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30 novembre 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/05635
7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°426/2023
N° RG 20/05635 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RCXL
Mme [C] [E]
C/
M. [L] [K]
Copie exécutoire délivrée
le : 30-11-23
à :
Me Dominique TOUSSAINT
Me Aurélie GRENARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Nadège BOSSARD, Conseillère,
Assesseur :Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur :Madame Véronique PUJES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 25 Septembre 2023 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compet au délibéré collégial
En présence de Madame COLLEU, médiatrice judiciare
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [C] [E]
née le 16 Avril 1975 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/09788 du 16/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉ :
Monsieur [L] [K]
né le 28 Août 1986 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Justince COSNARD, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
M.[K] exploite depuis 2009 une agence de communication sous le nom commercial EZOOM , implantée à [Localité 8], ayant pour objet de créer et de gérer des sites internet pour les petites et moyennes entreprises. Il emploie moins de 10 salariés (2) et applique la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du tertiaire.
Mme [E] a travaillé dans le cadre d’une mission d’intérim de quelques jours à compter du 15 juillet 2015 en qualité de commerciale à temps partiel pour le compte de M.[K].
Le 17 août 2015, Mme [E] a été engagée par M.[K] dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée comme commerciale, à temps complet, sur la base d’un salaire fixe de 1 457.55 euros brut par mois et de commissionnements et primes.
Mme [E] victime d’un accident de circulation survenu le 14 avril 2016 a bénéficié de plusieurs arrêts de travail de quelques jours en avril 2016, en mai 2016, les conséquences de cet accident de trajet ayant été prises en charge par l’organisme social au titre de la législation des accidents de travail.
Par courrier remis en main propre à la mi-février 2017, Mme [E] a alerté M. [K] sur le non-respect du salaire minimal conventionnel et sur des manquements de l’employeur en lien avec le retard de paiement des salaires, la suppression d’une commission liée à l’annulation du contrat motivé par le retard du prestataire, la perte de plusieurs contrats en raison du retard de livraison des sites internet.
M.[K] a répondu le 21 février 2017 en relativisant le retard de versement du salaire au maximum à la moitié du mois suivant, le retard de livraison des sites par des demandes complémentaires des clients, l’absence d’une secrétaire à poste fixe depuis fin octobre 2016.
Au cours de l’année 2017, Mme [E] a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail pour maladie.
A compter du 18 janvier 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail prolongé de manière continue.
Lors de la visite médicale de reprise du 17 avril 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [E] inapte à son poste de commerciale au vu de son état de santé et après étude de son poste, en précisant que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Le 27 avril 2018, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 11 mai, reporté au 17 mai 2018.
Le 23 mai 2018, l’employeur lui a notifié un licenciement pour inaptitude non professionnelle et par suite de la dispense par le médecin du travail de l’obligation de reclassement.
Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête en date du 26 septembre 2018 afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner l’employeur au paiement de diverses sommes :
une indemnité spéciale de licenciement, des dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, un rappel de salaires entre le 17 août 2015 et le 1er janvier 2016, un rappel de salaire pour des heures supplémentaires non rémunérées, des primes non versées entre le 17 août 2015 au 23 avril 2018, une indemnité au titre du droit à repos au-dessus du contingent annuel non perçu, un rappel de commissions supprimées, une indemnité au titre de la garantie de points de retraite complémentaire, une indemnité au titre de l’indemnisation des absences maladies du 1er avril au 24 mai 2018, un rappel au titre de la régularisation du solde de tout compte, des dommages et intérêts au titre du non-respect des dispositions conventionnelles, retards dans les paiements de salaires et commissions, non-paiement des heures supplémentaires, non-indemnisation des absences maladies. Elle a sollicité une indemnité de procédure.
M. [K] a conclu au rejet des demandes de Mme [E] et a sollicité une indemnité de procédure.
Par jugement en date du 3 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Rennes a :
– Débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes
– Débouté M. [K] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Dit que chaque partie supportera ses propres dépens
Mme [E] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 18 novembre 2020.
Par ordonnance en date du 9 décembre 2021, le conseiller de la mise en état s’est déclaré incompétent pour connaître de l’irrecevabilité soulevée par M.[K] de la demande nouvelle de rappel de salaire présentée par Mme [E] au titre de la période postérieure au 1er janvier 2016.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 3 mai 2023, Mme [E] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement,
– Dire qu’elle était en droit de bénéficier de la qualification d’attaché commercial coefficient 250 de la convention collective prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire,
– Condamner M.[K] à lui verser :
– 10 392,28 euros bruts à titre de rappel de salaires,
– 1 039,22 euros pour les congés payés y afférents,
– 8 715,59 euros au titre des commissions et primes,
– 871,55 euros au titre des congés payés y afférents,
– 10 523,25 euros à titre de rappel des heures supplémentaires,
– 1 052,32 euros au titre des congés payés y afférents,
– 2 623,65 euros au titre du repos compensateur,
– 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat,
– Dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– Dire que l’inaptitude de Mme [E] a un caractère professionnel au vu des analyses concordantes de son médecin traitant et du médecin du travail qui ont diagnostiqué l’un et l’autre une situation d’épuisement professionnel élevée sur un tableau de trouble anxieux et dépressifs mixtes et conclu à un burn out,
– Condamner M. [K] à lui payer les sommes suivantes :
– une indemnité compensatrice de préavis de 7 882,16 euros,
– le solde de son indemnité spéciale de licenciement de 1 101,01 euros,
– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Dire que les sommes allouées à titre de salaire d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement porteront intérêts légaux à compter de la citation devant le bureau de conciliation,
– Dire que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
– Dire que lesdits intérêts seront capitalisés,
– Dire que M.[K] devra lui remettre une attestation Pôle emploi, des bulletins de paie modifiés selon les condamnations prononcées et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir,
– Condamner M. [K] à payer une indemnité de 3 600 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la Loi n°91-647 du 10 juillet 1991,
– Condamner M.[K] aux entiers dépens.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 29 mars 2023, M. [K] demande à la cour de :
– Déclarer irrecevable la demande de rappel de salaire formulée par Mme [E] pour la période postérieure au 1er janvier 2016, et à défaut, la déclarer prescrite sur la période 2 janvier 2016-7 février 2018,
En toute hypothèse, confirmer intégralement le jugement,
Y additant,
– Condamner Mme [E] au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 30 mai 2023 avec fixation de l’affaire à l’audience du 25 septembre 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande nouvelle
Mme [E] présente en cause d’appel une demande nouvelle en paiement d’un rappel de salaire de 10 392.28 euros , outre les congés payés afférents, au titre des heures supplémentaires pour la période allant du 17 août 2015 au 30 avril 2018, date de sa réclamation d’une classification supérieure. Elle considère que cette demande additionnelle tend aux mêmes fins que celle déjà soumise aux premiers juges à savoir un rappel de salaire découlant de la sa reclassification.
M.[K] soulève l’irrecevabilité de cette demande de rappel de salaire couvrant une période allant au -delà du 1er janvier 2016, alors que la demande initiale présentée devant les premiers juges concernait une période antérieure du 17 août 2015 au 31 décembre 2015, qu’il ne s’agit nullement d’une actualisation mais de l’ajout d’une période non réclamée en première instance ; que les premiers juges ayant été saisis après le 1er août 2016, date à laquelle le principe de l’unicité de l’instance a pris fin, la salariée ne peut pas présenter une demande nouvelle dans la mesure où elle ne tend pas aux mêmes fins, n’en est pas non plus l’accessoire, la conséquence ou le complément au sens des articles 564 à 566 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Selon l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises aux premiers juges que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Si Mme [E] a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de salaire au titre d’heures supplémentaires, dont elle a été déboutée, pour la période antérieure au 1er janvier 2016, force est de constater que sa demande présentée en appel dans ses conclusions du 8 février 2021 recouvre une période d’heures supplémentaires prétendument réalisées au-delà du 1er janvier 2016 ; que cette demande ne figurant pas dans le dispositif des conclusions déposées devant les premiers juges, elle ne leur a pas été soumise lors de l’audience du 4 juin 2020 et n’a pas été visée dans la déclaration d’appel à l’encontre du jugement rendu le 3 septembre 2020. Il ne peut pas s’agir d’une demande constituant le complément nécessaire, la conséquence d’une première demande d’heures supplémentaires au titre de l’année 2015 (92 heures en 2015 /pièce 40) mais bien d’une demande distincte de rappel de salaire pour une période postérieure au 1er janvier 2016, correspondant à 234.5 heures supplémentaires pour 2016 et à 117.5 heures supplémentaires pour 2017.
Cette demande, nouvelle en cause d’appel, au titre du rappel de salaire pour la période postérieure au 1er janvier 2016 qui n’est ni l’accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire de la demande initiale, doit par voie de conséquence être déclarée irrecevable.
Sur le rappel de salaires au titre de la classification
Mme [E] a été recrutée en qualité de commerciale, catégorie employé niveau III au coefficient 190. Elle revendique une classification supérieure d’attachée commerciale, catégorie technicien et agent de maîtrise niveau IV au coefficient 250.
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle supérieure dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure dans le cadre de ses fonctions, des tâches et des responsabilités relevant de la classification revendiquée.
Mme [E] verse à l’appui de sa demande de classification d’attachée commerciale:
– l’avenant du 11 avril 2000, étendu par arrêté du 14 novembre 2000, à la convention collective nationale du personnel des prestataires de service dans le domaine du tertiaire du 13 août 1999, relatif aux grilles emplois repères de la classification, au terme duquel, dans la filière commerciale:
– ‘un attaché commercial, assurant la prospection et le suivi administratifs des clients du secteur dont il a la charge . Doit tout mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par la Direction. Il bénéficie d’un coefficient 250 correspondant à 5 critères classants: connaissance 90; technicité 80; autonomie 80; gestion d’équipe 70;communication 80.’
– divers courriels de M.[K] fixant à la salariée des directives sur son emploi du temps et des objectifs de vente à la semaine ‘ je te donne pour objectif demain de prendre 4 ou 5 rdv pour la semaine prochaine et pour le phoning . (.) Objectifs signatures 4 jours de terrain, 13 rd vacances scolaires = 4 signatures’.
Force est de constater que la salariée ne fournit aucun élément objectif permettant d’évaluer les critères classants fixés dans la grille de classification conventionnelle applicable à la filière commerciale. Le fait que Mme [E] se soit vue fixer par son employeur des objectifs, correspondant au nombre de phoning, des prises de rendez-vous avec les clients et des signatures des contrats, n’est pas pertinent en soi en ce que les consignes sont inhérentes aux fonctions de commerciale qui lui étaient confiées.
S’agissant des critères classants fixés par la convention collective, il en ressort :
– pour les connaissances requises, le niveau 90 est défini comme ‘la connaissance approfondie d’un domaine technique ou spécialisé impliquant le savoir et l’assimilation de savoirs, de pratiques et d’usages complexes. Le poste à ce niveau est confié à des titulaires ayant suivi un cycle d’enseignement supérieur long ( école d’ingénieurs, école de commerce, DESS, …) Confirmé si nécessaire par quelques années de pratique, ou encore à des titulaires ayant acquis leurs connaissances théoriques et conceptuelles au cours de nombreuses années de vie professionnelle.’
– pour la technicité, le niveau 80 correspond à ‘ des travaux exigeant une spécialisation en vue de l’exécution de tâches comportant des difficultés techniques ou une recherche d’optimisation nécessitant une adaptation de 1 à 6 mois.’
– pour la responsabilité, l’autonomie, le niveau 80 exige pour le poste de ‘rechercher des solutions aux difficultés rencontrées et de proposer des moyens.’
– pour la gestion d’une équipe et des conseils, un niveau 70 implique ‘une technicité l’amenant à faire bénéficier l’ensemble du personnel de son savoir -faire avec ou sans responsabilité hiérarchique.’
– pour la communication, le niveau 80 requiert une liaison constante avec les autres services de l’entreprise et/ ou les personnes de l’extérieur
La salariée ne fournit toutefois pas le moindre élément permettant à la cour d’apprécier son niveau de connaissances, de compétences et des responsabilités au regard des critères précis définis par l’avenant du 11 avril 2000. Les messages de son employeur, lui transmettant des consignes simples en matière de phonings, de rendez-vous et de contrats de vente à signer, ne sont pas de nature à établir que les missions confiées relevaient d’une classification d’un niveau supérieur. Alors qu’elle occupe les fonctions de commerciale au coefficient 190 correspondant à un emploi repère de Chargé de clientèle, devant assurer la prospection et le suivi administratif des dossiers du secteur dont il a la charge dans les petites structures, et répondant aux 5 critères classants : connaissance 70; technicité 55; autonomie 65; gestion d’équipe 40;communication 40.’, elle n’établit pas au regard de ses missions et du degré d’autonomie dont elle disposait, avoir exercé effectivement des fonctions d’attachée commerciale avec un coefficient 250 au sens des textes conventionnels.
Elle sera donc déboutée de sa demande tendant à bénéficier d’une classification supérieure et de sa demande subséquente de rappels de salaires par voie de confirmation du jugement.
Sur les commissions impayées
Mme [E] maintient sa demande dont elle a été déboutée en paiement au titre de commissions impayées de 8 715,59 euros outre les congés payés de 871,55 euros. Elle explique la réalisation de nombreuses heures supplémentaires en raison des objectifs toujours plus importants fixés par son employeur et la carence de M.[K] à livrer les clients.
L’employeur s’y oppose au motif que la salariée n’explicite pas sa demande, ne précise pas à quels contrats se rattachent les commissions qui seraient dues mais non versées, que le tableau versé aux débats est incompréhensible et inexploitable.
Mme [E] verse aux débats :
– son contrat de travail du 17 août 2017 prévoyant un droit à commissionnement et des primes. ‘Le droit à commissionnement se déclenche sous réserve de la réalisation d’un objectif minimum d’un CA équivalent à 300 euros HT par mois pour des contrats conclus sur un engagement de 48 mois. Le taux de commissionnement de 11 % du CA réalisé pendant les 48 mois d’abonnement pour la fraction du contrat excédant 100 euros HT par mois. La commission est versée après la signature du procès-verbal de livraison du site internet au client.’
– un courrier de son conseil du 3 juillet 2018 valant mise en demeure de lui régler notamment des primes non versées entre le 17 août 2017 et le 23 avril 2018, pour 8715,59 euros.
– un tableau ( pièce 38) récapitulant les sommes qui lui sont dues à titre de complément de salaires
– des bulletins de salaire des mois de janvier et février 2016 faisant mention du paiement d’une régularisation de prime 2015 , pour les sommes de 1 000 euros et de 750,80 euros.
La salariée n’explicite pas, ni dans ses conclusions ni dans son tableau , le mode de calcul de la somme réclamée de 8 715,59 euros au regard des critères de déclenchement du droit à commissionnement fixés dans son contrat de travail. Ce tableau, sommaire, se borne à décompter le différentiel entre le salaire brut et le salaire conventionnel revendiqué en tant qu’attaché commercial et ne détaille pas le chiffre d’affaires réalisé ni les noms de contrats conclus sur un engagement de 48 mois. La salariée sera donc déboutée de sa demande de ce chef, par voie de confirmation du jugement.
Sur les heures supplémentaires
Mme [E] maintient la demande, dont elle a été déboutée par les premiers juges, de rappel de salaire de 2 245,99 euros brut , outre les congés payés afférents, au titre des heures supplémentaires impayées pour la période antérieure au 1er janvier 2016. Il est rappelé que sa demande au titre des heures supplémentaires postérieures au 1er janvier 2016 a été déclarée irrecevable par la cour pour les motifs développés précédemment. L’appelante explique qu’elle était contrainte de réaliser de nombreuses heures supplémentaires en raison des objectifs toujours plus importants fixés par M.[K] et par la carence de ce dernier à satisfaire la clientèle dans les délais convenus.
M.[K] s’oppose à cette demande au motif que la salariée n’a jamais invoqué la réalisation d’heures supplémentaires, que les 7 mails transmis à l’employeur au-delà de 18h durant une relation contractuelle de près de 3 années ne sont pas significatifs ; que l’employeur n’a jamais demandé à la salariée de faire des heures supplémentaires et lui fixait au contraire des plages horaires de phoning, de travail de terrain, qu’elle ne respectait pas de fait au vu des mentions de son agenda avec des rendez-vous personnels pris sur son temps de travail et la garde de ses enfants à partir de 16h30, une semaine sur deux.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, Mme [E] produit :
– la copie de son agenda électronique pour la période allant du 7 septembre 2015 au 31 janvier 2017 ( pièce 39), sur lequel figurent des plages horaires consacrées au phoning, à des rendez-vous professionnels avec des comptes-rendus succincts des visites des clients. Il comporte aussi des annotations en lien avec la vie personnelle et familiale de la salariée, des rendez-vous divers (médicaux,…) pris dans les créneaux horaires habituels de travail 8h30-18h.
– le décompte de ses heures supplémentaires réalisées entre 2015 et 2017 (pièce 40). En ce qui concerne l’année 2015, il fait mention de 144,45 heures supplémentaires entre le 17 août , date d’embauche , au 31 décembre 2015, certaines semaines atteignant 43 heures de travail voire 53 heures ( semaine du 31 août 2015) représentant un rappel de salaire avec les majorations de 2 516,07 euros brut.
– des mails transmis à son employeur en dehors des horaires de travail habituels, par exemple au titre de l’année 2015, un compte-rendu d’activité à 18h23 le 17 septembre 2015,
– un avis de contravention pour le dépassement de la vitesse autorisée le jeudi 28 janvier 2016 à 20h26 ( pièce 67) pour revenir d’un rendez-vous professionnel sur la route de [Localité 6]-[Localité 7].
Contrairement à ce qu’ont pu estimer les premiers juges, ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en produisant ses propres éléments et ainsi justifier des horaires effectivement réalisés par la salariée.
L’employeur conteste le caractère sérieux des décomptes de la salariée mais ne produit aucun planning et/ou relevé des horaires de travail. Il soutient que les plages horaires importantes de phoning ou de travail sur le terrain mentionnées dans l’agenda sont théoriques et non conformes à l’activité réelle de la salariée, ni aux consignes de M.[K], rappelées dans un mail d’octobre 2016, sur la répartition des tâches de la commerciale en semaine : phoning le lundi et le mardi 8h30-10h/11h30-12h30/15h-16h30/17h-18h et 2 heures de travaux administratifs, et travail sur le terrain les mercredi, jeudi et vendredi; que la salariée finissait plus tôt une semaine sur deux à 16h30 quand elle devait s’occuper de ses enfants, ce qui est conforté par ses propres plannings.
Si les pièces produites confirment l’amplitude des horaires de travail de la salariée, devant assurer des rendez-vous professionnels au-delà de 18 heures dans une zone de chalandise de plus de 100 km et tenir une permanence lors d’un salon ( Habitat et jardin le 8 octobre 2015 11h-20h), l’analyse de son agenda électronique révèle des incohérences entre les plages horaires définies à l’avance par la salariée et son activité réelle. Par exemple Mme [E] omet de déduire de manière quasi-systématique ses pauses de repas, soutenant par exemple avoir travaillé 51h95 durant la semaine du 9 novembre 2015 et notamment le lundi 9 novembre, un travail continu de phoning et administratif entre 8h30 et 19h30; le10 novembre , un travail ininterrompu de phoning entre 8 heures et 18 heures suivi immédiatement d’un travail sur le terrain entre 18 h et 22h45, sans plus de précision sur les rendez-vous pris. Le fait pour la salariée de transmettre au-delà de 18 heures, des mails de compte rendu à son employeur n’est pas significatif de la durée de travail effectif, au regard du faible nombre de messages transmis par elle durant la période en cause( 1 mail transmis à 18h23 en 2015).
Sur le nombre d’heures supplémentaires accomplies, le décompte de Mme [E] au titre de l’année 2015 ne sera pas retenu dans son intégralité en ce que les tableaux ne déduisent aucune période de pause.
Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [E] a effectué avant le 1er janvier 2016, des heures supplémentaires non payées à hauteur de 1 956,70 bruts. Il convient en conséquence de condamner l’employeur à payer à la salariée la somme de 1 956,70 euros bruts, outre 195,67 euros bruts de congés payés afférents, par voie d’infirmation du jugement, et de débouter l’appelante du surplus de sa demande en paiement d’heures supplémentaires.
Sur la demande au titre du repos compensateur
Mme [E] a limité en appel sa demande en paiement au titre du repos compensateur à
2 623,65 euros, initialement présentée à concurrence de la somme de 5 243,41 euros dont elle a été déboutée par les premiers juges.
L’employeur s’oppose à cette demande dont la salariée n’a pas explicité le mode de calcul dans ses conclusions. Il observe que Mme [E] avait sollicité dans un courrier du 30 avril 2018 l’indemnisation d’un repos compensateur en se référant à tort à un volume d’heures supplémentaires, contesté par lui, et à un contingent annuel de 70 heures supplémentaires applicable aux salariés soumis à une modulation du temps de travail, ce qui ne correspondait pas à sa situation ni au contingent annuel de 220 heures applicable.
Le salarié qui n’a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur obligatoire au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d’heures supplémentaires fixé par la loi à 220 heures par an en l’absence de dispositions contraires de la convention collective applicable, a droit à l’indemnisation du préjudice subi.
En l’espèce, il ressort des décomptes établis par la salariée, que le volume d’heures supplémentaires est inférieur au contingent annuel légal de 220 heures par an applicable en l’absence de dispositions contraires de la convention collective, tant pour l’année 2015 que pour l’année 2017, de sorte que sa demande n’est pas fondée au titre de ces deux années. Concernant l’année 2016, la demande de Mme [E] correspondant à la réalisation de 335,75 heures supplémentaires ayant été déclarée irrecevable pour les motifs exposés ci-dessus , la salariée n’établit pas avoir dépassé le contingent annuel de 220 heures supplémentaires de nature à générer un droit à repos compensateur. Sa demande d’indemnisation au titre des repos compensateurs non pris durant cette année n’est pas davantage justifiée et sera rejetée. Dans ces conditions, le jugement qui a débouté la salariée de ce chef doit être confirmé.
Sur les dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail
Mme [E] fonde sa demande indemnitaire de 15 000 euros au visa des articles 1222-1 du code du travail sur l’exécution de bonne foi du contrat de travail, de l’article L 4121-1 du code du travail sur l’obligation de sécurité de l’employeur et de l’article L 1231-6 du code civil relatif au préjudice lié au paiement tardif des salaires. Elle se plaint du retard de paiement de son salaire et de la réduction des indemnités journalières ‘ par rapport à ce dont elle aurait pu bénéficier’, du fait qu’elle a été confrontée
à des conditions de travail dégradées sous le reproche constant des clients en raison de l’incapacité de M.[K] à respecter les délais de livraison des sites internet et d’assurer un service après-vente digne de ce nom.
L’employeur conclut au rejet de cette demande de dommages-intérêts alors que Mme [E] n’établit pas l’existence du préjudice subi en lien avec le retard ponctuel de versement des salaires de janvier et de février 2017, avec la régularisation du salaire minimum conventionnel dès signalement par la salariée, avec l’accord amiable de prise en charge de la mutuelle obligatoire d’entreprise . Concernant la dégradation de l’état de santé de Mme [E], hospitalisée le 17 septembre 2018 ( TS ), il considère que la salariée ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un lien de causalité avec ses conditions de travail, le contrat ayant pris fin en mai 2018.
Mme [E] justifie des difficultés rencontrées durant la relation contractuelle concernant le paiement tardif de salaires comme en témoignent:
– son courrier remis à la mi-février 2017 à son employeur ( pièce 4) et le courriel du 13 mars 2017 de M.[K] confirmant que les virements des salaires de janvier et de février 2017 étaient virés sur le compte de la salariée ( pièce 7/justificatifs virements pièces 8 et 9)
– son courriel du 18 décembre 2017 ( pièce 64) réclamant le versement de son salaire de novembre 2017.
Le bien fondé des réclamations de Mme [E] à la mi-février 2017 est également reconnu par l’employeur lorsqu’il lui a versé fin mars 2017 la somme de 781,96 euros au titre de la régularisation du salaire minimum conventionnel (pièces 7 , 8 et 9), qu’il a réglé dans le cadre d’un protocole d’accord du 19 septembre 2017 les arriérés au titre des frais de mutuelle obligatoire à effet rétroactif au 1er janvier 2016 (450 euros). Nonobstant ses difficultés personnelles, l’employeur a manqué à ses obligations de verser le salaire de manière régulière, de respecter le salaire minimum conventionnel, non conforme depuis l’embauche de la salariée, et d’assurer la prise en charge de la mutuelle obligatoire à compter du 1er janvier 2016. Ces manquements ont causé un préjudice réel à la salariée confrontée à un paiement irrégulier de son salaire et au non- respect des dispositions conventionnelles impératives en matière de minima.
S’agissant des commissions, le contrat de travail prévoit que ‘ les commissions sont versées ( à la salariée) après la signature du procès-verbal de livraison du site internet au client’ et que M.[K] ‘bénéficie d’un délai de 2 mois pour réaliser la prestation ,délai susceptible d’être rallongé dans l’hypothèse de la charte graphique nécessiterait une refonte afin de satisfaire les demandes du client’. Aucune pièce produite par la salariée ne permet pas d’établir l’existence d’un retard dans le versement des commissions.
Mme [E] soutient qu’elle a été confrontée à des conditions de travail dégradées en lien avec les retards de livraison des sites internet et avec l’insatisfaction permanente manifestée par les clients . Elle ne formule pas de demande indemnitaire spécifique pour manquement à l’obligation de sécurité et ne saisit la cour que d’une demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale.
Si Mme [E] produit des documents se rapportant à cinq clients ayant sollicité la résiliation de leur contrat ou exprimé leur mécontentement quant au retard d’exécution et à la qualité de la prestation de service, la salariée ne démontre pas avoir été confrontée au règlement des litiges étant observé que pour deux d’entre eux ( Mme [V] et Mme [M]), M.[K] soutient sans être démenti avoir réglé le litige. L’appelante n’établit pas avoir subi les conséquences des doléances d’un client M.[I] dont le courrier du 26 septembre 2019 transmis à M.[K] est bien postérieur au départ de la salariée de l’entreprise. Les courriels échangés en 2017 entre Mme [E] et M.[K] concernant le retard de la livraison d’un design de cartes de visite et le dsyfonctionnement du site de la société Véralia sont difficilement exploitables et ne permettent pas d’en tirer aucun élément sur un éventuel manquement de l’employeur envers la salariée.
Mme [E] fait valoir qu’elle était discréditée en permanence auprès de ses clients par le fait que M.[K] ne respectait pas les conditions générales de vente de l’entreprise EZOOM fixant à deux mois la livraison du site internet . Elle verse à l’appui de ses dires plusieurs contrats (7) conclus avec des clients professionnels ( pièces 46 à 52), comportant en annexe le procès-verbal de livraison de plus de deux mois après la date de signature des contrats. Elle ajoute que pour toucher ses primes et éviter ‘d’être harcelée’ par la clientèle mécontente, elle a réalisé le travail de conception confié à M.[K] et la mise en exploitation de sites au profit de deux clients (M.[W] et la société Bonnier-Forages) précisant avoir effectué la mise en service alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie le 11 octobre 2017. Nonobstant le fait que l’interprétation par la salariée des conditions générales de vente ( pièce 45) soit inexacte quant au délai de réalisation de la prestation, puisque le contrat entre en vigueur à l’issue d’un délai de 14 jours et que le délai de deux mois de réalisation du site ne commence à courir qu’à compter de la réception des données fournies par le client au prestataire, Mme [E] ne fournit pas les éléments suffisants permettant d’établir une dégradation dans ses conditions de travail qui incluent les relations avec la clientèle, et leur lien de causalité avec son état de sa santé.En effet, la situation est décrite de manière générale par la salariée dans son courrier mi-février 2017 ( pièce 4) se plaignant de ‘la perte de nombreux contrats du fait des retards de création , des problèmes non résolus pour des clients’ et ‘des conditions de travail devenues ingérables ces derniers mois, et n’est confortée par aucun élément précis et concret. Son employeur a fourni dans son courrier du 21 février 2017 des éléments de réponse cohérents auxquels Mme [E] n’a pas répliqué ‘ nous avons deux mois uniquement à partir du moment où le client nous fournit tous les éléments liés à la création de son site’, ‘ toute demande complémentaire spécifique ou incomplète de ta part peuvent entraîner des retards , je ne dis pas que nous y sommes pour rien loin de là mais certaines choses liées au client et aux demandes spécifiques ont ralenti certains dossiers. Depuis fin octobre, nous n’avons plus de secrétaire à poste fixe, nous avons enfin trouvé Safa qui s’investit énormément (..) On fait notre maximum. Aujourd’hui, l’équipe est au complet’.
La salariée n’établit pas que la situation dénoncée à la mi-février 2017 a perduré et qu’elle aurait suivi d’éventuelles instructions de M.[K] pour installer elle-même un site chez un client le 11 octobre 2017, alors qu’elle ne disposait ni des fonctions ni des compétences pour le faire et se trouvait en arrêt de travail ce jour-là , ce dont elle ne justifie pas au regard d’un certificat médical dûment daté. Les manquements ainsi dénoncés par Mme [E] ne sont pas établis.
En revanche, Mme [E] est fondée à obtenir une indemnisation du préjudice subi en lien avec les manquements de M.[K] à ses obligations de paiement régulier des salaires, de respecter le salaire minima conventionnel et de prendre en charge une partie des frais de mutuelle obligatoire. La cour est en mesure d’évaluer à 2 500 euros le montant des dommages-intérêts qui lui seront alloués pour mauvaise exécution du contrat de travail, par voie d’infirmation du jugement entrepris.
Sur l’indemnité spéciale de licenciement et l’indemnité compensatrice de l’article L 1226-14 du code du travail
Mme [E] revendique le bénéfice des dispositions légales applicables en cas de licenciement d’une salariée dont l’inaptitude a une origine professionnelle, pour obtenir le paiement de l’indemnité spéciale de licenciement d’un montant de 2 725,64 euros et de l’indemnité compensatrice prévue par l’article L 1226-14 du code du travail d’un montant de 7 882,16 euros. Elle considère que son inaptitude résulte directement du contexte professionnel dans lequel elle a travaillé auprès de M.[K] au regard des analyses concordantes de son médecin traitant et du médecin du travail lesquels ont diagnostiqué une situation d’épuisement professionnel et retenu un burn out, peu importe la décision de l’organisme social. Elle précise qu’une allocation adulte handicapée lui a été allouée le 13 décembre 2018 pour une période de 5 ans ) compter du 1er mars 2018.
M.[K] s’oppose à la demande de la salariée tendant à voir déclarer son inaptitude comme étant d’origine professionnelle ainsi qu’aux demandes d’indemnités subséquentes au titre de l’article L 1226-14 du code du travail.
Il convient au préalable de déterminer si l’inaptitude de Mme [E] , quel que soit le moment où elle a été constatée ou invoquée a eu au moins partiellement pour origine un accident de travail ou une maladie professionnelle et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Il résulte des pièces produites que :
– Mme [E] victime d’un accident le 14 avril 2016 a bénéficié d’un arrêt de travail consécutif à cet accident du 18 avril au 27 avril 2016, du 18 mai au 20 mai 2016 puis du 25 juillet au 12 août 2016 , au vu de l’attestation de paiement des indemnités journalières de la CPAM et du bulletin de salaire ( pièce 68 salariée et pièce 65 employeur )
– l’organisme social a notifié le 2 mai 2016 à l’employeur qu’il reconnaissait le caractère professionnel de l’accident.( Pièce 64)
– la salariée a bénéficié par la suite de plusieurs arrêts de travail pour maladie non professionnelle pour la période allant du 10 janvier 2017 au 10 février 2017, puis du 25 avril 2017 au 29 avril 2017, puis du 10 octobre au 20 octobre 2017, et à partir du 18 janvier 2018 ( relevé indemnités journalières pièce 68)
– le compte rendu de la visite de reprise du médecin du travail le 19 mars 2018 (pièce 20) faisant référence à un trouble anxieux et dépressif mixte, des plaintes en lien avec un épuisement professionnel élevé, et sur le plan clinique, des séquelles physiques en lien avec une sclérose en plaques (troubles de l’équilibre, déficit moteur membre inférieur gauche). Il est noté que l’intéressée n’a pas informé son employeur de son statut de travailleur handicapé reconnu depuis le 14 octobre 2013.
– l’avis d’inaptitude à son poste de commerciale établi le 17 avril 2018 par le médecin du travail dans le cadre d’une visite de reprise après étude de son poste le 11 avril avec la mention que l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
– le courrier du médecin traitant du 12 mars 2018 au médecin du travail aux fins ‘d’évaluation de l’aptitude de Mme [E] au poste de travail dans un contexte de burn out et dépression sur un terrain de pathologie neuro ancienne modérée : la salariée présentait une évolution défavorable d’adaptation au travail avec un épuisement évident dans un contexte de surmenage global'( pièce 55)
– son courrier du 30 avril 2018 ( pièce 26) adressé à M.[K] ‘ avant d’engager la procédure de licenciement pour inaptitude’ en sollicitant le paiement de diverses sommes et indemnités en lien avec sa reclassification d’attachée commerciale, la revalorisation de son salaire, le paiement d’heures supplémentaires, de l’indemnité de la perte de son droit au repos au regard du dépassement du contingent annuel de 70 heures supplémentaires. Elle évoque ‘une surcharge de travail qui s’est répercutée sur son état de santé’.
– la réponse de l’employeur du 15 mai 2018, contestant le bien fondé des demandes de la salariée , de rattrapage de salaires, et en paiement d’heures supplémentaires hypothétiques .
– un bulletin d’hospitalisation le 17 septembre 2018 au service des urgences du CHU de [Localité 8],
– la prescription de son médecin traitant le 24 septembre 2018 se rapportant à un traitement d’une affection longue durée et à un traitement antidépresseur,
– le courrier du 13 décembre 2018 de la MDPH lui allouant l’allocation adulte handicapé pour la période du 1er mars 2018 au 28 février 2023.( Pièce 32).
Toutefois, il convient de constater que les arrêts de travail prescrits par son médecin traitant au cours de la période précédant l’avis d’inaptitude, soit entre le 10 janvier 2017 et le 18 avril 2018, ne font aucune mention d’une origine professionnelle ; que l’avis d’inaptitude établi le 17 avril 2018 par le médecin du travail dans le cadre de la reprise après maladie ne fait pas état de la survenance d’une pathologie en lien avec le travail. Si le médecin traitant a évoqué un ‘contexte de burn out et de dépression sur un terrain de pathologie neuro-ancienne modérée’dans son courrier transmis le 12 mars 2018 au médecin du travail et que ce dernier est demeuré prudent lors de la visite du 19 mars 2018 par rapport aux doléances de la salariée, il ressort clairement du certificat délivré le 2 mars 2019 par le médecin traitant , produit par l’employeur ( pièce 67) que:
‘ l’état de santé de Mme [E] évoluant depuis 2016 a nécessité un arrêt de travail depuis janvier 2018 conduisant ce jour à une mise en invalidité catégorie 2 à la date du 27 novembre 2018 en lien avec une pathologie neuro psy à caractère évolutif.’
Les éléments ainsi produits permettent d’écarter l’origine professionnelle de la pathologie constatée et le fait que l’employeur a eu conscience au moment du licenciement de ce que l’inaptitude de la salariée avait au moins pour partie une origine professionnelle. Il est observé que la salariée ne soutient à aucun moment avoir fait une déclaration de maladie professionnelle correspondant aux arrêts de travail qui lui ont été prescrits entre le mois de janvier 2017 et celui d’avril 2018, nonobstant l’indépendance des rapports entre les parties au contrat de travail. La procédure engagée par elle en septembre 2018 devant le Pôle social du Tribunal de Rennes , qui s’est soldée par un rejet de ses demandes, concernait une demande de reconnaissance de faute inexcusable de son employeur dans le cadre de son accident de trajet du 14 avril 2016 et non pas dans le cadre de ses arrêts de travail ultérieurs prescrits en 2017 et 2018 pour maladie .
La salariée sera ainsi déboutée de sa demande tendant à bénéficier des règles protectrices des victimes d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement et de l’indemnité compensatrice prévues par l’article L 1226-14 du code du travail, par voie de confirmation du jugement.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité
Mme [E] fait valoir que son inaptitude médicalement constatée trouve son origine dans le manquement préalable de l’employeur à son obligation d’assurer la santé de ses salariés, ce qui prive son licenciement pour inaptitude de cause réelle et sérieuse.
En application de l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l’assurer. Il doit le faire notamment par des actions de prévention des risques professionnels, par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Lorsque l’inaptitude du salarié trouve sa cause dans un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité, qui l’a provoquée, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
La cour ayant considéré, pour les motifs précédemment développés, que la salariée échouait à établir des éléments de fait caractérisant des conditions de travail dégradées susceptibles d’engager l’obligation de sécurité de l’employeur, il convient de rejeter la demande de Mme [E] tendant à voir juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour inaptitude en raison du manquement préalable de M.[K] à son obligation de sécurité. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le manquement de l’employeur à son obligation de recherche de reclassement
En application des dispositions de l’article L 1226-2-1 du code du travail dans le cas d’une inaptitude d’origine non professionnelle, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié déclaré inapte pour une maladie non professionnelle que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
En l’espèce, la mention expresse par le médecin du travail dans l’avis d’inaptitude ayant mentionné que l’état de santé de Mme [E] faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, il en résulte que l’employeur était dispensé , en application de l’article L 1226-2-1 du code du travail, de rechercher et de proposer des postes de reclassement, la portée générale de l’appréciation du médecin du travail excluant tout reclassement dans un emploi.
Le manquement de M.[K] à son obligation de reclassement n’étant pas caractérisé, le licenciement pour inaptitude de Mme [E] reposait sur une cause réelle et sérieuse de sorte que la salariée doit être déboutée de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes d’indemnités subséquentes, par voie de confirmation du jugement.
Sur les autres demandes et les dépens
Il convient d’ordonner à l’employeur de délivrer à Mme [E] l’attestation Pôle Emploi et les bulletins de salaires rectifiés conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte.
Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère de salaire et pour le surplus à compter du présent arrêt. Conformément à l’article 1343-2 du Code civil, les intérêts échus produiront eux-mêmes des intérêts, pourvu qu’ils soient dus pour une année entière.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [E] les frais non compris dans les dépens en appel. L’employeur sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile
L’employeur qui sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Déclare irrecevable la demande nouvelle en appel présentée par Mme [E] dans ses conclusions du 8 février 2021 en paiement d’un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires dues pour la période postérieure au 1er janvier 2016.
– Infirme le jugement en ses dispositions relatives à la demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires dues pour la période antérieure au 1er janvier 2016, à la demande de dommages-intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail, à la demande d’indemnité de procédure de Mme [E] et aux dépens.
– Confirme les autres dispositions du jugement entrepris.
– Condamne M.[K] à payer à Mme [E] les sommes suivantes :
– 1 956,70 euros bruts au titre du rappel de salaire pour des heures supplémentaires antérieures au 1er janvier 2016.
– 195,67 euros bruts pour les congés payés afférents
– 2 500 suros de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail,
– 2 000 euros en cause d’appel au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991
– Dit que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la date à laquelle l’employeur a accusé réception de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation- pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires, avec capitalisation des intérêts annuels.
– Ordonne à M.[K] de délivrer à Mme [E] l’attestation Pôle Emploi et les bulletins de paie rectifiés conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt.
– Déboute M.[K] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamne M.[K] aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Président