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23 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG n°
23/02376
Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
LOYERS COMMERCIAUX
JUGEMENT DU 23 JANVIER 2024
N° RG 23/02376 – N° Portalis DB22-W-B7H-RHNS
Code NAC : 30C
DEMANDERESSE
La société [Localité 9] PIERRE 2, société civile immobilière immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro
389 635 749 dont le siège social est situé [Adresse 5], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Maître Samuel GUILLAUME de la SCP BLATTER SEYNAEVE ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Stéphanie BRAUD, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.
DÉFENDERESSE
La société RESEAU CLUBS BOUYGUES TELECOM – RCBT, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 423 032 598 dont le siège social est situé [Adresse 3] et prise en son établissement situé au Centre Commercial [Adresse 4], local situé au niveau 1 dudit centre sis [Adresse 4], représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Maître Philippe BENSUSSAN de la SCP DOLLA-VIAL & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.
DÉBATS :
Madame GARDE, Juge, siégeant par délégation de Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES, et statuant en matière de loyers commerciaux, conformément aux dispositions de l’article R. 145-23 du Code de Commerce, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier.
Après avoir entendu, lors de l’audience du 30 Novembre 2023, les avocats des parties en leurs plaidoiries, l’affaire a été mise en délibéré pour que le jugement soit rendu ce jour.
* * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 9 février 2011, la société [Localité 9] Pierre 2 a donné à bail commercial à la société Réseau Clubs Bouygues Telecom – RCBT un local à usage commercial n° 152 b – 152 c au niveau 1 du centre commercial [Adresse 4] situé [Adresse 4] au [Localité 10] (78), à destination, notamment, de téléphonie et télécommunication sous l’enseigne Club Bouygues Télécom, pour une durée de dix années à compter du 28 février 2011, moyennant un loyer de base de 145.000 € en principal outre un loyer variable additionnel correspondant à la différence positive entre 7,25 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués et le loyer de base annuel hors taxes.
Lors de la régularisation du bail, le bailleur a consenti au preneur un allégement du montant du loyer de base contractuel, lequel a été fixé à la somme de 130.000 € pour la première année et 138.000 € pour la deuxième année à compter de la prise d’effet du bail.
Par exploit du 6 août 2020, la société [Localité 9] Pierre 2 a fait signifier
à la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT un congé pour
le 27 février 2021 avec offre de renouvellement pour une durée de dix
années à compter du 28 février 2021, moyennant un loyer annuel de base
de 227.500 € hors charges et hors taxes ainsi qu’un loyer variable conforme aux stipulations du bail expiré.
Aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant du loyer du bail renouvelé.
C’est dans ces conditions qu’après lui avoir fait signifier un mémoire préalable les 22 et 23 février 2023, la société [Localité 9] Pierre 2 a, par actes des 7 et 11 avril 2023, fait assigner la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT devant le juge des loyers commerciaux de Versailles en fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 227.500 € ou à dire d’expert.
Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 29 novembre 2023, la société [Localité 9] Pierre 2 demande au juge des loyers commerciaux de :
– Fixer le loyer de base de renouvellement à la somme annuelle de
227.500 euros (deux cent vingt-sept mille cinq-cents euros) hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail commercial du 9 février 2011 demeurant inchangées, en ce compris la clause de loyer variable et la durée de dix années à compter du 28 février 2021,
– Condamner la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT au paiement des intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis la date de la demande en justice, à compter de chaque date d’exigibilité, conformément aux dispositions de l’article 1343-1 du code civil et leur capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du même code, pour ceux correspondant à des loyers dus depuis plus d’un an,
– Pour satisfaire aux dispositions de l’article L. 112-1 du code monétaire et financier, si pour quelque raison que ce soit, notamment en cas d’avenant de modification du loyer, de renouvellement du bail ou de fixation du loyer en application des articles L. 145-38 ou L. 145-39 du code de commerce, la date d’application du nouveau loyer était modifiée par rapport à celle prévue au bail, il est demandé au juge de dire que la date d’indexation serait alors fixée à la date d’effet du nouveau loyer et l’indice de base serait le dernier indice publié à cette date,
A titre subsidiaire,
– Ordonner une mesure d’instruction en application de l’article R. 145-30 du code de commerce pour déterminer le loyer du bail renouvelé conformément à l’article 4.7 du bail commercial du 28 février 2021 et dans ce cas que le loyer provisionnel pour la durée de l’instance soit fixé à la somme annuelle de 227.500 euros hors taxes hors charges à compter du 28 février 2021, sur lequel continuera de s’appliquer la clause d’indexation contractuelle pendant la durée de l’instance,
En tout état de cause,
– Dire qu’à défaut d’exercice par les parties de leur droit d’option prévu par l’article L. 145-57 du code de commerce, la décision à intervenir constituera un titre exécutoire conforme aux dispositions des articles L. 111-2, L. 111-3 et L. 111-6 du code des procédures civiles d’exécution,
– Rappeler qu’aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement,
– Condamner la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT aux dépens de l’instance.
La société [Localité 9] Pierre 2 soutient que le centre commercial [Adresse 4] développe actuellement 130.000 m2 de surfaces commerciales réparties sur trois niveaux regroupant près de 200 boutiques. Elle explique que la zone de chalandise du centre s’étend sur un secteur où la population bénéficie d’un fort pouvoir d’achat, à proximité des communes de [Localité 15], [Localité 14], la [Localité 8], [Localité 11] et [Localité 12]. Elle souligne la facilité d’accès du centre par les autoroutes n° 13 et 86, la route nationale n° 186 ainsi que la nouvelle jonction entre la route n° 186 et l’[Adresse 7]. Elle précise que le centre dispose d’un parking étendu d’une capacité de 4.500 places. Elle ajoute qu’il est très bien desservi par
les transports en commun. Elle relève que le centre commercial [Adresse 4] constitue l’un des plus importants centres commerciaux
d’Île-de-France, avec une fréquentation annuelle d’environ 12 millions
de visiteurs.
Elle indique que le local loué comporte une belle surface de 91 m2, à proximité d’escalators et de la porte Saint-Michel, mais aussi de grandes enseignes nationales et internationales réputées et/ou “locomotives”. Elle relève, par ailleurs, que l’activité exercée par le preneur est susceptible de générer des marges importantes, ce qui doit être pris en compte dans l’appréciation de la valeur locative de marché.
Elle explique que, dans la mesure où le bail a une durée contractuelle de dix années, le montant du loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative. Elle ajoute que, lors de la signature du contrat de bail, les parties sont convenues des modalités de fixation du montant du loyer du bail renouvelé aux articles 4.7 et III.5 de la convention.
Elle relève qu’un centre commercial est considéré comme une unité autonome de marché et que seules les valeurs locatives de marché résultant de fixations amiables récentes de loyer, incluant les références de prix décapitalisés, sont de nature à refléter la commercialité du centre et son évolution. Elle observe qu’il n’y a pas lieu de procéder à la pondération des surfaces pour calculer la valeur locative, l’ensemble des valeurs référencées portant sur des locaux dont la surface est calculée de manière strictement identique. Elle souligne, enfin, qu’il n’y a pas lieu à correctifs en fonction des clauses du bail puisque tous les baux d’un même centre commercial sont assujettis à des clauses semblables.
Elle verse aux débats quatre termes de comparaison et en déduit une valeur locative de marché de 2.500 € / m2, pour un loyer annuel de 227.500 €.
Elle s’oppose à la demande tendant à la communication de l’intégralité des baux du centre commercial. Elle rappelle que l’ensemble immobilier dont dépend le centre commercial est soumis au régime de la copropriété et qu’elle ne dispose pas de toute la documentation contractuelle. Elle ajoute que la présente procédure a pour seul et unique but de permettre la fixation du loyer du bail renouvelé au 28 février 2021, de telle sorte que seules les pièces nécessaires à la résolution du litige peuvent et doivent être consultées. Elle souligne que la communication de toutes les références demandées reviendrait à lui faire perdre toute capacité de négociation avec les différentes enseignes alors même qu’elle a pour objet social exclusif l’activité de location de surfaces commerciales. Elle se prévaut du principe de libre concurrence et du secret des affaires protégés par la Cour de cassation, ce d’autant que l’enseigne Bouygues fait partie de la fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé et a adhéré à l’organisation “Procos”, une puissante fédération d’enseignes défendant leurs intérêts.
Elle réplique que le raisonnement en termes de moyenne est erroné, les loyers des plus petites surfaces étant, par nature, plus élevés au m2 que les grandes. Elle ajoute que l’absence de rentabilité dépend essentiellement des choix de gestion du preneur, que la zone dans laquelle est implantée la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT est particulièrement dynamique et que l’ouverture dominicale du centre est l’aboutissement d’un travail laborieux et réfléchi avec les acteurs économiques.
Aux termes de son dernier mémoire, notifié à la société [Localité 9]
Pierre 2 par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 25 octobre 2023, la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT demande au juge des loyers commerciaux de :
– Fixer le loyer de base des locaux litigieux à la somme annuelle en principal de 123.305 € HT HC (soit 1.355 € HT HC / m2) sauf à parfaire, à compter du 28 février 2021, toutes les autres clauses et conditions du bail inchangées, sous réserve de leurs adaptations aux dispositions de la loi Pinel,
– Condamner la société [Localité 9] Pierre 2 à payer à la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT les sommes trop perçues au titre des loyers, charges et accessoires versées à compter de la date de renouvellement, outre les intérêts légaux,
– Condamner la société [Localité 9] Pierre 2 à payer à la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
A titre subsidiaire,
– Désigner tel expert qu’il plaira avec pour mission de :
* Se rendre sur place,
* Visiter et décrire les locaux 152 b – 152 c au sein du centre commercial [Adresse 4] sis [Adresse 4] au [Localité 10] (78), appartenant à la société [Localité 9] Pierre 2 et dont la société RCBT est locataire,
* Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission, en ce compris l’intégralité des baux et renouvellements du centre commercial,
* Rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, tous éléments permettant de déterminer le prix du loyer de base renouvelé à compter du 28 février 2021,
* Donner tout autre élément d’appréciation utile à la solution du litige,
* Informer les parties de l’état de ses investigations et conclusions et s’expliquer techniquement sur les éventuels dires et observations recueillis à l’occasion d’une réunion de synthèse précédant le dépôt du rapport ou par le dépôt d’un pré-rapport,
– Dire que l’expertise sera mise en oeuvre et que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat du greffe de ce tribunal dans les quatre mois de sa saisine,
– Fixer la provision à consigner par la société [Localité 9] Pierre 2 au greffe à titre d’avance sur les honoraires de l’expert dans le délai qui sera imparti par l’ordonnance à intervenir,
– Dire n’y avoir lieu à statuer sur l’article 700 du code de procédure civile,
– Réserver les dépens,
Dans tous les cas,
– Débouter la société [Localité 9] Pierre 2 de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– Enjoindre à la société [Localité 9] Pierre 2 sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir d’avoir à communiquer, d’une part, à l’expert judiciaire en cas d’expertise et, d’autre part, aux conseils juridique et technique de la société RCBT, l’intégralité des baux dans leur version originale ainsi que les actes de renouvellement du centre commercial [Adresse 4],
– Rappeler qu’aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
La société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT indique qu’à partir du moment où les parties sont convenues de donner compétence à la juridiction des loyers commerciaux pour déterminer le prix de renouvellement du bail, les dispositions des articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants du code de commerce sont applicables.
Elle observe que la moyenne des termes de références produits par le bailleur s’élève à hauteur de 2.111 €, ce qui contredit le prix unitaire retenu, de
2.500 €. Elle reproche au bailleur le caractère opaque des conditions dans lesquelles celui-ci sélectionne les termes de références jugés utiles et demande la production à ses conseils juridiques et techniques de l’intégralité des baux du centre commercial. Elle considère que c’est la condition sine qua none pour que les parties puissent échanger, contradictoirement, sur la pertinence des termes de référence sélectionnés puis exploités. Elle se prévaut du principe du contradictoire, des règles du procès équitable et de l’égalité des armes.
Elle soutient que le contrat de bail comporte de nombreuses clauses exorbitantes du droit commun dont il faut tenir compte dans la détermination de la valeur locative (impôt foncier, assurance, clause de non-concurrence, loyer binaire, etc.) Elle excipe, par ailleurs, de la perte d’attractivité du centre qui a dû prévoir son ouverture dominicale pour résister à la concurrence du e-commerce et pallier plusieurs mois d’inactivité liés aux restrictions sanitaires, la chute du nombre de visiteurs et la baisse du pouvoir d’achat.
A l’issue de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 30 novembre 2023, la présente juridiction a demandé à la société [Localité 9] Pierre 2 de produire, par voie de note en délibéré notifiée par voie de RPVA, l’accusé de réception de son dernier mémoire par la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT, ce qu’elle a fait par courrier du 27 décembre 2023.
MOTIFS
Les dispositions issues de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve
des obligations étant applicables aux contrats conclus à compter du
1er octobre 2016, il sera fait référence, dans le présent jugement, à l’ancienne numérotation du code civil.
Sur la compétence restreinte du juge des loyers commerciaux
En vertu de l’article R. 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.
Le juge des loyers commerciaux est tenu de vérifier sa propre compétence.
En l’espèce, il n’entre pas dans le champ de compétence du juge des loyers commerciaux de statuer sur la durée, les clauses et les conditions du bail renouvelé.
Ces demandes seront, par conséquent, déclarées irrecevables.
Sur la fixation judiciaire du montant du loyer du bail renouvelé
En application de l’article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
L’article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être négociées, formées et exécutées de bonne foi.
Le renouvellement du bail à compter du 28 février 2021, qui n’est pas contesté, sera entériné.
Lors de la conclusion du bail, les parties sont expressément convenues des modalités de fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative de marché. Elles en ont précisé les contours à l’article 4.7 du contrat de bail, intitulé “Loyer du bail renouvelé”, modifié par l’article III-5 des conditions
dérogatoires :
“4.7 Fixation du loyer de renouvellement
a) Il est expressément convenu entre les parties à titre de condition essentielle et déterminante que lors des renouvellements successifs, le loyer de base qui constitue un minimum garanti, ne pourra en aucun cas être inférieur à la valeur locative.
A défaut d’accord sur le loyer de base de renouvellement, les parties, en cas de litige, attribuent expressément compétence au juge des loyers commerciaux, à l’effet de fixer le loyer de base de renouvellement par référence à la valeur locative des seuls autres locaux commerciaux du “Centre commercial” qui constitue un marché autonome de référence des valeurs locatives.
Seront pris en considération pour la fixation du loyer de renouvellement :
– les loyers de base additionnés d’un dixième des prix de cessions ou des indemnités d’entrées des locaux de comparaison, présentant des caractéristiques comparables au local loué et à son bail,
– lesdits loyers de base augmentés du dixième des prix de cessions ou des indemnités d’entrées pris à titre de référence pour la définition du loyer, seront ceux concernés contractuellement dans les trois années précédant la date de renouvellement du bail.
Il est expressément convenu entre les parties :
– que pour les besoins de la comparaison, les surfaces contractuelles seront retenues sans application d’une pondération,
– que le bail se renouvellera par ailleurs aux clauses et conditions du bail expiré, notamment pour ce qui concerne le loyer variable.
b) En tant que de besoin, le bailleur bénéficiera conventionnellement du droit d’option prévu à l’article L. 145-57 du code de commerce et du droit de repentir prévu à l’article L. 145-58 du code de commerce.
III-5 Fixation du loyer de renouvellement
Le 3ème paragraphe de l’article 4.7 “Fixation du loyer de renouvellement” est modifié comme suit :
“Seront pris notamment en considération pour la fixation du loyer en renouvellement :
– les loyers de base additionnés des prix de cession ou des indemnités d’entrées des locaux de comparaison, selon la méthode dite du loyer “décapitalisé” communément utilisée par les experts en estimation de la valeur locative,
– lesdits loyers de base augmentés du dixième des prix de cessions ou des indemnités d’entrées pris à titre de référence pour la définition du loyer, seront ceux concernés contractuellement dans les trois années précédant la date de renouvellement de bail”.
La suite de l’article 4.7, à savoir “Il est expressément convenu entre les parties :…” est maintenue.”
Il résulte de ces termes clairs et précis que le montant du loyer du bail renouvelé doit être fixé conformément aux stipulations contractuelles et ce, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants du code de commerce.
Au soutien de sa demande en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 227.500 € par an, la société [Localité 9] Pierre 2 produit quatre références relatives à des nouvelles locations portant sur des locaux situés dans le centre commercial [Adresse 4], aux destinations diverses (protections, cartes et accessoires ; parfumerie, soins de beauté ; opticien ; téléphone mobile et communication), dont les dates de prise d’effet sont comprises entre le 1er février 2018 et le 15 juin 2022. Si ces références s’inscrivent en cohérence avec les stipulations contractuelles, à l’exception de la deuxième référence qui a une prise d’effet postérieure à celle du bail litigieux, trois d’entre elles portent sur des destinations distinctes. Ces références ont, par ailleurs, été unilatéralement choisies par le bailleur parmi d’autres termes de comparaison dont ni le tribunal ni le preneur n’ont pu évaluer l’éventuelle pertinence, étant observé que ni les clauses et conditions des baux visés, ni la configuration des locaux, leur situation au sein du centre commercial et leur commercialité ne sont connues. La comparabilité et la pertinence des références produites par la société [Localité 9] Pierre 2 pour la détermination de la valeur locative des locaux n’est donc pas établie. Or, si les dispositions des articles R. 145-3 et suivants du code de commerce ne sont pas applicables au présent litige, il n’en demeure pas moins que la présente juridiction doit pouvoir, afin de respecter les stipulations contractuelles, évaluer le degré de comparabilité des termes de comparaison cités de part et d’autre.
Dès lors, en l’état des pièces versées aux débats, la juridiction ne possède pas d’éléments d’appréciation suffisants pour statuer sur la fixation du montant du loyer du bail renouvelé au 28 février 2021, de sorte qu’il convient, avant dire droit, d’ordonner une mesure d’instruction. Chaque partie ayant intérêt à la réalisation de cette mesure, les frais de consignation seront partagés par moitié entre elles, selon les modalités précisées au dispositif de ce jugement.
Ainsi que le relèvent à juste titre les parties, l’effectivité et la qualité de la mesure d’instruction dépendent des conditions dans lesquelles elle est menée. C’est la raison pour laquelle l’expert judiciaire, collaborateur occasionnel de la justice soumis aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et notamment à un devoir de conscience, d’objectivité et d’impartialité, doit pouvoir avoir accès à toute la documentation utile à la réalisation de sa mission, sans avoir à recevoir aucune instruction des parties ou de leurs conseils sur les informations à faire figurer à l’état locatif, la nature des documents auxquels il peut avoir accès et les modalités de communication ou de consultation de ces documents.
Néanmoins, il ne saurait être imposé à l’une ou l’autre des parties d’avoir à produire à l’expert judiciaire ou à des tiers (conseils juridiques et techniques du preneur) des informations sensibles et/ou confidentielles si cette divulgation n’est ni nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi par le magistrat, à savoir disposer d’informations suffisantes pour trancher le litige lui étant soumis. Il ne saurait davantage leur être imposé de verser aux débats et/ou de communiquer à des tiers des données sensibles et/ou confidentielles en dehors de toute mesure d’instruction légale qui, par son régime juridique et le statut de son praticien, assure un juste équilibre entre l’exercice des droits de la défense et le secret des affaires.
Aussi appartiendra-t-il au bailleur de produire à l’expert judiciaire un état locatif exhaustif dépourvu de valeurs à la date de renouvellement du bail ainsi que tous les baux, avenants, quittances et autres documents relatifs aux conditions particulières consenties au preneur que celui-ci estimerait nécessaires au bon exercice de sa mission, pour ce qui concerne la sélection de références qu’il estimera pertinentes. Le bailleur devra également mettre à la disposition de l’expert, à sa demande, les comptages de flux au sein du centre commercial.
Les autres demandes seront, en revanche, rejetées.
Sur la fixation du loyer pendant l’instance
Aux termes de l’article L.145-57 du code de commerce, et pendant la durée de l’instance, le locataire est tenu de payer l’ancien loyer. Cette obligation a pour corollaire l’interdiction faite au bailleur de demander le paiement du nouveau loyer avant d’avoir obtenu soit l’accord contractuel du locataire, soit une décision judiciaire sur son montant. La juridiction peut cependant, en fonction des éléments qui lui sont fournis, fixer un loyer provisionnel, auquel cas un compte sera fait entre les parties lors de la fixation définitive.
En l’espèce, et conformément aux développements précédents, le juge des loyers commerciaux ne dispose pas d’éléments suffisants pour déterminer la valeur locative contractuellement prévue et, partant, fixer le loyer provisionnel à un montant autre que celui résultant du bail échu.
Par conséquent, le montant du loyer provisionnel sera fixé, pendant la durée de l’instance, au loyer résultant du bail échu et indexé conformément aux stipulations contractuelles.
Sur les autres demandes
Sur le sursis à statuer
En vertu des articles 481 et 483 du code de procédure civile, le jugement mixte ne dessaisit le juge que pour la partie du principal qui est tranchée, et non pour la partie du jugement relative aux mesures d’instruction ou provisoires.
En conséquence, dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, il sera sursis à statuer sur les autres demandes formées par les parties et non encore tranchées.
Corrélativement, les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront réservées.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
PAR CES MOTIFS
Le Juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,
DECLARE irrecevables comme excédant le champ de compétence de la présente juridiction les demandes tendant à statuer sur la durée, les clauses et les conditions du bail renouvelé,
CONSTATE le renouvellement au 28 février 2021 du bail commercial liant les parties et portant sur le local n° 152 b – 152 c au niveau 1 du centre commercial [Adresse 4] situé [Adresse 4] au [Localité 10] (78),
DIT que le montant du loyer de base du bail renouvelé doit être fixé conformément aux stipulations contractuelles liant les parties visées à l’article 4.7 du contrat de bail, intitulé “Loyer du bail renouvelé”, modifié par l’article III-5 des conditions dérogatoires du contrat de bail signé le 9 février 2011,
Avant dire droit, sur la fixation judiciaire du montant du loyer de base du bail renouvelé à la valeur locative de marché,
ORDONNE une expertise et commet pour y procéder :
Madame [X] [U]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Tel: [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 13]
Avec la mission de :
1/ se rendre sur les lieux situés au centre commercial [Adresse 4] situé [Adresse 4] au [Localité 10] (78), en présence des parties et de leurs conseils ou ceux-ci dûment convoqués,
2/ décrire et photographier les locaux commerciaux, donner les caractéristiques des locaux et de l’activité exercée, et sauf accord écrit des parties, déterminer la surface des locaux, le cas échéant en s’adjoignant un sapiteur,
3/ donner son avis sur la valeur locative des locaux au 28 février 2021 déterminée conformément aux stipulations contractuelles liant les parties visées à l’article 4.7 du contrat de bail, intitulé “Loyer du bail renouvelé”, modifié par l’article III-5 des conditions dérogatoires du contrat de bail signé le 9 février 2011,
4/ déposer son rapport avec une version papier comportant ses annexes et une version numérisée via OPALEXE au greffe du tribunal judiciaire de Versailles – service du contrôle des expertises – dans un délai de 7 mois à compter du jour où il aura été avisé de la réalisation de la consignation, sauf prorogation du délai dûment sollicitée en temps utile auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises,
5/ en cas de conciliation des parties, constater que la mission est devenue sans objet et en dresser rapport dans les meilleurs délais,
DÉSIGNE le magistrat chargé du contrôle des expertises pour surveiller les opérations d’expertise,
DIT que l’expert commis, saisi par le greffe du tribunal judiciaire de Versailles, devra :
1/ accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment appelées, les entendre en leurs dires, explications et réclamations et y répondre et, lorsque ces observations seront écrites, les joindre à son rapport si les parties le demandent et faire mention de la suite qui leur aura été donnée,
2/ soumettre, à l’issue de la première réunion d’expertise, au magistrat chargé du contrôle des expertises et communiquer aux parties la liste des pièces nécessaires à sa mission, le calendrier des opérations, un état prévisionnel détaillé de ses frais et honoraires et, en cas d’insuffisance manifeste de la provision allouée, solliciter la consignation d’une provision complémentaire,
3/ rendre compte au magistrat chargé du contrôle des expertises de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies,
4/ impartir un délai de rigueur pour déposer les pièces justificatives qui lui paraîtraient nécessaires ainsi que les documents que les parties jugeraient utiles et, à l’expiration de ce délai, aviser le juge chargé du contrôle des expertise de la carence des parties,
5/ sauf accord contraire écrit des parties, adresser à celles-ci une note de synthèse de ses observations et constatations après chaque réunion,
6/ communiquer aux parties la teneur de son rapport par un pré-rapport en leur enjoignant de lui faire connaître leurs observations dans un délai d’un mois à l’expiration duquel l’expert achèvera son rapport en répondant aux observations des parties ; s’il n’a reçu aucune observation, il le précisera,
7/ vérifier que les parties ont été à même de débattre des constatations ou des documents au vu desquels il entend donner son avis,
DIT que le bailleur devra produire à l’expert judiciaire un état locatif exhaustif dépourvu de valeurs à la date de renouvellement du bail ainsi que tous les baux, avenants, quittances et autres documents relatifs aux conditions particulières consenties au preneur que celui-ci estimerait nécessaires au bon exercice de sa mission, pour ce qui concerne la sélection de références qu’il estimera pertinentes,
DIT que le bailleur devra également mettre à la disposition de l’expert, à sa demande, les comptages de flux au sein du centre commercial,
RAPPELLE que l’expert exercera sa mission sans avoir à recevoir aucune instruction des parties ou de leurs conseils sur les informations à faire figurer à l’état locatif, la nature des documents auxquels il pourra avoir accès et les modalités de communication ou de consultation de ces documents,
REJETTE la demande de la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT tendant à la communication sous astreinte à l’expert judiciaire et aux conseils juridiques et techniques du preneur de l’intégralité des baux en version originale ainsi que des actes de renouvellement du centre commercial [Adresse 4] par la société [Localité 9] Pierre 2,
SUBORDONNE l’exécution de la présente décision en ce qui concerne l’expertise à la consignation au greffe du tribunal judiciaire de Versailles, régie d’avances et de recettes, par la société [Localité 9] Pierre 2 et la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT, à concurrence de 50% chacune, d’une avance de 3.500 euros à titre de provision à valoir sur les honoraires de l’expert, dans un délai maximum de six semaines à compter du jugement, sans autre avis,
RAPPELLE qu’à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque en vertu de l’article 271 du code de procédure civile,
FIXE le loyer provisionnel dû par la société Réseau Club Bouygues Télécom – RCBT, pour la durée de l’instance, au montant du loyer résultant du bail échu, indexé conformément aux stipulations contractuelles,
RÉSERVE les demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles,
SURSOIT à statuer sur les autres demandes dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise,
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit,
ORDONNE la radiation de l’affaire du rôle du juge des loyers commerciaux dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise,
DIT qu’en vertu de l’article R. 145-31 du code de commerce, dès le dépôt du rapport d’expertise, le greffe avisera les parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception de la date à laquelle l’affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l’exécution de la mesure d’instruction devront être échangés.
Ainsi fait, jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le
23 JANVIER 2024, par Madame GARDE, Juge des Loyers Commerciaux, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.
LE GREFFIERLE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
Carla LOPES DOS SANTOS Angéline GARDE