S’agissant de la décote immobilière sur un immeuble détenu par une SCI, pour absence de liquidité des titres non cotés et l’absence de prise en compte d’une clause d’agrément, l’administration fiscale peut accepter, sur réclamations des contribuables, l’application d’un abattement limité à 10 % pour manque de liquidité conformément au guide de l’évaluation des entreprises et des titres de société publié par l’administration fiscale.
En la cause, les commissions départementales saisies (pour évaluer la valeur de l’immeuble) ont indiqué que la décote pour clause d’agrément s’imposait pour les parts sociales qui avaient par nature une liberté de cession limitée mais devait en revanche être écartée dans le cadre d’une participation majoritaire. Or, au cas particulier, il apparaît que Monsieur [C] [B] possède 99% du capital social de la SCI VINTOR, 98% du capital social de la SCI TSRA, 99,91% du capital social de la SCI ORANGE COURCELLES et 100% avec son épouse du capital social de la SCI du PRE JOLY. Il convient donc de débouter les époux de l’ensemble de leurs demandes de contestation des rehaussements effectués par l’administration concernant la valeur vénale du bien immobilier. Pour rappel, la commission départementale de conciliation compétente pour donner son avis sur la valeur d’un bien immobilier appartenant à une société civile immobilière est celle dans le ressort de laquelle l’immeuble est situé. Lorsque la société civile immobilière est propriétaire de plusieurs immeubles, la commission compétente est celle dans le ressort de laquelle est situé le siège social. L’article 1653 B du Code Général des Impôts stipule que « La commission départementale de conciliation compétente est celle dans le ressort de laquelle les biens sont situés ou immatriculés s’il s’agit de navires ou de bateaux… » L’article L 59 du Livre des Procédures Fiscales dans sa rédaction antérieure au 1er Janvier 2018 (date de création de l’impôt sur la fortune immobilière) stipulait : « La commission départementale de conciliation intervient en cas d’insuffisance des prix ou évaluations ayant servi de base aux droits d’enregistrement ou à la taxe de publicité foncière dans les cas mentionnés au 2 de l’article 667 du code général des impôts ainsi qu’à l’impôt de solidarité sur la fortune. » |
Résumé de l’affaire :
Contexte de l’AffairePar acte d’huissier en date du 10 janvier 2023, Madame [I] [X] épouse [B] et Monsieur [C] [B] ont assigné la Direction générale des Finances Publiques d’Ile de France et de [Localité 10] devant le tribunal judiciaire de Bobigny. Ils cherchent à annuler les décisions de rejet de leur réclamation concernant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2013 à 2017, ainsi qu’un avis de mise en recouvrement. Vérification Fiscale et RéclamationsLes époux [B] ont été soumis à une vérification de leurs déclarations d’ISF, entraînant une proposition de rectification en décembre 2019. L’administration fiscale a saisi des commissions départementales de conciliation pour évaluer la valeur des parts de plusieurs SCI et d’un bien immobilier, qui ont validé les évaluations fiscales, conduisant à des impositions. Décisions de Rejet et ContestationsUne réclamation a été faite par les époux [B] en septembre 2022, mais a été rejetée en novembre de la même année. Ils contestent l’absence de motivation des décisions de rejet et soulèvent des irrégularités concernant la saisine des commissions de conciliation, ainsi que le montant des abattements appliqués. Arguments de l’Administration FiscaleL’administration fiscale a demandé au tribunal de confirmer les rappels d’impôt et a soutenu que les décisions de rejet étaient correctement motivées. Elle a également précisé que les commissions de conciliation étaient compétentes et que les évaluations des biens étaient justifiées. Motifs de la Décision du TribunalLe tribunal a statué que les décisions de rejet gracieux n’avaient pas besoin d’être motivées et que le juge de l’impôt n’était pas compétent pour les demandes de remise. Il a constaté que le rejet de la réclamation contentieuse avait été correctement notifié aux époux [B]. Conclusion du TribunalLe tribunal a confirmé les rappels d’impôt, a déclaré que les décisions de rejet gracieux ne relevaient pas de sa compétence, et a débouté les époux [B] de toutes leurs demandes. Il a également décidé de ne pas appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné les époux aux dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY
AFFAIRE N° RG 23/00754 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XGFK
N° de MINUTE : 24/00661
Chambre 9/Section 1
JUGEMENT DU 31 OCTOBRE 2024
DEMANDEURS
Madame [I] [X] épouse [B]
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Me Xavier CONABADY, avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : C2285
Monsieur [C] [B]
[Adresse 2]
[Localité 8]
représenté par Me Xavier CONABADY, avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : C2285
C/
DÉFENDEUR
Monsieur LE DIRECTEUR DES FINANCES PUBLIQUES DE SEINE SAINT-DENIS
Pôle de contrôle revenus et Patrimoine PCRP de Seine Saint-Denis
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Dispensé du ministère d’avocat
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS
Président : Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président siégeant à juge rapporteur, conformément aux dispositions des articles 805 et suivants du code de procédure civile, ayant rendu compte au tribunal dans son délibéré
Assisté de Madame Anyse MARIO, Greffière.
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président,
Madame Anne BELIN, Première Vice-Présidente,
Monsieur Ulrich SCHALCHLI, Vice-Président.
DÉBATS
Audience du 02 mai 2024
Délibéré fixé le 04 juillet 2024, prorogé au 31 octobre 2024
Par acte d’huissier en date du 10 janvier 2023, Madame [I] [X] épouse [B] et Monsieur [C] [B] ont fait assigner la Direction générale des Finances Publiques d’Ile de France et de [Localité 10] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de faire annuler les décisions de rejet du Directeur des Finances Publiques de Seine Saint Denis de la réclamation des époux [B] du 19 novembre 2022 au titre des impositions complémentaires en matière d’impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017; de faire annuler l’avis de mise en recouvrement n° 2022 07 05 419 du 29 juillet 2022 au titre des impositions complémentaires en matière d’impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017; de faire prononcer la décharge des impositions complémentaires mises à la charge des époux [B] en matière d’impôt de solidarité sur la fortune et de pénalités pour les années 2013 pour la somme en principal de 2.554 euros et d’intérêts de 930 euros; 2014 pour la somme en principal de 3.872 euros et d’intérêts de 1.223 euros ; 2015 pour la somme en principal de 3.028 euros et d’intérêts de 811 euros ; 2016 pour la somme en principal de 3.842 euros et intérêts de 461 euros; 2017 pour la somme en principal de 3.624 euros et intérêts de 261 euros; De faire condamner l’administration fiscale à lui payer la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les époux [B] déclarent avoir fait l’objet d’une vérification de leurs déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des années 2013 à 2017, laquelle a donné lieu à une proposition de rectifications par courrier daté du 9 Décembre 2019, confirmée partiellement le 17 juillet 2020.
Ils indiquent que l’administration fiscale a saisi la commission départementale de conciliation de la Seine Saint Denis afin de statuer uniquement sur la valeur vénale des parts détenues par Monsieur [C] [B] dans le capital de la SCI VINTOR, celle de Paris pour statuer sur la valeur des parts de SCI TSRA, sur celle des parts de la SCI du PRE JOLY, sur celle des parts de la SCI ORANGE DE COURCELLES et sur la valeur vénale du bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 6]. Que les commissions saisies ont validé les évaluations de l’Administration Fiscale, ce qui a entraîné la mise en recouvrement des impositions.
Ils exposent avoir formé une réclamation par lettre recommandée du 5 Septembre 2022, laquelle a fait l’objet de 5 décisions de rejet du 19 Novembre 2022.
Ils font valoir que les décisions de rejet du 19 novembre 2022 ne sont pas motivées. Ils soulèvent l’irrégularité de la saisine de la commission départementale de conciliation de la Seine Saint Denis pour statuer sur la valeur des parts de la SCI VINTOR et l’irrégularité de la saisine de la commission départementale de conciliation de Paris pour statuer sur la valeur des parts de la SCI TSRA et pour statuer sur la valeur des parts de la SCI du PRE JOLY.
Ils contestent le montant des abattements pour manque de liquidité et nécessité d’agrément par les associés ainsi que le rehaussement de la valeur vénale du bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 6].
L’affaire a été appelée à l’audience du 2 mai 2024 où chacune des parties a déposé son dossier.
Par conclusions signifiées le 5 septembre 2023, l’administration fiscale demande au tribunal de confirmer les rappels d’impôt effectués par l’administration; de juger que les décisions de rejet gracieuses ne relèvent pas de sa juridiction; de confirmer la décision de rejet contentieux et de débouter les époux [B] de toutes leurs demandes. Elle fait observer qu’en visant les décisions de rejet gracieux du 10 novembre 2022, les époux [B] ont commis une erreur de droit en arguant que celles-ci devaient être motivées. Elle fait valoir a contrario d’une part, que la décision de rejet contentieux du 10 novembre 2022 a bien été adressée aux époux [B] par lettre recommandée le 17 novembre 2022 mais n’a pas été retirée par ceux-ci comme l’attestent les mentions écrites sur l’accusé de réception “ avisé et non réclamé” et d’autre part, que la décision de rejet était parfaitement motivée en droit et en fait. S’agissant de la compétence des commissions départementales de conciliation, elle fait observer que lors de la procédure de contrôle, le siège social de la SCI TRA et de la SCI du PRE JOLY était situé au [Adresse 1] à [Localité 11] et que ces deux sociétés déposaient leur déclaration auprès du SIE de [Localité 11]. Que s’agissant de la SCI VINTOR, elle déposait ses déclarations de résultats auprès du SIE de [Localité 9]. S’agissant des rehaussement effectués par l’administration concernant la valeur vénale du bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 5], elle fait valoir que la commission départementale de conciliation de [Localité 10] a proposé de retenir les termes de comparaison de l’administration qu’elle estimait intrinsèquement similaires au bien à évaluer et ce d’autant que les contribuables ne produisaient pas d’éléments comparatifs susceptibles de remettre en cause l’évaluation du service des impôts. Elle précise également que cette même commission a proposé de valider l’abattement de 20% pour occupation qu’elle jugeait suffisant. S’agissant de la décote pour absence de liquidité des titres non cotés et l’absence de prise en compte d’une clause d’agrément, elle rappelle que la commission saisie a indiqué que la décote pour clause d’agrément s’imposait pour les parts sociales qui avaient par nature une liberté de cession limitée. Que dès lors elle considérait qu’un tel abattement dans le cadre d’une participation majoritaire n’était pas justifié.
L’article R 198-10 du Livre des Procédures Fiscales prévoit qu’en cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la décision doit être motivée. Il s’applique aux décisions de rejet contentieux et non pas
aux décisions de rejet gracieux du 10 novembre 2022, visées dans l’assignation, qui elles n’ont pas à être motivées.
Par ailleurs, le juge de l’impôt n’est pas compétent pour connaître des demandes tendant à la remise ou la modération qui relèvent de la juridiction gracieuse car c’est alors le juge de “l’excès de pouvoir” qui est compétent.
En l’espèce, il est justifié par l’administration fiscale de ce qu’elle a adressé à leur domicile réel aux époux [B] un rejet de leur réclamation contentieuse motivé en droit et en fait. Le tribunal constate à cet effet que ce rejet a été envoyé le 10 novembre 2022 par lettre recommandée mais que le pli est revenu avec les mentions écrites sur l’accusé de réception “avisé et non réclamé”.
L’article 1653 B du Code Général des Impôts stipule que « La commission départementale de conciliation compétente est celle dans le ressort de laquelle les biens sont situés ou immatriculés s’il s’agit de navires ou de bateaux… »
L’article L 59 du Livre des Procédures Fiscales dans sa rédaction antérieure au 1er Janvier 2018 (date de création de l’impôt sur la fortune immobilière) stipulait : « La commission départementale de conciliation intervient en cas d’insuffisance des prix ou évaluations ayant servi de base aux droits d’enregistrement ou à la taxe de publicité foncière dans les cas mentionnés au 2 de l’article 667 du code général des impôts ainsi qu’à l’impôt de solidarité sur la fortune. »
De la combinaison de ces deux textes il ressort que la commission départementale de conciliation compétente pour donner son avis sur la valeur d’un bien immobilier appartenant à une société civile immobilière est celle dans le ressort de laquelle l’immeuble est situé. Lorsque la société civile immobilière est propriétaire de plusieurs immeubles, la commission compétente est celle dans le ressort de laquelle est situé le siège social.
S’agissant de la compétence des commissions départementales de conciliation, l’administration fiscale rappelle que lors de la procédure de contrôle, le siège social de la SCI TRA et de la SCI du PRE JOLY était situé au [Adresse 1] à [Localité 11] et que ces deux sociétés déposaient leur déclaration auprès du SIE de [Localité 11]. Que s’agissant de la SCI VINTOR, elle déposait ses déclarations de résultats auprès du SIE de [Localité 9].
La preuve d’irrégularités liées à la saisine des commissions départementales de conciliation n’est donc pas rapportée en l’espèce.
S’agissant des rehaussements effectués par l’administration concernant la valeur vénale du bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 5], l’administration fiscale rappelle que la commission départementale de conciliation de [Localité 10] a proposé de retenir les termes de comparaison de l’administration qu’elle estimait intrinsèquement similaires au bien à évaluer et ce d’autant que les contribuables ne produisaient pas d’éléments comparatifs susceptibles de remettre en cause l’évaluation du service des impôts. Elle précise également que cette même commission a proposé de valider l’abattement de 20% pour occupation qu’elle jugeait suffisant.
Par ailleurs, le tribunal constate au vu des pièces versées aux débats que l’administration fiscale a procédé à l’évaluation du bien immobilier situé [Adresse 3] à 75009 Paris en suivant les règles établies par la Cour de cassation. Et en utilisant la méthode comparative pour déterminer la valeur vénale de ce bien au moyen d’éléments de comparaison tirés de cession, avant la mutation litigieuse de biens intrinsèquement similaires.
S’agissant de la décote pour absence de liquidité des titres non cotés et l’absence de prise en compte d’une clause d’agrément, elle indique avoir accepté, sur réclamations des contribuables, l’application d’un abattement limité à 10 % pour manque de liquidité conformément au guide de l’évaluation des entreprises et des titres de société publié par l’administration fiscale. Le tribunal constate que les commissions départementales saisies ont indiqué que la décote pour clause d’agrément s’imposait pour les parts sociales qui avaient par nature une liberté de cession limitée mais devait en revanche être écartée dans le cadre d’une participation majoritaire. Or, au cas particulier, il apparaît que Monsieur [C] [B] possède 99% du capital social de la SCI VINTOR, 98% du capital social de la SCI TSRA, 99,91% du capital social de la SCI ORANGE COURCELLES et 100% avec son épouse du capital social de la SCI du PRE JOLY.
Il convient donc de débouter les époux [B] de l’ensemble de leurs demandes.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les époux [B] seront condamnés aux dépens.
LE TRIBUNAL
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME les rappels d’impôt effectués par l’administration ;
DIT que les décisions de rejet gracieuses ne relèvent pas du juge de l’impôt ;
CONFIRME la décision de rejet contentieux.
DÉBOUTE Madame [I] [X] épouse [B] et Monsieur [C] [B] de toutes leurs demandes,
DIT n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Madame [I] [X] épouse [B] et Monsieur [C] [B] aux dépens.
La minute a été signée par Monsieur Bernard AUGONNET, Premier Vice-Président et Madame Anyse MARIO, greffière présente lors de la mise à disposition.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
Anyse MARIO Bernard AUGONNET