personnes dont certaines étaient domiciliées dans le ressort du tribunal de grande instance de Nanterre, que cette juridiction était susceptible d’être saisie de l’éventuelle instance au fond, qu’il était formé à l’encontre des personnes visées dans la requête des demandes connexes tendant à conserver ou à établir la preuve de faits similaires dont pouvait dépendre la solution du même litige, il s’ensuit que le président du tribunal de grande instance de Nanterre était compétent pour statuer sur la requête présentée par la société SQLI visant M. [U], nonobstant le fait qu’il avait son domicile dans le ressort d’une autre juridiction ;

Considérant que l’exception d’incompétence soulevée doit être rejetée ;

Sur la violation du principe de la contradiction :

Considérant que M. [U] estime que ce principe n’ a pas été respecté, la société SQLI refusant de communiquer certaines pièces fondant sa requête et l’ empêchant d’ assurer sa défense ; qu’au surplus, il estime que le principe de l’égalité des armes a été méconnu ; qu’ il ajoute que le recours à une procédure non contradictoire est critiquable dès lors que les pièces sollicitées auraient été communiquées au cours de l’ instance ;

Considérant que la société SQLI soutient que le recours à la procédure sur requête était une condition indispensable du succès des mesures ; qu elle précise que les pièces 62 à 64 de sa requête contenaient des informations confidentielles relevant du secret des affaires qu’elle était légitime à refuser de porter à la connaissance de ses adversaires dans le cadre du référé rétractation ;

Considérant qu’aux termes de l’article 493 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requêrant est fondé à ne pas appeler la partie adverse ;

Qu’il appartient donc à la présente juridiction de vérifier, même d’ office, si le juge a été régulièrement saisi en recherchant si la requête ou l’ordonnance caractérisent les circonstances justifiant que la mesure sollicitée soit prise exceptionnellement en dehors de tous débats contradictoires, que ces circonstances doivent être appréciées au jour où le juge statue sur requête et ne peuvent résulter de faits postérieurement révélés et notamment des constats de la mesure ordonnée ;

Considérant qu’en l’espèce, la société SQLI a exposé dans sa requête qu’elle était

fondée à ne pas appeler la partie adverse justifiant que l’effet de surprise était une condition de la réussite des mesures sollicitées ;

Considérant, en outre, conformément à l’article 494 du code de procédure civile, la requête présentée au magistrat doit être motivée et comporter l’indication précise des pièces invoquées ; que cette exigence est destinée à assurer le respect du principe de la contradiction ; qu’en effet, celui qui subit la mesure doit pouvoir connaître ce qui a déterminé le juge et apprécier ainsi l’opportunité d’un recours ;

Considérant qu’en vertu de l’article 497 du code de procédure civile, le juge a la

faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance ; que le juge saisi de la demande de rétractation est investi des attributions du juge qui l’a rendue et doit, après débat contradictoire, statuer sur les mérites de la requête ; que la demande en rétractation n’introduit pas une nouvelle instance mais transforme un procédure gracieuse en une procédure contentieuse ;

Considérant que M. [U] expose que, devant le juge de la rétractation, il a sollicité par plusieurs courriers des 3 et 9 avril et 29 mai 2009, le dernier valant sommation, la communication des pièces 62, 63 et 64 ce qui lui a été refusé par la société SQLI ;

Considérant que le premier juge a estimé que ces pièces concernaient les ressources humaines et le savoir-faire de la société SQLI, n’avaient pas servi à fonder la demande d’instruction mais à permettre aux huissiers instrumentaires d’effectuer leur mission et de vérifier si les anciens salariés de la société SQLI se trouvaient chez la société ALTI et si les pratiques CMMI de SQLI se trouvaient également chez ALTI ou chez Messieurs [U], [E] et [C] ; qu’il a ajouté que les communiquer permettrait à ces derniers de faciliter leur connaissance des documents techniques et commerciaux stratégiques de la société SQLI alors qu’elle est victime de concurrence déloyale ;

Considérant que la cour constate que la requête présentée au magistrat qui a fait

droit par quatre ordonnances aux demandes de désignation d’huissier, comportait une liste de 64 pièces ; que les pièces n°62, 63 et 64 étaient qualifiées de pièces confidentielles relatives à la liste des salariés de la société SQLI ayant quitté l’agence SQLI Paris du 1er décembre 2008 au 16 mars 2009, la liste des salariés démissionnaires de l’agence SQLI Paris encore en préavis chez SQLI à ce jour, les pratiques CMMI développées par SQLI et librement accessibles et téléchargeables par ses salariés sur son intranet ;

Considérant que la cour note que la société SQLI a librement décidé d’inclure ces pièces dans la liste de celles soumises au juge appelé à statuer sur sa requête ; qu’elle a fait état des pièces 62 et 63 dans le paragraphe relatif à la tentative de débauchage de M. [P] [R], directeur de la filiale suisse de SQLI, page 15 de la requête ; qu’elle a indiqué la pièce 64 page 21 dans le cadre de la mission à confier à l’huissier instrumentaire ;

Considérant que la société SQLI a entendu se servir de ces pièces pour convaincre le juge saisi, du bien-fondé de sa demande et afin de l’inviter à prendre la mesure sollicitée dans les termes qu’elle proposait ;

Considérant que la requête comportant la liste des pièces en ce compris les pièces n° 62,63 et 64 et l’ordonnance ont été signifiées à M. [U] le 30 mars 2009 ;

Considérant que la cour relève que la société SQLI ne les a pas communiquées aux parties adverses pas plus qu’elle ne les a donc soumises à l’examen du premier juge et à celui de la cour d’appel ;

Considérant qu’en vertu de l’article 15 du code de procédure civile, les parties

doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait et de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles

produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ; que l’article 16 de ce même code précise que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Considérant dès lors que la société SQLI qui avait présenté au juge des requêtes

trois pièces, ne communiquait pas celles-ci aux parties adverses dans le cadre de l’instance en rétractation destinée à statuer de manière contradictoire sur la requête qui avait été signifiée à la partie concernée en faisant état desdites pièces, le principe de la contradiction n’était pas respecté et le premier juge ne pouvait pas apprécier le bien-fondé de la mesure au seul vu des pièces que la société SQLI estimait devoir verser aux débats ; que le principe de loyauté exigeait au demeurant que cette société présente au juge de la rétractation l’intégralité des pièces qu’elle avait soumises au juge des requêtes ;

Considérant qu’il n’appartenait pas dans ce cas au premier juge d’apprécier si ces

pièces étaient de nature à porter préjudice aux intérêts de la société SQLI alors même qu’il n’en connaissait pas le contenu et ne pouvait pas utilement apprécier leur nature, leur intérêt et si elles avaient eu un caractère déterminant ou non dans la délivrance de l’ordonnance rendue sur requête le 28 mars 2009 ; qu’il ne pouvait pas , en outre, considérer que la société SQLI était d’ores et déjà victime d’agissements de concurrence déloyale ;

Considérant, en conséquence, que les principes de la contradiction et de loyauté

ayant été méconnus par la société SQLI dans le cadre de la procédure en rétractation, l’ordonnance du premier juge ne peut qu’être infirmée et l’ordonnance sur requête du 23 mars 2009 rétractée ;

Considérant, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu à examen des autres moyens

développés par les parties dans le cadre de la présente instance ;

Considérant dès lors que les opérations de constat du 30 mars 2009 opérées en

vertu de cette ordonnance, doivent être déclarées nulles ; qu’il convient d’ordonner à la société SQLI la restitution à M. [U] de l’intégralité des éléments saisis par l’huissier instrumentaire et listés dans ce constat, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à courir à l’expiration du délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision ; qu’il y a lieu, en outre, de faire interdiction à la société SQLI d’utiliser de quelque manière que ce soit, des informations portées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par l’huissier désigné dans l’ordonnance rétractée ;

Considérant que l’équité commande de faire droit à la demande de M. [U]

présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de

condamner la société SQLI à lui verser la somme visée au dispositif de ce chef ;

Considérant que l’équité ne commande pas de faire droit à la demande des autres parties présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que, succombant, la société SQLI doit supporter les entiers dépens de la procédure ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Nanterre du 26 juin 2009 ;

Statuant à nouveau :

Rétracte l’ordonnance sur requête rendue le 28 mars 2009 à l’encontre de M. [U] ;

Annule les constatations dressées par huissier de justice suivant procès-verbal du 30 mars 2009 ;

Condamne la société SQLI à restituer à M. [U] l’intégralité des éléments saisis par voie d’huissier de justice et listés dans le procès-verbal du 30 mars 2009, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à l’expiration du délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Fait défense à la société SQLI d’utiliser de quelque manière que ce soit, les informations portées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par l’huissier de justice désigné par l’ordonnance rétractée ;

Condamne la société SQLI à payer à M. [U] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes les autres demandes des parties ;

Condamne la société SQLI aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par les avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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