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25 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/08576
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 25 JANVIER 2024
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/08576 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTHK
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Avril 2023 -Président du TC de PARIS – RG n° 2022015266
APPELANTS
Mme [N] [X]
[Adresse 16]
[Localité 10]
M. [A] [C]
[Adresse 6]
[Localité 9]
M. [L] [W]
[Adresse 5]
[Localité 8]
M. [M] [F]
[Adresse 15]
[Localité 7]
S.A.S. PROGRANUL FRANCE, RCS de Chartres sous le n°892 355 835, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 14]
[Localité 12]
Société PRODESA MEDIOAMBIENTE S.L., société de droit espagnol, RCS de chartres sous le n°813 658 804
[Adresse 17]
[Adresse 17]
[Localité 13] (ESPAGNE)
Ayant pour avocat postulant Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250
Représentés à l’audience par Me Benjamin VAN GAVER, avocat au barreau de PARIS, toque : P438
INTIMEE
S.A.S. PROMILL, RCS de Chartres sous le n°483 669 271, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 22]
[Localité 11]
Ayant pour avocat postulant Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Représentée à l’audience par Me Thomas HEINTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P35
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Décembre 2023 en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et Michèle CHOPIN, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
La société Promill est une société française appartement au groupe Moret Industries, spécialisée dans l’étude, la réalisation, la mise au point et le support après-vente de procédés de séchage, de broyage et de granulation dans les multiples domaines d’activité de la biomasse et de l’agro-industrie.
La société Prodesa est une société espagnole d’ingénierie dont l’activité consiste à fournir des solutions complètes et sur mesure pour la production de biocarburants solides et la protection de l’environnement.
Les sociétés Promill et Prodesa entretiennent des relations commerciales depuis 2006. Une coopération s’est ainsi développée au fil du temps et s’est concrétisée par un accord de coopération formalisé le 15 avril 2011.
Créée en 1992, la société Ferotec est une société française spécialisée dans la conception et la distribution de « filières » (pièces d’usure) destinées aux usines de granulation pour l’alimentation animale, les minéraux, le bois, la valorisation des déchets.
La société Progranul a été constituée par la société Prodesa.
Depuis 1999, la société Promill fait régulièrement appel à la société Ferotec pour s’approvisionner en pièces d’usures, en complément de ses propres productions lorsque la demande dépasse les capacités installées chez Promill.
En 2017, la société Prodesa s’est associée à la société Ferotec afin de faire une offre pour le rachat de la société Promill.
Se prévalant d’une rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Prodesa et d’actes de concurrence déloyale à son encontre, par cinq requêtes en date du 6 janvier 2022 la société Promill a sollicité du président du tribunal de commerce de Paris qu’il l’autorise à pratiquer dans les locaux des sociétés Prodesa France et Progranul France ainsi qu’aux domiciles personnels de quatre anciens salariés des mesures d’investigation sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnances du 11 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné plusieurs commissaires de justice aux fins de rechercher et de collecter, au moyen de mots-clés définis :
« tous documents de toute nature permettant d’établir des faits de rupture brutale des relations commerciales, concurrence déloyale, parasitisme et détournement de secrets de fabrication et d’affaires depuis le 1 er janvier 2020 jusqu’à la date des constatations », sur tous supports se trouvant dans les locaux des sociétés Prodesa France et Progranul France, ainsi qu’aux domiciles de quatre anciens salariés de la société Promill.
Par exploit du 24 mars 2022, la société Progranul France a fait assigner la société Promill devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :
– déclarer que le président du tribunal de commerce de Paris saisi sur requête de la société Promill n’était pas compétent pour ordonner les mesures d’instructions sollicitées, tant en raison de la présence de clause attributive de juridictions contenues au sein des accords commerciaux versés aux débats par la société Promill, qu’en raison des lieux d’exécution des mesures sollicitées ;
Ce faisant,
– se déclarer incompétent pour connaître les mesures d’instructions sollicitées par la société Promill, au profit des juridictions suisse ou espagnole, conformément aux clauses attributives de compétence contenues dans les accords commerciaux qu’elle a versés aux débats, ou des tribunaux de commerce de Chartres, d’Evreux ou d’Orléans, dans les ressorts desquels l’exécution des mesures était sollicitée ;
En conséquence,
– rétracter l’ordonnance rendue le 11 janvier 2022 par le président du tribunal de commerce de Paris, à la requête de la société Promill ;
– annuler les opérations de constat et les procès-verbaux de constat éventuellement dressés par la SAS [O] [E], huissier instrumentaire, ou tout autre huissier territorialement compétent substitué ;
– ordonner la restitution immédiate des documents et copies séquestrés par la SAS [O] [E], huissier instrumentaire, ou tout autre huissier territorialement compétent substitué, ainsi que ses constats éventuellement dressés, premier original, second original et de toutes les copies ou exemplaires, aux sociétés Prodesa Medioambiente S.l. et Progranul France, à Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F], dans un délai de sept jours à compter de la signification de l’ordonnance à venir, et par un procès-verbal à la charge de la société Promill,
– faire interdiction à la société Promill de faire état ou usage sous quelque forme que ce soit, d’un document ou fichier ou d’une quelconque information obtenue à l’issue des opérations de saisie et de constat, et ce sous astreinte de 25.000 euros par infraction constatée à compter de la décision à intervenir ;
A titre principal,
– juger que la société Promill ne disposait d’aucun motif légitime à demander l’autorisation de pénétrer dans les locaux des sociétés Prodesa Medioambiente S.l. et Progranul France, ainsi que dans les domiciles de Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] aux fins d’y saisir les pièces visées dans ses requêtes ;
En conséquence,
– rétracter l’ordonnance rendue le 11 janvier 2022 par le président du tribunal de commerce de Paris, à la requête de la société Promill ;
– annuler les opérations de constat et les procès-verbaux de constat éventuellement dressés par la SAS [O] [E], huissier instrumentaire, ou tout autre huissier territorialement compétent substitué ;
– ordonner la restitution immédiate des documents et copies séquestrés par SAS [O] [E], huissier instrumentaire, ou tout autre huissier territorialement compétent substitué, ainsi que ses constats éventuellement dressés, premier original, second original et de toutes les copies ou exemplaires, aux sociétés Prodesa Medioambiente S.l. et Progranul France, à Mme [X]. M. [C], M. [W] et M. [F], dans un délai de sept jours à compter de la signification de l’ordonnance à venir, et par un procès-verbal à la charge de la société Promill,
– faire interdiction à la société Promill de faire état ou usage sous quelque forme que ce soit, d’un document ou fichier ou d’une quelconque information obtenue à l’issue des opérations de saisie et de constat, et ce sous astreinte de 25.000 euros par infraction constatée à compter de la décision à intervenir ;
A titre subsidiaire,
– ordonner à la SAS [O] [E], huissier instrumentaire, ou tout autre huissier territorialement compétent substitué, la restitution immédiate des documents et fichiers qui ne sont pas utiles à la solution du litige, et plus particulièrement ceux qui relèvent de la vie privée, du secret bancaire et de la vie des affaires et du secret professionnel de l’avocat, en particulier tous documents et fichiers qui ont été saisis et/ou copiés à partir de supports matériels qui sont la propriété personnelle de Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F], et à partir de tous supports immatériels, logiciel, progiciel, application notamment mobile, installés, obtenus ou créées à partir d’identifiants personnels (adresses de courrier électronique personnel, numéro de téléphone mobile personnel, connexion privée à partir du domicile personnel) par Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F], à savoir notamment et non exclusivement :
* Pour Mme [X] :
les documents et fichiers obtenus à partir d’applications, de messagerie et/ou de communication telles que Skype ou Whatsapp, ou tout logiciel d’échanges sms, mms, boîte mails, utilisés par Mme [X] au moyen de son adresse de courrier électronique personnelle [Courriel 20] et /ou de son numéro de téléphone personnel [XXXXXXXX04], quel que soit le support ;
* Pour M. [C] :
les documents et fichiers obtenus à partir d’applications, de messagerie et/ou de communication telles que Skype ou Whatsapp, ou tout logiciel d’échanges sms, sms, boîte mails, utilisés par M. [C] au moyen de son adresse de courrier électronique personnelle [Courriel 19] et /ou de son numéro de téléphone personnel [XXXXXXXX02], quel que soit le support ;
* Pour M. [W] :
les documents et fichiers obtenus à partir d’applications, de messagerie et/ou de communication telles que Skype ou Whatsapp, ou tout logiciel d’échanges sms, mms, boîte mails, utilisés par M. [W] au moyen de son adresse de courrier électronique personnelle [Courriel 21] et/ou de son numéro de téléphone personnel [XXXXXXXX01], quel que soit le support ;
* Pour M. [F] :
les documents et fichiers obtenus à partir d’applications, de messagerie et/ou de communication telles que Skype ou Whatsapp, ou tout logiciel d’échanges sms, mms,boîte mails, utilisés par M. [F] au moyen de son adresse de courrier électronique personnelle [Courriel 18] et/ou de son numéro de téléphone personnel [XXXXXXXX03], quel que soit le support ;
Dans un délai de sept jours à compter de la signification de l’ordonnance à venir, et par un procès- verbal à la charge de la société Promill ;
– faire interdiction à la société Promill de faire état ou usage sous quelque forme que ce soit, d’un document ou fichier ou d’une quelconque information obtenue à l’issue des opérations de saisie et de constat, ou å tout le moins inutile à la solution du litige, et plus particulièrement ceux qui relèvent de la vie privée, du secret des affaires, et du secret professionnel de l’avocat, et ce sous astreinte de 25.000 euros par infraction constatée à compter de la décision à intervenir ;
Subsidiairement encore,
– renvoyer l’affaire à une prochaine audience de cabinet au cours de laquelle il sera statué sur le tri des pièces et éléments séquestrés par la SAS [O] [E], huissier instrumentaire, ou tout autre huissier territorialement compétent substitué, en fonction des éléments concernés par le secret des affaires, le secret professionnel de l’avocat et le droit au respect de la vie privée ;
En conséquence,
– écarter les pièces et éléments couverts par le secret des affaires, le secret professionnel de l’avocat et le droit au respect de la vie privée, et en particulier :
* Pour Mme [X] : les documents et fichiers obtenus à partir d’applications, de messagerie et/ou de communication telles que Skype ou Whatsapp, ou tout logiciel d’échanges sms, mms, boîte mails, utilisés par Mme [X] au moyen de son adresse de courrier électronique personnelle [Courriel 20] et /ou de son numéro de téléphone personnel [XXXXXXXX04], quel que soit le support ;
* Pour M. [C] : les documents et fichiers obtenus à partir d’applications, de messagerie et/ou de communication telles que Skype ou Whatsapp, ou tout logiciel d’échanges sms, mms, boîte mails, utilisés par M. [C] au moyen de son adresse de courrier électronique personnelle [Courriel 19] et/ou de son numéro de téléphone personnel [XXXXXXXX02], quel que soit le support ;
* Pour M. [W] :
les documents et fichiers obtenus à partir d’applications, de messagerie et/ou de communication telles que Skype ou Whatsapp, ou tout logiciel d’échanges sms, mms, boite mails, utilisés par M. [W] au moyen de son adresse de courrier électronique personnelle [Courriel 21] et /ou de son numéro de téléphone personnel [XXXXXXXX01], quel que soit le support ;
* Pour M. [F] :
les documents et fichiers obtenus à partir d’applications, de messagerie et/ou de communication telles que Skype ou Whatsapp, ou tout logiciel d’échanges sms, mms,boîte mails, utilisés par M. [F] au moyen de son adresse de courrier électronique personnelle [Courriel 18] et/ou de son numéro de téléphone personnel [XXXXXXXX03], quel que soit le support.
Par ordonnance contradictoire du 21 avril 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :
– dit que le président du tribunal de commerce de Paris saisi sur requête était compétent pour ordonner les mesures d’instruction ;
– débouté la société Progranul France, la société de droit espagnol Prodesa Medioambiente, Mme [X], M. [C], M. [W], M. [F] de leur demande de rétractation des ordonnances rendues le 11 janvier 2022 à la demande de la société Promill ;
– dit n’y avoir lieu à rétractation des ordonnances rendues le 11 janvier 2022 à la demande de la société ABC ;
– dit que l’opération de levée de séquestre doit être engagée selon la procédure ci-après même s’il est fait appel de cette décision tout en préservant les intérêts des requis jusqu’à la décision d’appel ;
– dit que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R153-3 à R153-8 du code de commerce ;
– dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante :
– demandé à la société Progranul France, la société de droit espagnol Prodesa Medioambiente, Mme [X], M. [C], M. [W], M. [F] de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories ;
Catégorie « A » les pièces qui pourront être communiquées sans examen ;
Catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que le requis refuse de communiquer ;
Catégorie « C » les pièces que le requis refuse de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires ;
– dit que ce tri où chaque pièce sera identifiée par numérotation distincte, sera communiqué à la société [O] [E], en sa qualité de séquestre, pour un contrôle de cohérence avec les fichiers initiaux séquestrés ;
– dit que pour les pièces concernées par le secret des affaires, les requis conformément aux articles R153-3 à R153-8 du code de commerce communiqueront au Président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires » ;
– fixé le calendrier suivant :
Communication à la société [O] [E], en sa qualité de séquestre, et au Président, des tris des fichiers demandés avant le 31 mai 2023 ; Renvoyé l’affaire, après contrôle de cohérence par l’huissier, à l’audience du 13 juin 2023 à 14 h 30 pour la réalisation de la levée de séquestre ;
– dit que la société [O] [E], ès qualités de séquestre, ne pourra procéder à la libération des éléments sus visés entre les mains de la société Promill et/ou à la destruction des pièces communicables, qu’après que tous les délais d’appel seront expirés ou décision d’appel éventuelle, que dans cette attente la société [O] [E], ès qualités, conservera sous séquestre l’ensemble des pièces ;
– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;
– condamné en outre la société Progranul France, la société de droit espagnol Prodesa Medioambiente, Mme [X], M. [C], M. [W], Monsieur [M] [F] à payer solidairement la somme de 7500 euros à la société Promill au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné en outre solidairement la société Progranul France, la société de droit espagnol Prodesa Medioambiente, Mme [X], M. [C], M. [W], M. [F] aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 143,88 euros TTC dont 23,77 euros de TVA ;
– commis d’office l’un des commissaires de justice audienciers de ce Tribunal pour signifier notre décision ;
– rappelé que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile.
Par déclaration du 09 mai 2023, les sociétés Progranul, Prodesa Medioambiente SL, Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 13 novembre 2023, les sociétés Progranul, Prodesa Medioambiente SL, Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] demandent à la cour de :
– déclarer recevables et bien fondées les sociétés Prodesa Medioambiente S.l. et Progranul France, et de Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] en leur appel et y faisant droit ;
Sur la demande de rétractation,
– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 21 avril 2023 en toutes ses dispositions, réserve faite des dispositions relatives à la demande reconventionnelle de mainlevée de séquestre qui doivent être annulées pour excès de pouvoir ;
Statuant à nouveau :
In limine litis,
– juger que le Tribunal de commerce de Paris était matériellement et territorialement incompétent pour connaître des cinq requêtes de Promill en date du 6 janvier 2022 et pour ordonner les mesures d’instruction sollicitées ;
A titre principal,
– juger que Promill a fait preuve d’une déloyauté procédurale manifeste en effectuant une présentation parcellaire et largement déformée des faits et du droit à l’appui de ses demandes de mesures d’instructions ;
– juger qu’à la date du dépôt des requêtes de Promill, il n’existait aucun motif légitime justifiant les mesures d’instruction autorisées aux termes des ordonnances rendues le 11 janvier 2022 ;
– juger qu’à la date du dépôt des requêtes de Promill, aucune circonstance ne justifiait de procéder de manière non-contradictoire ;
– juger qu’au regard de leur périmètre, les mesures d’instruction autorisées aux termes des ordonnances en date du 11 janvier 2022 n’étaient pas légalement admissibles ;
En conséquence,
– rétracter toutes les ordonnances rendues le 11 janvier 2022 par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Paris, sur requêtes de la société Promill ;
– annuler les opérations de constat et les procès-verbaux de constat dressés par les commissaires de justices désignés, soit la SAS [O] [E], la SELARL Asperti Duhamel (substituant la SAS [O] [E]), la SCP Carole Duparc & Olivier Flament, au cours des saisies effectuées le 3 mars 2022 dans les locaux de Prodesa Medioambiente S.l. et Progranul France ainsi qu’aux domiciles de Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] ;
– ordonner la restitution immédiate des documents et copies séquestrés par les commissaires de justices désignés, ainsi que ses constats dressés, premier original, second original et de toutes les copies ou exemplaires, aux sociétés Prodesa Medioambiente S.l. et Progranul France, à Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F], et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à venir ;
A titre subsidiaire,
– juger qu’au regard de leur périmètre, les mesures d’instruction autorisées aux termes des quatre ordonnances en date du 11 janvier 2022 s’agissant des saisies effectuées aux domiciles de Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] n’étaient pas légalement admissibles ;
En conséquence,
– rétracter les quatre ordonnances rendues le 11 janvier 2022 par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Paris, sur requêtes de la société Promill, visant Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F];
– annuler les opérations de constat et les procès-verbaux de constat dressés par commissaires de justices désignés, soit la SAS [O] [E], la SELARL Asperti Duhamel (substituant la SAS [O] [E]), la SCP Carole Duparc & Olivier Flament, au cours des saisies effectuées le 3 mars 2022 aux domiciles de Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] ;
– ordonner la restitution immédiate des documents et copies séquestrés par les commissaires de justices désignés, ainsi que ses constats dressés, premier original, second original et de toutes les copies ou exemplaires, à Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F], et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à venir ;
Sur la demande reconventionnelle de mainlevée du séquestre formulée par Promill,
– juger, au vu de la jurisprudence établie, que le Président du Tribunal de commerce de Paris en sa qualité de juge de la rétractation n’avait pas le pouvoir pour statuer sur la demande reconventionnelle de mainlevée de séquestre et qu’il a commis un excès de pouvoir en faisant droit à la demande de Promill ;
En conséquence,
– annuler partiellement l’ordonnance du 21 avril 2023 pour excès de pouvoir, en ce qu’elle a accueilli la demande reconventionnelle de mainlevée de séquestre formulée par Promill ;
– juger qu’il n’y a lieu d’engager une procédure de levée de séquestre et de donner communication des documents séquestrés à la société Promill ;
A titre subsidiaire,
– infirmer l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Paris le 21 avril 2023 en ce qu’elle a accueilli la demande reconventionnelle formée par la société Promill relative à la mainlevée du séquestre ;
– juger qu’il n’y a lieu d’engager une procédure de levée de séquestre et de donner communication des documents séquestrés à la société Promill ;
En tout état de cause,
– condamner la société Promill à verser à Prodesa Medioambiente S.l. et Progranul France, Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F], la somme de 119.166,68 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Promill aux entiers dépens de la présente instance.
Ils exposent notamment que :
– le président du tribunal de commerce de Paris n’était pas compétent, la société Promill ne pouvant justifier la compétence de cette juridiction par la seule invocation d’un fondement tiré d’une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies, et les mesures sollicitées ne visant pas à étayer ce fondement,
– les ordonnances critiquées ont été rendues en violation des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile,
– les faits ont en effet été présentés de façon déloyale, et la réalité a été déformée pour prétendre que les relations commerciales étaient établies, ce qui n’est pas le cas,
– aucun motif légitime n’est établi de surcroît, la mesure sollicitée étant inutile à établir la rupture brutale des relations commerciales, aucun procès au fond n’étant plausible, et la pertinence d’une action fondée sur des détournements d’informations confidentielles, actes de parasitisme, débauchages fautifs de salariés, détournement de clientèle et désorganisation de la société Promill n’étant pas démontrée,
– il n’existe aucune circonstance de nature à justifier une dérogation au principe du contradictoire, la société Promill se référant uniquement au format électronique des éléments recherchés, ce qui est insuffisant, aucune déloyauté ne pouvant être reprochée aux appelants,
– les mesures ordonnées sont disproportionnées, en ce qu’elles sont trop larges et non limitées à ce qui est strictement nécessaire au litige, en ce qu’elles portent une atteinte disproportionnée au secret des affaires des sociétés Prodesa et Progranul, et à la vie privée des anciens salariés de la société Promill,
– la société Promill ne justifiait pas dans ses requêtes de la nécessité de faire procéder à des saisies aux domiciles d’anciens salariés, tandis qu’aucune motivation ne figure à ce titre dans les ordonnances rendues, de sorte qu’il s’agit de mesures disproportionnées,
-en tout état de cause, le président du tribunal de commerce a outrepassé ses pouvoirs en ordonnant la mainlevée du séquestre.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 20 novembre 2023, la société Promill à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du 21 avril 2023 en l’ensemble de ses dispositions ;
– dire et juger mal fondés les griefs soulevés par les sociétés Prodesa et Progranul ainsi que par Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] aux fins de rétractation de l’ordonnance du 11 janvier 2022 ;
– débouter les sociétés Prodesa et Progranul ainsi que Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] de l’ensemble de leurs demandes ;
En conséquence :
– rejeter les demandes d’infirmation et d’annulation partielle de l’ordonnance du 21 avril 2023
En tout état de cause :
– condamner les sociétés Prodesa et Progranul ainsi que Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] à payer à la société Promill la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– condamner les sociétés Prodesa et Progranul ainsi que Mme [X], M. [C], M. [W] et M. [F] aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle expose notamment que :
– le président du tribunal de commerce de Paris était compétent pour statuer, la rupture brutale des relations commerciales établies emportant l’application des dispositions de l’article D 442-3 du code de commerce et la compétence exclusive du tribunal de commerce de Paris,
– la présentation des faits aux termes des requêtes déposées n’était pas déloyale,
– les mesures ordonnées reposent sur un motif légitime, caractérisé par des manoeuvres de débauchage de collaborateurs, le détournement et le transfert de documents contenant des informations confidentielles et secrets de fabrication, une stratégie globale de concurrence déloyale et de parasitisme, et la rupture brutale de relations commerciales établies,
– la dérogation au principe du contradictoire était nécessaire au vu du risque de déperdition des preuves, de leur fragilité intrinsèque, et de la déloyauté des personnes visées
– ces mesures, en ce compris celles effectuées chez des personnes physiques, sont en outre proportionnées et légalement admissibles,
– le premier juge avait le pouvoir d’ordonner la levée du séquestre au visa de l’article R 153-1 du code de commerce.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
SUR CE,
– sur la compétence du tribunal de commerce de Paris
L’article D 442-3 du code de commerce dispose que pour l’application du III de l’article L. 442-4, le siège et le ressort des tribunaux judiciaires compétents en métropole et dans les départements d’outre-mer sont fixés conformément au tableau de l’annexe 4-2-2 (du présent livre).
La cour d’appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.
Ainsi, conformément à ces dispositions et au tableau figurant sous l’annexe susvisée, le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître des contentieux relevant des tribunaux dont le ressort est situé dans les cours d’appel de Bourges, Paris, Orléans, Saint-Denis de la Réunion et Versailles, la cour d’appel compétente étant la cour d’appel de Paris pour connaître des décisions rendues par les juridictions spécialisées visées par ce texte.
La cour d’appel de Paris a ainsi une compétence exclusive pour connaître des appels formés contre les jugements rendus en première instance après 2009 en matière de pratiques restrictives de concurrence telle la rupture brutale de relations commerciales établies. Cette compétence exclusive d’attribution est d’ordre public et doit être relevée d’office.
Elle dispose exclusivement du pouvoir juridictionnel de statuer sur les décisions rendues par les juridictions spécialement désignées pour statuer sur l’article L 442-6 du code de commerce, ce texte fût-il invoqué à titre subsidiaire (Com., 31 mars 2021, n°19-14.094).
S’agissant des mesures d’instruction in futurum ordonnées sur requête, le juge territorialement compétent est le président du tribunal susceptible de connaître l’instance au fond ou celui dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées’» ( Cass. 2e’civ., 15’oct. 2015, n°’14-17.564).
En l’espèce, étant précisé que l’intimée a saisi le juge des requêtes en invoquant des actes de rupture brutale de relations commerciales établies, de concurrence déloyale, de détournement de secrets de fabrication et de parasitisme, tandis que le siège social de la société Progranul et l’établissement en France de la société Prodesa se situent dans le ressort de la cour d’appel de Versailles, le tribunal de commerce de Paris et ensuite la cour d’appel de Paris disposent bien de la compétence exclusive pour statuer au fond sur le litige.
Par conséquent, le juge territorialement compétent pour statuer sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile est bien le président du tribunal de commerce de Paris, susceptible de connaître l’instance au fond en rupture brutale des relations commerciales.
La société Promill est donc fondée à soutenir que les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce imposaient au premier juge de retenir sa compétence du seul fait qu’elles étaient invoquées.
L’ordonnance rendue sera par conséquent confirmée de ce chef.
– sur le fond du référé
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L’ article 493 prévoit que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.
Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel la contradiction est rétablie.
Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s’y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci. Il doit ainsi apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.
Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction et si la mesure d’instruction sollicitée ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.
L’application de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constatée l’existence d’un procès en germe possible et non manifestement voué à l’échec au regard des moyens soulevés, sans qu’il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond.
Il convient de rappeler qu’il importe peu que le requérant ait exposé des faits dans sa requête en ne respectant pas le principe de loyauté, en recourant notamment à la dissimulation ou en omettant des éléments, la déloyauté n’étant pas de nature à justifier à elle seule la rétractation. En revanche, les éléments d’information portés à la connaissance du juge entrent dans l’appréciation du motif légitime qui doit être caractérisé.
Enfin, lorsqu’il statue sur le fondement de ce texte, le juge n’est pas soumis aux conditions imposées par l’ article 872 du code de procédure civile, il n’a notamment pas à rechercher s’il y a urgence à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l’application de cet article n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé
Au cas présent, il est constant qu’une collaboration ancienne s’est nouée entre les parties et que celles-ci ont été liées par un accord de coopération formalisé le 15 avril 2011 puis par un second accord de coopération spécifique à l’Amérique du Nord le 12 mars 2018. Ces accords prévoyaient une exclusivité matérielle et géographique. Il est tout aussi constant que la société Prodesa s’est associée à la société Ferotec afin de faire en 2017 une offre d’achat de la société Promill, ce projet n’ayant finalement pas abouti.
Il apparaît en outre que :
– au cours de l’année 2020, quatre salariés de la société Promill, M. [C], M. [W], M. [F], Mme [X] ont démissionné de la société Promill pour occuper des fonctions au sein de la société Progranul,
– deux autres salariés de la société Promill, M. [Y] et M. [K], ont également démissionné de leurs fonctions en 2015 et 2018 pour rejoindre cette même société,
– ces salariés avaient tous été engagés chez Promill entre 1997 et 2010, soit depuis de nombreuses années,
– il s’avère que la société Promill justifie avoir été destinataire par erreur de factures de la société Ferotec, datées de mars 2021 et adressées à la société Prodesa pour des livraisons de pièces Promill, ce dont il se déduit que la société Prodesa a bien commandé des pièces de rechange identifiées comme étant des produits Promill à la société Ferotec, devant être livrées à des clients nord-américains, ce, alors que l’accord de coopération n’était pas encore résilié, cette résiliation étant survenue le 13 avril 2021,
– il ressort d’ailleurs sur ce point d’un courriel de la société Ferotec en date du 6 janvier 2022 que la société Prodesa avait commandé des pièces portant des références Promill selon les plans de cette dernière, et non selon ses plans propres,
– la comparaison des documents commerciaux Progranul et Promill établit de surcroît que le premier modèle de presse à granules dévoilé par la société Prodesa comporte des similarités importantes avec celles de la société Promill, tandis que les presses à granules commercialisées par d’autres concurrents de la société Promill (Kahl, Van Aarsen, Andritz, CPM) ne sont pas comparables (châssis, porte, goulotte, arbre principal différents dans leur présentation) et que la présentation qui en est faite par la société Prodesa au sein de sa plaquette apparaît comme inspirée de celle de Promill,
– il n’est d’ailleurs pas contesté in fine que dans le cadre de l’exposition Expobiomasa en Espagne, la société Prodesa a illustré un article intitulé “Prodesa présente un nouveau procédé d’optimisation énergétique matriciel à Expobiomasa” d’une photographie prise dans les ateliers de la société Promill, tandis qu’en octobre 2021, la société Prodesa a passé en urgence une commande de six poulies- moyeux, dont il n’est pas discuté qu’il s’agit de pièces essentielles de la presse à granules,
– la résiliation de l’accord dit “Amérique du Nord” étant intervenue le 13 avril 2021, il est établi par la société Promill qui produit un tableau de l’évolution d’activité qu’elle n’a plus reçu de commande de machines ou pièces détachées, hormis celle d’octobre 2021 passée en urgence, à compter du début de l’année 2021, alors que la société Prodesa indiquait dans un courriel du 20 février 2021 “nous souhaitons continuer à travailler avec Promill en tant que fournisseur privilégié d’équipements pour tous nos projets à l’échelle mondiale et dans tous les territoires”.
Il convient de rappeler qu’il ne peut être reproché à l’intimée, dans cette procédure, de ne pas démontrer la réalité des manquements soupçonnés dès lors que la mesure d’instruction sollicitée sur le fondement de l’ article 145 du code de procédure civile a pour finalité de les établir et qu’il n’appartient pas au juge de la rétractation de se prononcer sur le bien fondé de l’action future.
L’intimée justifie donc d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile, lui permettant de solliciter une mesure d’instruction afin d’améliorer sa situation probatoire pour le futur procès qu’elle pourrait engager à l’encontre des appelants, s’agissant de concurrence déloyale, rupture brutale de relations commerciales établies, détournement de secrets de fabrication et parasitisme qui, en l’état, n’apparaît pas manifestement voué à l’échec.
La nécessité de déroger au principe du contradictoire est caractérisée tant au sein de la requête que de l’ordonnance par le risque de disparition des preuves, et la nécessité de ménager un effet de surprise dans un contexte tendu de concurrence déloyale notamment.
Les appelants soulignent que l’ordonnance rendue serait extrêmement large et autoriserait l’huissier à saisir sans distinction des documents aux domiciles de Mme [X], M. [C], M. [W], M. [F] ainsi qu’au siège des sociétés Progranul France et Prodesa.
Cependant, il ressort des termes de la requête que la société Promill invoque le détournement de secrets de fabrication postérieurement à la rupture des contrats de travail de ses anciens salariés. Ce fait, qui rend vraisemblable un transfert des données et des échanges sur les messageries personnelles ou des encore échanges entre les salariés, à partir de ces messageries, justifie la disposition critiquée de l’ordonnance.
Il sera en outre relevé que la mission confiée à l’huissier de justice a été circonscrite dans son objet puisque les recherches ont été limitées, par l’indication de mots-clés, relatifs à des éléments de conception développés par la société Promill, identifiés sur une liste transmise, et des supports identifiés, alors que le champ temporel a été limité, les recherches débutant à compter des dates de départ des anciens salariés concernés.
S’agissant de ces anciens salariés de la société Promill, les recherches sont limitées aux correspondances échangées par sms ou autre messagerie contenant le mot “Promill”.
Au surplus, l’ordonnance a fait interdiction à l’huissier de justice de collecter des informations manifestement “personnelles”, “perso” ou “privé” et sans rapport avec la mission.
Ainsi, la mission ne présente aucun caractère général et préserve les droits des personnes concernées par la mesure d’instruction.
Enfin, le respect de la vie privée ne constitue pas, en lui-même, un obstacle à l’application de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que la mesure ordonnée repose sur un motif légitime et qu’elle est nécessaire et proportionnée à la protection des droits du requérant.
En conséquence, la mesure ordonnée, utile et proportionnée à la solution du litige, ne porte pas une atteinte illégitime aux droits des personnes concernées par la mesure d’instruction et, tenant compte de l’objectif poursuivi, concilie le droit au respect de la vie privée de ces dernières et le droit à la preuve de la société Promill.
Au regard des motifs qui précèdent, il convient, confirmant l’ordonnance entreprise de ce chef, de débouter les appelants de leur demande de rétractation de l’ordonnance rendue.
Il convient encore de rappeler qu’une mesure de séquestre des éléments recueillis a été prévue pour protéger, le cas échéant, le secret des affaires, en l’espèce invoqué subsidiairement devant le premier juge, ou encore toute atteinte qui serait portée aux droits des personnes visées par la mesure et que l’huissier s’y est conformé, étant relevé que les appelants estiment sur ce point que le juge de la rétractation aurait outrepassé ses pouvoirs en organisant la levée du séquestre.
Or, l’article R 153-1 alinéa 3 du code de commerce dispose que le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R 153-3 à R 153-10.
Le juge saisi ainsi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est donc compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10.
En l’absence de rétractation des ordonnances rendues sur requête, il y a donc également lieu de confirmer la levée du séquestre ordonnée par le premier juge.
Force est de constater en outre que les appelants ont formé devant le juge de la rétractation une demande subsidiaire liée à la mise en oeuvre de la procédure prévue aux articles R. 153-1 et suivants du code de commerce, affirmant que certaines pièces saisies portent atteinte à son secret des affaires, au secret professionnel de l’avocat et au respect de la vie privée, sans aucunement étayer ces allégations et alors qu’en outre, sont sans incidence au stade de l’examen des mérites de la requête, les résultats de l’exécution des mesures sollicitées par la requérante.
L’ordonnance rendue sera donc confirmée en ce qu’elle a organisé la levée du séquestre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l’article 696 du même code. En effet, les mesures d’instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d’un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.
En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et, dès lors, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une d’elles.
Au regard de l’issue du litige, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens exposés tant en première instance qu’en appel, l’ordonnance critiquée étant infirmée de ce chef.
L’indemnité allouée par le premier juge à la société Promill le fondement de l’article 700 du code de procédure civile a été exactement appréciée. Les appelants seront condamnés à payer à la société Promill contrainte d’exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense en appel, la somme globale de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise sauf sur le sort des dépens,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens de première instance et d’appel par elles exposés,
Condamne Mme [X], M. [C], M. [W], M. [F], la société Progranul France et la société Prodesa Medioambiente à payer à la société Promill la somme globale de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE