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Savoir-faire : 31 janvier 2024 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/02483

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Savoir-faire : 31 janvier 2024 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/02483

31 janvier 2024
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
21/02483

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 31 JANVIER 2024

N° RG 21/02483 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G37F

[P] [I]

C/ S.A.S. TRANSDEV RHONE ALPES représentée par son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHAMBERY en date du 14 Décembre 2021, RG F 20/00208

Appelante

Mme [P] [I]

née le 16 Février 1969 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3] – [Localité 4]

Représentée par Me Frédéric MATCHARADZE de la SELARL FREDERIC MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimée

S.A.S. TRANSDEV RHONE ALPES représentée par son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1] – [Localité 2]

Représentée par Me Marie GIRARD-MADOUX de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Mars 2023 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Présidente,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

Madame Françoise SIMOND, Conseillère,

qui en ont délibéré

assistés de Mme Capucine QUIBLIER, Greffier à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

********

Mme [P] [I] a été employée par la société Transdev Rhône-Alpes Interurbain par le biais d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2016, en qualité d’assistante ressources humaines, statut d’agent de maitrise, coefficient 185, groupe 5 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 2015, moyennant une rémunération mensuelle de 1.923,00 € bruts, outre une prime de 13ème mois, pour une durée de travail hebdomadaire fixée à 38 heures et 50 minutes.

Par avenant du 6 mars 2018 le contrat initial s’est vu agrémenté d’une prime d’objectifs annuelle.

Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée percevait un salaire mensuel de base de 2.077 € bruts.

Une convention de rupture a été signée entre les parties le 6 décembre 2018, prévoyant une cessation définitive du contrat de travail au 28 février 2019 sous réserve de son homologation par la Direccte.

La salariée a été en arrêt de travail du 20 décembre 2018 au 18 janvier 2019.

Par courrier du 21 décembre 2018, Mme [I] [P] a demandé à son employeur d’avancer la date effective de la rupture conventionnelle de son contrat de travail au 15 janvier 2019 en lui adressant, par ailleurs, un récapitulatif de l’ensemble des documents et sommes devant lui être transmis à cette date.

Le contrat de travail a été définitivement rompu, d’un commun accord, le 16 janvier 2019, soit le lendemain de l’expiration du délai, valant homologation de la rupture conventionnelle, par la Direccte.

Par requête déposée le 11 décembre 2020, Mme [I] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Chambéry pour solliciter des rappels de salaires et de primes, ainsi que des dommages-intérêts du fait d’une communication tardive des documents de fin de contrat.

Par jugement du 14 décembre 2021, le conseil de prud’hommes de Chambéry a:

-Ecarté les pièces n°18 et 19 produites par Mme [P] [I],

-Jugé que Mme [P] [I] n’a pas été victime d’inégalité de traitement,

-Jugé que la demande de primes de Mme [P] [I] est infondée,

-Jugé que la demande au titre du préjudice causé par la communication tardive des documents de fin de contrat est infondée,

-Débouté Mme [P] [I] de l’intégralité de ses demandes,

-Dit qu’il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’une ou l’autre des parties,

-Laissé les éventuels dépens à la charge de Mme [P] [I].

Par déclaration enregistrée au greffe le 22 décembre 2021 par RPVA, Mme [I] [P] a interjeté appel de cette décision.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées le 23 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de ses prétentions et moyens, Mme [I] [P] demande à la Cour de:

-Dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,

-Débouter la société Transdev Rhône-Alpes de l’ensemble de ses demandes, moyens et prétentions,

-Fixer à 2.612.59 € le salaire moyen de référence,

-Infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Chambéry en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes,

-Statuant à nouveau,

-Condamner la société Transdev Rhône-Alpes à payer à Mme [I] un rappel de salaire de 20.178,60 € bruts, outre 2.017,86 € de congés payés afférents,

-Condamner la société Transdev Rhône-Alpes à payer à Mme [I] les sommes de:

”150 € à titre de rappel de prime, relatif à la prime de revalorisation salariale,

”563,42 € à titre de rappel de prime de 13 ème mois pour l’année 2018,

”108,86 € à titre de rappel de prime de 13 ème mois pour l’année 2019,

”232,54 € à titre de rappel de prime, correspondant à la prime d’objectif pour l’année 2018,

”5.225.00 € au titre du retard de communication des documents de fin de contrat,

-Condamner la société Transdev Rhône-Alpes à payer à Mme [I] une somme de 2.640.00€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

-Condamner la société Transdev Rhône-Alpes à payer à Mme [I] une somme de 2 400.00€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant la Cour d’appel,

-Condamner la société Transdev Rhône-Alpes aux entiers dépens de l’instance et d’exécution, dont notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement.

Au soutien de ses prétentions, Mme [I] [P] fait valoir que:

Suite au comportement déloyal de son employeur (ajout de nouvelles tâches, refus d’en discuter, commentaires désobligeants), elle a pris l’initiative de demander une rupture conventionnelle.

Les documents de fin de contrat ne lui ont été envoyés que début mars 2019 et n’étaient pas corrects.

Elle s’est rendue compte d’une rupture d’égalité flagrante concernant sa rémunération, comparativement à celle de Mme [C] [Z], salariée qui l’avait précédée, alors qu’elles avaient occupé, toutes les deux, le même poste, avec la même classification (même coefficient et même groupe), et la même ancienneté de départ, sachant qu’elles étaient, de plus, placées sous la responsabilité du même directeur.

Estimant avoir fait l’objet d’une différence de traitement injustifiée, elle a naturellement produit le contrat de travail à durée déterminée et les bulletins de paie de Mme [Z] de janvier à juin 2016, pour en démontrer la réalité.

En matière prud’homale la preuve est libre. Cette liberté n’est limitée que par l’abus. Le respect de la vie personnelle d’un salarié ne constitue pas un obstacle à la communication de certaines pièces dès lors que celles-ci sont rendues nécessaires à la protection des droits d’un autre salarié.

La Cour de cassation rappelle le principe de proportionnalité lorsque deux droits fondamentaux s’affrontent, d’un côté le droit à la vie privée et, de l’autre, les droits de la défense.

Une inégalité de traitement ne peut être appréciée qu’en comparant les contrats de travail et les bulletins de paie des salariées intéressées. Il est évident que ces éléments étaient indispensables à la défense de ses intérêts et à la parfaite information de la juridiction.

Les pièces critiquées ont été obtenues dans l’exercice normal de ses missions d’assistante ressources humaines, sans aucun vol. Elle n’a dévoilé aucune information confidentielle. En tout état de cause, deux nouvelles pièces, sur lesquelles les informations jugées confidentielles par l’employeur ont été floutées, sont versées aux débats.

Malgré une identité de poste, une différence de rémunération à l’embauche est à noter entre les deux salariées. Même après deux années d’ancienneté, sa rémunération était toujours bien en deçà de celle accordée à Mme [Z].

La durée ponctuelle (6 mois) du contrat de Mme [Z] ne saurait légitimer une rémunération supérieure, sachant qu’elle est déjà compensée par une prime de précarité de 10% et une indemnité de congés payés.

L’employeur ne démontre pas que cette différence de traitement (689.59 € par mois à temps de travail équivalent) est justifiée par des éléments objectifs.

Une formation spécifique peut justifier une inégalité de traitement si elle est « immédiatement en phase avec l’activité de l’entreprise ». Le seul fait que Mme [Z] bénéficie d’une formation Bac+5 n’est pas suffisant, encore faut-il que le diplôme en question soit en corrélation avec le poste occupé.

L’égalité de traitement s’applique même entre les salariés sous CDD et les salariés sous CDI (article L.1242-15 du code du travail).

S’il existe une différence entre les deux salariées, elle relève sans conteste de leurs vies personnelles. Elle ne saurait, en aucun cas, justifier un écart de salaire basé sur des discriminations.

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat n’est évidemment pas la prime de revalorisation salariale.

La rupture de son contrat de travail résulte d’une négociation concertée. En conséquence, la société Transdev savait pertinemment pour quelle date émettre les documents de fin de contrat et en connaissait le contenu à l’avance.

Pour autant, la société Transdev ne lui a pas adressé les bons documents. Ce comportement ne saurait revêtir une autre qualification que celle de la réticence dolosive.

Cette tardiveté à communiquer les documents de fin de contrat lui a causé un préjudice financier.

*

Suivant conclusions d’intimée notifiées le 21 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de ses prétentions et moyens, la SasTransdev Rhône-Alpes, demande à la Cour de:

A titre principal,

-Débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes,

-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-Condamner Mme [I] à verser à la société Transdev Rhône-Alpes la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des frais de procédure et entiers dépens,

Subsidiairement,

Limiter le montant des rappels de salaire sollicités aux sommes suivantes :

-3.572,96 € bruts à titre de rappel de salaire, outre 357,29 € bruts au titre des congés payés afférents,

-250,83 € bruts à titre de solde de 13ème mois pour l’année 2018,

-Débouter Mme [I] du surplus de ses demandes.

La SasTransdev Rhône-Alpes soutient que:

Les documents de fin de contrat de Mme [I] lui ont été remis et toutes les sommes dues lui ont été versées (salaires et primes).

La salariée échoue à démontrer la réalité d’une rupture d’égalité de traitement, notamment de ce qu’elle se trouvait dans une situation similaire à Mme [Z] et de ce qu’elle avait un salaire inférieur à cette dernière. Leur temps de travail était identique.

Un employeur peut librement déterminer des rémunérations différentes en fonction des compétences et capacités objectives de chacun des salariés.

L’employeur peut justifier un écart de rémunération entre des salariés ayant un travail égal ou de valeur égale en invoquant une différence portant sur l’expérience et le diplôme.

Mme [I], sur qui repose la charge de la preuve, ne démontre pas en quoi les deux salariées disposaient d’un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un diplôme, de capacités découlant de l’expérience acquise et de responsabilités équivalentes.

Mme [I] a produit le contrat de travail de Mme [Z], ainsi que ses bulletins de salaire, la copie de sa carte vitale et de sa pièce d’identité. A aucun moment elle ne justifie avoir sollicité l’accord de Mme [Z] quant à la production en justice de ces éléments, obtenus de manière déloyale, laquelle porte clairement atteinte à sa vie privée.

Le calcul de Mme [I] est faussé par la non prise en compte des RTT, des augmentations dont elle a bénéficié, et de sa rémunération variable (prime d’objectifs).

En tout état de cause, elle justifie, par des éléments objectifs, la différence de rémunération entre les deux salariées, laquelle résulte d’une disparité incontestable de compétences, de diplômes et d’expériences dans le domaine des ressources humaines.

Le fait que des mentions manuscrites aient été portées sur le CV de Mme [Z] (’31 ans, mariée, sans enfants’), et que Mme [I] ait dû, après avoir été recrutée, renseigner, compte tenu des obligations légales pesant sur l’employeur en matière d’embauche d’un travailleur étranger ou d’un salarié porteur de handicap, une fiche contenant des informations personnelles, ne suffit pas à établir que l’âge, la situation maritale et familiale, auraient constitué des critères pour la fixation de leurs salaires respectifs. Mme [I] ne tire, en outre, aucune conséquence de ses allégations.

La prime qualifiée de revalorisation salariale par la salariée lui a été valablement versée sous l’intitulé « prime PEPA ».

Il n’était pas contractuellement prévu que la prime de 13ème mois soit proratisée en cas de départ de l’entreprise en cours d’exercice, de sorte qu’elle n’est pas due à la salariée en 2019.

Elle n’avait aucune obligation d’envoyer les documents de fin de contrat à Mme [I], ceux-ci étant quérables et non portables.

Le retard de communication de ces documents à la salariée ne lui a causé aucun préjudice, puisqu’elle ne le démontre pas. Elle n’aurait, de toute manière, pas pu percevoir les indemnités de chômage avant l’écoulement d’un certain délai correspondant au différé de paiement.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 09 janvier 2023.

La date des plaidoiries a été fixée à l’audience du 09 mars 2023.

L’affaire a été mise en délibéré au 08 juin 2023, prorogé au 31 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur l’inégalité de traitement

Le principe « à travail égal, salaire égal » signifie que si rien ne distingue objectivement deux salariés (même travail, même ancienneté, même formation, même qualification), ils doivent percevoir le même salaire (Cass. soc., 15 déc. 1998, n° 95-43.630 ; Cass. soc., 10 oct. 2000, n°98-41.389 ; Cass. soc., 20 juin 2001, n°99-43.905).

Cela vaut également pour les accessoires de rémunération, le principe englobant « le salaire ou traitement ordinaire brut de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature par l’employeur».

L’employeur est dès lors tenu d’assurer une égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

La notion de travail de valeur égale s’entend des « travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse » (C. trav., art. L. 3221-4).

Le régime de la preuve des inégalités de traitement est le même que celui prévu à l’article L.1134-1 du code du travail en matière de discrimination : « S’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe “à travail égal, salaire égal” de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité (‘), il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence » (Cass. soc., 28 sept. 2004, n°03-41.825). Autrement dit, c’est à celui qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare (Cass. soc., 4 avr. 2018, n°16-27.703). Et c’est ensuite à l’employeur de démontrer la justification de la différence constatée (note explicative de la Cour de cassation aux arrêts du 4 avril 2018, n°16-27.703, n°17-11.680 et n°17-11.814).

Lorsqu’un collaborateur s’estime victime d’une inégalité salariale, mais ne possède pas « les éléments de fait (en) laissant supposer l’existence », il peut demander au juge des référés d’ordonner à l’employeur la production des bulletins de paye d’autres salariés ayant des postes comparables (Cass. soc., 19 déc. 2012, n°10-20.526). Le respect de la vie personnelle du salarié et le secret des affaires ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures demandées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.

Le constat d’une différence de salaire injustifiée doit se solder par l’alignement de la rémunération du salarié lésé sur celle du ou des collègues qui se trouvent dans la même situation. Cet alignement sera généralement assorti d’un rappel de salaire. Cette régularisation est bien sûr limitée à la période non prescrite. Elle ne peut donc porter sur plus de trois ans (C. trav., art. L. 3245-1).

Pour apprécier si le principe d’égalité de traitement est, ou non, respecté à l’égard d’un salarié, la Cour de cassation prend en compte l’ensemble des avantages dont il bénéficie et qui ont le même objet que ceux attribués aux autres salariés auxquels il se compare.

Le jugement prud’homal, ou l’arrêt de la Cour d’appel, constatant ou non une rupture d’égalité doit reposer sur une analyse comparée de la situation réelle du salarié par rapport à celle de ses collègues (Cass. soc., 22 oct. 2014, n°13-18.362 ; Cass. soc., 9 déc. 2014, n°13-16.045 et n°13-16.731). Il doit notamment vérifier si la différence de traitement contestée est ou non justifiée. La Cour de cassation ne se satisfait pas de « motifs généraux, voire hypothétiques » (Cass. soc., 10 déc. 2008, n°07-42.703).

En principe, le diplôme et l’expérience professionnelle peuvent justifier une différence de salaire. Encore faut-il que l’un et l’autre soient en relation avec les exigences du poste et les responsabilités exercées effectivement (Cass. soc., 9 déc. 2003, n°01-43.039 ; Cass. soc., 17 mars 2010, n°08-43.088).

Selon la Cour de cassation, un diplôme d’un niveau inférieur à celui d’un autre salarié, dont le diplôme n’atteste pas de compétences particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée, ne justifie pas une rémunération inférieure, dès lors que le salarié demandeur justifie d’une expérience professionnelle beaucoup plus longue que celle du salarié mieux rémunéré (Cass. soc., 27 juin 2012, n°11-10.858).

Il a également été considéré que la seule différence de diplômes, alors qu’ils sont d’un niveau équivalent, ne permettait pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exerçaient les mêmes fonctions, sauf s’il était démontré par des justifications, dont il appartenait au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique attestait de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée (Cass. soc., 16 déc. 2008, n°07-42.107 ; Cass. soc., 11 janv. 2011, n°09-66.785).

A contrario, il a été jugé que la possession d’un diplôme spécifique, utile à l’exercice de la fonction occupée, pouvait justifier une différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail et possédant des diplômes d’un niveau équivalent (Cass. soc., 24 mars 2010, n°08-42.093).

De même, la possession de diplômes, utiles à l’exercice des fonctions occupées, mais sanctionnant des formations de durée et de niveau différents, constitue une raison objective justifiant une différence de rémunération (Cass. soc., 17 mars 2010, n°08-43.088 et n°08-43.089).

Une identité de diplôme n’est toutefois pas indispensable pour que la comparaison s’opère. Il suffit que les salariés bénéficient de niveaux de formation comparables (Cass. soc., 11 juill. 2007, n°05-45.324).

La Cour de cassation semble, par ailleurs, faire de l’expérience professionnelle acquise, autant dans l’entreprise qu’à l’extérieure de celle-ci, un élément suffisant pour caractériser une différence de situation propre à justifier une différence de salaire (Cass. soc., 15 nov. 2006, n°03-47.924 ; Cass. soc., 15 nov. 2006, n°03-47.156).

L’expérience professionnelle acquise auprès d’un précédent employeur ne peut justifier une différence de salaire qu’au moment de l’embauche et pour autant qu’elle soit en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées. En revanche, elle n’est pas à même de justifier une progression salariale plus rapide (Cass. soc., 11 janv. 2012, n°10-19.438).

En l’espèce, pour justifier de l’inégalité de rémunération alléguée, Mme [I] a produit le contrat de travail de Mme [Z] [C] avec la copie de sa carte vitale et de sa pièce d’identité (pièce n°18), ainsi que ses bulletins de salaire de janvier à juin 2016 (pièce n°19).

La Sas Transdev Rhône-Alpes fait valoir que Mme [I] n’a jamais sollicité l’accord de Mme [Z] quant à la production en justice de ces documents, obtenus, de son point de vue, de manière déloyale, laquelle est de nature à porter atteinte à sa vie privée.

Si la preuve est libre en matière prud’homale, elle ne doit, toutefois, pas résulter d’une volonté frauduleuse.

Un salarié, lorsque cela est strictement nécessaire à l’exercice des droits de sa défense dans un litige l’opposant à son employeur, peut produire en justice des documents dont il a connaissance à l’occasion de ses fonctions (Cass. soc., 30 juin 2004, n°02-41.720).

Lorsqu’il s’agit de documents contenant des données personnelles, leur production doit être nécessaire à l’administration de la preuve et l’atteinte au respect de la vie privée doit être proportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 9 nov. 2016, n°15-10.203).

En l’espèce, le conseil de prud’hommes a écarté des débats les pièces n°18 et 19 produites par Mme [I] au motif qu’ ‘il est constant de dire que les données personnelles d’une personne telles que l’âge, le salaire, l’adresse personnelle, la domiciliation bancaire et l’existence d’arrêts de travail pour maladie, ne peuvent être transmis sans un accord préalable et que sans cet accord il y a existence d’une atteinte à la vie privée constitutif d’un trouble manifestement illicite’.

La Cour observe que dans le corps de ses conclusions récapitulatives, Mme [I] consacre un développement spécifique à la recevabilité de ses pièces n°18 et 19, alors que dans le dispositif de celles-ci, il n’est rien demandé à leur sujet, ni confirmation, ni infirmation de la décision attaquée.

La Sas Transdev Rhône-Alpes sollicite, quant à elle, dans le dispositif de ses conclusions d’intimée, la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, de sorte que la Cour, liée par les conclusions respectives des parties, ne peut que confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.

En cause d’appel, Mme [I] produit, à nouveau, le CDD (flouté pour partie) et les bulletins de salaire (floutés pour partie) de Mme [Z], en prenant soin, cette fois-ci, de rayer toute information confidentielle (adresse, numéro de sécurité sociale, mode de paiement du salaire).

La société Transdev Rhône-Alpes est taisante sur la recevabilité de ces nouvelles pièces, numérotées respectivement 28 et 29, de sorte qu’il convient de les exploiter au même titre que les autres, dans le cadre de l’analyse comparée de la situation réelle de la salariée par rapport à celle de la collègue qui l’a précédée.

Ainsi, il ressort des mentions figurant dans leurs contrats de travail respectifs que:

Mme [P] [I] a été employée par la société Transdev Rhône-Alpes Interurbain par le biais d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juillet 2016, en qualité d’assistante ressources humaines, statut d’agent de maitrise, coefficient 185, groupe 5 de la convention collective applicable, moyennant un salaire mensuel de 1.923,00 € bruts, outre une prime de 13ème mois, pour un horaire de travail de 38 heures et 50 minutes par semaine, permettant l’attribution de 20 jours de RTT par année civile complète.

Mme [C] [Z], à laquelle elle compare sa situation, a été embauchée en contrat de travail à durée déterminée du 4 janvier 2016 au 30 juin 2016, en qualité d’assistante ressources humaines avec une classification correspondant au coefficient 185, groupe 5, techniciens et agents de maitrise, moyennant une rémunération incluant un salaire de base forfaitaire de 2.300€ bruts par mois, outre un 13ème mois égal au salaire mensuel brut du mois de décembre de l’année de référence, sans que le volume global d’heures de travail annuel ne soit précisé.

De ces éléments, il apparait, dès lors, que les deux salariées ont été embauchées:

-pour le même poste (assistante ressources humaines),

-sous la responsabilité du même supérieur hiérarchique direct (directeur de ressources humaines),

-avec la même classification (coefficient 185, groupe 5).

Pour autant, et même dans l’hypothèse où, comme prétendu par l’employeur, leur temps de travail aurait été identique, ce qui est contesté par Mme [I] (alléguant une différence annuelle de 150,5 heures en incluant ses 20 jours de RTT), il existe, à la lecture de leurs contrats de travail respectifs, une différence, s’agissant du seul salaire de base, de 377€ bruts par mois, sachant que les deux salariées bénéficiaient, par ailleurs, toutes les deux, d’une prime de 13ème mois.

Il est à préciser que, par la suite, dès le mois d’août 2016, le salaire de base de Mme [I] a été porté à 2.004,79 € bruts par mois, puis à 2.016,82 à compter de mars 2017, et à 2.077 en mars 2018.

Ainsi, comme relevé par la salariée, il s’avère que même après deux années d’ancienneté, Mme [I] percevait un salaire de base inférieur à celui prévu lors de l’embauche de Mme [Z], laquelle n’est, en outre, restée que 6 mois en poste.

Toutefois, il convient d’observer, qu’à partir de mars 2018, Mme [I] a perçu des primes (prime diverse de 600 euros et prime d’objectif de 1.320 euros en mars 2018, prime diverse de 600 euros en avril 2018, prime d’objectif de 1.465,64 euros en janvier 2019).

S’agissant de Mme [Z], ses bulletins de salaire mettent en évidence qu’elle a perçu, à l’expiration de son contrat, une prime de 13ème mois, une indemnité de précarité de 10%, une indemnité de RTT et des indemnités compensatrices de congés payés.

Dès lors, ces éléments de fait laissent supposer l’existence, au moment de l’embauche, d’une inégalité de traitement entre ces deux salariées.

Pour autant, l’employeur démontre qu’elle était justifiée par des éléments objectifs, à savoir le fait que Mme [C] [Z] disposait, à l’époque de son recrutement, dans le domaine spécifique des ressources humaines, correspondant directement à celui du poste occupé par les deux salariées, d’un niveau de formation, de diplôme et d’expérience professionnelle utiles à l’exercice des fonctions confiées, sensiblement supérieur à celui de Mme [P] [I], au point qu’elle dépassait les exigences requises pour l’emploi d’assistante ressources humaines proposé par la société Transdev Rhône-Alpes.

En effet, l’offre de poste assistante RH publiée par la société Transdev Rhône-Alpes comprenait les indications suivantes:

‘Rattaché au D.R.H du pôle, vous assurez la gestion administrative des ressources humaines des sociétés de la Haute-Savoie et des deux sociétés du pôle.

-Assure tout ou partie des opérations de recrutement pour les deux sociétés du pôle,

-Gère et met en oeuvre les actions du plan de formation-pilotage du plan de formation (identification des besoins, recherche des actions adaptées, appui à la recherche de financement et assure l’ensemble des obligations dans ce domaine) pour toutes les sociétés du pôle. La formation professionnelle représente une très grande partie du poste.

De formation minimum Bac+3, vous bénéficiez d’une 1ère expérience RH au sein d’une entreprise, avec des compétences sur un poste généraliste en RH’. (…)

‘La connaissance de la paie (et du logiciel CCMX) serait un plus apprécié.’

Or, à l’époque de son embauche en janvier 2016, Mme [C] [Z], d’après les indications portées sur son CV, était titulaire :

-d’un master 2 en management des ressources humaines (niveau Bac+5) obtenu en 2013, incluant la politique de formation,

-d’une licence en management international obtenue en 2008,

-d’un DUT en gestion administrative et commerciale obtenu en 2007 ayant conduit à la réalisation de stages+CDD en tant qu’assistante de direction et d’assistante commerciale,

-d’un certificat de compétences en entreprise obtenu en 2010 ‘devenir collaborateur paie confirmé’.

S’agissant de son expérience professionnelle, Mme [C] [Z] avait déjà occupé les postes suivants:

– de 06/2008 à 10/2013 : Gestionnaire ressources humaines puis responsable ressources humaines au sein de la SAS Arnaud, incluant l’administration du personnel, la stratégie RH, la formation, la gestion de la paie et des charges sociales, le recrutement, la comptabilité et le marketing,

– de 08/2014 à 12/2014 : Gestionnaire des ressources humaines et paie chez Jean-Lain Automobiles,

– de 12/2014 à 04/2015 : Responsable paie et administration du personnel chez Ferropem,

– de 10/2015 à 10/2015 : Gestionnaire ressources humaines chez Elea Corp incluant, notamment, la gestion administrative du personnel, de la paie et des procédures de départ, de la formation.

Quant à Mme [I] [P], d’après les mentions portées sur les 2 CV figurant à la procédure (l’un étant antérieur à son embauche et l’autre postérieur), elle était, au moment de son recrutement par la société Transdev Rhône-Alpes, en juillet 2016, titulaire:

-d’un DAEU (équivalent BAC) obtenu en 2015;

-d’une formation ‘manager avec efficacité la relation professionnelle’ ou d’une ‘initiation EFPNL’ dispensée en 2013;

-d’une formation de ‘chargée de gestion administrative et ressources humaines’, dont elle justifie, dispensée de novembre 2009 à juin 2010, le programme portant sur le social et la paye, la législation et la gestion des ressources humaines, la gestion administrative, le marketing, le droit, la culture européenne, la communication, la gestion financière, l’informatique et NTIC, la langue vivante, les évaluations, le suivi en entreprise pratique, la conduite de projets et évaluations. Mme [I] prétend qu’une telle formation correspondrait à un ‘niveau licence en ressources humaines’, sans pour autant le démontrer;

-d’un CAP BEP comptabilité obtenu en 1988;

S’agissant de son expérience professionnelle, Mme [P] [I] avait déjà travaillé comme:

– de 1991 à 1995: facturière-aide comptable;

– de 2006 à 2007: aide comptable;

– de 2008 à 2009 : gestionnaire administrative de formation au sein de l’ADEFIM/OPCAIM;

– de 01/2010 à 12/2010 : assistante formation ou chargée de formation pour la SA BOLLHOFF;

– de 12/2010 à 04/2012 : assistante formation & direction auprès de cursus informatique;

– de 08/2012 à 09/2012 : assistante administrative (‘et RH’ mention rajoutée sur le CV le plus récent) auprès de ERM;

– de 06/2014 à 07/2014 : assistante ressources humaines auprès de la CAF;

– de 02/2015 à 02/2016 : assistante administrative (‘et RH’ mention rajoutée sur le CV le plus récent) au sein de Onet Services;

Par ailleurs, la société Transdev Rhône-Alpes fournit une attestation de Mme [U] [B], responsable ressources humaines, qui indique en date du 20 juin 2022: ‘En tant que RRH, j’ai participé au recrutement de Mme [Z]. Je peux dire que de part son profil elle possédait une meilleure expertise et un plus grand apport notamment sur la partie formation, que Mme [I]. Mme [Z] est partie car elle prétendait à un poste avec davantage de responsabilités correspondant mieux à son profil’.

Dès lors, compte tenu des éléments objectifs exposés supra, justifiant la différence de rémunération observée lors de l’embauche de ces deux salariées, Mme [I] ne saurait se prévaloir d’une inégalité de traitement.

L’allégation de Mme [I] selon laquelle la différence entre les deux salariées procéderait de discriminations relatives à leurs vies personnelles respectives, n’est étayée par aucun élément sérieux.

La fiche produite par Mme [I], dans laquelle il lui était demandé par la société Transdev Rhône-Alpes de renseigner sa situation maritale, son âge, le nombre de ses enfants, mais également son éventuelle origine étrangère et situation de handicap, a été remplie postérieurement à son embauche, puisqu’il y est mentionné, notamment, la nécessité d’y joindre son contrat de travail, de sorte qu’il n’est aucunement démontré que ces éléments, relevant de sa vie privée, aient été pris en compte pour la fixation de sa rémunération.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes qui a jugé que Mme [P] [I] n’a pas été victime d’inégalité de traitement et l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire.

II. Sur les rappels de primes

Sur la prime de revalorisation salariale

Mme [I] prétend que la société Transdev s’était engagée à lui verser une prime de revalorisation salariale de 150 euros lors de la rupture négociée de son contrat de travail et ne pas l’avoir perçue.

Au soutien de sa demande, elle se contente de produire la copie d’un ‘post-it’ où figurent les inscriptions suivantes: ‘[P] [I], 28/02, 4.000 euros+PO 100% (+150 euros)’, lequel ne saurait, à lui seul, avoir une quelconque valeur probante.

La société Transdev Rhône-Alpes soutient, quant à elle, que Mme [I] opère une confusion en qualifiant de ‘prime de revalorisation salariale’ la ‘prime PEPA’ (Prime Exceptionnelle de Pouvoir d’Achat) qui avait été initialement convenue entre les parties à hauteur de 150 € pour un départ effectif de l’entreprise au 28 février 2019. Elle expose que la rupture du contrat de travail ayant été avancée, d’un commun accord, au 16 janvier 2019, cette prime a été proratisée, ce dont la salariée avait, d’ailleurs, pleinement conscience puisque dans son courrier du 21 décembre 2018 elle sollicitait, notamment, « la prime de 150 € due au titre de la révision salariale qui était convenue pour un départ au 28/02/19 et qui sera proratisée ».

Or, il apparait qu’une prime, d’un montant de 147,95 €, a bien été versée à la salariée sous l’intitulé «prime PEPA », d’après les éléments figurant sur le bulletin de paie de janvier 2019.

Dès lors, Mme [I] ne rapportant pas la preuve de ce que la société Transdev Rhône-Alpes était redevable à son égard d’une prime de revalorisation salariale distincte de celle qui lui a été allouée au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes qui l’a déboutée de sa demande de rappel de prime de revalorisation salariale.

Sur la prime de 13ème mois

Le contrat de travail de Mme [I] prévoit dans le paragraphe relatif à la rémunération et durée du travail: ‘Vous percevrez également une prime de 13ème mois au prorata du temps de présence, selon les conditions collectives de calcul et d’attribution en vigueur’.

En l’absence d’inégalité de traitement injustifiée (cf supra), le calcul de la prime de 13ème mois doit se déterminer à partir du seul salaire de base mensuel effectivement perçu par Mme [I].

Or, il apparait que ladite prime, due au titre de l’année 2018, a bien été versée lors de la paie de décembre 2018 pour un montant de 2.049,17 €, correspondant à un mois de salaire.

S’agissant de l’année 2019, Mme [I] pouvait prétendre, également, au versement d’une prime de 13ème mois au prorata de son temps de présence dans l’entreprise (soit du 1er au 16 janvier 2019), comme mentionné dans son contrat de travail, lequel ne prévoit aucune disposition dérogatoire en cas de départ en cours d’exercice.

Partant de la même base de salaire de 2.049,17 €/mois, pour une durée de travail de ¿ mois, la prime de 13 ème mois s’élève donc, au titre de l’année 2019, à 85,38 € ((2.049,17 € x 0,5) ÷ 12).

Dès lors, il convient d’infirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes et de condamner la société Transdev Rhône-Alpes à payer à Mme [I] la somme de 85,38 € à titre de rappel de prime de 13ème mois pour l’année 2019.

Sur la prime d’objectif pour l’année 2018

Il a été expressément convenu entre les parties, par avenant n°1 au CDI du 6 mars 2018, que Mme [I] bénéficierait d’une prime d’objectifs annuelle, versée en mars de l’année suivante, pouvant atteindre jusqu’à 5% de sa rémunération annuelle fixe brute, son montant étant déterminé en fonction de l’atteinte des objectifs définis annuellement. Il était prévu, par ailleurs, dans ledit avenant, qu’en cas de départ en cours d’année, cette prime serait versée en fonction du dégré de réalisation des objectifs, sur proposition du manager.

En l’absence d’inégalité de traitement injustifiée (cf supra), le calcul de la prime d’objectif pour 2018 doit se déterminer à partir du seul salaire annuel effectivement perçu par Mme [I], lequel s’élevait à 29.312,76 € (brut abattu), de sorte que la salariée pouvait prétendre à une prime d’objectif d’un montant maximal de 1.465,64 € (soit 5%).

Or, il s’agit précisément du montant qui a été versé à Mme [I] par la société Transdev Rhône-Alpes à l’occasion de son solde de tout compte (cf bulletin de paie de janvier 2019), de sorte qu’il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes qui l’a déboutée de sa demande de rappel de prime d’objectif pour l’année 2018.

III. Sur la communication tardive des documents de fin de contrat

Au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, l’employeur doit délivrer au salarié une attestation Pôle emploi qui lui permettra de faire valoir ses droits à l’assurance chômage (C. trav., art. R. 1234-9), ainsi qu’un certificat de travail (C. trav., art.L.1234-19), ce quel que soit son statut (CDI, CDD, apprentissage, etc.) et quelle que soit la cause de la cessation du contrat (licenciement, démission, prise d’acte, départ à la retraite, etc.).

Ces documents sont quérables et non portables (pour l’attestation, Cass. soc., 5 oct. 2004, n°02.44.487, pour le certificat, Cass. soc., 26 mars 2014, n°12-27.028).

En conséquence, la seule obligation de l’employeur est de tenir ces documents à la disposition du salarié et de l’en informer. Il n’a donc pas à lui envoyer. C’est au salarié qui réclame des dommages-intérêts pour un retard dans la délivrance des documents de justifier qu’il les a réclamés et qu’il s’est heurté à l’inertie ou au refus de l’employeur (Cass. soc., 24 janv. 1979, n°77-40.266 ; Cass. soc., 5 juill. 1982, n°80-40.660).

Qu’il s’agisse d’une remise tardive ou d’un défaut de remise, le salarié peut prétendre au paiement de dommages-intérêts. Encore faut-il, cependant, qu’il démontre l’existence d’un préjudice, la Cour de cassation ayant, en effet, abandonné le principe du préjudice nécessaire ouvrant droit automatiquement à des dommages-intérêts, et considérant, désormais, depuis un revirement de 2016, que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. soc., 13 avr. 2016, n°14-28.393 ; Cass. soc., 14 sept. 2016, n°15-21.794).

En l’espèce, par courrier du 21 décembre 2018, Mme [I] a adressé à son employeur un récapitulatif de l’ensemble des sommes et documents (au titre desquels l’attestation pôle emploi et le certificat de travail), devant lui être transmis à la rupture effective de son contrat, fixée d’un commun accord au 16 janvier 2019.

Par courrier du 11 février 2019, Mme [I] a écrit à la société Transdev qu’elle était toujours dans l’attente de l’attestation destinée à Pôle Emploi, qui lui en faisait la réclamation.

Elle produit, en effet, un courrier du 17 janvier 2019 émanant de Pôle Emploi lui indiquant que sa demande d’allocations pour être complète nécessitait l’attestation destinée à Pôle Emploi délivrée par son employeur Transdev pour la période du 20 juillet 2016 au 16 janvier 2019.

Mme [I] a réitéré, auprès de son ancien employeur, sa demande de communication des documents de fin de contrat par courrier du 21 février 2019.

Lesdits documents lui ont finalement été envoyés par courrier du 28 février 2019, réceptionné le 2 mars 2019. Mme [I] a contesté les sommes versées par l’employeur dans un courrier du 5 mars 2019.

Ainsi, il apparait que la société Transdev Rhône-Alpes a mis près d’un mois et demi à transmettre à Mme [P] [I] les documents de fin de contrat qu’elle a réclamés à plusieurs reprises, alors même que les conditions de départ de cette salariée avaient été négociées dans le cadre d’une rupture conventionnelle, de sorte que l’employeur avait pleinement connaissance de la date à laquelle il lui appartenait de les établir.

La société Transdev Rhône-Alpes, sans s’expliquer sur les motifs d’un tel retard, fait valoir qu’ayant perçu des indemnités supra-légales et des indemnités compensatrices de congés payés à la suite de la rupture conventionnelle, la salariée n’aurait, de toute manière, pas pu toucher l’allocation chômage (aide au retour à l’emploi) avant l’écoulement d’un certain délai de différé d’indemnisation, ce qui n’est pas contesté.

Pour autant, elle ne saurait se retrancher derrière une telle disposition (article 21 du réglement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage) pour se dédouaner de son obligation de communiquer sans délai les documents de fin de contrat à sa salariée.

Ce d’autant plus, qu’en l’espèce, cette remise tardive a causé un préjudice à Mme [I], dont la demande d’allocations effectuée auprès de Pôle Emploi n’a, en effet, pas pu être immédiatement instruite, à défaut pour l’employeur d’avoir communiqué l’attestation destinée à Pôle Emploi à la date de la rupture effective du contrat de travail.

Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de condamner la société Transdev Rhône-Alpes à payer à Mme [I] [P] des dommages-intérêts d’un montant de 800 euros en réparation du préjudice occasionné par la communication tardive des documents de fin de contrat.

IV. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La Sas Transdev Rhône-Alpes succombant partiellement, elle devra assumer la charge des entiers dépens, tant en 1ère instance qu’en cause d’appel.

Mme [I] produit les notes d’honoraires évaluatives de son avocat.

Sur cette base, il convient de condamner la société Transdev Rhône-Alpes à verser à Mme [I], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 2.640,00€ en première instance, et une somme de 2.400,00€ en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Chambéry du 14 décembre 2021 en ce qu’il:

– Ecarte les pièces n°18 et 19 produites par Mme [P] [I];

– Juge que Mme [P] [I] n’a pas été victime d’inégalité de traitement;

– Déboute Mme [P] [I] de ses demandes de rappel de salaire, de rappel de prime de revalorisation salariale, de rappel de prime de 13ème mois pour l’année 2018, de rappel de prime d’objectif pour l’année 2018;

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Chambéry du 14 décembre 2021 pour le surplus de ses dispositions frappées d’appel.

Statuant à nouveau,

-Condamne la Sas Transdev Rhône-Alpes à payer à Mme [I] [P] les sommes suivantes:

*85,38 € à titre de rappel de prime de 13ème mois pour l’année 2019;

*800 € de dommages-intérêts pour le retard de communication des documents de fin de contrat;

*2.640 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en 1ère instance;

-Laisse les dépens à la charge de la Sas Transdev Rhône-Alpes;

Et y ajoutant,

-Condamne la Sas Transdev Rhône-Alpes à payer à Mme [I] [P] une somme de 2.400€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

-Condamne, en cause d’appel, la Sas Transdev Rhône-Alpes aux entiers dépens de l’instance et d’exécution, comprenant notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement;

Ainsi prononcé publiquement le 31 Janvier 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, Conseillère en remplacement du Président légalement empêché, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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