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20 octobre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/02459
20/10/2023
ARRÊT N°2023/386
N° RG 22/02459 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O3WD
FCC/AR
Décision déférée du 25 Mai 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse
( 20/00846)
SECTION ACTIVITES DIVERSES
MISPOULET M
S.A.S. OKTAL
C/
[J] [T]
confirmation partielle
Grosse délivrée
le 20 10 2023
à Me Laurent SEYTE
Me Pierre THERSIQUEL
1CCC à POLE EMPLOI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.S. OKTAL
prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 4]
Représentée par Me Laurent SEYTE de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur [J] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Pierre THERSIQUEL de l’AARPI HANDBURGER-DARROUS-THERSIQUEL AVOCATS, avocat au barreau de GERS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F.CROISILLE CABROL, conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
E. BILLOT, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [J] [T] a été embauché selon contrat de professionnalisation à durée déterminée prévu du 2 octobre 2019 au 27 septembre 2020 par la SAS Oktal, en qualité de technicien maintenance ; il était stipulé que le tuteur au sein de l’entreprise serait M. [D], chargé d’affaires maintenance, et que la formation serait dispensée par l’organisme CIEFA du 18 octobre 2019 au 17 septembre 2020.
La convention collective nationale des bureaux d’études techniques des cabinets d’ingénieur conseil et des sociétés de conseils, dite Syntec est applicable.
Par lettre remise en main propre le 15 janvier 2020 contenant mise à pied à titre conservatoire, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 21 janvier 2020, puis licencié pour faute grave par LRAR du 23 janvier 2020.
Le 30 juin 2020, M. [T] a saisi le conseil des prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de l’indemnité de requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun du fait du manquement à l’obligation de formation, de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité, du salaire pendant la mise à pied conservatoire, de dommages et intérêts pour rupture abusive ou à titre subsidiaire pour rupture irrégulière et de dommages et intérêts pour préjudice moral, et de remise sous astreinte des documents sociaux rectifiés.
Par jugement du 25 mai 2022, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– dit que la rupture du contrat de professionnalisation à durée déterminée de M. [T] est dépourvue de cause réelle et sérieuse,
– condamné la SAS Oktal à régler à M. [T] les sommes suivantes :
* 1.500 € au titre des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
* 513,89 € bruts au titre du paiement de la mise à pied conservatoire, et 51,30 € bruts pour les congés payés y afférents,
* 10.189,06 € au titre de la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée,
* 1.500 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
* 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ,
– rejeté le surplus des demandes,
– condamné la SAS Oktal à remettre à M. [T] l’attestation pôle emploi, le certificat de travail et le bulletin de salaire rectifié de janvier 2020 conformément à la présente décision d’une fin de contrat au 17 septembre 2020,
– rappelé que les créances salariales (soit les sommes de 513,89 € et 51,39 €) produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement, et qu’elles sont assorties de plein droit de l’exécution provisoire, la moyenne reconstituée des trois derniers mois étant de 1.320,60 €,
– rappelé que les créances indemnitaires (soit les sommes de 1.500 €, 10.189,06 € et 1.500 €) produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,
– condamné la SAS Oktal aux dépens,
– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la partie défenderesse.
La SAS Oktal a relevé appel de ce jugement le 29 juin 2022, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions récapitulatives et responsives notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Oktal demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat de professionnalisation était dépourvue de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a alloué des sommes à M. [T] au titre de l’obligation de sécurité, de la mise à pied conservatoire, de la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée du préjudice moral et de l’article 700 du code de procédure civile,
– le confirmer pour le surplus et débouter M. [T] des demandes qu’il effectue à titre d’appel incident,
Statuant à nouveau :
– juger que :
* la rupture du contrat de travail repose sur une faute grave,
* la SAS Oktal a respecté son obligation de sécurité,
* M. [T] n’a subi aucun préjudice moral,
– débouter en conséquence M. [T] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner M. [T] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 août 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [T] demande à la cour de :
– infirmer ou annuler le jugement,
et statuant à nouveau,
– recevoir M. [T] dans ses conclusions, les disant bien fondées,
– confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l’absence de faute grave, à savoir en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de professionnalisation à durée déterminée de M. [T] est dépourvue de cause réelle et sérieuse et condamné la SAS Oktal à régler à M. [T] les sommes de 1.500 € de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, 513,89 € au titre de la mise à pied conservatoire outre congés payés de 51,39 €, 10.189,06 € au titre de la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée, et 1.500 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [T] de ses demandes relatives à la requalification du contrat de professionnalisation et à l’obligation de formation,
Statuant à nouveau :
– condamner la SAS Oktal à verser à M. [T] les sommes suivantes :
* 2.641,20 € au titre de la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat de droit commun à durée indéterminée,
* 2.641,20 € au titre du préjudice pour manquement à l’obligation de formation,
* 10.189,06 € pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée, ou à titre subsidiaire 1.320,60 €,
* 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la rectification du bulletin de salaire de janvier 2020 sous astreinte de 25 € par jour de retard à compter du 2ème mois suivant la notification du jugement,
– condamner l’employeur en tous les dépens, qui comprendront notamment l’exécution de la décision à intervenir, et ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 30 juin 2020 pour les créances salariales du 6 février 2021 (sic) et à compter du 2 mars 2022 pour les créances indemnitaires.
MOTIFS
A titre préliminaire, la cour note que M. [T] demande d’annuler ou d’infirmer le jugement mais sans soumettre à la cour de moyens tendant à l’annulation. Il n’y a donc pas lieu d’annuler le jugement.
1 – Sur la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun et l’obligation de formation :
Le contrat de professionnalisation est un contrat de travail particulier régi par les articles L 6325-1 et suivants du code du travail, ayant pour objet de permettre d’acquérir une des qualifications prévues à l’article L 6314-1 et de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle ; il associe des enseignements dispensés par des organismes ou par l’entreprise si elle dispose d’un service de formation, et l’acquisition d’un savoir-faire par l’exercice en entreprise d’une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualifications recherchées ; l’employeur s’engage à assurer une formation au salarié lui permettant d’acquérir une qualification professionnelle et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat à durée déterminée.
Ainsi, l’obligation de formation constitue un élément essentiel du contrat de professionnalisation et à défaut de formation, ce contrat doit être requalifié en contrat de travail de droit commun, c’est-à-dire à durée indéterminée.
En première instance, M. [T] sollicitait une seule indemnité au titre de la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat de droit commun à durée indéterminée et du non-respect de l’obligation de formation, dont il a été débouté. En cause d’appel, il réclame deux indemnités ; il soutient que la SAS Oktal n’a pas respecté son obligation de formation et qu’elle a dévoyé l’objet du contrat en lui faisant effectuer en majorité des tâches de déménageur au lieu de technicien maintenance.
M. [T] verse aux débats le courrier du 4 février 2020 adressé à la SAS Oktal par l’inspection du travail saisie par le salarié et l’un de ses collègues M. [X] et ayant procédé à une enquête. L’inspection du travail indiquait que M. [T] n’avait fait aucune tâche liée à sa formation en raison du déménagement des locaux et avait exécuté majoritairement des tâches physiques liées à ce déménagement (déplacement des bennes, démontage et remontage des meubles, démontage de batteries d’onduleurs, mise en palettes et en cartons, utilisation d’un véhicule utilitaire…) ; elle rappelait à la SAS Oktal ses obligations en matière de contrat de professionnalisation faute de quoi celle-ci encourait la requalification du contrat et estimait qu’en laissant un salarié en contrat de professionnalisation seul elle se mettait dans l’illégalité.
La SAS Oktal réplique que le courrier de l’inspection du travail ne repose que sur les seuls dires de MM. [X] et [T] lesquels ne s’étaient plaints de rien auprès de la société, que l’ensemble des salariés de l’entreprise a participé à ‘donner un coup de main’ au déménagement, y compris M. [T], et que celui-ci a seulement aidé à déplacer des cartons pendant une journée. Toutefois, elle ne justifie pas de ce que la participation de M. [T] au déménagement n’aurait duré qu’une journée et de ce que, tous les autres jours, il était en formation au poste de technicien maintenance ; elle ne produit aucune attestation sur le contenu et l’importance du tutorat et de la formation ; le ‘rapport d’étonnement’ – non daté – renseigné par M. [T] qui se disait satisfait n’évoquait pas le tutorat et la formation ; quant à la formation ‘pratique APTELEC’ dispensée par Adecco Training le 13 décembre 2019, et aux ordres de mission pour les 3 octobre, 26, 27 et 29 novembre 2019, ils ne suffisent pas pour prouver que la SAS Oktal a rempli ses obligations.
Infirmant le jugement, la cour ordonnera donc la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun ce qui ouvre droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
M. [T] réclame, à titre d’indemnité de requalification, deux mois de salaire. Il sera simplement alloué à M. [T] une indemnité égale à son salaire mensuel brut perçu soit 1.320,60 €.
M. [T] ne justifiant pas avoir subi un préjudice complémentaire du fait du non-respect de l’obligation de formation, il sera débouté de sa demande de ce chef.
2 – Sur l’obligation de sécurité :
En application de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il lui incombe d’établir que, dès qu’il a eu connaissance du risque subi par le salarié, il a pris les mesures suffisantes pour y remédier.
M. [T] se plaint d’avoir effectué le déménagement sans formation ni évaluation des risques, notamment sur le port de charges lourdes, ni protection suffisante (simples gants en latex).
La SAS Oktal réplique que M. [T] a simplement déplacé des cartons ponctuellement dans un véhicule utilitaire ce qui ne nécessitait ni consignes ni formations particulières.
Or, dans son courrier du 4 février 2020, l’inspection du travail a relevé que M. [T] ne s’était pas contenté de transporter du matériel informatique, mais qu’il avait manipulé des charges lourdes (déplacement de bennes, démontage de meubles…) et utilisé le véhicule utilitaire ; elle a reproché à la SAS Oktal de ne pas avoir évalué les risques préalables ni donné au salarié des informations et formations adaptées à ces tâches, et demandé à la société les documents obligatoires de consultation du comité social et économique concernant le déménagement. Le fait que l’inspection du travail n’ait pas dressé de procès-verbal à l’encontre de la SAS Oktal ne suffit pas à prouver que la société a rempli son obligation de sécurité.
Le conseil de prud’hommes a alloué à M. [T] des dommages et intérêts de 1.500 € ; en cause d’appel, dans les motifs de ses conclusions, M. [T] demande des dommages et intérêts de 2.641,20 €, mais dans le dispositif qui seul saisit la cour il demande la confirmation du jugement sur les dommages et intérêts alloués.
M. [T] a ainsi subi un préjudice qui sera réparé à hauteur de 500 €, le quantum alloué étant réformé.
3 – Sur la rupture du contrat de travail :
La lettre de rupture était ainsi motivée :
‘Vous avez été engagé le 2 octobre 2019 en contrat de professionnalisation à durée déterminée en qualité de technicien maintenance.
En date du mardi 17 décembre 2019 au matin, et dans le cadre des missions que vous aviez ce jour, il vous a été demandé de transférer à l’aide de notre utilitaire Peugeot Boxer des cartons de matériels informatiques d’un de nos halls d’intégration à un autre de nos halls d’intégration situés tout deux à la même adresse [Adresse 2].
Lors de cette mission, vous étiez accompagné de votre collègue qui se trouvait au volant de l’utilitaire.
En sortant du garage, de manière rapide et trop proche du mur situé sur sa gauche, notre véhicule a été accidenté sur toute la partie de gauche.
Lors du choc, l’utilitaire s’est retrouvé coincé avec le mur. Une marche arrière a été nécessaire pour le dégager.
Une fois votre mission terminée, vous avez stationné en fin de matinée l’utilitaire devant le hall n°1, en présence de notre directeur Général M. [L] [I], sans l’informer, sans informer votre responsable ou un membre de la direction de la société de l’accident survenu, puis vous êtes parti prendre votre pause déjeuner.
Notre directeur général M. [L] [I], s’est aperçu des dégâts sur l’utilitaire peu de temps après votre départ en pause déjeuner.
Quand M. [R] [D], responsable de la maintenance, est venu vous demander si vous étiez l’auteur des dégâts, vous avez affirmé que cela n’était pas vous.
A votre retour de pause déjeuner, notre directeur Général M. [L] [I] vous a interrogé sur l’incident survenu. Vous avez répondu dans un premier temps que cela n’était pas vous.
Notre directeur général M. [L] [I] a alors rappelé que le site est équipé d’un dispositif de vidéosurveillance (dûment déclaré auprès de la CNIL, faisant l’objet d’un affichage spécifique à l’entrée de chaque bâtiment mentionnant que le site est sous vidéosurveillance), et qu’il est facile de vérifier ce qui s’était passé.
Malgré cela, face à notre directeur général M. [L] [I] et alors que les faits sont avérés, vous avez refusé de reconnaître votre responsabilité. Vous avez maintenu votre version en affirmant que vous n’aviez rien vu.
Notre directeur général M. [L] [I] vous a, à ce moment précis, demandé si vous vous moquiez de lui compte tenu des dégâts occasionnés sur le véhicule utilitaire, en présence des salariés de la société Solutio, présents sur les lieux.
Plus tard, notre Directeur Général M. [L] [I] a donc visionné les images de la vidéosurveillance, qui ont montré que vous étiez bien présent et que vous ne pouviez ignorer avoir vu ou entendu cet incident.
Les images montrant que vous attendez le passage de l’utilitaire à l’extérieur du hall afin de refermer la barrière, que vous relevez la tête subitement après avoir entendu le choc entre l’utilitaire et le montant de la porte sectionnelle occasionnant un ripage de plus d’un mètre du camion, que vous voyez l’utilitaire encastré et que, après que ce dernier soit dégagé par une marche arrière nécessaire, vous refermez la barrière.
Objectivement, vous ne pouviez donc nier n’avoir rien vu ou entendu. Vous vous êtes enfoncé dans le mensonge.
En date du lundi 13 janvier 2020, dans le cadre d’une entrevue ayant pour seul objectif d’échanger sur les faits qui se sont déroulés le 17 décembre 2019, vous avez maintenu déloyalement votre position en niant une responsabilité pourtant évidente.
De tels faits, au regard de votre fonction sont inacceptables.
Ces faits sont constitutifs d’un manquement particulièrement grave :
‘ A la discipline générale de l’entreprise ;
‘ A votre obligation de loyauté envers l’entreprise.
Votre attitude mensongère entraîne une perte de confiance et plus globalement porte atteinte aux intérêts de l’entreprise. Votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.
C’est dans ce contexte que nous vous, avons convoqué le 15 janvier 2020 à un entretien qui a eu lieu le mardi 21 janvier 2020 à 10h, avec pour objet d’écouter vos explications quant aux faits qui vous sont reprochés.
Au cours de cet entretien, vous nous avez exposé votre version des faits.
Vos explications n’ont pas été de nature à remettre en cause notre appréciation des faits.
Après réflexion, nous vous informons, par la présente, que nous prenons la décision de vous licencier pour faute grave pour les faits évoqués ci-dessus…’
Du fait de la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat de travail de droit commun, les règles spécifiques relatives à la rupture du contrat à durée déterminée (sauf accord entre les parties, rupture uniquement en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude) ne s’appliquent pas et toute faute même simple peut fonder la rupture.
Dans la lettre de rupture, la SAS Oktal ne reproche pas à M. [T] d’avoir accroché le véhicule utilitaire le 17 décembre 2019 pendant le déménagement puisque ce véhicule était conduit par M. [X], mais d’avoir manqué à son obligation de loyauté en affirmant ne pas s’en être aperçu, ce qui a nécessité de visionner la vidéosurveillance pour identifier le conducteur comme étant M. [X] et le salarié qui attendait le passage de l’utilitaire dehors et refermait la barrière comme étant M. [T], et pour constater le choc.
Ainsi, l’argument de M. [T], dans ses conclusions, tenant à l’absence d’évaluation des risques et de formation au déménagement, est inopérant. Dans ses écritures, M. [T] ne conteste pas que la vidéosurveillance a permis de l’identifier comme étant le salarié qui attendait dehors, ni l’importance des dégâts, le véhicule ayant ripé de plus d’un mètre et ayant été coincé contre le mur ce qui montre la violence du choc qui n’a pas pu lui échapper puisqu’il a levé la tête à ce moment, mais il maintient sa version comme il l’a déjà fait le jour de l’accident, lors de l’entretien du 13 janvier 2020, lors de l’entretien préalable du 21 janvier 2020, et par mail (sa pièce n° 5).
Il demeure qu’il n’avait aucune responsabilité dans l’accrochage et qu’en prétendant ne rien avoir vu, il évitait aussi de dénoncer son collègue.
Son attitude, fût-elle mensongère, ne saurait caractériser ni une faute grave, ni même une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse.
M. [T] peut donc prétendre au salaire pendant la mise à pied conservatoire soit 513,89 € bruts outre congés payés de 51,39 € bruts.
Du fait de la requalification en contrat à durée indéterminée, M. [T] ne peut donc pas prétendre à des dommages et intérêts pour rupture abusive d’un montant égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat à durée déterminée. En revanche, il peut prétendre à des dommages et intérêts pour rupture abusive au visa de l’article L 1235-3 du code du travail, compris entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau ; selon le tableau, pour un salarié ayant moins d’un an d’ancienneté au jour de la notification de la rupture, dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, cette indemnité est d’un mois de salaire brut maximum.
Né le 28 mai 1998, M. [T] était âgé de 21 ans ; il avait 3 mois d’ancienneté ; il a retrouvé un contrat d’apprentissage avec l’entreprise Plastisud de septembre 2020 à septembre 2021.
Il convient d’infirmer le jugement qui a alloué des dommages et intérêts de 10.189,06 €, et de lui allouer des dommages et intérêts de 1.000 € en réparation de son préjudice financier.
La demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement de 1.320,60 € n’étant présentée qu’à titre subsidiaire, la cour n’a pas à l’examiner.
Le conseil de prud’hommes a alloué à M. [T] des dommages et intérêts pour préjudice moral de 1.500 € ; en cause d’appel, dans les motifs de ses conclusions, M. [T] demande des dommages et intérêts de 3.000 €, mais dans le dispositif qui seul saisit la cour il demande la confirmation du jugement sur les dommages et intérêts alloués. Il expose qu’il n’a pas pu retrouver une entreprise pour terminer sa professionnalisation mais seulement un contrat d’apprentissage en septembre 2020 et qu’il a perdu une année. Ces dommages et intérêts ne font pas double emploi avec les dommages et intérêts précédemment alloués et le jugement sera confirmé sur le quantum alloué de 1.500 €.
4 – Sur le surplus des demandes :
Les condamnations à paiement de créances salariales (513,89 € et 51,39 €) portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes soit le 15 juillet 2020 avec capitalisation des intérêts échus pour une année à compter des conclusions déposées en vue de l’audience du conseil de prud’hommes du 22 mars 2022. La condamnation à paiement de créance indemnitaire confirmée (1.500 €) porte intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du jugement, avec capitalisation à compter de ce jugement ; les condamnations à paiement de créances indemnitaires autres (1.320,60 € et 500 €) portent intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt, avec capitalisation à compter de la mise à disposition de l’arrêt.
La remise des documents de fin de contrat conformes sera ordonnée, sans mention d’une fin de contrat au 17 septembre 2020 et sans qu’il y ait lieu à astreinte.
L’employeur qui perd sur une partie des demandes principales doit supporter les dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles, et ceux exposés par le salarié en première instance (1.500 €). Il n’y a pas lieu d’allouer au salarié une somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– condamné la SAS Oktal à payer à M. [J] [T] les sommes de 513,89 € au titre de la mise à pied conservatoire outre congés payés de 51,39 €, 1.500 € de dommages et intérêts pour préjudice moral et 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Oktal aux dépens de première instance,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Ordonne la requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun,
Dit que la rupture du contrat de travail n’était fondée ni sur une faute grave ni sur une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Oktal à payer à M. [J] [T] les sommes suivantes :
– 1.320,60 € d’indemnité de requalification,
– 500 € de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,
– 1.000 € de dommages et intérêts pour rupture abusive,
Rappelle que les condamnations à paiement de créances salariales (513,89 € et 51,39 €) portent intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020 et ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter du 22 mars 2022,
Rappelle que la condamnation à paiement de créance indemnitaire confirmée (1.500 €) porte intérêts au taux légal à compter du jugement et ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter du jugement,
Rappelle que les autres condamnations à paiement de créances indemnitaires (1.320,60 € et 500 €) portent intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt et ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter de la mise à disposition de l’arrêt,
Ordonne à la SAS Oktal de remettre à M. [J] [T] un certificat de travail, un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi conformes à l’arrêt,
Dit n’y avoir lieu à astreinte,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SAS Oktal aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset
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