Votre panier est actuellement vide !
17 janvier 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
20/02400
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/02400 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ24
LR/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE
03 septembre 2020 RG :17/00118
[D]
C/
Etablissement Public UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D’ANNECY
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 03 Septembre 2020, N°17/00118
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [U] [D]
née le 03 Novembre 1991 à [Localité 10]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Philippe MESTRE, avocat au barreau d’AVIGNON
substitué par Me Thomas AUTRIC, avocat au barreau de NIMES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/010042 du 22/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)
INTIMÉE :
Maître [Y] [WN] ès qualité de mandataire judiciaire de la ferme pédagogique de l’oiselet
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par maître Sophie MEISSONNIER-CAYEZ, avocat au Barreau de Nîmes
Etablissement Public UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D’ANNECY
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Lisa MEFFRE de la SELARL SELARLU MG, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [U] [D] a été engagée par l’association [Adresse 9] à compter du 17 février 2014 dans le cadre d’un contrat de travail associé à un emploi d’avenir d’une durée de 36 mois, en qualité d’agent d’accueil, d’entretien et d’animatrice.
Le contrat de travail est arrivé à son terme le 16 février 2017.
Par acte du 29 septembre 2017, Mme [D] a assigné l’association devant le conseil de prud’hommes d’Orange en paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire au titre :
– de la requalification de son contrat d’accompagnement en contrat à durée indéterminée,
– du non-respect de l’obligation de formation
– de l’absence de paiement des heures supplémentaires effectuées.
Le 24 mai 2019, l’association a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement contradictoire du 3 septembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Orange a :
– débouté Mme [U] [D] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté le défendeur de ses demandes,
– condamné Mme [U] [D] aux entiers dépens de l’instance.
Par acte du 29 septembre 2020, Mme [U] [D] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 22 décembre 2020, Mme [U] [D] demande à la cour de :
– déclarer recevable son appel et au fond le dire bien fondé,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes d’Orange rendu le 3 septembre 2020,
Statuant à nouveau,
– dire et juger que la Ferme Pédagogique de l’Oiselet n’a pas payé les heures supplémentaires qu’elle a effectuées,
– ordonner au mandataire liquidateur de la Ferme Pédagogique de l’Oiselet , la rectification et la délivrance de ses bulletins de salaire conformément à la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour, à compter du 8ème jour de la notification du jugement,
– constater que l’association [Adresse 9] n’a pas respecté son obligation d’assurer des actions de formation, d’orientation professionnelle et de validation des acquis à son égard,
– dire et juger que son emploi avenir doit être requalifié en contrat à durée indéterminée,
En conséquence, au principal,
– fixer la moyenne mensuelle brute de son salaire à la somme de 2.157,25 euros
– fixer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de l’association [Adresse 9], prise en la personne de son président en exercice, aux sommes suivantes:
* 34.164,53 euros de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées sur les années 2016, 2015 et 2014,
* 341,45 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel,
* 24.943,50 euros au titre du travail dissimulé,
* 12.943,50 euros à titre d’indemnité de requalification équivalente à 6 mois de salaire,
* 4.314,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 431,45 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,
* 1.294,35 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 10.000 euros au titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10.000 euros pour absence de priorité d’embauche,
* 10.000 euros pour manquement de l’employeur à son obligation de formation,
* 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne faisait pas droit à la demande d’heures supplémentaires,
– fixer la moyenne mensuelle brute de son salaire à la somme de 1.626,30 euros
– fixer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de l’association [Adresse 9] aux sommes suivantes :
* 9.757,80 euros à titre d’indemnité de requalification équivalente à 6 mois de salaire,
* 3.252,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 325,26 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 975,80 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 10.000 euros au titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10.000 euros pour absence de priorité d’embauche,
* 10.000 euros pour manquement de l’employeur à son obligation de formation,
* 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– assortir l’ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date du
jugement à intervenir, conformément à l’article 1153 du code civil
– prononcer la capitalisation des intérêts, conformément à l’article 1154 du code civil
– statuer sur les dépens comme en matière de procédure collective.
L’appelante soutient notamment que :
– le jugement déféré est parfaitement contradictoire, dans la mesure où les premiers juges ne peuvent pas rappeler l’interdiction de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité permanente et juste après, admettre la possibilité d’avoir recours à des contrats (CAE ‘ CIE) pour pourvoir des postes liés à l’activité permanente de l’entreprise.
– si la requalification d’un contrat aidé en contrat de travail à durée indéterminée n’est pas automatique, il a va différemment en cas de recours abusif, de recrutement sur un emploi pérenne préexistant et de non respect de l’obligation de formation, ce qui a été le cas en l’espèce.
– sur l’accomplissement d’heures supplémentaires, elle fournit la copie des feuilles de présence transmises chaque mois à la direction, contestant celles informatisées transmises par la partie adverse.
– elle fait état ensuite de ses préjudices, résultant notamment de la perte de son emploi.
En l’état de ses dernières écritures du 21 mars 2021, la SELARL Balincourt, ès qualités de mandataire liquidateur de l’association La Ferme de l’Oiselet, représentée par Me [Y] [WN] demande à la cour de :
A titre principal :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orange
En conséquence :
– débouter Mme [D] de ses demandes.
A titre subsidiaire :
* sur la demande de requalification du CAE en contrat de travail à durée indéterminée
– limiter à un mois de salaire l’indemnité de requalification du CAE en contrat à durée indéterminée,
* sur la priorité à l’embauche
– limiter à tout le moins le montant des dommages et intérêts mis à la charge de l’association à la somme d’un euro symbolique,
* sur la rupture du contrat de travail
– réduire le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à l’exact montant tel qu’il résulte des calculs établis par l’association,
– réduire à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dans tous les cas :
– condamner Mme [D] au paiement de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner Mme [D] aux entiers dépens.
L’employeur fait valoir en substance que :
-la salariée s’appuie sur divers éléments présentant de nombreuses incohérences et qui ne justifient en rien de la réalité d’heures supplémentaires réalisées ni que des heures supplémentaires aurait été réclamées par l’association.
– par application des dispositions légales et jurisprudentielles spécifiques relatives au contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE), le conseil de prud’hommes a justement débouté la salariée de sa demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée.
– Le contrat de Mme [D] n’étant pas requalifiable en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de sa relation de travail avec l’association n’a pas à produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
L’UNEDIC délégation AGS CGEA d’Annecy, reprenant ses conclusions transmises le 18 mars 2021, demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes d’Orange du 03 septembre 2020 dans toutes ses dispositions ;
Par conséquent,
– débouter Mme [U] [D] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et des
congés payés y afférents,
– débouter Mme [U] [D] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
– dire et juger que l’association a respecté son obligation d’assurer des actions de formation à
Mme [U] [D],
– dire et juger qu’un contrat d’accompagnement dans l’emploi peut être pourvu sur un emploi
permanent et qu’il n’encourt pas la requalification de ce fait,
– débouter en conséquence Mme [U] [D] de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée ainsi que de toutes les demandes qui y affèrent.
– débouter Mme [U] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité d’embauche, en l’absence de démonstration d’un préjudice
Subsidiairement,
– réduire dans de notables proportions la demande de Mme [U] [D] et limiter à un mois de salaire l’indemnité de requalification du CAE en contrat à durée indéterminée,
– limiter à tout le moins le montant des dommages et intérêts mis à la charge de l’association à la somme d’un euro symbolique,
– réduire le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à l’exact montant tel qu’il résulte des calculs établis par l’association,
– réduire à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts au titre du licenciement
sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause,
– dire et juger qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19, 20 et 21 et L 3253-17 du code du travail.
– dire et juger que son obligation de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement
– déclarer que la décision lui est opposable en sa qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites prévues aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
– dire et juger qu’elle n’est pas tenue de garantir une condamnation éventuelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner Mme [U] [D] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 5 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 20 octobre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 03 novembre 2022.
MOTIFS
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Mme [U] [D] verse aux débats :
-les bulletins de salaire des années 2014, 2015 et 2016
-des feuilles de présence remplies à la main et des tableaux récapitulatifs pour les mêmes années, détaillant jour par jour les horaires du matin et de l’après-midi ainsi que le nombre d’heures réalisées
-les attestations d’anciens salariés déclarant qu’ils étaient surchargés de travail et accomplissaient régulièrement des heures supplémentaires ainsi qu’une lettre dénonçant les conditions de travail
-les feuilles de présence de Mme [JR] et M. [VG]
-un courrier du président de l’association daté du 3 avril 2017 mentionnant que « chaque salarié actualise journellement sa fiche d’horaire de travail ».
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La SELARL Balincourt, ès qualités de mandataire liquidateur de l’association La Ferme de l’Oiselet, produit les éléments suivants :
-le contrat de travail fixant la durée à 35 heures réparties comme suit : lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 9 heures à 12 heures et de 13 heures à 17 heures avec le mardi en repos
-des feuilles de présence mensuelles détaillant les horaires par jour portant des signatures
-les statistiques de l’activité de la ferme avec le nombre de visiteurs accueillis chaque mois
-un tableau détaillant les incohérences relevées et les erreurs des décomptes de la salariée
-des attestations d’anciens salariés et d’un stagiaire mentionnant l’absence d’heures supplémentaires ainsi que celles de personnes extérieures précisant avoir vu la directrice travailler seule le soir
L’appelante prétend avoir signé sous la contrainte les feuilles de présence, ce que confirment Mme [Z] [B], animatrice et M. [J] [VG], agent
comptable.
Ce dernier, employé en CAE du 1er février 2013 au 31 août 2017 déclare « Madame [S] [YT] directrice de la structure faisait du chantage et ne lui remettait ainsi qu’à madame [B] [Z] sa feuille de paie que si elle signait une feuille de présence informatisée ».
Mme [B], en contrat d’avenir en 2015 et 2016, précise quant à elle « Moi-même ainsi que l’ensemble des salariés notions nos heures tous les jours. Les fiches de présence que nous devions signer sous le regard de la directrice [YT] [S] ne correspondaient pas du tout aux véritables heures effectuées. Seulement sous son regard directif et phrase systématique « nous sommes dans une ferme et dans une association, tout le monde doit y mettre du sien et doit donner de son temps », nous n’avions aucune possibilité de les contester ».
Il ressort bien du dossier et notamment d’un courriel du président de l’association du 3 avril 2017 que les salariés remplissaient de manière manuscrite des feuilles en y portant leurs heures de travail.
L’examen des feuilles informatisées produites par l’employeur révèle que celles de juillet 2015, mai et juin 2016 ne sont pas signées, que d’autres ont été modifiées sans contre-signature de la salariée (avril, juin, novembre et décembre 2014, février et août 2015) et que deux comportent des signatures qui ne correspondent manifestement pas à celle de Mme [U] [D] (mai et novembre 2016). Enfin, il manque les feuilles de présence pour les mois de décembre 2015, mars et avril 2016.
L’appelante fournit en outre suffisamment d’attestations confirmant la surcharge de travail et l’accomplissement d’heures supplémentaires, sans que la cour ait besoin de retenir celles des deux autres salariés qui ont saisi la juridiction prud’homale, Mme [JR] et M. [VG].
Ainsi, M. [A] [MF], qui a travaillé en tant qu’agent d’accueil en contrat CEE, déclare précisément « Dans le cadre des colonies de vacances (étés 2014, 2015, 2016), j’atteste avoir travaillé avec [U] [D] en tant qu’animateurs de colonie. Cette responsabilité nous obligeait à rester la nuit sur le lieu de camp prévu à cet effet : de longues journées de travail ont été nécessaires quant à l’encadrement des activités et différents temps de vie. A ces tâches, il nous était confié également les autres travaux quotidiens, rattachés à la fonction d’agent d’accueil de la structure (nourrissage des animaux, soins aux animaux …) ».
Mme [Z] [B], qui a travaillé à la ferme sous contrat d’avenir en 2015 et 2016 en tant qu’animatrice déclare « Les journées à la ferme n’avaient pas de fin. La phrase clé de la directrice [YT] [S] « Qu’est-ce-qui reste à faire’ » annonçait généralement une longue liste de tâche (…). L’été, [U] [D] gérait les séjours avec [A] [MF]. Elle dormait sur place et gérer tout ce qui touchait aux séjours (repas, douche, animation etc…). Plus d’une fois je l’ai vu à bout physiquement et moralement à cause de la pression exercée par la directrice [YT] [S] ».
Mme [G] [H] qui a travaillé en qualité d’agent d’accueil animatrice du 8 avril au 5 juillet 2016 en CEE, indique « surchargée de travail comme toutes les salariées, mes tâches allaient de mes fonctions d’animatrice (soins aux animaux, ménage des locaux et des yourtes). Cette multitude de tâches occasionnant une fatigue extrême (…) J’ai souvent vu lors de la pause déjeuner la directrice systématiquement déranger les animatrices plus anciennes. [D] [U] et/ou [JR] [O]. Ne leur laissant pas le loisir de déjeuner et de profiter de cette coupure salutaire (…). Mademoiselle [D] se retrouvait souvent à devoir travailler le dimanche lorsque la directrice partait en week-end. Et cela avec une semaine bien chargée de travail dans les jambes. Devant de telles conditions de travail, je terminais mon travail et bien que la
directrice m’ait contacté à plusieurs reprises, je n’ai pas donné suite ».
Mme [F] [M], animatrice en CAE du 25 décembre 2012 au 25 juin 2013, indique « Comme l’ensemble des salariés sur la ferme, durant cette période, j’ai été surchargée de travail (ateliers, animation, anniversaire, déplacement, soin aux animaux…). J’ai effectué de nombreuses heures supplémentaires non payées entraînant une énorme fatigue sous la direction de Mme [S] [YT] (…). Nous étions lors de notre pause déjeuner dérangés sans cesse par celle-ci. (…). J’ai participé à de nombreuses manifestations hors de la ferme, surtout le dimanche, heures non rémunérées et non récupérées (…). J’ai effectué de nombreux petits déjeuners à la ferme le dimanche matin lorsque la directrice partait en week-end ».
M. [KO] [L], salarié en CAE, atteste « Mesdames [JR] [O] et [D] [U] étaient surchargées de travail comme l’ensemble des salariés. Celles-ci intervenaient dans tous les domaines : pendant le temps scolaire au travers des divers ateliers pédagogiques, dans la basse-cour pour le nourrissage et les soins aux animaux, préparation repas, ménage (liste non exhaustive) (…). Toutes les deux assuraient aussi toutes les interventions hors ferme (manifestations, crèche, maison de retraite, marché de noël… aidées par [Z] [B]. En fin de journée, chaque salarié remplissait à la main ses horaires de travail sur les feuilles de présence manuelle qui servait à l’établissement de la paie. Les heures supplémentaires effectuées pour l’ensemble des salariés n’étaient pas payées. J’ajoute aussi que tous les séjours mis en place par la ferme étaient assurés par Mme [D] [U] et [MF] [A]. Mme [D] [U] dormait durant ces séjours régulièrement sur la ferme afin d’encadrer ces séjours ».
Mme [K] [RK], stagiaire BAFA du 3 juin au 31 juillet 2015 déclare « toutes les animatrices étaient en surcharge de travail permanentes. Les animatrices [I] [JR] et [U] [D] étaient sans arrêt dérangées pendant leur pause de 12 à 13h par la directrice Mme [S] [YT] pour des raisons professionnelles. Ces 2 dernières effectuées énormément d’heures dans leurs journées déjà bien chargées. Résident sur place pendant mon stage je les ai souvent vu finir aux alentours de 20h/20h30. Pour Melle [D] qui prenait le relais la nuit pendant le séjour des enfants ce qui lui fesait au totale une journée de travail de plus de 11h environ avec les critiques et le stress générait par la directrice ».
Mme [GT] [NM] qui a travaillé sous contrat CEE en tant qu’animatrice cuisine déclare que Mme [U] [D] effectuait « de très nombreuses heures supplémentaires pendant la période scolaire et hors scolaire ce que j’ai pu observer durant mes deux contrats (…) Melle [D] dormait très régulièrement sur place durant les séjours de vacances des enfants ».
Mme [X] [W], agent d’accueil animation du 18 avril au 31 juillet 2014 en contrat d’engagement éducatif et qui a résidé à la ferme indique encore « surchargée de travail, comme tous les autres salariés, les tâches étaient multiples (soins aux animaux, nettoyage des locaux et des yourtes, accueil de groupes scolaires et particuliers, création d’animation, entretien du jardin, participation à des événements extérieurs, préparation des camps d’été…) (…). Tout le personnel a effectué de nombreuses heures supplémentaires. Les interventions extérieures à la ferme étaient réalisées par [D] [U] et [JR] [O] (…). je n’ai pas souhaité prolonger mon contrat de travail, ni même retravailler plus tard à la ferme, et ce, malgré les relances » de la directrice.
L’employeur indique pour sa part que de nombreux salariés et stagiaires de la ferme attestent au contraire que les horaires de travail étaient systématiquement respectés.
Cependant, le témoignage de M. [AZ] [R], qui a été stagiaire pendant
16 semaines, n’apporte aucun élément sur l’absence de réalisation d’heures supplémentaires, dans la mesure où il indique simplement avoir vu M. [VG] utiliser l’ordinateur à des fins personnelles ou comploter régulièrement avec Mme [U] [D] contre la direction de la ferme.
M. [OU] [P], qui a travaillé quatre mois à la ferme comme cuisinier et animateur, déclare pour sa part « ce fut une bonne expérience de travail, Mme [S] [YT] fut une bonne rencontre, dans sa vision du bon fonctionnement de sa structure, elle y donne de son temps et pour la faire fonctionner, j’y est donner du mien, comme tout bon employé ». Il confirme donc avoir effectué des heures supplémentaires.
Mme [UX] [N], qui a effectué un stage au printemps 2017, relève le « management bienveillant et participatif » de la directrice qui faisait confiance au personnel. Elle n’apporte aucun élément au débat.
Seuls Mme [WE] [XV], qui a été vacataire deux mois en 2010, cinq mois en 2011 et deux mois en 2013, déclare « les heures de travail ainsi que les temps de pause ont toujours été respectés » et M. [V] [T] qui a travaillé du 9 mars au 8 septembre 2012 puis du 9 novembre au 24 décembre 2015 indique n’avoir jamais été poussé par Mme [S] à travailler au delà de ses horaires de travail et l’avoir entendu à plusieurs reprises dire aux employés de la ferme de rentrer chez eux une fois leurs heures terminées.
Mais, le fait que M. [C] précise que, pour son fils qui a effectué un stage de moins de deux mois, les horaires de la convention de stage ont été respectés ne signifie pas que les salariés n’effectuaient pas d’heures supplémentaires.
Par ailleurs, l’attestation du fils de Mme [S], également gérant de l’EARL Domaine de l’Oiselet, qui déclare notamment que Mme [U] [D] restait en dehors de ses heures de travail « à traîner », est peu probant au regard des différents témoignages cités précédemment.
Enfin, une voisine et deux clients venus ponctuellement à la ferme ne peuvent attester de la réalité quotidienne et des horaires de travail des salariés.
Mme [U] [D] répond ensuite point par point aux incohérences que l’employeur indique avoir relevées.
Ainsi, pour février, mars et mai 2014, la salariée ne réclame aucune heure supplémentaire, de sorte qu’il ne peut être retenu d’incohérences.
Il convient de relever également que le courriel du 13 décembre 2014 adressé par la directrice prévoit bien que Mme [U] [D] travaillait le mardi 23 décembre, contrairement à ce que mentionne le relevé informatique et il n’est pas produit les demandes de récupération ou de repos.
L’épisode neigeux des 3 et 4 février 2014 n’empêchait pas la circulation dans le Vaucluse à la lecture des informations provenant de Météo France.
Le bulletin de salaire de juillet 2015 ne mentionne pas de récupération pour les journées des 13 au 15.
Mme [U] [D] a manifestement travaillé les samedi et dimanche 1er et 2 août 2015 selon l’horaire qu’elle indique puisque la ferme organisait pour la 20ème année la traditionnelle fête de la biodiversité qui se clôturait à 19 heures le dimanche.
Il est vrai cependant que Mme [U] [D] indique avoir été en congés les deux premières semaines de janvier 2015 alors que la demande de congés signée produite et le bulletin de salaire montrent que les congés ont été pris du 12 au 22 janvier puis le 24 janvier 2015.
Si la salariée indique également avoir travaillé le mardi 15 septembre 2015 de 9h à 12h20 puis de 13h à 19h alors que le bulletin de paie mentionne qu’elle était en congé ce jour-là, il n’est toutefois pas produit la demande de congés signée.
On peut effectivement s’interroger sur la mention d’un début de journée à 9 heures le 3 novembre 2015 alors que la salariée amenait son chat à 8h30 chez le vétérinaire à une dizaine de kilomètres du lieu de travail.
Mme [U] [D] reconnaît une erreur matérielle pour le 8 février 2016, elle était en formation et non en repos.
Elle justifie par ailleurs qu’un séjour Sport & Nature s’est déroulé du 8 au 13 août 2016 et qu’elle gérait tous les séjours d’été en 2014, 2015 et 2016.
Quant aux 4 et 25 septembre 2016, Mme [U] [D] indique avoir remplacé Mme [Z] [B] et l’employeur n’apporte aucun élément contredisant ce point.
Il est vrai enfin que Mme [U] [D] a travaillé le 28 décembre 2016 jusqu’à 14 heures puisqu’elle a invoqué une altercation avec Mme [E] [S] mais en tout état de cause, il ressort du bulletin de paie du mois de décembre 2016 qu’il n’y a pas eu de retenue et que la journée lui a intégralement été payée.
Enfin, s’agissant des statistiques de fréquentation établies par l’employeur, elles ne sont corroborées par aucun autre document et elles ne tiennent pas compte de la location des yourtes et des repas, sachant que la salariée gérait aussi ces activités.
Il convient donc, au regard des éléments produits par l’une et l’autre des parties, tenant compte de l’absence de valeur probante des décomptes informatisés et de quelques incohérences relevées dans les feuilles de présence manuscrites, de faire droit à la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires à hauteur de 29 153,21 euros, outre 291,53 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
L’article L. 8221-5, 2° du code du travail dispose qu’est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de ‘mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie’.
L’élément intentionnel du travail dissimulé est bien caractérisé en l’espèce dans la mesure où l’association a sciemment fait travailler la salariée au-delà de la durée légale du travail sans jamais la rémunérer d’aucune heure supplémentaire.
Quelle que soit l’utilité sociale de la ferme pédagogique, la directrice ne pouvait justifier cette réalité en expliquant que dans une association chacun doit donner de son temps.
En application de l’article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Etant rappelé que cette indemnité doit être calculée en fonction des heures supplémentaires réalisées par le salarié au cours des six derniers mois qui
précédent la rupture du contrat, il convient donc d’accorder la somme de 10 787 euros correspondant au montant des six derniers mois de salaire, heures supplémentaires incluses.
Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
En vertu de l’article L. 5134-110 du code du travail, l’emploi d’avenir a pour objet de faciliter l’insertion professionnelle et l’accès à la qualification des jeunes sans emploi âgés de seize à vingt-cinq ans au moment de la signature du contrat de travail soit sans qualification, soit peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, par leur recrutement dans des activités présentant un caractère d’utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d’emplois.
Conformément à l’article L. 5134-115 du même code, le contrat de travail associé à un emploi d’avenir peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée. Lorsqu’il est à durée déterminée, il est conclu pour une durée de trente-six mois.
Selon l’article L. 5134-112, l’emploi d’avenir est conclu sous la forme soit d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi, soit d’un contrat initiative-emploi.
Le contrat d’accompagnement dans l’emploi est un contrat de droit privé et lorsqu’il est à durée déterminée, il est conclu en application de l’article L. 1242-3.
Il peut, par exception au régime de droit commun des contrats à durée déterminée, être contracté pour pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
En l’espèce, Mme [U] [D], alors âgée de 22 ans, a été embauchée en qualité d’agent d’accueil et d’entretien par la [Adresse 9], créée en 2002 et dont l’activité consistait à faire découvrir le fonctionnement et la vie d’une ferme.
Conformément à l’article L. 5134-111, la Ferme pédagogique de l’Oiselet, association loi 1901, était susceptible de conclure un tel contrat et l’article 3 fait référence aux dispositions des articles L. 5134-112 et L. 5134-115 du code du travail.
Mme [U] [D] ne prétend pas en outre ne pas faire partie des jeunes visés par les dispositions relatives au contrat d’avenir et la demande d’aide mentionne qu’elle était inscrite à Pôle emploi depuis 6 à 11 mois.
Le formulaire de demande d’aide signé par Mme [U] [D] et annexé au contrat d’emploi d’avenir mentionne également les actions d’accompagnement professionnel (aide à la prise de poste, élaboration du projet professionnel et appui à sa réalisation) et de formation prévues (adaptation au poste de travail, acquisition de nouvelles compétences, formation qualifiante). La directrice de la structure étant désignée tutrice et l’organisme chargé du suivi était la Mission locale Haut Vaucluse.
Le fait par ailleurs qu’elle a été recrutée pour pourvoir un poste relevant de l’activité normale et permanente de l’entreprise n’est pas susceptible d’entraîner une requalification du contrat litigieux en contrat de travail à durée indéterminée.
S’il n’est pas contestable que l’association a eu recours essentiellement à des contrats aidés depuis sa création en 2002, cela ne démontre par pour autant un détournement des dispositions légales dans le cas de Mme [D].
Par ailleurs, le contrat emploi d’avenir est un contrat d’insertion qui instaure au bénéfice de l’employeur une aide financière et des exonérations de charges sociales qui ont pour contrepartie essentielle les engagements pris par ce dernier en termes d’accompagnement professionnel et d’actions de formation en faveur du bénéficiaire du contrat aidé, avec pour finalité une insertion sociale et professionnelle durable ; l’obligation de formation constitue un élément essentiel de ces contrats aidés et à défaut de formation, le contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée.
Mme [U] [D] fait valoir que l’employeur n’a pas répondu à son obligation de formation, au regard des dispositions des articles L. 5134-114 et L. 5134-117.
Les engagements tripartites initiaux mentionnaient les certifications ou qualifications dont l’obtention pouvait être envisagée au terme de l’emploi : finaliser le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateurs (BAFA), certification d’aptitude professionnelle au transport d’animaux vivants (CAPTAV), brevet d’aptitude aux fonctions de directeur (BAFD) durant les années 2015 et 2016, formations internes/réseau goutte d’eau.
L’employeur justifie avoir inscrit Mme [U] [D] à un stage BAFD pour la période du 21 au 29 novembre 2015 à [Localité 7]. La salariée a bien signé le bulletin d’inscription et n’explique pas pourquoi elle n’y a pas participé alors que l’employeur indique pour sa part qu’elle n’a pas donné suite car elle trouvait la formation trop éloignée et espérait en trouver une plus proche.
Mme [U] [D] a été inscrite à un autre stage BAFD à [Localité 8] qui devait se dérouler du 14 au 25 novembre 2016, l’association ayant réglé le montant de la formation mais cette dernière a été annulée par l’organisme le 3 novembre 2016, faute d’inscrits suffisants, ce qui ne relève pas de la responsabilité de l’employeur qui n’est pas tenu d’une obligation de résultat. Il sera relevé en outre que le bilan final des formations établi par le référent du suivi personnalisé de la Mission locale du Haut Vaucluse mentionne qu’elle est inscrite à l’IFAC et attend de connaître une date suite à l’annulation.
La salariée a par ailleurs pu valider le BAFA le 9 décembre 2014.
L’attestation d’expérience professionnelle remise à la salariée à l’issue de l’emploi d’avenir montre qu’elle a obtenu les CAPTAV volailles, ovins et lapins.
Mme [U] [D] a en outre bénéficié d’une formation intitulée « Goutte d’eau » le 3 juin 2014 consacrée à l’éducation à l’environnement et a participé, avec les autres salariés, à une formation les 8 et 9 février 2016 d’une durée de 14 heures intitulée « créer une séance adaptée : visite – atelier pédagogique ».
Il n’est enfin pas contesté qu’elle a aussi bénéficié d’une formation à [Localité 11] sur l’éveil des cinq sens organisée par la MSA et de plusieurs formations dispensées par la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.
L’employeur a donc rempli son obligation de formation et d’accompagnement professionnel, comme cela ressort du bilan final établi par le référent de la mission locale et signé par la salariée qui indique « [U] est satisfaite des 3 années de contrat. Elle a beaucoup appris et apprend encore tous les jours. Elle s’est forgée une solide expérience, a acquis de nouvelles compétences en animation et soin des animaux et entretien des jardins ». Elle souhaitait d’ailleurs créer une « ferme itinérante ».
Il convient donc, par ces motifs ajoutés, de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de requalification.
Sur la rupture du contrat de travail et les demandes indemnitaires au titre de la requalification
En l’absence de requalification du contrat de travail, il n’y a pas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la relation contractuelle ayant pris fin au terme prévu du 16 février 2017.
Les demandes ici formulées, y compris au titre de l’absence de formation, seront donc rejetées et le jugement confirmé.
Sur la priorité d’embauche
Selon l’article L. 5134-115 du code du travail, « le bénéficiaire d’un emploi d’avenir en contrat de travail à durée déterminée bénéficie d’une priorité d’embauche durant un délai d’un an à compter du terme du contrat. L’employeur l’informe de tout emploi disponible et compatible avec sa qualification ou ses compétences. »
Mme [U] [D] reproche à l’employeur de ne pas l’avoir informée des emplois disponibles et compatibles avec sa qualification dans l’année de la fin de son contrat d’avenir, en violation de l’article L. 5134-115 du code du travail, alors que depuis il a recruté plusieurs personnes.
Le mandataire liquidateur fait valoir que Mme [U] [D], qui a affiché publiquement son intention de poursuivre l’association devant la juridiction prud’homale, n’a jamais eu l’intention de retourner y travailler et n’aurait jamais accepté aucune proposition d’emploi. Elle ne justifie d’aucun préjudice, ne donnant pas d’éléments sur sa situation post-contractuelle.
Mme [U] [D] produit au débat un extrait de la page Facebook de la Ferme de l’Oiselet recherchant en mars et septembre 2017 une animatrice avec BAFA validé, sans qu’il ne soit contesté que ce poste correspondait à sa qualification ou ses compétences.
Or, il appartenait à l’association de l’informer de l’existence de ce poste disponible, étant précisé que l’information diffusée par le biais d’un page Facebook ou d’un site internet ne suffit pas à satisfaire cette obligation.
Mme [U] [D] justifie de sa situation post-contractuelle en produisant les courriers de Pôle emploi montrant qu’elle a été admise au bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi à compter de la fin de son contrat de travail à durée déterminée. Elle a bénéficié de différentes formations et elle a occupé un emploi du 2 mai au 31 juillet 2018.
Si effectivement, l’on peut s’interroger sur l’intention de Mme [U] [D] de vouloir travailler à nouveau pour une structure dont elle a dénoncé les conditions de travail, il reste que lors de l’évaluation de fin de contrat, la Mission locale du Haut Vaucluse relevait qu’elle était déçue que son poste ne soit pas pérennisé en contrat de travail à durée indéterminée.
Il convient, au vu de l’ensemble de ces éléments, d’indemniser Mme [U] [D] à hauteur de 500 euros.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande à ce titre.
Sur les demandes accessoires et les dépens
Il y a lieu, conformément à la demande, d’ordonner la délivrance par le mandataire liquidateur des bulletins de salaire dans les termes du dispositif du présent arrêt. Il n’y a pas lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte.
Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la
procédure collective.
Il sera accordé à Mme [U] [D] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
-Confirme le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes d’Orange en ce qu’il a :
-débouté Mme [U] [D] de ses demandes au titre de la requalification du contrat d’avenir en contrat de travail à durée indéterminée et des indemnités en découlant ainsi qu’au titre du manquement à l’obligation de formation
-débouté le défendeur de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-L’infirme pour le surplus,
-Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
– Fixe ainsi que suit la créance de Mme [U] [D] :
-29 153,21 euros au titre des heures supplémentaires réalisées outre 291,53 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés
-10 787 euros d’indemnité de travail dissimulé
-500 euros au titre du non respect de la priorité d’embauche
-2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l’état des créances de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société,
– Ordonne au mandataire liquidateur de délivrer des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans les deux mois de la notification du présent arrêt,
– Rappelle qu’en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
– Dit que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2017, jour de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires, arrêtées par le présent arrêt, postérieur au jugement d’ouverture de la procédure collective ne peuvent produire d’intérêts, tenant l’arrêt légal du cours des intérêts.
– Ordonne la capitalisation des intérêts, laquelle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil mais se trouve privée d’effet à partir de l’ouverture de la procédure collective le 24 mai 2019.
– Donne acte à l’AGS – CGEA de ce qu’elle revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en ‘uvre du régime d’assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,
-Rejette le surplus des demandes,
– Rappelle que le décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale a été abrogé par l’article 10 du décret n°2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice,
-Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,