21 juin 2022
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
19/02945
ARRÊT N°
N° RG 19/02945 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HN2J
GLG/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON
25 juin 2019
RG :F 18/00046
[G]
C/
Association LA BOURGUETTE
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 21 JUIN 2022
APPELANTE :
Madame [X] [G]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
Association LA BOURGUETTE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie HURSON-DEVALLET de la SELARL JURIS VIEUX PORT, avocat au barreau de MARSEILLE
Représentée par Me Séverine ARTIERES de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 01 Avril 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel
Madame Virginie HUET, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l’audience publique du 15 Avril 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2022
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [X] [G] a été embauchée par l’association La Bourguette, au sein de son établissement IME sis à [Adresse 5], en qualité de ‘AMP en formation en cours d’emploi’, suivant contrat d’insertion à temps complet à durée déterminée du 1er février 2016 au 31 janvier 2019, soumis à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
Victime d’une agression commise par un résident de l’établissement et placée en arrêt de travail pour accident du travail du 7 mars 2016 au 9 avril 2016, elle a sollicité une visite médicale auprès du médecin du travail, lequel a émis l’avis suivant à l’issue de l’examen du 13 avril 2016 : ‘Inapte temporairement à tout emploi comportant des manutentions de charges ‘ 8kg, des trajets VL répétés ‘ 30′ par jour, des risques de coups (enfants autistes). Si reclassement impossible, envisager prolongation de l’arrêt actuel.’
Du 12 avril 2016 au 25 octobre 2016, la salariée a été arrêtée pour maladie, puis elle a bénéficé d’un congé maternité jusqu’au 28 février 2017, suivi de congés payés jusqu’au 31 mars 2017.
Par lettre remise en main propre le 8 mars 2017, elle a sollicité une rupture conventionnelle au motif que son planning de travail était incompatible avec les horaires de son assistante maternelle puis elle a présenté par courrier distinct une demande de rupture d’un commun accord
L’employeur ayant accepté cette demande, les parties ont signé un ‘constat de rupture d’un commun accord d’un CDD’, le 24 mars 2017 à effet au 31 mars 2017.
Invoquant la nullité de la rupture sur le fondement des articles L. 1226-9, L. 1226-13 et L. 1226-18 du code du travail, aux motifs que l’examen médical du 13 avril 2016 ne constituait pas une visite de reprise, que son contrat de travail était demeuré suspendu, et qu’il ne pouvait être rompu que pour faute grave ou impossibilité de le maintenir pour un motif étranger à l’accident, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon, le 7 février 2018, lequel a, par jugement du 25 juin 2019, statué en ces termes :
‘Déboute Madame [G] de toutes ses demandes.
Déboute l’Association La BOURGUETTE du remboursement de trop perçu de subrogation.
Déboute chacune des parties concernant l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne Madame [G] aux éventuels dépens de l’instance.’
Mme [G] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue le 17 juillet 2019.
Aux termes de ses conclusions additionnelles et récapitulatives du 17 décembre 2021, l’appelante présente à la cour les demandes suivantes :
‘Réformer purement et simplement le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes d’Avignon le 25 juin 2019 déboutant Mme [G] de l’ensemble de ses demandes.
Condamner l’association LA BOURGUETTE au paiement des sommes suivantes :
À titre principal
Dommages et intérêts pour nullité de la rupture du contrat à durée déterminée 37 106,24 € nets
À titre subsidiaire
Indemnité de requalification 1 466,65 € nets
Indemnité compensatrice de préavis 1 466,65 € bruts
Indemnité de congés payés y afférente 146,66 € bruts
Dommages-intérêts pour nullité de la rupture du contrat à durée déterminée 10 000 € nets
En tout état de cause
Condamner l’association LA BOURGUETTE à la remise des bulletins de salaire des mois de février et mars 2017 sous astreinte de 100 € par jour de retard.
Dire et juger que la Cour se réserve le droit de liquider l’astreinte.
Ordonner les intérêts de droit à compter de la demande.
Ordonner la capitalisation des intérêts.
Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaires : 1 466,65 € bruts
Condamner la Société intimée à payer à Madame [G] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du CPC.
La condamner aux entiers dépens.’
Elle fait valoir que :
‘ la visite médicale du 13 avril 2016 n’étant pas une visite de reprise et le contrat de travail étant resté suspendu, la rupture est nulle car elle ne pouvait intervenir que pour l’un des motifs prévus par la loi et non d’un commun accord, ce qui lui ouvre droit aux dommages et intérêts prévus par l’article L. 1243-4 du code du travail ;
‘ le contrat à durée déterminée doit être requalifié en un CDI du fait qu’elle n’a bénéficié d’aucune formation, et la rupture étant nulle en l’absence de visite de reprise, elle peut prétendre à l’indemnité de requalification et aux indemnités de rupture, ainsi qu’à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal à six mois de salaire ;
‘ elle n’a pas obtenu la remise des bulletins de paie des mois de février et mars 2017 ;
‘ l’association ne justifie pas le fondement ni le calcul de sa demande reconventionnelle à titre de rappel de trop-perçu de salaire et elle ne produit pas les bulletins de paie des mois concernés.
Dans ses conclusions reçues le 30 décembre 2019, l’intimée forme les demandes suivantes :
‘La Cour d’Appel :
Confirmera la décision rendue par le Conseil de Prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a débouté Madame [X] [G],
À titre principal :
‘ de sa demande en nullité de la rupture de son contrat de travail pour méconnaissance de la protection légale accordée aux salariés en arrêt de travail pour accident de travail.
– de sa demande indemnitaire au titre de l’article L. 1226-19 du Code du travail, pour la somme de 37 106 € et congés payés y afférents.
À titre subidiaire :
‘ de sa demande en requalification de CDD en CDI du fait du manquement de l’employeur à son obligation de formation.
‘ de ses demandes indemnitaires au titre de l’indemnité de requalification, de préavis, de congés payés sur préavis, et dommages-intérêts.
La Cour d’Appel :
Déboutera Madame [X] [G] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.
À titre reconventionnel :
La Cour d’Appel :
Infirmera la décision du Conseil de Prud’hommes, en ce qu’il avait débouté l’Association La BOURGUETTE de sa demande reconventionnelle.
Et à ce titre,
La Cour d’Appel :
Condamnera Madame [X] [G] à rembourser à l’Association La BOURGUETTE la somme de 652,65 € au titre du solde de compte.
Condamnera Madame [X] [G] à régler à l’Association La BOURGUETTE la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.’
Elle réplique que :
‘ la visite médicale du 13 avril 2016, dont elle a été dûment informée, produit les effets d’une visite de reprise, même si elle a été organisée à la demande de la salariée ;
‘ la protection dont bénéficie le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle n’est applicable que lorsque l’employeur prend l’initiative de rompre le contrat alors qu’il connaît l’existence de l’accident ou de la maladie ; or tel n’est pas le cas en l’espèce puisque Mme [G] ayant sollicité une rupture conventionnelle, puis une rupture anticipée d’un commun du fait qu’elle se trouvait en CDD, un accord de rupture amiable a été conclu à son intiative, le 24 mars 2017, à effet au 31 mars 2017 ;
‘ la formation prévue dès le 27 janvier 2016 et qui devait commencer dans les locaux de la maison familiale rurale le 27 mars 2016 n’a pu avoir lieu car la salariée n’a jamais repris le travail ;
‘ la paie des mois de février et mars 2017 a été régularisée lors du solde de tout compte en tenant compte de la retenue du congé maternité et des périodes de maladie sans subrogation, ce qui a généré une paie négative à hauteur de 652,65 euros, somme dont Mme [G] a vainement été invitée à s’acquitter le 3 juin 2017, le 7 août 2017, le12 octobre 2017 et le 20 octobre 2017 ;
‘ la demande de remise des bulletins de paie de février et mars 2017 n’est pas justifiée puisque la salariée a reçu ces documents.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 24 février 2022, à effet au 1er avril 2022, l’audience de plaidoiries étant fixée au 15 avril 2022.
MOTIFS DE L’ARRÊT
‘ sur la demande principale
Aux termes de l’article L. 1226-18 du code du travail, lorsque le salarié victime d’un accident ou d’une maladie professionnelle est titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée, l’employeur ne peut rompre le contrat au cours des périodes de suspension que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit d’un cas de force majeure.
Selon l’article L. 1226-13 du même code, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle.
L’article L. 1243-1 dispose que, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
En l’espèce, Mme [G] a sollicité une rupture conventionnelle auprès de la direction de l’association par lettre remise en main propre le 8 mars 2017, suivie d’une demande de rupture d’un commun accord, aux motifs qu’elle avait constaté à l’issue de son congé maternité que son planning de travail était incompatible ‘avec les horaires de (sa) nounou’.
Cette demande ayant été acceptée par l’employeur, les parties ont signé, le 24 mars 2017, un document intitulé : ‘constat de rupture d’un commun accord d’un CDD’, à effet au 31 mars 2017.
Il apparaît ainsi que la rupture n’a pas été prononcée par l’employeur, mais qu’elle est intervenue d’un commun accord à l’initiative de la salariée, sans que celle-ci n’allègue l’existence d’une fraude ou d’un vice du consentement.
Mme [G] ne pouvant dès lors se prévaloir des dispositions précitées pour en solliciter la nullité, peu important que le contrat de travail soit demeuré suspendu en l’état de l’avis d’inaptitude temporaire émis par le médecin du travail à l’issue de la visite du 13 avril 2016, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de cette demande.
‘ sur la demande subsidiaire
Le contrat de travail à durée déterminée de trente-six mois litigieux, intitulé ‘contrat d’insertion-emploi d’avenir’, a été conclu en application des articles L. 5134-110 et suivants du code du travail.
L’objet de l’emploi d’avenir est de faciliter l’insertion professionnelle et l’accès à la qualification des jeunes sans emploi âgés de seize à vingt-cinq ans au moment de la signature, soit sans qualification, soit peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, par leur recrutement dans des activités présentant un caractère d’utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d’emplois.
Conformément aux dispositions de l’article L. 5134-114, l’association établit que des actions d’accompagnement et de formation ont été prévues, qu’un tuteur a été désigné, qu’un cadencement prévisionnel de suivi personnalisé a été signé par les parties le 3 février 2016, et que Mme [G] devait commencer une formation DEAMP au sein de la maison familiale et rurale de [Localité 6] le 7 mars 2016, à laquelle elle n’a pu participer du fait qu’elle a été placée le même jour en arrêt de travail pour accident du travail puis pour maladie et qu’elle a bénéficié ensuite d’un congé maternité.
L’employeur justifiant ainsi avoir satisfait à ses obligations en matière de formation, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de requalification du CDD en CDI.
‘ sur la remise des bulletins de paie
Selon l’article L. 3242-1 du code du travail, la rémunération des salariés est mensuelle. L’article L. 3243-2 précise que lors du paiement du salaire, l’employeur remet au salarié un bulletin de paie.
Soutenant que la salariée a reçu les bulletins de paie des mois de février et mars 2017, l’employeur produit un unique bulletin établi pour la ‘période du 01/03/2017 au 31/03/2017″, mentionnant ‘absence maternité du 01/02/2017 au 28/02/2017″ et ‘période de pointage du 01/02/2017 au 31/03/2017″.
Cette réclamation n’est donc pas utilement contestée et le jugement sera infirmé sur ce point, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
‘ sur la demande reconventionnelle
Au soutien de cette demande, l’employeur produit le bulletin de paie susvisé concernant les mois de février et mars 2017 et mentionnant un net à payer négatif de 652,65 euros, à l’exclusion du solde de tout compte et de tout autre élément probant.
Ce document non certifié ne présentant pas des garanties suffisantes, le jugement sera confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Mme [G] de sa demande de remise des deux derniers bulletins de paie et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que l’employeur devra délivrer à la salariée les bulletins de paie des mois de févriers et mars 2017 dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt,
Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame BERGERAS, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,