Savoir-faire : 26 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00987

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Savoir-faire : 26 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00987
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26 octobre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/00987

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 26 OCTOBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00987 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBH2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/02900

APPELANT

Monsieur [L] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Nicolas PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1408

INTIMÉE

S.A.S. OODRIVE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle anne LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0780

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente

Madame Véronique BOST, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] [G] a été embauché par la société Oodrive par contrat à durée indéterminée en date du 15 mai 2017 en qualité de responsable ‘product manager’, statut cadre, position 3.2, coefficient 210 de la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite SYNTEC) pour un salaire brut mensuel de 8 500 euros, sur douze mois, outre une prime variable annuelle sur objectifs de 10 000 euros versée semestriellement.

Par lettre remise en main propre du 6 mars 2019, la société Oodrive a convoqué M. [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 mars 2019.

Par lettre du 20 mars 2019, M. [G] a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [G] a saisi 1e conseil de prud’hommes de Paris le 8 avril 2019, qui par jugement du 6 janvier 2021, notifié aux parties, a :

– requalifié le licenciement de M. [G] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Oodrive à lui verser les sommes suivantes :

– 4 585 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation d’orientation et jusqu’au jour du paiement,

– rappelé qu’en vertu de 1’article R1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois deniers mois de salaires,

– fixé cette somme à 9 169,66 euros,

– 5 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [L] [G] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Oodrive de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Oodrive aux dépens.

Par déclaration du 11 janvier 2021, M. [G] a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 9 mai 2023, M. [G] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a :

– jugé que la société Oodrive n’a pas exécuté le contrat de bonne foi,

– jugé que 1e licenciement prononcé le 20 mars 2019 ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

Concernant son indemnisation il est demandé à la cour de réformer la décision déférée et y ajoutant de :

– condamner la société Oodrive à lui payer la somme de 55 017,96 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de réputation subi en raison de la mauvaise exécution du contrat par l’employeur,

– condamner la société Oodrive à lui payer la somme de 27 508,98 euros (soit 3 mois de salaire brut) à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

– débouter la société Oodrive de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Oodrive à lui payer la somme de 2 500 euros au titre d’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 5 juillet 2021, la société Oodrive demande à la cour de :

– déclarer la société Oodrive recevable en son appel incident

Sur l’exécution loyale du contrat de travail

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Oodrive à verser à M. [G] la somme de 5 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Et statuant à nouveau :

– dire et juger que la société Oodrive a exécuté de manière loyale le contrat de travail de M. [G],

– constater que la société Oodrive n’a commis aucun manquement, aucune faute, susceptible d’engager sa responsabilité,

– constater que M. [G] ne justifie en tout état de cause d’aucun préjudice susceptible de faire l’objet d’une indemnisation,

– débouter par voie de conséquence M. [G] de ce chef de demande,

Sur le licenciement pour insuffisances professionnelles,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [G] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Oodrive à lui verser la somme de 4 585 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau :

– débouter M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement,

– apprécier in concreto le préjudice allégué par M. [G], tandis qu’il a retrouve un emploi des le terme de son préavis,

Sur les autres demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Oodrive à verser à M. [G] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,é- infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Oodrive de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Et statuant à nouveau,

– condamner M. [G] à une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens d’instance, au titre de la première instance,

Y ajoutant,

– condamner M. [G] à une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens d’instance, en cause d’appel,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [G] du surplus de ses demandes.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 29 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS

Sur l’exécution du contrat de travail

M. [G] soutient que son employeur n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail et a violé délibérément son obligation de sécurité.

Il fait valoir, en premier lieu, que sa lettre d’embauche mentionnait un droit d’achat de stock-options après six mois d’ancienneté, mention qui n’a pas été reprise dans son contrat de travail et que son absence dans le contrat de travail final constitue une perte de chance.

En second lieu, il fait valoir qu’il a découvert, grâce à des sources externes, au début de l’été 2018 que son employeur poursuivait une mission de recrutement sur son poste, alors qu’aucun reproche ne lui avait été fait et qu’il ne sera licencié qu’un an plus tard.

La société soutient que la mention dans la lettre d’embauche du bénéfice d’un droit d’achat de stock-options ne vaut pas un droit acquis à un tel dispositif qui, de surcroît, n’a pas été formalisé entre les parties, le salarié ne valorisant pas son préjudice.

Par ailleurs, la société rappelle que la situation de M. [G], dans sa globalité et complexité, lui a été expliquée de façon parfaitement loyale, notamment par le Directeur des Ressources Humaines et que le fait qu’il ait pu circuler une rumeur au sein de la société au cours de l’été 2018 sur son remplacement à venir n’est ni fondé ni prouvé.

Sur ce,

L’article L1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Sur le grief d’une recherche d’un recrutement externe sur son poste de travail pendant la relation contractuelle et l’été 2018, la cour relève que la société définit le poste de M. [G] dans les termes suivants: ‘pilotage de la gouvernance et de la stratégie du porte feuille de produits commercialisés par le groupe Oodrive’ ce qui, en l’absence de responsable direct le place sous les ordres de la direction de l’entreprise.

Le courrier du 21 juillet 2018 (et non du 21 août 2018) révèle que M. [G] a alerté , dès cette date, la direction de la société, de bruits persistants relatifs à un processus de recrutement sur son poste, et aucun démenti sérieux n’est apporté par la société sur ce point, seuls un courrier et un courriel proposant une rencontre dans les suites de cette alerte étant produit.

De plus, en août 2018, la société a effectivement embauché un directeur technique ‘patron de la R&D-CTO’, M. [P], qui sera le supérieur hiérarchique direct de M. [G] et l’interface avec la direction de l’entreprise qui le charge de la mise en place d’une nouvelle organisation du service.

Cependant, même en absence de démenti de la direction de l’entreprise à l’alerte formalisée auprès d’elle par le salarié et si les démarches d’embauche d’un directeur technique ont pu favoriser ‘une rumeur de mise à l’écart de M. [G]’, cette embauche découlant du pouvoir de direction et d’organisation de l’entreprise ne constitue pas une exécution déloyale du contrat de travail.

Sur le grief du défaut de droit d’achat de stock-options, la cour rappelle qu’aux termes de l’article L 1211-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun, il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.

En outre, il est constant qu’une promesse unilatérale d’embauche, valant contrat de travail, contient les éléments essentiels du contrat. Elle doit être claire et précise et s’adresser à un candidat déterminé. La fixation d’un délai au candidat pour apporter sa réponse est obligatoire.

Plusieurs autres éléments obligatoires doivent y figurer :

– La nature du poste proposé,

– L’identité du candidat,

– Le montant de la rémunération,

– Le lieu de travail,

– La date d’embauche,

– Le délai d’acceptation laissé au candidat,

– Le type de contrat (CDD ou CDI, à temps plein ou temps partiel).

D’autres éléments peuvent également y figurer, similaires à un contrat de travail, tel que les horaires ou la durée de la période d’essai.

La promesse acceptée fait office de contrat par lequel les parties sont engagées aux yeux de la loi.

En l’espèce, la cour relève que le 16 mars 2017, en réponse à une ‘lettre d’intention d’embauche’ du même jour, M. [G] a accepté par sa signature et la mention ‘Bon pour accord’, les propositions suivantes :

‘(…)Pour faire suite à nos différents entretiens, nous avons le plaisir de vous confirmer votre intégration au sein de notre Société Oodrive pour le poste ci-dessous :

– Intitulé du poste : Responsable Product Manager / Head of Product Manager ;

– Contrat : CDI ;

– Statut : cadre, position 3.2, coefficient 210 ;

– Période d’essai : 3 mois renouvelable d’une nouvelle durée de 3 mois ;

– Rémunération brute annuelle fixe sur douze mois : 102 000 € (cent deux mille euros) ;

– Rémunération brute annuelle variable : 10 000 € (dix mille euros) sur une base de douze mois à objectifs atteints ;

– Vous bénéficierez de la mutuelle d’entreprise, du PEI et PERCO ainsi que des tickets restaurant ;

– Vous bénéficierez d’un droit d’achat de stock-options après 6 mois d’ancienneté ;

– Date d’intégration : au plus tard dans 3 mois.

Nous vous demandons de bien vouloir nous retourner le double de la présente revêtu de la formule “Bon pour accord” et de votre signature.

En l’absence de réponse de votre part sous un délai de 3 jours, la présente proposition sera considérée comme caduque. (…)’.

Ainsi, cette lettre d’intention est une promesse d’embauche acceptée par M. [G] valant contrat de travail et le défaut de reprise dans le contrat de travail du droit d’achat de stock-options, peu important la signature postérieure d’un autre contrat, constitue une déloyauté dans son exécution et une perte de chance d’acheter et de revendre les stock-options ainsi acquises.

En réparation du préjudice issu de cette déloyauté dans l’exécution du contrat de travail, la cour, comme les premiers juges l’ont justement apprécié, condamne la société à verser à M. [G] la somme de 5 500 euros pour non respect de son obligation de loyauté.

Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle

La société soutient que le licenciement de M. [G] est justifié par son insuffisance professionnelle. Elle fait valoir qu’elle a constaté un double manque de leadership personnel sur les équipes que M. [G] encadrait et une dimension stratégique insuffisante sur le métier dont le salarié porte la seule

responsabilité comme ‘Responsable du Product Management’.

La société indique que l’absence de toute amélioration dans les mois qui ont suivi l’entretien annuel justifie l’insuffisance professionnelle de M. [G] et non sur une sanction d’un défaut de réalisation des objectifs fixés par l’entretien annuel de janvier 2019.

M. [G] soutient que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et fait valoir que sa fonction n’est pas fixée contractuellement. Il précise que son licenciement à pour seul motif une prétendue absence d’avoir rempli ses objectifs moins d’un mois et demi après leur fixation.

Par ailleurs, il soutient que les griefs reprochés par la société sont directement imputables a l’organisation interne de la société et aux erreurs de cette dernière.

Sur ce,

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée ainsi :

‘(…) Cet entretien nous a permis de vous exposer les éléments ayant amené 1’entreprise à envisager une mesure de licenciement. Après vous avoir entendu, et malgré la teneur de l’échange, nous ne sommes pas en mesure de modifier notre appréciation de la situation et nous vous informons donc de notre décision de vous licencier pour un motif personnel, lié à une insuffisance professionnelle dans l’exercice de votre mission contractuelle.

Vous occupez le poste de Responsable du Product Management de notre Groupe depuis 1e 15 mai 2017. A ce titre, votre mission consiste à piloter la gouvernance et la stratégie du portefeuille de produits commercialisés par le groupe Oodrive. I1 vous appartient, à cet effet, de vous assurer d’une bonne adéquation entre les besoins clients et la roadmap produits que vous supervisez. Il vous revient également de garantir la fluidité entre les équipes techniques et la roadmap produits portée par les Product Managers, que vous pilotez au quotidien. Enfin, vous dirigez une équipe technique d’environ 12 collaborateurs constituée de Product Managers, UX Designer (interface utilisateurs) et TechWriter (documentation technique).

L’année 2018 a été marquée par la mise en place d’une nouvelle organisation R&D, qui a eu pour conséquence positive d’effectuer un recentrage majeur du rôle de Product Manager sur les enjeux stratégiques et business de la gamme de produits, délestant ainsi au profit des équipes techniques 1e rôle de mise en place technique des fonctionnalités demandées.

Nous étions alertés, dès le milieu de l’année dernière, 2018, année charnière pour l’entreprise et pour votre pôle, de difficultés de positionnement de votre équipe dans cette nouvelle organisation, de difficultés à comprendre leur rôle,1eurs périmètres ainsi que leur proposition de valeur réelle.

[S] [P], dès sa prise de fonctions à l’été 2018, a souhaité rencontrer individuellement chaque membre de votre équipe, afin de diagnostiquer les éléments de la problématique et évaluer votre leadership sur 1’équipe et le métier. Posant le postulat que vous aviez la séniorité, l’expérience, le savoir-faire ‘ et la rémunération qui va avec, en effet votre rémunération est une des 12 plus importantes de 1’entreprise, entraînant de notre part un niveau d’exigence accru -, [S] [P] a posé sur vos performances un diagnostic sévère, constatant un déficit de leadership et une insuffisante vision haute du métier et du rôle, entraînant une difficulté à ‘porter haut les couleurs du produit’ au niveau de la Direction Générale, niveau ou se prennent les décisions stratégiques du Groupe.

Nonobstant ce constat, [S] [P] décide, avec vous, de se donner une chance de réussite en mettant en place une série d’actions propres à donner plus d’ambition au pôle et à vous redonner une légitimité et un leadership, fortement abîmés jusqu’ici.

Plusieurs mois plus tard, nous ne constatons pas de changement réel. Le pôle Product, depuis un certain temps dans un état de doute, ne s’est pas redressé. Nous avons, pour accompagner le recentrage du pôle et sa montée en puissance, recruté 3 profils très Seniors, 1’un à la tête du pôle UX et deux autres en tant que Product Managers. Ainsi, nous étions assurés de bénéficier des meilleurs profils vous permettant de vous appuyer sur des expertises solides. Nous avons également mis en place de nouveaux process, réuni les équipes de R&D à plusieurs reprises, afin de bien clarifier les rôles respectifs, [S] [P] s’est personnellement investi dans la plupart de ses réunions, pour un résultat au final décevant.

Lots de votre entretien de fin d’année, vous a été demandé urgemment de ‘mettre un coup de Boost’ sur la résolution des objectifs qui vous étaient demandés : mise en place de documents type, fluidification de la relation avec les Managers et équipes de la R&D, anticipation et préparation rigoureuse des Product Update, réunions de synthèse à l’attention des équipes cornmerciales etc…

A titre principal, votre manager vous demandait beaucoup plus de proactivité, des prises d’initiative, une capacité à vous dégager de la dimension opérationnelle de votre mission afin d’être davantage positionné en ‘patron’ du produit chez Oodtive comme votre titre de ‘Responsable du Product Management » vous en donne la mission.

Malheureusement, deux mois après, en diverses occasions, les résultats ne sont pas au rendez-vous :

implication toujours aussi forte de [S] [P] jusqu’à devoir assister à vos réunions d’équipe, feedbacks de vos équipes nous alertant d’un niveau de soutien de votre part insuffisant, absence d’anticipation dans la préparation de la dernière réunion Product Update qui s’est tenue fin février et pour la préparation de laquelle Monsieur [P] a dû vous relancer à plusieurs reprises, étant inquiet du niveau de préparation insuffisant.

Enfin, sur le plan managérial, nous regrettons une prise de hauteur insuffisante et une collaboration avec les RH en ‘dents de scie’ s’agissant des actions à mettre en place afin de fidéliser les meilleursTalents de l’équipe. Ainsi, à titre d’illustration, vous n’avez pas alerté votre hiérarchie ni votre RH des difficultés de ‘people management’ de votre responsable UX, talent expert reconnu, mais qui a besoin de votre aide pour monter en compétences sur le plan managérial. Ce dernier a bénéficié de formations spécifiques mises en place par la société mais votre relais terrain pris au quotidien pour capitaliser sur cette formation a été insuffisant. Or, nous avons eu des alertes émanant de l’équipe et vous n’étiez visiblement pas au courant de ces démarches, ni n’avez échangé sur ce sujet avec [S] [P] qui l’a découvert tardivement également.

En synthèse, si vos compétences techniques, votre professionnalisme, votre loyauté, ne sont nullement en cause aujourd’hui, en revanche, nous constatons et analysons un double manque de leadership personnel sur les équipes et une dimension stratégique insuffisante sur le métier dont vous portez la responsabilité. Votre positionnement est selon nous par trop réactif, consistant trop souvent à réaliser des tâches opérationnelles, sur la base de consignes reçues par votre hiérarchie directe ou porté par des échéances de réunions qui vous contraignent. Partant, le pôle Produit n’est pas assez reconnu en interne et votre implication à changer les choses est évaluée comme insuffisante pour nous permettre de poursuivre sereinement notre collaboration.

Nous vous notifions donc, compte tenu des manquements constatés à remplir vos obligations contractuelles, votre licenciement pour motif personnel (cause réelle et sérieuse).(…)’

Il est constant que, pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l’insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Si la preuve est partagée en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il incombe à l’employeur d’apporter au juge des éléments objectifs à l’appui des faits qu’il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l’insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective, non fautive et durable, d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c’est-à-dire conformément à ce qu’on est fondé à attendre d’un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d’emploi et dans la même situation.

En l’espèce, la cour relève que le contrat de travail de M. [G] ne comporte aucune description de son poste et de ses fonctions mais qu’il est acquis qu’il ne siégeait pas à la gouvernance de l’entreprise mais animait et ‘gérait’ le pôle.

En outre, l’entretien annuel du 18 janvier 2019, mentionne les activités principales d’un responsable ‘Product management’ d’équipe, à savoir :

‘- Management administratif (entretiens, congés, etc) ;

– Assurer le bien-être ;

– Accompagner la progression/évolution ;

– Diffuser les communications(bidirectionnellement) ;

– Assurer une bonne dynamique de ses équipes ;

– Recruter selon suivant les exigences Oodrive ;

– Coordination stratégique ‘Roodmap.’

Si depuis mai 2017, date de l’embauche de M. [G], aucun objectif chiffré ne lui a été fixé par la direction de l’entreprise, étant rappelé que le poste de ‘directeur R&D et CTO’ n’était pas occupé jusqu’au mois d’août 2018, pourtant la part variable de son salaire a été fixée pour les six mois d’activités de 2017 à 75% de la prime semestrielle et pour l’année 2018 à 88,50 % de la prime annuelle, démontrant une satisfaction certaine de l’entreprise envers M. [G] sur sa manière de servir.

En outre, un seul entretien annuel a été réalisé, celui du 18 janvier 2019, le nouveau ‘Directeur R&D et CTO’ notant lui, malgré l’absence de fixation d’objectif, une réalisation à 75% des ‘objectifs’ de l’année précédente.

Au surplus, son appréciation sur la manière de servir de M. [G] était la suivante : ‘(…) En revanche, en fin d’année des workshops stratégiques ont permis aux ‘product managers’ à mieux être dans leurs rôles et à mieux impacter l’entreprise dans sa globalité’ et ‘ [L] avait des challenges managériaux importants à relever cette année. De plus, la mise en place d’une nouvelle organisation R&D a créé des frictions et incompréhensions au sein des différentes équipes. Il a dû accompagner ses collaborateurs pour les motiver et rassurer pendant cette phase difficile pour l’entreprise.’

Enfin, le directeur ‘R&D et CTO’ fixe à M. [G] quatre séries d’objectifs managériaux avec comme terme le premier ou le second semestre de l’année 2019, ces objectifs étant ceux dont il est fait grief à M. [G] d’une non atteinte, étant rappelé que la société lui a versé pour le trois mois travaillés de 2019 une prime trimestrielle égale à près de 60 % de sa rémunération variable.

Or, au-delà des seuls motifs mentionnés dans la lettre de licenciement, la société ne produit aucun élément factuel justifiant de carences de M. [G] dans l’exécution de ses fonctions, étant rappelé qu’elle a engagé la procédure de licenciement moins de sept semaines après l’entretien annuel.

Par ailleurs, M. [G] produit cinq attestations de salariés ou d’ex salariés de la société Oodrive confirmant son investissement managérial et l’effectivité d’une prise en charge de la stratégie de l’entreprise, peu important que certains d’entre eux soient en litige judiciaire avec l’entreprise suite à leur licenciement pour insuffisance professionnelle ou motif personnel.

En confirmation du jugement entrepris, la cour déclare que le licenciement de M. [G] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes financières

Le licenciement de M. [G] ayant été déclaré sans cause réelle et sérieuse, celui-ci est en droit de solliciter une indemnité pour ce licenciement.

M. [G] sollicite la somme de 27 508,98 euros en réparation de son préjudice issu de son licenciement.

La société, estimant que le licenciement est causé et que le salarié a retrouvé rapidement un emploi, sollicite le débouté de M. [G] de sa demande.

Au regard des éléments du contrat de travail et des bulletins de salaire, il y a lieu de fixer le salaire de référence à la somme retenue par le conseil des prud’hommes soit 9 169,66 euros.

Aux termes de l’article L 1235-3 du code du travail, qui fixe l’indemnisation pour un salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de dix salariés entre 3 et 3,5 mois de salaire, la cour condamne la société à verser à M. [G], à la somme de 27 508,98 euros.

L’article L 1235-4 du code du travail dispose que, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Ainsi, il y a lieu de condamner la société Oodrive au remboursement des allocations du Pôle Emploi éventuellement versées à M. [G] dans la limite de six mois d’indemnité.

Sur les autres demandes

La société Oodrive qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu’il a fixé à la somme de 4585 euros le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

INFIRME de ce seul chef,

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société Oodrive à verser à M. [L] [G] les sommes de :

– 27 508,98 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2 000 euros, en cause d’appel, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

ORDONNE le remboursement par la société Oodrive des allocations du Pôle Emploi éventuellement versées à M. [L] [G] dans la limite de six mois d’indemnité.

CONDAMNE la société Oodrive aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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