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La salariée qui réalise une vidéo à l’aide de son téléphone portable sur laquelle elle se met en scène debout dans le véhicule de fonction en chantant une chanson dont les paroles étaient les suivantes: ‘ j’vais faire un casse , casse et puis j’me casse, casse’, porte atteinte à l’image de son employeur et l’expose à un licenciement pour faute.
En l’espèce, l’atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise auprès de sa cliente, que déplore l’employeur, est caractérisée non seulement par la réalisation d’une vidéo sans autorisation préalable de l’entreprise cliente propriétaire du site, mais également par le ton et le contenu de cette video qui donnent une image peu professionnelle des salariés de la société employeur, les propos tenus s’inscrivant dans un champ lexical de la transgression par l’atteinte aux biens.
L’absence alléguée de logo de la société employeur sur le véhicule, au demeurant contestée par l’employeur, ne saurait priver le comportement de la salariée de tout caractère fautif , dès lors que les images du site et des salariés filmés permettaient, par leur diffusion sur le réseau Face book, leur identification. Au surplus la salariée fait état du flocage des vestes portées par les salariés au logo de la société Zodiac récemment rachetée par la société Safran , ce qui ne laissait aucun doute sur l’appartenance des salariés à la société Safran.
La réalisation de la vidéo et sa diffusion sur le réseau Facebook , relèvent de l’initiative de la salariée. La gravité du manquement imputé à la salariée rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.
Le licenciement était donc fondé sur une faute grave.
27/10/2023
ARRÊT N°2023/407
N° RG 22/02076 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O2GE
SB/CD
Décision déférée du 17 Mars 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/01093)
C. COLOMBO BILLAUD
Section Industrie
[E] [T] [L]
C/
S.A.S.U. SAFRAN CABIN FRANCE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 27/10/23
à Me DUGUET, Me JOLLY
Ccc à Pôle Emploi
Le 27/10/23
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [E] [T] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me José DUGUET, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM”E
S.A.S.U. SAFRAN CABIN FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUME, présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM”, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonction juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [E] [T] [L] a été embauchée du 2 décembre 2016 au 9 juin 2017 par la société Zodiac Cabin Interiors Europe en qualité de technicienne en maintenance de cabine suivant contrat de travail à durée déterminée régi par la convention collective régionale de la métallurgie de Midi-Pyrénées.
Après trois avenants, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée le 4 décembre 2017.
La société Safran Cabin France a succédé à la société Zodiac Cabin Interiors Europe courant 2019.
Après avoir été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 10 janvier 2020, Mme [L] a été licenciée par courrier du 31 janvier 2020 pour faute grave.
Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 11 août 2020 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section industrie, par jugement du 17 mars 2022, a :
– dit que le licenciement de Mme [L] repose sur une faute grave,
– dit que le licenciement n’est pas entaché de nullité,
– débouté Mme [L] de sa demande de nullité de son licenciement et de ses demandes financières en découlant,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– débouté les parties de leurs demandes d’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [L] aux entiers dépens de l’instance.
***
Par déclaration du 1er juin 2022, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 15 février 2023, Mme [E] [T] [L] demande à la cour de :
– déclarer irrecevables les demandes de la société Safran Cabin France en ‘constatation’ de ‘l’absence d’effet dévolutif de l’appel’ de Mme. [L] ou, a minima, de la constatation que la portée de l’effet dévolutif de son appel resterait limité à la seule possibilité pour la Cour d’Appel de confirmer le jugement déféré à sa censure, ce qui échappe en toutes circonstances à la compétence de la cour d’appel de céans, seul le conseiller de la mise en état étant habilité à en connaître sous réserve de s’y employer in limine litis,
– infirmer le jugement dont appel,
– juger que son licenciement ne repose sur aucune faute,
– condamner la société Safran Cabin France à lui payer les sommes suivantes :
2 001, 66 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
9 341,01 euros au titre de l’indemnité pour rupture abusive du contrat
5 337,72 euros au titre de l’indemnité de préavis
533, 77 euros au titre des congés payés sur préavis
5 000 euros au titre de la réparation des préjudices moraux et matériels.
– la condamner aux dépens qui comprendront le remboursement des frais non compris dans les dépens à concurrence de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 24 novembre 2022, la société Safran Cabin France demande à la cour de :
A titre principal :
– constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel,
– ou a minima constater que la portée de l’effet dévolutif est limitée à la possibilité pour la Cour de confirmer le jugement de première instance, débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire :
– juger irrecevables ou en tout état de cause infondées les demandes présentées par Mme [L],
– confirmer le jugement de première instance,
– débouter Mme [L] de l’intégralité de ses demandes,
En tout état de cause :
– condamner Mme [L] au paiement d’une indemnité d’un montant de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens éventuels.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 8 septembre 2023.
***
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens
et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure
civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
Il résulte des articles 562 et 901,4° du code de procédure civile que la déclaration d’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Il résulte par ailleurs des articles 542 et 954 du même code que l’appelant doit , dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation.
Il en résulte que l’absence d’une demande d’infirmation ou d’annulation dans la déclaration d’appel ne prive pas l’appel d’effet dévolutif, dès lors que la déclaration d’appel mentionne les chefs de jugement critiqués.
La demande de la société Safran tendant à voir juger que la cour n’est saisie d’aucune prétention et ne peut que confirmer le jugement au motif que la déclaration d’appel ne comporte aucune demande d’infirmation ou d’annulation est en l’espèce inopérante , en ce que la déclaration d’appel mentionne bien les chefs de jugement critiqués et que le dispositif des conclusions de l’appelante comporte une demande d’infirmation du jugement.
Cette demande de l’intimée est donc écartée.
Sur le fond
Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.
Aux termes de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.
Le courrier de licenciement en date du 31 janvier 2020 est ainsi rédigé :
‘[…] Le dimanche 29 décembre 2019, vous avez utilisé un véhicule de type voiture de golf dans l’enceinte de notre site client Airbus à des fins non professionnelles.
En effet, vous avez effectué une vidéo de vous debout sur la voiture de golf, portant le logo de notre entreprise Safran, vous mettant en scène sur les routes de notre site client Airbus.
Vous avez ensuite rajouté les paroles suivantes sur la vidéo “je vais faire un casse, casse et puis j’me casse, casse”.
Vous avez enfin diffusé cette vidéo sur les réseaux sociaux, sur lesquels vous êtes en relation avec vos collègues de travail.
Par cette action, vous avez manqué à plusieurs de vos obligations professionnelles:
– Vous n’avez pas respecté la consigne de votre hiérarchie selon laquelle la voiture de golf ne devait pas être utilisée le week-end du 28-29 décembre 2019 sans formation préalable, puisque ces véhicules n’avaient pas encore été mis en service.
Cet acte représente un fait avéré d’insubordination.
– Vous avez utilisé la voiture de golf sans formation au mode opératoire. Le mode opératoire a été finalisé le mardi 31 décembre 2019 par le leader opérationnel de l’OSS A350, [P] [O], qui vous a formé le vendredi 3 janvier 2020. Alors seulement vous étiez habilitée à utiliser le véhicule.
Ainsi, vous avez manqué au respect des consignes de sécurité incombant à votre poste de travail. Vous auriez pu causer un accident grave pour lequel vous n’étiez pas assurée et qui aurait pu entraîner de graves conséquences pour notre entreprise.
– La vidéo a été tournée pendant votre temps de travail. Vos obligations contractuelles ne vous autorisent pas à utiliser du matériel de l’entreprise durant votre temps de travail pour des activités non professionnelles.
Durant votre temps de travail, vous êtes à la disposition de l’entreprise qui vous embauche pour effectuer une tâche spécifique et non tourner des clips vidéo pour diffusion sur les réseaux sociaux.
– La voiture de golf portant le logo Safran, son utilisation sur le site de notre client Airbus demande la plus grande vigilance quant à l’image de notre entreprise.
Par vos agissements, vous avez porté atteinte à la réputation et l’image de marque de notre société chez notre client.
– Le message porté dans la vidéo (pour rappel: “je vais faire un casse, casse et puis j’me casse,
casse”), outre son ton et son style inappropriés, laisse à penser par les propos que vous envisagez de commettre un vol chez notre client Airbus.
Ce comportement non conforme à vos obligations professionnelles constitue une faute caractérisée d’autant plus grave que votre attitude est particulièrement préjudiciable aux intérêts de l’entreprise.
Votre maintien dans l’entreprise compte tenu de votre comportement et de ses conséquences s’avère impossible même durant un préavis.
En conséquence, en raison des motifs susvisés, nous sommes contraints de prononcer votre licenciement pour faute grave.
La rupture prend donc effet immédiatement et sans indemnités, hors congés payés. […]’
Il est ainsi reproché à la salariée:
– une insubordination résultant de l’utilisation sans autorisation de l’employeur d’un véhicule qui n’avait pas encore été mis en service.
– un manquement à l’obligation de sécurité car elle n’avait pas reçu de formation pour l’utilisation de ce véhicule ‘de golf’, lequel n’était pas encore assuré, ce dont il résultait un risque d’accident susceptible d’engager la responsabilité de l’employeur.
– un manquement à ses obligations contractuelles en vaquant à une activité non professionnelle pendant le temps de travail.
– une atteinte à l’image de la société Safran Cabin France, en effectuant une video à bord du véhicule sur le site de la société cliente Airbus, en dépit de l’interdiction de toute prise de vue faite aux sociétés prestataires sans autorisation préalable de la société Airbus. La diffusion sur les réseaux sociaux de cette video la rendait accessible à un large public extérieur à l’entreprise. Le contenu de celle-ci renvoie une image peu professionnelle, manquant de respect envers la société employeur et la société cliente .
La salariée admet être montée le 29 décembre 2019 dans le véhicule ‘de golf’ dont l’employeur avait fait récemment l’acquisition en vue de faciliter le déplacement de ses salariés entre les divers bâtiments du site d’airbus. Elle conteste cependant le caractère fautif de son comportement en arguant de la présence non contestée de son supérieur hiérarchique et d’un autre salarié dans le véhicule (M.[X] [I] et M.[B]), et ce un dimanche , dans une période de vacances de Noël où peu de salariés étaient présents sur le site.
Le fait d’être montée dans un véhicule sans autorisation de l’employeur pour un déplacement ne présentant aucune finalité professionnelle, et alors que l’employeur justifie qu’il n’avait pas encore mis le véhicule à la disposition des salariés ni mis en oeuvre la formation de ces derniers procède d’une insubordination manifeste et d’un manquement à l’obligation de sécurité à raison du risque d’accident qu’il implique avec les conséquences pénalisantes pour l’employeur.
Il est néanmoins établi par l’appelante que son supérieur hiérarchique M.[I] a conduit le véhicule concerné et que M.[B] , autre salarié de la société Safran, a également été passager du véhicule. Ces deux salariés, bien qu’encourant les même griefs d’insubordination et de manquement à l’obligation de sécurité, ont été sanctionnés par un avertissement par courriers respectifs du 12 février 2020.
Il en résulte que ces mêmes manquements ne sauraient présenter un caractère de gravité telle qu’ils puissent justifier la rupture du contrat de travail de Mme [L].
En revanche, il n’est pas contesté par la salariée qu’elle a réalisé une vidéo à l’aide de son téléphone portable sur laquelle elle se mettait en scène debout dans le véhicule en chantant une chanson dont les paroles étaient les suivantes: ‘ j’vais faire un casse , casse et puis j’me casse, casse’.
L’atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise auprès de sa cliente, que déplore l’employeur, est caractérisée non seulement par la réalisation d’une vidéo sans autorisation préalable de l’entreprise cliente propriétaire du site, mais également par le ton et le contenu de cette video qui donnent une image peu professionnelle des salariés de la société employeur, les propos tenus s’inscrivant dans un champ lexical de la transgression par l’atteinte aux biens.
L’absence alléguée de logo de la société employeur sur le véhicule, au demeurant contestée par l’employeur, ne saurait priver le comportement de la salariée de tout caractère fautif , dès lors que les images du site et des salariés filmés permettaient, par leur diffusion sur le réseau Face book, leur identification. Au surplus la salariée fait état du flocage des vestes portées par les salariés au logo de la société Zodiac récemment rachetée par la société Safran , ce qui ne laissait aucun doute sur l’appartenance des salariés à la société Safran.
Deux attestations de salariés, non contestées par l’appelante, font état d’un accès libre à la video sur la page facebook de la salariée, ce qui rendait cet enregistrement visible non seulement à des salariés de la société employeur mais également des personnes étrangères à l’entreprise.
La réalisation de la vidéo et sa diffusion sur le réseau Facebook , relèvent de l’initiative de la salariée et rien ne démontre que les deux collègues de Mme [L] présents sur le véhicule aient été associés à ce choix . La gravité du manquement imputé à Mme [L] rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.
Le seul avenant réduisant le temps de travail de la salariée à un temps partiel thérapeutique du 16 septembre au 13 décembre 2019 alors même que la salariée fait état de l’augmentation de salaire dont elle a bénéficié en octobre 2019, n’est pas de nature à laisser supposer une discrimination à raison de son état de santé.
Le licenciement est donc fondé sur une faute grave et le jugement sera confirmé en ses dispositions ayant débouté la salariée de ses demandes indemnitaires.
Mme [L], partie perdante , supportera les entiers dépens d’appel.
Aucune circonstance d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort ;
Dit que la cour est valablement saisie d’une demande d’infirmation ;
Confirme le jugement déféré ;
Condamne Mme [E] [T] [L] aux entiers dépens d’appel ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière de chambre.
LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE