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27 octobre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/01933
27/10/2023
ARRÊT N°2023/404
N° RG 22/01933 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OZRQ
MD/CD
Décision déférée du 12 Avril 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( 18/01552)
R. BONHOMME
Section Encadrement
[O] [Y]
C/
S.A.S.U. SAICA PACK FRANCE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 27/10/23
à Me FREIXEDA,
Me JOLLY
Le 27/10/23
à Pôle Emploi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [O] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Véronica FREIXEDA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM”E
S.A.S.U. SAICA PACK FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM”, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE:
M. [O] [Y] a été embauché le 23 février 2015 par la SAS Saica Pack France, ayant pour activité la production de carton ondulé, en qualité de technico-commercial, statut cadre, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la transformation du papier carton.
Après avoir été convoqué par courrier du 13 décembre 2016 à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 décembre 2016, M. [Y] a été licencié par courrier du 27 décembre 2016 pour insuffisance professionnelle avec dispense de préavis.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 22 septembre 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement de départition du 12 avril 2022, a :
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription
– débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné M. [Y] à payer à la SAS Saica Pack France la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné M. [Y] aux entiers dépens.
Par déclaration du 18 mai 2022, M. [Y] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 22 avril 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 septembre 2023, M. [Y] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes et l’a condamné à verser à la SAS Saica Pack France la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la SAS Saica Pack France à lui verser la somme de 24.996 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la SAS Saica Pack France à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance,
– débouter la SAS Saica Pack France de l’ensemble de ses demandes.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 septembre 2023, la SAS Saica Pack France, demande à la cour de :
A titre principal :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tiré de la prescription,
– juger irrecevables comme prescrites les demandes de M. [Y],
A titre subsidiaire :
– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
– juger les demandes de M. [Y] irrecevables ou injustifiées,
– débouter M. [Y] de l’intégralité de ses prétentions,
En tout état de cause :
– condamner M. [Y] à verser à la SAS Saica Pack France la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 8 septembre 2023.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Sur la prescription:
Le licenciement de M. [Y] est intervenu le 27 décembre 2016.
Il n’est pas contesté par la société que si le délai de prescription de l’action portant sur la rupture du contrat était de deux ans (article L.1471-1 du code du travail dans sa rédaction à la date du licenciement), en application de l’article 40 de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, le délai réduit à douze mois était applicable aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de l’ordonnance (soit le 23 septembre 2017), et ce, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
M. [Y] disposait d’un délai de douze mois à compter du 23 septembre 2017, pour contester la rupture de son contrat de travail, soit jusqu’au 22 septembre 2018.
L’article R 1452-2 du code du travail dans sa rédaction à la date du litige dispose que la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud’hommes.
M. [Y] a posté une requête le 22 septembre 2018, enregistrée le 25 septembre 2018 par le greffe du conseil de prud’hommes.
La société soulève que l’action en contestation du salarié était prescrite à la date du 25 septembre.
Comme le relève le premier juge, selon l’article 668 du code de procédure civile, lorsque la demande est adressée par voie postale, la date de notification est à l’égard de celui qui procède, celle de l’expédition.
Aussi il y a lieu de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription par confirmation du jugement déféré.
Sur le bien fondé du licenciement:
En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige et il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.
L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié, ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l’entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail, mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations.
L’insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d’une conjoncture économique difficile.
L’insuffisance reprochée ne doit pas non plus être liée au propre comportement de l’employeur ou à son manquement à l’obligation d’adapter ses salariés à l’évolution des emplois dans l’entreprise.
Si l’insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle peut toutefois fonder la rupture du contrat de travail si le fait pour le salarié de ne pas avoir atteint ses objectifs résulte soit d’une insuffisance professionnelle soit d’une faute imputable au salarié.
En principe, l’insuffisance professionnelle est non fautive et relève du non-disciplinaire. Toutefois, elle peut être fautive et relever du disciplinaire si l’employeur invoque des manquements procédant d’une mauvaise volonté délibérée de la part du salarié.
La lettre de licenciement est ainsi rédigée:
‘ Suite à l’entretien que vous avez eu le 22 décembre 2016, auquel vous avez été régulièrement convoqué, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour insuffisance professionnelle.
Au préalable, nous rappelons que vous avez intégré l’établissement de Saica Pack [Localité 7] pour le développement de la commercialisation des produits de ‘PLV’ sur l’ensemble du territoire national. Compte tenu de votre expérience de plus de 15 ans auprès d’entreprises spécialisées dans la commercialisation de ces produits, et notamment en carton ondulé, nous avions toute confiance en votre savoir-faire.
C’est dans ce contexte que vous êtes entré au service du groupe Saica le 23 février 2015 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de technico-commercial.
Eu égard à votre fonction, de votre statut de cadre et de votre expérience, nous attendions de vous dans le cadre de l’exécution de votre prestation de travail :
– que vous nous apportiez votre expertise dans le domaine de la PLV,
– que vous développiez l’activité commerciale PLV sur l’établissement Saica Pack [Localité 7],
– que vous développiez le portefeuille clients PLV selon les orientations stratégiques commerciales de votre établissement,
– que vous aidiez à mettre en place le processus de fabrication de nos produits PLV,
– que vous atteigniez les objectifs de volumes qui vous sont demandés.
Or, et alors même que vous disposiez de l’ensemble des moyens nécessaires au bon exercice de vos responsabilités, nous avons été amenés à constater votre incapacité à réaliser les missions confiées.
Ainsi, les motifs de ce licenciement sont ceux qui vous ont déjà été exposés lors de l’entretien précité à savoir :
1. Un manque de communication, un suivi des dossiers non systématique et une utilisation défaillante des outils Saica:
Malgré les rappels faits par le Directeur Commercial de l’établissement, votre supérieur hiérarchique, vous ne prenez pas conscience de l’importance du renseignement du suivi de vos dossiers dans le cadre des outils CRM de Saica, à savoir SSS et Supermario.
De manière plus générale, nous vous reprochons un manque de remontées d’informations auprès du Directeur commercial qui doit trop régulièrement vous relancer pour l’envoi des comptes rendus concernant votre activité.
Ces rappels ont été effectués par oral lors de vos points mensuels, par téléphone, mais également par écrit au travers de mails de relance.
La commercialisation de produits de PLV est une nouvelle activité pour le site de Saica Pack [Localité 7] et un axe fort dans les orientations stratégiques du site. Aussi, vous comprendrez que la mise à jour du suivi de ces dossiers requiert une importante rigueur afin d’avoir de la visibilité sur cette nouvelle activité commerciale, les orientations à prendre et les éventuels développements que celle-ci engendrera.
2. Une activité commerciale insuffisante freinant le développement de volumes:
Depuis votre prise de fonction, le développement de votre secteur et les volumes entrés qui s’en suivent ne sont pas à la hauteur de nos attentes.
Dès la confirmation de votre période d’essai, pourtant renouvelée, nous vous mettions en garde sur l’absence de résultat en termes de commandes actées. Nous vous fixions alors pour objectif de concrétiser à minima 3 commandes ‘PLV’ dans la cible de Saica Pack [Localité 7] dans un délai de 3 mois.
En 2015, vous deviez développer le portefeuille client de votre secteur avec 15 nouveaux clients. Or, nous n’avez su transformer que 1 596 m2 pour un objectif de 480 000 m2, soit un taux de réalisation 0,33% de votre objectif.
Le secteur de la PLV est un secteur sur lequel l’établissement de Saica Pack [Localité 7] mise pour assurer le redressement économique du site. Compte tenu de votre expérience et votre connaissance du secteur, nous comptions sur de rapides résultats pour assurer une bonne part de la pérennité économique de l’établissement.
En définitive, nous constatons que vous n’avez pas su prendre conscience des exigences en termes de volume de commandes pour le développement de votre portefeuille client et la pérennité du site.
Les volumes enregistrés traduisent cette activité commerciale insuffisante. A ce jour, en 2016, vous enregistrez un volume de 64 333 m2 pour un objectif de 700 000 m2, soit 9% de votre objectif.
Nous avons régulièrement été amenés à vous alerter sur ces problématiques au cours des différents entretiens réalisés avec le Directeur Commercial de l’établissement et dernièrement avec la Responsable des Ressources Humaines.
Chaque fois, le constat était fait sur le manque de dynamisme et d’implication commerciale.
3. Une tentative de reclassement:
Malgré l’appui que nous vous avons proposé et le constat d’un décalage important entre nos attentes sur le poste que vous occupez et la réalisation de vos missions, nous avons été en mesure de vous proposer une opportunité auprès de la nouvelle division du Groupe Saica Display, dans le cadre d’une mise à disposition, évitant d’avoir à envisager une rupture de votre contrat de travail.
Regrettablement, après quelques mois de mise à disposition, la Direction de Saica Display n’a pas été satisfaite de votre travail et notamment sur la gestion du dossier FM Logistique qui vous a été confié (manque de vision stratégique, mauvaise gestion des coûts et marges) et sur les attentes en matière de prospection.
Un nouvel échec devait être constaté.
Aux vues de votre parcours professionnel, nous n’avions aucun doute sur vos capacités pour répondre aux prérogatives commerciales recherchées par le site de [Localité 7]. Or, nous déplorons votre manque de résultats sur la dynamisation du portefeuille client dont vous avez la responsabilité et la qualité de votre travail de manière plus générale.
Les explications recueillies auprès de vous lors de l’entretien préalable du 22 décembre 2016 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Eu égard au caractère urgent de la situation et au besoin de développement de l’établissement de Saica Pack [Localité 7] sur la PLV, nous considérons que les éléments précités relèvent d’une insuffisance professionnelle qui justifie la rupture de votre contrat de travail.
La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de trois mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu. Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis et que vous percevrez donc au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante. (..)’
****
La société explique que souhaitant conquérir un nouveau marché, celui de la Publicité sur le Lieu de Vente (PLV), elle a recruté M. [Y] au regard de son expertise (20 ans d’ancienneté) en ce domaine, en qualité de technico-commercial, statut cadre, afin qu’il assure le développement de la commercialisation de cette nouvelle activité sur le plan national, mette en place le processus de fabrication des produits PLV et développe l’activité commerciale et le portefeuille clients sur l’établissement de [Localité 7].
La société reproche à M. [Y] une incapacité à développer le secteur placé sous sa responsabilité, à atteindre des résultats significatifs notamment par manque de dynamisme et d’implication commerciale.
M. [Y] conteste toute insuffisance de sa part.
Par courrier du 09 septembre 2015, l’employeur écrivait à M. [Y] à l’issue de la période d’essai renouvelée: ‘ Malgré une absence de résultat en termes de commandes actées, votre contrat à durée indéterminée est réputé définitif. Il est impératif de concrétiser d’ici 3 mois 3 commandes PLV dans la cible de Spica Pack [Localité 7]. Nous ferons un point en fin d’année pour partager vos résultats à savoir que nous avions convenu à votre embauche 15 nouveaux clients PLV (Bonus Saica)’.
Sur le grief de l’incapacité de M. [Y] à assurer le suivi des dossiers en utilisant les outils mis à sa disposition par la société et à communiquer:
La société reproche au salarié un manque de rigueur et d’organisation dans le nouveau secteur PLV de développement stratégique pour l’entreprise.
M. [Y] objecte qu’il n’a pas reçu de formation et que les outils informatiques de suivi commercial ( SuperMario et SSS) n’étaient pas adaptés à l’activité de PLV.
Dans le cadre de son rapport ‘d’étonnement de juillet 2015 ‘, s’il indique que le service devis n’est pas habitué aux exigences du marché de la PLV, il reconnaît un commencement d’adaptation aux nouvelles méthodes et ne propose pas, hormis des embauches, quels autres outils informatiques devraient spécifiquement remplacer les logiciels SuperMario et SSS.
Des éléments de la procédure, il ressort que dans le cadre de son intégration dans l’entreprise, M. [Y] a suivi les formations suivantes:
– dès son entrée, un plan de formation incorporation pour la période du 23-02 au 27-02-2015 portant sur les caractéristiques des produits de la société, sur les machines, l’organisation de la société, les différents services (production, comptabilité, bureau technique, qualité/sécurité), ce, sur les sites de [Localité 7] et de [Localité 5],
– une formation à [Localité 4] le 26 mars 2015 concernant les logiciels de gestion/suivi commercial internes, notamment le logiciel SSS (Saica Sales System), base de reporting permettant de transcrire les comptes-rendus de visite client (physiques et téléphoniques) et d’avoir une visibilité en temps réel sur le portefeuille en cours de l’agent, formation attestée par mail de Mme [N], attachée de direction commerciale,
– s’agissant de la formation interne d’intégration dans la Force de vente de quatre jours à [Localité 6] du 01 au 04 juin 2015, M. [Y] objecte qu’elle a été annulée.
Si l’employeur produit un mail du 17 mars 2015 par lequel son directeur lui rappelle de’ bloquer la semaine 23″ à cet effet, il ne justifie pas qu’elle a effectivement eu lieu.
En tout état de cause, l’appelant ne démontre pas quelle incidence négative aurait eu sur ses fonctions cette annulation, alors même qu’il dispose d’une expertise longue dans le domaine commercial et n’a formé aucune remarque à ce titre, notamment dans son rapport ‘d’étonnement’ de juillet 2015.
M. [Y] a également fait l’objet d’un accompagnement ou suivi de la part de l’employeur dans le cadre de ‘points commerciaux’ pour lister les difficultés relevées et trouver des solutions adaptées, ainsi:
. par mail du 29-02-2016, M. [E], directeur commercial, écrivait: « Nous bâtirons ensemble un plan d’action pour les trois prochains mois »,
. par mail du 28-04-2016, il lui rappelait une implication nécessaire:
« Nous nous sommes vus à plusieurs reprises concernant la méthode SSS de Spica (..) Malgré la formation, les relances didactiques, ce n’est pas fait à ce jour. Je ne tolérerai plus aucun manquement (..) Je suis inquiet concernant ton dynamisme dans la prospection et la relance des dossiers en cours. (‘) J’ai besoin d’être rassuré sur ton implication, ta proactivité et ton agressivité commerciale (réactivité, relance, prospection autour de chez toi, ‘..), non en phase à ce jour avec ton statut et l’autonomie liée à ta fonction. »
S’agissant du logiciel Super Mario, cet outil de pilotage des commandes doit permettre aux commerciaux et à la direction commerciale d’avoir une vue d’ensemble sur les dossiers en cours afin d’anticiper la production et le transport des volumes. A cet effet, les technico-commerciaux doivent faire apparaitre chaque mois, sur un document Excell, selon diverses couleurs, les clients gagnés, ceux avec qui une finalisation est en cours, les prospects, les clients perdus.
M. [Y] affirme qu’il renseignait régulièrement les colonnes et qu’à compter de mai 2016, il faisait une synthèse de ses actions. Il produit deux documents de synthèse pour la période de décembre 2015 à avril 2016 ( dont un édité le 30 août) et un point mensuel pour mai et juin 2016.
Ces documents se rapportent à une période de temps limitée et postérieure à des demandes réitérées de M. [E], directeur commercial, de compléter avec plus de rigueur les outils de suivi et de gestion internes.
Ainsi, il interrogeait M. [Y] le 04 février 2016, sur le devenir de mentions de clients sur le logiciel Super Mario et le 23 février 2016 au sujet d’un dossier Candia non renseigné ( type de PLV – potentiel – quand), alors qu’il appartient au commercial de transmettre tous éléments utiles au service établissant les devis.
Le 24 février, il rappelait la nécessité de compléter les éléments sur Super Mario pour avoir un minimum de visibilité commerciale, ce qui n’était toujours pas ‘le réflexe’ du salarié.
Le 28 avril 2016, M. [E] constatait l’absence de compte-rendu client dans le logiciel SSS dédié: ‘ ce n’est pas pensable, merci de régulariser cette semaine’. Il revoyait et fixait également ‘ les points à traiter et à préparer pour le prochain point du 12 mai 2016 (sur site): Comptes-rendus de visites enregistrés dans ‘SSS’ même les prospects selon astuce vue ensemble ce jour’.
Sur le manque de rigueur et le non respect des normes en matière de communication, l’employeur évoque une réunion commerciale « spécialité » pour laquelle il a été demandé à M. [Y] de préparer un support de présentation de son secteur à ses collègues.
Le 21 janvier 2016, M. [E] écrivait: ‘c’est démoralisant , il y a un canevas , tu ne le respecte pas 1 fois, 2 fois, je ne comprends pas c’est ni fait ni à faire. Dois je penser que c’est pareil pour les explications que tu donnes pour deviser, si c’est le cas je comprends que çà ne marche pas’.
Sur la fiche des objectifs 2016, il était inscrit à la rubrique ‘stratégie’ la nécessité d’ ‘une amélioration de la communication et être didactique avec l’ensemble des collègues’.
M. [E] atteste par ailleurs que l’appelant ‘avait de nombreuses difficultés à communiquer et n’a jamais véritablement utilisé les différents outils de gestion et de suivi commercial de la société’.
Il s’évince donc des éléments développés, comme l’a retenu le premier juge, que M. [Y] n’utilisait pas de façon réitérée, malgré l’accompagnement mis en place, avec rigueur les fonctions des outils internes de l’entreprise tendant à favoriser la communication et le suivi sur le plan commercial.
Sur le grief de l’incapacité du salarié à développer le secteur confié et à atteindre des résultats significatifs:
Tel que M. [Y] l’indique dans son rapport d’étonnement de juillet 2015, le secteur PLV présentait un fort potentiel de développement chiffré à 357 millions d’euros: « dans différents secteurs, et pour différents commanditaires : la demande est présente, existe (‘) les clients sont prêts à travailler avec Saica du fait de leur capacité technique et de leur maitrise complète de la chaine de production, (..)».
Dans ce rapport, l’appelant évoque des points faibles de l’entreprise quant à des moyens techniques et humains, ce à quoi l’employeur réplique que:
– l’intéressé connaissait lors de son engagement les ressources de l’entreprise et les objectifs impliquant que les investissements interviendraient une fois un certain volume de commandes atteint et un nombre suffisant de clients gagnés, tel qu’il ressort du mail de M. [E] du 29 février 2016: ‘ notre objectif étant de concrétiser des commandes et non seulement de deviser, cette concrétisation pouvant passer bien évidemment par de la sous-traitance ‘ ,
– il avait à disposition tous les Key Account Manager Saica Pack France (KAM – responsables de comptes), sur lesquels il pouvait s’appuyer pour intégrer les grands comptes, ce qui lui était rappelé par mails des 05 et 08 février 2016 auxquels était jointe une liste actualisée.
Comme le relève le premier juge, l’appelant, qui dispose de 20 ans d’expérience dans le milieu PLV ‘techniquement puis commercialement’ était informé lors de son recrutement des niveaux d’objectifs attendus qu’il n’a pas considérés comme inatteignables.
Pas plus, il n’a pas, pendant la relation contractuelle, évoqué de difficultés tenant à l’unité de mesure des volumes en matière de PVL ( le m2 de carton), contrairement à ses conclusions par lesquelles il énonce que le secteur de la PLV se réfère habituellement au chiffre d’affaires.
M. [E], responsable commercial, atteste ainsi que M. [Y] connaissait les objectifs du poste avant son entrée en fonction et ne les a pas remis en cause s’agissant de leur niveau ou de leur mode de détermination (m2 de carton – nombre de nouveaux clients), le bonus formalisé en mars 2015 y fait mention avec un objectif de volume de 480000 m2 pour l’année 2015 au travers de 15 nouveaux clients, le bilan se résume par aucun nouveau client et donc aucun nouveau volume.
Pour contester le reproche d’insuffisance d’activité commerciale, M. [Y] oppose avoir réalisé après un an de travail un chiffre d’affaires de 600000€, ce que réfute l’employeur et qu’il n’établit pas. Il soutient également que le développement de l’activité PLV nécessitait du temps qui ne lui a pas été donné.
Même si toutes les démarches auprès d’entreprises n’apportent pas un investissement effectif et immédiat, comme le souligne justement le premier juge, 22 mois se sont écoulés entre son engagement et son licenciement et l’intéressé présentait une longue expérience qui avait déterminé son recrutement.
Par avenant, M. [Y] a accepté une mise à disposition temporaire auprès d’une nouvelle division du groupe SPICA Display sur un poste de KAM France PLV à compter d’ octobre 2016 pour 3 mois.
Par mail du 06 décembre 2016, la société LIC & MAJRANI écrivait ne pas envisager une embauche, aux motifs ‘ d’un manque de professionnalisme, une mauvaise gestion des coûts et des marges, en particulier dans le dossier « FM logistique »; un manque de proactivité en matière de prospection; un problème en termes de communication’, ce qui vient conforter la nature des défaillances précédemment constatées.
S’il y a lieu de tenir compte du fait que l’atteinte d’objectifs fixés n’est pas concomitante à des démarches initiées, la réalisation des objectifs dépend d’un investissement dans la création et le développement d’une clientèle, doublé d’une implication et d’une optimisation de la gestion et du suivi des clients et d’une communication effective avec l’équipe commerciale, missions pour lesquelles il a été constaté une insuffisance sur la durée de M. [Y] malgré l’accompagnement mis en oeuvre.
Aussi le licenciement est fondé et les demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse seront rejetées par confirmation du jugement déféré.
Sur les demandes annexes:
M. [Y], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [O] [Y] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière de chambre.
LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE
C. DELVER S. BLUM”
.