Secret des correspondances : 12 novembre 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/21837

·

·

Secret des correspondances : 12 novembre 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/21837
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

12 novembre 2019
Cour d’appel de Paris
RG n°
17/21837

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 1

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2019

(n° 2019 – , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/21837 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4RH5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2017 -Tribunal d’Instance de VILLEJUIF – RG n° 11-16-001987

APPELANTE

Madame [R] [X]

Née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 2]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/036758 du 24/11/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 3])

Représentée et assistée à l’audience de Me Claire DI CRESCENZO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1738

INTIME

Monsieur [E] [H]

Né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée à l’audience de Me Dorothée LOURS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0133

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 septembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :M. Christian HOURS, président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, conseillère

Mme Anne de LACAUSSADE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. Christian HOURS, président de chambre

Greffière, lors des débats : Mme Fatima-Zohra AMARA

Greffière, lors du délibéré: Mme Delphine DENEQUE

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par, M. Christian HOURS, président de chambre et par Mme Delphine DENEQUE, greffière présente lors du prononcé.

**************

Le 26 mai 2014, M. [E] [H], avocat, a été désigné pour assister Mme [R] [X], au titre de l’aide juridictionnelle, dans le cadre d’une procédure pénale où elle souhaitait se constituer partie civile pour des faits d’abus de confiance sur personne vulnérable.

Le 26 octobre 2015, Mme [X] a engagé, devant le tribunal d’instance de Paris 7ème, une action en responsabilité civile professionnelle à l’encontre de M. [H], lui reprochant d’avoir manqué à son obligation de conseil et de diligence et de n’avoir pas respecté le mandat confié, invoquant une perte de chance, des préjudices matériels et la rétention abusive d’un dossier volumineux.

Le tribunal d’instance de Paris 7ème a, en application de l’article 47 du code de procédure civil, renvoyé l’affaire devant celui de Vanves, lequel, par jugement du 15 septembre 2016, a débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à verser la somme de 3 000 euros à M. [H] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [X] a interjeté appel de ce jugement, le recours étant pendant devant la cour d’appel de Versailles.

Dès le’5 août 2016, Mme [X] avait fait assigner M. [H] devant le tribunal d’instance de Villejuif en indemnisation de son préjudice moral pour atteinte à sa vie privée, au secret de ses correspondances et à son honneur occasionnée par la diffusion d’éléments confidentiels pendant la procédure devant le tribunal d’instance de Vanves.

Par jugement du 11 mai 2017, le tribunal d’instance de Villejuif a débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes, M. [H] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamné Mme [X] à payer à M. [H] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Le tribunal de Villejuif a estimé que les pièces versées aux débats, relatives à des diligences et instances en responsabilité entreprises par Mme [X], par le passé, à l’égard d’autres avocats, ne constituaient pas des échanges entre avocats et n’étaient pas couvertes par le secret professionnel, que la production de ces pièces avait pour seul but d’assurer la défense de M. [H], de sorte qu’aucune violation du secret professionnel ne pouvait être reprochée à celui-ci, qu’il n’était pas justifié de propos de M. [H], attentatoires à l’honneur de Mme [X].

Mme [X], qui a interjeté appel de cette décision, demande à la cour d’appel de Paris, dans ses dernières conclusions du 6 juin 2018 :

– de constater l’atteinte à sa vie privée commise M. [H],

– d’ordonner à celui-ci de cesser l’atteinte à sa vie privée,

– de le condamner à lui verser la somme de 4 950 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi suite aux atteintes à sa vie privée,

– de lui enjoindre de ne pas commettre de recel ou d’acte d’atteinte à sa vie privée, au secret des correspondances ou au secret professionnel,

– de constater l’atteinte à sa réputation, d’ordonner sa cessation, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,

– de condamner M. [H] à lui verser la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices d’atteinte à sa réputation et la même somme en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner M. [H] aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures du 21 mai 2018, M. [H] demande à la cour de’confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Villejuif le 11 mai 2017 et de :

– juger qu’il n’a commis aucune faute dans le cadre de la défense de ses intérêts suite à la mise en cause de sa responsabilité civile professionnelle par Mme [X],

– juger que les préjudices allégués par Mme [X] sont inexistants,

– débouter par conséquent Mme [X] de l’intégralité de ses demandes,

– en tout état de cause, juger qu’il n’a en aucune façon porté atteinte à la vie privée ou à la réputation de Mme [X] et la débouter de l’intégralité de ses demandes, en ce compris les injonctions et les demandes de condamnation sous astreinte,

– à titre reconventionnel, condamner Mme [X] à lui régler une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

SUR CE,

Considérant que Mme [X], appelante, estime que :

– M. [H] n’aurait pas dû communiquer les courriers adressés à Aon car ils portaient sur des instances auxquelles il n’était pas partie, dont il n’était pas destinataire qui ne le concernaient pas et pour lesquelles il n’avait pas été mandaté ; ce faisant, il a violé le secret des correspondances et le respect de sa vie privée ;

– il n’était pas nécessaire de communiquer l’ensemble de ces pièces (main courante du 19 septembre 2011, constat d’huissier du 30 janvier 2012, déclaration au greffe du tribunal d’instance du 13 août 2015) pour montrer qu’elle avait déjà entamé des procédures judiciaires en responsabilité contre d’autres avocats et tenter de prouver qu’elle était procédurière ; il existe ainsi une disproportion entre l’exercice par M. [H] de son droit de se défendre et la protection du droit de l’appelante au respect de sa vie privée ;

– M. [H] a manqué de loyauté dans l’obtention de ses preuves par violation du droit au respect de la vie privée de Mme [X] ;

– il faut faire cesser cette atteinte à sa vie privée ; la seule constatation qu’il y a été porté atteinte ouvre droit à réparation ;

– elle est une personne fragile avec un taux d’incapacité de 50 à 79 % qui lui vaut le statut de travailleur handicapé’; son préjudice est augmenté par le sentiment éprouvé de trahison et d’irrespect ;

– l’attitude de M. [H], qui a basé sa défense devant le tribunal d’instance de Vanves sur le caractère systématiquement procédurier de l’appelante et dépeint d’elle, de façon injustifiée, un portrait négatif par la production de documents inefficaces, viole les devoirs de délicatesse et de modération prescrits par la déontologie professionnelle ;

– la procédure n’est pas abusive au regard de son droit à faire appel de la décision rendue;

Considérant que M. [H] répond que :

– tous les courriers litigieux ont été adressés à la société AON par Mme [X], elle-même;

– l’action de Mme [X] ne trouve son origine que dans sa volonté d’écarter ou de discréditer les éléments qui ont permis au tribunal d’instance de Vanves de juger qu’il avait accompli l’ensemble des diligences normales dans le cadre de son mandat ;

– les correspondances de Mme [X], qui n’est pas avocate, avec la société AON, courtier de l’ordre des avocats du Barreau de Paris, ne sont couvertes ni par le secret professionnel ni par celui des correspondances, de sorte que la production de ces courriers, qui portaient sur d’autres procédures publiques, ne peut pas constituer une atteinte à la vie privée ;

– le secret professionnel de l’avocat, s’il est absolu dans son principe, comporte une dérogation fondée sur l’exigence de la propre défense de l’avocat devant toute juridiction;

– il n’existe aucun caractère disproportionné entre le but poursuivi et la transmission des pièces litigieuses’;

– Mme [X] cherche à obtenir une double indemnisation d’un préjudice inexistant puisqu’elle avait déjà sollicité devant le tribunal d’instance de Vanves, la procédure en appel étant actuellement pendante devant la cour de Versailles, sa condamnation à l’indemniser de son préjudice moral’; il n’existe ainsi pas de préjudice indemnisable’;

en revanche, les accusations de Mme [X] nuisent à sa réputation professionnelle et lui causent un préjudice financier et moral’;

Considérant sur ce qu’il convient d’examiner successivement les seules pièces précisément déterminées que Mme [X] reproche à M. [H] d’avoir versé aux débats dans le cadre de sa défense dans l’action en responsabilité dirigée contre lui par l’appelante ;

Considérant que la main courante du 19 septembre 2011 déposée par Mme [X] est un récit par celle-ci de la fin de sa relation avec M. [Q], qui se serait montré violent à son égard ;

Considérant que le constat d’huissier du 30 janvier 2012 consiste en la reproduction de conversations téléphoniques entre le même M. [Q] et Mme [X] où le premier demande à l’appelante de lui rendre les clés de son appartement et l’accuse de lui avoir volé ‘un certain nombre d’affaires’ la menaçant de porter plainte de ce chef ;

Considérant que la déclaration au greffe du tribunal d’instance est relative à une action en dommages et intérêts contre une avocate, Mme [C], à laquelle elle reproche de lui avoir fait payer des honoraires alors qu’elle bénéficie de l’aide juridictionnelle totale pour rédiger une plainte pénale, l’assister et la conseiller, ce qu’elle n’a absolument pas fait ;

Considérant qu’il convient de rappeler que M. [H] a été saisi pour assister Mme [X] dans une procédure pénale contre M. [Q] qui se trouve être son précédent avocat, qui a été son amant et auquel elle reprochait de ne pas lui avoir restitué des pièces de dossiers la concernant ;

Considérant que dans ce contexte particulier, le fait pour M. [H], à son tour judiciairement mis en cause par Mme [X] pour la façon dont il l’avait ou non correctement assistée, d’avoir versé aux débats devant le tribunal d’instance de Vanves des pièces donnant un éclairage sur les relations qui existaient entre les parties directement mis en cause dans l’affaire dont il avait à s’occuper, sans que soit pour autant divulgués des détails intimes, ne peut être regardé comme une atteinte injustifiée à la vie privée de l’appelante ; que le choix de l’appelante de porter cette affaire en justice, évoquée en audience publique, impliquait la divulgation d’un minimum d’éléments ;

Considérant que le fait pour M. [H] d’avoir fait état d’un troisième litige ayant opposé Mme [X] à un troisième litige à un ancien avocat constitue un élément non dépourvu de rapport avec l’affaire soumise au tribunal de Vanves, dont il appartenait à celui-ci d’apprécier la pertinence ; que là encore, le choix de saisir une juridiction, ce qui donne lieu à une audience publique, a pour conséquence nécessaire de faire connaître un certain nombre de faits, qui ne échappent alors nécessairement à la sphère privée ;

Considérant dans ces conditions que la production de ces documents par M. [H] dans le cadre de sa défense ne constitue ni une atteinte au secret professionnel pour les raisons pertinentes que le tribunal de Villejuif a retenues et que la cour approuve, ni une atteinte disproportionnée à la vie privée de Mme [X], ni une atteinte disproportionnée au secret de la correspondance, Mme [X] ne citant dans ses écritures aucun courrier précisément et n’en analysant aucun, les seuls documents déterminés qu’elle vise étant ceux énoncés ci-dessus ;

Considérant qu’il ne peut par suite être reproché aucun manque de loyauté à M. [H], qui n’a pas commis d’atteinte à la vie privée de Mme [X] ;

Considérant enfin que les documents analysés ne font que relater des déclarations ou des conversations et ne constituent aucunement des dénigrements ou des propos attentatoires à l’honneur de Mme [X] ;

Considérant que s’agissant de la déclaration au greffe faisant état d’un litige avec un autre avocat, c’est à la juridiction saisie et non à l’appelante d’apprécier si cet élément est pertinent dans le cadre de la défense de M. [H] ou s’il ne l’est pas, se distinguant entièrement des autres causes ;

Considérant en définitive qu’il n’appartient pas à cette juridiction de faire le tri entre les pièces que la cour d’appel de Versailles sera amenée à retenir ou pas dans la défense de M. [H] à l’action que Mme [X] diligente contre lui ;

Considérant que pour ces raisons et celles non contraires retenues par le tribunal d’instance de Villejuif, la décision du premier juge mérite d’être confirmée dans toutes ses dispositions ;

Considérant que M. [H] ne justifie ni d’une intention de nuire ni de la mauvaise foi de Mme [X], qui a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits ni même de l’existence d’un préjudice moral ou de réputation qu’il aurait subi, de sorte qu’il doit être débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

Considérant que Mme [X] doit être condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS, la cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d’instance de Villejuif du 11 mai 2017 ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [X] de toutes ses demandes ;

Déboute M. [H] de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne Mme [X] à lui payer la somme de 750 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x