Savoir-faire : 23 octobre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01676

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Savoir-faire : 23 octobre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01676
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23 octobre 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
22/01676

ARRET

N°869

[O]

C/

S.A.S. [9]

S.A.R.L. [10]

S.A.S. [12]

CPAM DE [Localité 11]

Compagnie d’assurance [8]

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 23 OCTOBRE 2023

*************************************************************

N° RG 22/01676 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IM5M – N° registre 1ère instance : 19/00225

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ARRAS EN DATE DU 13 décembre 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [V] [O]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Gérald VAIRON de l’AARPI LYSIANE ET GERALD VAIRON, avocat au barreau de BETHUNE, vestiaire : 6

ET :

INTIMES

S.A.S. [9] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée et plaidant par Me Claire FRYS, avocat au barreau de LILLE substituant Me Caroline DUQUESNE, avocat au barreau de LILLE

Compagnie d’assurance [8] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée et plaidant par Me Stéphanie MULIER, avocat au barreau d’ARRAS substituant Me Ludiwine PASSE de la SCP ROBIQUET DELEVACQUE VERAGUE YAHIAOUI PASSE, avocat au barreau d’ARRAS

S.A.R.L. [10] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et plaidant par Me Julien LAMPE de l’AARPI FRECHE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. [12] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Clothilde MICHELIS, avocat au barreau de PARIS substituant Me Nicolas CROQUELOIS de la SELEURL CROQUELOIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE [Localité 11] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et plaidant par Mme Stéphanie PELMARD dûment mandatée

DEBATS :

A l’audience publique du 08 Juin 2023 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 23 Octobre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Vu le jugement rendu le 13 décembre 2021, par lequel le pôle social du tribunal judiciaire d’Arras, statuant dans le litige opposant M. [V] [O] à la société [9], en présence des sociétés [8], [10], [12] et de la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 11] (la CPAM ou la caisse), a :

– débouté M. [V] [O] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné M. [V] [O] à verser la somme de 1 000 euros à la société [9] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

Vu la notification du jugement à M. [V] [O] le 22 mars 2022 et l’appel du jugement relevé par celui-ci le 7 avril 2022,

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, par lesquelles M. [V] [O] demande à la cour de :

-infirmer la décision déférée,

– juger qu’il a été victime d’un accident du travail le 21 septembre 2018,

– juger que son accident du travail est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [9],

– juger que le préjudice subi est susceptible d’être indemnisé en cas de reconnaissance de la faute de l’employeur,

– faire application des dispositions des articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale,

– juger que la rente qui lui est allouée sera majorée à son maximum possible,

– condamner l’employeur à lui payer les sommes de 20 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées, 15 000 euros au titre des préjudices esthétique et d’agrément, 30 000 euros au titre de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelles,

– subsidiairement, désigner un expert qui aura pour mission :

– de déterminer l’échelle des préjudices causée par les souffrances physiques et morales,

– de déterminer l’échelle des préjudices esthétique et d’agrément,

– de déterminer le coût résultant des préjudices, liés à la perte de possibilité de promotion professionnelle,

– condamner la société [9] et éventuellement les autres sociétés au paiement d’une provision de 15 000 euros,

– condamner la partie intimée à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions visées le 8 juin 2023, soutenues oralement à l’audience, par lesquelles la société [9] prie la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [V] [O] à verser la somme de 1 000 euros à la société [9] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Arras du 13 décembre 2021 en ce qu’il a débouté M. [O] de l’ensemble de ses demandes,

A titre principal,

– écarter l’application de l’article L. 4154-3 du code du travail,

– déclarer qu’elle n’a pas commis de faute inexcusable,

– débouter M. [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

– si la faute inexcusable relève en tout ou partie de la non-conformité de l’engin, déclarer commun l’arrêt à intervenir à la société [10],

– si la faute inexcusable relève en tout ou partie de la non-conformité de l’engin, déclarer commun l’arrêt à intervenir à la société [12],

– en tout état de cause, condamner la société [8], son assureur, à relever et à la garantir des conséquences financières résultant de l’action de M. [O], et de tous les dépens et condamnations, tant au principal qu’aux intérêts, résultant du présent litige (y compris les frais d’expertise et la condamnation, éventuelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile),

– déclarer que M. [O] à lui-même commis une faute inexcusable,

– déclarer que la CPAM de [Localité 11] devra faire l’avance du montant des condamnations prononcées,

– ordonner la réduction de la majoration de la rente en raison de la propre faute inexcusable de M. [O],

– débouter M. [O] de ses demandes :

– au titre des souffrances physiques et morales endurées, subsidiairement les ramener à de plus justes proportions,

– au titre d’un préjudice esthétique et d’un préjudice d’agrément, subsidiairement les ramener à de plus justes proportions,

– au titre d’un préjudice résultant de la perte ou diminution des possibilités de promotions professionnelles, subsidiairement les ramener à de plus justes proportions,

– en tout état de cause compte tenu de la propre faute inexcusable de M. [O], ramener au strict minimum les éventuelles indemnisations des préjudices,

– limiter la mission de l’expert aux préjudices justifiés,

– déclarer que la CPAM devra faire l’avance des frais au titre de cette expertise,

– débouter M. [O] de sa demande d’indemnité provisionnelle et subsidiairement la réduire à de plus justes proportions,

– déclarer que la CPAM devra faire l’avance de la provision,

– constater l’intérêt pour elle d’appeler en jugement commun les sociétés [10] et [12],

– débouter la société [10] de sa demande de mise hors de cause,

– débouter la société [10] de ses demandes à son encontre et notamment de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre reconventionnel,

– condamner M. [O] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [O] au paiement des entiers frais et dépens de l’instance.

Vu les conclusions visées le 8 juin 2023, soutenues oralement à l’audience, par lesquelles la société [8] prie la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d’Arras en date du 13 décembre 2021 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

– se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes formées à son encontre au profit du tribunal judiciaire statuant en matière civile,

– dire que l’arrêt à intervenir sera déclaré commun et opposable aux sociétés [10], [12] ainsi qu’à elle-même,

A titre infiniment subsidiaire,

– débouter M. [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– ordonner une expertise médicale conforme au code de la sécurité sociale,

– dire et juger que la mission confiée à l’expert qui sera désigné sera limitée aux seuls postes de préjudices tels qu’énumérés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et les arrêts de la Cour de cassation du 4 avril 2012, à savoir :

– les souffrances endurées,

– le préjudice esthétique,

– le préjudice d’agrément,

– le préjudice sexuel,

– l’assistance tierce personne avant consolidation,

– le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle

– le déficit fonctionnel temporaire,

– juger que l’expert n’aura pas à se prononcer :

– sur le déficit fonctionnel permanent,

– les besoins éventuels de tierce personne après consolidation,

– le préjudice lié aux dépenses de santé actuelles et futures,

– les préjudices extra-patrimoniaux évolutifs,

– rejeter la demande de provision de M. [O], ce dernier ayant déjà reçu 5 000 euros à titre provisionnelle à valoir sur le préjudice,

– débouter M. [O] de sa demande au titre de l’article 700 et de sa demande de dépens,

– dire et juger que les sommes seront versées à l’assuré par la caisse,

En tout état de cause,

– déclarer recevables les appels en intervention forcée formés à l’encontre des sociétés [12] et [10] et en conséquence, leur déclarer commun et opposable l’arrêt à intervenir.

Vu les conclusions visées le 8 juin 2023, soutenues oralement à l’audience, par lesquelles la société [10] prie la cour de :

A titre liminaire,

– constater que la chambre de la protection sociale de la cour d’appel de céans n’est pas compétente pour traiter un éventuel problème de défectuosité d’un produit dans un litige portant sur l’existence ou non d’une faute inexcusable de l’employeur, la société [9],

– prononcer sa mise hors de cause,

A titre principal,

– confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d’Arras en date du 13 décembre 2021 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

– constater qu’il n’est pas démontré une quelconque défectuosité du chariot fabriqué par la société [10],

– dire et juger que la société [9] ne dispose d’aucun intérêt à demander sa mise en cause aux fins de lui opposer le jugement commun d’un litige concernant une éventuelle faute inexcusable de l’employeur,

– prononcer l’irrecevabilité de sa mise en cause,

– prononcer sa mise hors de cause du litige opposant la société [9] à M. [O],

En tout état de cause,

– débouter la société [9] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

– condamner la société [9] à lui verser une somme de 5 000 euros de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société [9] aux entiers dépens,

Vu les conclusions visées le 8 juin 2023, déposées à l’audience, par lesquelles la société [12] prie la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter les sociétés [9] et [8] de leurs demandes de déclaration de jugement commun,

– prononcer sa mise hors de cause,

– condamner la société [9] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les observations présentées oralement à l’audience, par lesquelles la CPAM de [Localité 11] demande à la cour, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, le bénéfice de son action récursoire à l’encontre de la société [9].

***

SUR CE LA COUR,

M. [V] [O], salarié de la société [9] en qualité de cariste en contrat à durée déterminée, a été victime d’un accident survenu le 21 septembre 2018 suite à un choc au niveau de la jambe gauche provoqué par un chariot de manutention de marque Fenwick alors qu’il était en train de réparer une palette cassée.

Il ressort du certificat médical initial établi le 22 septembre 2018 que l’accident a entrainé des poly fractures du pied gauche.

L’accident déclaré a fait l’objet d’une décision de prise en charge par la CPAM de [Localité 11] au titre de la législation sur les risques professionnels le 8 octobre 2018.

M. [O] a par la suite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Arras, à l’effet de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement dont appel,le pôle social du tribunal judiciaire d’Arras, devenu compétent pour connaître du litige, a statué comme indiqué précédemment.

M. [V] [O] conclut à l’infirmation du jugement et à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [9], avec toutes conséquences.

Il fait valoir qu’aucun dispositif n’était prévu pour empêcher la circulation des autres chariots lorsqu’un chariot est immobilisé pour une raison quelconque.

Il indique que la simple communication d’un document rappelant les règles en matière de sécurité ne peut constituer un élément suffisant au regard de l’obligation de sécurité de l’employeur,que la faute inexcusable réside dans le fait de l’avoir affecté à l’utilisation d’un chariot élévateur sans lui avoir dispensé une réelle formation à la sécurité renforcée.

Il soutient que son employeur ne pouvait méconnaitre les risques liés à la conduite d’engins roulants et ajoute que le simple fait de vérifier qu’il était titulaire d’un CACES et de lui remettre des consignes de sécurité ne suffit pas à démontrer une absence de conscience du danger par l’employeur, ainsi que la mise en place d’actions visant à préserver le salarié.

La société [9] conclut à la confirmation du jugement déféré.

Elle oppose que M. [O] ne démontre pas ne pas avoir reçu une formation renforcée à la sécurité, que le salarié dispose d’un CACES et qu’il est cariste de métier.

Elle observe que le salarié a bénéficié d’un accueil et d’une formation adaptés comme en atteste le document « mode opératoire » et l’article 2 de son contrat.

Elle souligne que le salarié a signé une autorisation de conduite certifiant qu’il a fait l’objet d’un contrôle de connaissances et de savoir-faire mais aussi qu’il a reçu les instructions de sécurité.

Elle souligne encore que le document « mode opératoire », porté à la connaissance du salarié, précise qu’en présence d’une palette cassée le salarié ne doit pas intervenir sur les zones de circulation et de chargement sans en informer préalablement ses collègues.

Elle soutient qu’en agissant en violation de toutes les règles élémentaires de sécurité, le salarié a pris des risques inconsidérés, de manière volontaire et imprévisible.

Elle estime que M. [O] n’apporte aucun élément de nature à démontrer les conditions de travail précaires au sein de l’entrepôt, les photographies produites ne correspondant pas à l’entrepôt où il travaillait.

Elle ajoute que les attestations produites par M. [O] sont sans lien avec ses conditions de travail.

Elle indique que le chariot responsable de l’accident était conforme aux règles de sécurité qui lui sont spécifiquement applicables.

Elle précise qu’elle a intérêt à ce que l’arrêt soit déclaré commun aux sociétés [10] et [12], pour faire reconnaitre leurs responsabilités devant la juridiction compétente si la faute inexcusable était retenue pour absence de conformité du chariot.

Elle souligne par ailleurs que le salarié n’apporte aucune preuve de nature à justifier l’indemnisation des préjudices qu’il invoque.

La société [8] conclut à la confirmation du jugement et à l’incompétence de la cour s’agissant des demandes formées à son encontre, portant sur la garantie d’assurance entre un assuré et son assureur ainsi que sur l’éventuelle condamnation de ce dernier.

Elle indique que le salarié n’apporte pas la preuve d’une faute inexcusable de son employeur et qu’il n’a pas respecté les règles de sécurité qu’il connaissait pourtant.

Elle estime que les demandes d’indemnisation de M. [O] sont surévaluées et injustifiées, que la demande de provision formulée est excessive en l’absence d’éléments médicaux la justifiant, et précise qu’elle a versé une provision de 5 000 euros à M. [O] dans un cadre amiable.

La société [10] conclut à sa mise hors de cause et à l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre par la société [9].

Elle soutient que les problématiques liées à la responsabilité d’un fabricant ne rentrent pas dans les catégories énoncées par l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale.

Elle oppose que M. [O] était formé aux règles de sécurité et qu’il s’est placé de manière délibérée en situation dangereuse.

Elle estime que la société [9] ne justifie ni d’un quelconque intérêt à l’appeler en la cause, ni de l’existence d’un lien suffisant avec la question de la faute inexcusable.

Elle ajoute que la société [9] n’apporte pas la preuve d’un quelconque défaut affectant le chariot que la question de la faute inexcusable de l’employeur est sans rapport avec la responsabilité du fabricant d’un chariot.

La société [12] conclut à la confirmation du jugement et à sa mise hors de cause.

Elle indique que l’article 1245-6 du code civil prévoit une exclusion de la responsabilité du loueur visant à tenir compte de l’absence d’intervention de l’établissement financier tant au niveau du choix du matériel financé que du fournisseur de ce dernier.

Elle considère que la demande de jugement commun est dépourvue de tout intérêt.

La CPAM de [Localité 11] sollicite le bénéfice de son action récursoire en cas de reconnaissance de la faute inexcusable.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

***

* Sur la demande de mise hors de cause des sociétés [10] et [12]:

Aux termes de l’article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt, afin de lui rendre le jugement commun.

En l’espèce, compte tenu de l’implication du chariot Fenwick dans l’accident objet de la présente procédure, la société [9] a intérêt à ce que la présente décision soit commune aux sociétés mises en cause, cette mise en cause ayant pour seul effet de leur rendre la chose jugée opposable sans que la décision rendue constitue à leur encontre un titre exécutoire.

Les sociétés [10] et [12] seront donc déboutées de leurs demandes de mise hors de cause.

*Sur l’action en reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur:

Aux termes de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants-droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié , l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article précité, lorsque l’employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de la maladie reconnue d’origine professionnelle, dès lors qu’ il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

.Il appartient au salarié de rapporter la preuve d’une faute inexcusable imputable à son employeur

L’article L 4121-1 du code du travail dispose en outre que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, que ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, et que l’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

En vertu de l’article R 4321-4 du même code, l’employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l’exige, les vêtements de travail appropriés; il veille à leur utilisation effective.

Par ailleurs et aux termes de l’alinéa 1 de l’article L. 4154-2 du code du travail, les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité doivent bénéficier d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés.

Il résulte des dispositions de l’article L 4154-3 du même code que la présomption de faute inexcusable a vocation à s’appliquer aux salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée et aux salariés temporaires dont le poste présente des risques particuliers pour leur santé et leur sécurité, et pour lesquels aucune formation renforcée à la sécurité n’a été réalisée.

La circulaire du 31 octobre 1990, prévoit en son article 4.1.2.1 de considérer comme « à risque particulier » et devant conséquemment être inscrit sur la liste des postes à risque particulier, à l’image des travaux pour lesquels une formation particulière est prévue par la réglementation, le cas des postes de caristes.

En l’espèce, M. [O], salarié de la société [9] en contrat à durée déterminée,soutient ne pas avoir bénéficié d’une formation renforcée à la sécurité dans le cadre de son activité de cariste.

L’employeur produit une charte d’utilisation de matériel manutention signée par M. [O] le 26 juin 2018 qui atteste en avoir pris connaissance, une autorisation de conduite également signée par le salarié à la même date indiquant qu’il a été reconnu apte médicalement à son poste de travail, qu’il a été contrôlé sur ses connaissances et savoir-faire pour la conduite en sécurité et qu’il a reçu les instruction à respecter sur les sites d’intervention.

La société [9] produit en outre « un mode opératoire ‘ (dé)charger un camion » indiquant la marche à suivre si une palette en bois est cassée, dont le salarié ne conteste pas avoir eu connaissance.

Il ne ressort pas des éléments précités que l’employeur aurait dispensé une formation renforcée à la sécurité à son salarié , ce dernier ayant seulement reçu une information sur l’utilisation du matériel, des instructions en matière de sécurité, et ayant été contrôlé sur ses connaissances, de sorte que la présomption prévue aux articles L. 4154-2 et L. 4154-3 du code du travail trouve à s’appliquer en l’espèce, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges.

Cette présomption est toutefois renversée dès lors qu’il résulte clairement des termes du mode opératoire préalable au chargement et au déchargement des camions produit par la société [9], dont M. [O] ne conteste pas avoir pris connaissance, que le cariste se déplaçant à pied doit le faire sur les voies réservées à cet effet.

Ce document indique en outre expressément que si une palette en bois est cassée, le cariste doit prévenir ses collègues afin qu’ils arrêtent leurs chariots avant de rapatrier la palette en zone non conforme pour la rétablir à l’aide d’un marteau et de clous.

Il s’en déduit que l’employeur, qui avait conscience du danger que présentaient le transport d’une palette cassée et le déplacement du caristes sur les voies de circulation des chariots, avait expressément donné instruction au salarié , outre l’obligation de port d’équipements de protection, de ne pas intervenir sur les zones de circulation et de chargement sans en informer préalablement ses collègues afin que ceux-ci arrêtent leurs propres chariots, en cas de présence d’une palette cassée .

SI M. [O] produit des attestations d’anciens salariés de la société [9] , ces pièces ne font cependant aucunement état des conditions de travail de M. [O], les salariés en cause faisant état des difficultés auxquelles ils ont été personnellement confrontés dans le cadre de leurs passages au sein de la société [9].

Dans ces circonstances, alors qu’aucun dysfonctionnement du matériel mis à disposition n’est allégué et que M. [O] est intervenu en violation des instructions élémentaires de sécurité dont il avait eu connaissance, cette violation étant la cause de l’accident dont il a été victime, la preuve d’une faute inexcusable de la société [9] n’est pas rapportée par l’appelant .

La décision déférée sera confirmée de ce chef et en ce qu’elle a rejeté les demandes subséquentes de M. [O] .

*Sur les dépens:

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

M. [V] [O], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel.

*Sur les frais irrépétibles:

Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l’équité.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société [9] l’ensemble des frais irrépétibles exposés en appel.

M. [V] [O] sera condamnée à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Le surplus des demandes faites sur ce fondement sera rejeté.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par sa mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée excepté en ce qu’elle a dit la présomption de faute inexcusable non applicable,

STATUANT ANOUVEAU DE CE SEUL CHEF et Y AJOUTANT,

DIT la présomption de faute inexcusable applicable mais renversée par la preuve contraire,

DEBOUTE les parties de leurs demandes contraires ,

DIT le présent arrêt commun aux sociétés [10] et [12], et à la compagnie d’assurance [8],

CONDAMNE M. [V] [O] aux dépens,

CONDAMNE M. [V] [O] à payer à la société [9] une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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