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20 octobre 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/01544
ARRÊT DU
20 Octobre 2023
N° 1375/23
N° RG 21/01544 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T4RB
MLB/CH
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LANNOY
en date du
16 Septembre 2021
(RG 21/00028 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 20 Octobre 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [I] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Aurélie BERTIN, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.A.S.U. ORGANISATION INTRA-GROUPE DES ACHATS (OIA)
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Hugues MAQUINGHEN, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l’audience publique du 13 Septembre 2023
Tenue par Muriel LE BELLEC
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Nathalie RICHEZ-SAULE
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, Conseiller désigné pour exercer les fonctions de Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 23 août 2023
EXPOSÉ DES FAITS
M. [I] [Z], né le 21 mars 1970, a été embauché par la société Auchan en contrat à durée déterminée en qualité de technicien services du 1er juin 1999 au 31 décembre 1999.
Il a ensuite été embauché par la société Auchan France à compter du 21 février 2000 en qualité d’employé administratif et comptable. Son contrat de travail a été transféré à compter du 16 juin 2006 à la société Organisation Intragroupe des Achats (OIA). Il était affecté en dernier lieu, en qualité de technicien services, au showroom de la société, à [Localité 4].
La société OIA applique la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et emploie de façon habituelle au moins onze salariés.
M. [I] [Z] a été convoqué par lettre en date du 14 janvier 2019 à un entretien le 21 janvier 2019 en vue de son éventuel licenciement. A l’issue de cet entretien, son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié par lettre remise contre décharge le 31 janvier 2019.
Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :
«En tant qu’employé de niveau 3 au showroom de [Localité 4], votre mission définie dans l’accord de classification Auchan de juin 2001, consiste en l’exécution de travaux qualifiés qui requièrent une maîtrise professionnelle qu’il faut combiner en fonction du résultat à atteindre d’après des procédures précises s’appliquant au domaine d’action et aux moyens disponibles. Votre fonction nécessite initiative et autonomie pour s’adapter à différentes situations (réception de marchandises, installations et désinstallations des matériels nécessaires aux collections et événements du type Audacity, véritables vitrines du savoir-faire de la direction Produit Corporate à destination des pays).
Suite à plusieurs alertes, travail non effectué ou mal effectué, votre manager a mis en place un accompagnement depuis le mois de mai 2018 avec pour but de vous permettre de vous réapproprier les basiques de votre tenue de fonction. Celui-ci a été prolongé suite aux deux entretiens individuels des 16 octobre 2018 et 9 janvier 2019 au cours desquels vous avez obtenu 31 points puis 29 points, scores insuffisants pour prétendre à une prime variable.
Les principaux points d’accompagnement étaient les suivants :
– se positionner tous les lundis matins sur la to do list hebdomadaire et vérifier tout au long de la semaine l’évolution
– réceptionner quotidiennement les entrées de marchandises sans erreurs
– saisir quotidiennement les colis réceptionnés dans les outils informatiques
– garder la zone laboratoire rangée en permanence
– vérifier chaque matin que les salles de réunions de la zone 1 et de la zone 2 soient rangées ou prêtes.
Au bout de six mois d’accompagnement, votre manager constate à titre d’exemples non exhaustifs
– que vous ne vous positionnez pas le lundi sur la to do list hebdomadaire commune à l’équipe, pour exemple le 17 décembre 2018, ce qui impacte son organisation globale et reporte sur vos collègues votre charge de travail
– que vous réceptionnez des colis incomplets, contrairement aux procédures que vous connaissez, pour exemple les 26 et 29 novembre 2018
– que vous ne saisissez pas quotidiennement dans les outils les colis réceptionnés du jour pour la bonne traçabilité des produits présents au showroom, pour exemple les bons de réceptions du début de semaine étaient stockés dans le tiroir de votre bureau le jeudi 22 novembre 2018
– que la zone «laboratoire» n’est pas rangée en permanence, pour exemple les 22 et 26 novembre 2018
– que vous ne garantissez pas le rangement et la disponibilité des salles de réunions en temps et en heure, pour exemple le 17 décembre 2018.
Lors de l’entretien du 21 janvier 2019, vous avez indiqué
– «reconnaître ne pas remplir systématiquement la to do list le lundi»
– «refuser les lots incomplets quand vous les voyez mais passer parfois au travers»
– «ne pas saisir les réceptions le jour-même car vous avez toujours fait comme ça, même si vous reconnaissez savoir qu’il faut saisir le jour-même»
– «ne pas prévenir systématiquement et ne pas relancer les chefs de produits pour leur demander de ranger leurs produits pour dégager les allées de la zone laboratoire»
– «de faire ce que vous pouvez» concernant le rangement et la disponibilité des salles de réunion
– «n’avoir rien de particulier à ajouter».
Pour rappel, vos difficultés existent depuis plus d’un an et n’ont pu être résolues par les mesures mises en place par votre manager, écoute, compréhension, réexplications des procédures, embauche d’une ressource supplémentaire, suivi régulier. Les lacunes importantes concernant votre tenue de fonction préjudicient par ailleurs grandement au fonctionnement de l’équipe du showroom de [Localité 4].
Pour rappel également, vous avez fait l’objet de sanctions disciplinaires pour non-respect de procédures d’entrées er de sorties de matériels de l’entrepôt de [Localité 4] en décembre 2016 et décembre 2017.»
Par requête reçue le 19 novembre 2019, M. [I] [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Lannoy pour contester son licenciement et obtenir des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation.
Par jugement en date du 16 septembre 2021 le conseil de prud’hommes a pris acte de ce que M. [I] [Z] a abandonné sa demande tendant à la rectification du certificat de travail, jugé le licenciement fondé et justifié et que la SASU Organisation Intra-groupe des Achats (OIA) n’a pas manqué à son obligation de formation, débouté en conséquence M. [I] [Z] de l’ensemble de ses demandes, débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les parties de toutes autres demandes et condamné M. [I] [Z] aux éventuels dépens.
Le 11 octobre 2021, M. [I] [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions reçues le 15 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [I] [Z] sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes et, statuant de nouveau, qu’elle dise que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, déboute la société OIA de l’ensemble de ses demandes et la condamne à lui payer les sommes de :
30 000 euros à titre d’indemnité en application de l’article L.1235-3 du code du travail
5 000 euros à titre d’indemnité pour manquement à l’obligation de formation
3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions reçues le 4 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société OIA sollicite de la cour qu’elle confirme le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau et y ajoutant, qu’elle condamne M. [I] [Z] à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, tant pour la première instance que la présente procédure d’appel.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 23 août 2023.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur le licenciement
La lettre de licenciement est motivée par l’insuffisance professionnelle du salarié caractérisée selon l’employeur par son absence de positionnement sur la to-do list hebdomadaire, des erreurs dans la réception des marchandises, l’absence de saisie informatique quotidienne des colis réceptionnés, des manquements dans le maintien en bon état de rangement de la zone laboratoire et des salles de réunions, en dépit d’un plan d’accompagnement mis en place depuis mai 2018 et prolongé suite à deux entretiens individuels des 16 octobre 2018 et 9 janvier 2019.
En application des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail, pour constituer une cause réelle et sérieuse l’insuffisance professionnelle doit reposer sur des faits précis, objectifs, matériellement vérifiables et imputables au salarié révélant son inaptitude à exercer ses fonctions conformément à ce que l’employeur est en droit d’attendre de lui. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L’accord d’entreprise du 13 avril 2012 relatif à la gestion du développement individuel des employés (GDI) prévoit un dispositif d’évaluation des pratiques professionnelles de chaque employé via un entretien d’activité annuel avec son responsable hiérarchique en vue notamment de faire le point sur les besoins en formation et l’accompagnement éventuellement nécessaire pour atteindre le «seuil de tenue de fonction». Pour les salariés qui n’atteignent pas ce seuil, un entretien intermédiaire est mis en place, à périodicité semestrielle. Le droit à la prime variable individuelle est ouvert si le salarié obtient, à travers l’évaluation de son entretien d’activité, 36 points (seuil) sur les 48 points que comporte la grille d’évaluation.
M. [I] [Z] qui avait obtenu, selon les captures d’écran «entretiens GDI» produites par la société, 46 points au 30 juin 2013 puis 44 points au 30 juin 2014, au 30 juin 2015 et au 30 juin 2016, a obtenu 32 points au 30 juin 2017, déclenchant la mise en ‘uvre d’une évaluation semestrielle, conformément à l’accord d’entreprise. Il a obtenu 34 points au 31 décembre 2017, 31 points au 30 juin 2018 et 29 points au 31 décembre 2018.
Le détail des entretiens GDI montre que :
– pour l’évaluation de l’activité du second trimestre 2017, 36 points ont été contrôlés, dont 26 considérés comme maîtrisés par M. [I] [Z]. Alors que la grille d’évaluation comporte douze critères d’évaluation, M. [I] [Z] a obtenu la cotation 4 (résultats attendus dépassés) pour quatre critères, la cotation 3 (résultats attendus atteints de manière régulière) pour deux critères et la cotation 2 (exécution irrégulière ou inégale) pour six critères.
– pour l’évaluation de l’activité du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, 56 points ont été contrôlés, dont 36 ont été considérés comme maîtrisés par M. [I] [Z]. Le salarié a obtenu la cotation 4 pour trois critères, la cotation 3 pour deux critères, la cotation 2 pour six critères et la cotation 1 (exécution non correcte ou insuffisante) pour un critère.
La diminution des points obtenus par le salarié justifiait la mise en place d’un plan d’accompagnement, qui ne peut être analysée comme une atteinte à ses droits et libertés individuelles, contrairement à ce que soutient l’appelant, mais traduit l’exercice par l’employeur de son pouvoir de direction.
M. [I] [Z] s’est entretenu avec sa responsable, Mme [D], le 28 mai 2018. Un compte rendu de cet entretien lui a été remis en main propre. Ce document lui rappelle ses missions, à savoir la réception quotidienne des entrées de marchandises, la répartition quotidienne des colis avant midi, la saisie quotidienne des colis dans les outils informatiques, le traitement dans la journée des mails reçus, l’organisation des retours DHL/TNT le jour de la demande du rayon, le positionnement tous les lundis matin sur la to-do list de manière équitable par rapport au reste de l’équipe, la mise à jour du document au fur et à mesure de la réalisation des tâches et le rangement de la réception tous les vendredis midis. Ce document prévoit, en guise d’accompagnement du salarié, un rendez-vous hebdomadaire de suivi avec Mme [D] le vendredi après-midi pour faire un bilan de la semaine.
L’évaluation de l’activité du second semestre 2018 montre que 57 points ont été contrôlés, dont 33 ont été considérés comme maîtrisés par M. [I] [Z]. Le salarié a obtenu la cotation 4 pour trois critères, la cotation 2 pour huit critères et la cotation 1 pour un critère.
M. [I] [Z] conteste le sérieux de certains critères d’évaluation. Il relève qu’il a reçu la cotation 2 pour le critère «réactivité client» parce qu’il n’a pas répondu systématiquement aux appels téléphoniques internes ou externes en moins de 5 sonneries, alors qu’il a pu être empêché de le faire en raison d’une urgence, et parce qu’il n’a pas informé dans la journée sa hiérarchie en cas de litige réception, alors que sa responsable n’était pas tous les jours présente dans l’entrepôt.
Il relève également le caractère approximatif de l’évaluation du critère «comportement professionnel» pour lequel il a reçu la cotation 1 au prétexte que l’objectif «A l’esprit d’équipe et s’intéresse à celle-ci» a été commenté : «On a pas l’impression», l’objectif «S’intéresse au résultat de ses services et cherche à améliorer sa performance» a été commenté : «Pas de communication» et l’objectif «Est rigoureux, méthodique et efficace dans son métier au quotidien» a été commenté : «sont ses points».
La critique par l’appelant des cotations des critères «Gestion plannings et tableaux de bord» et «Accueil Interlocuteurs Int/Ext» n’est pas justifiée puisque la maîtrise de 3 ou 4 points de contrôle sur 5 correspond bien seulement à l’octroi de la cotation 2, selon l’accord d’entreprise du 13 avril 2012.
S’agissant de la mise en ‘uvre du plan d’accompagnement, il s’avère que seuls deux comptes rendus hebdomadaires ont été effectués (semaines des 28 mai et 18 juin). Ont également été établis un compte rendu pour la période de quinze jours du 4 au 15 juin, d’un mois du 24 septembre au 26 octobre et de deux mois du 27 octobre au 27 décembre. Ces comptes rendus ont tous été signés par le salarié.
Il en ressort que la réception quotidienne des entrées de marchandises a été effectuée, si ce n’est que le salarié a accepté des lots incomplets, ce qui n’est pas autorisé, les 26 et 29 novembre. Si M. [I] [Z] conteste les propos qui lui sont attribués dans la lettre de licenciement comme ayant été tenus par lui lors de l’entretien préalable, il reconnaît qu’il a pu lui arriver de réceptionner des livraisons incomplètes. Il explique avoir agi de bonne foi dans l’intérêt de la société pour éviter que le showroom ne puisse se tenir.
La répartition quotidienne des colis avant midi n’a pas été réalisée les 30 et 31 mai et les 9 et 10 juin. Sur le compte rendu pour la période du 24 septembre au 26 octobre, il est mentionné qu’elle n’a pas été réalisée pour un colis Euréka et 200 sacs du flying basket.
Sur le compte rendu pour la période du 27 octobre au 27 décembre, il est indiqué que «le dispatch se termine souvent en début d’après-midi». M. [I] [Z] fait valoir que les colis étaient bien dispatchés et que c’est simplement l’objectif de réaliser cette tâche avant midi qui n’a pas toujours été atteint, ce qui peut s’expliquer par une arrivée de marchandises importante. Les comptes rendus ne permettent pas d’apprécier l’importance et les motifs des retards constatés.
La saisie quotidienne des colis dans les outils informatiques n’a pas été effectuée le 31 mai, à deux reprises dans la première quinzaine de juin. Il est noté sur le compte rendu du 18 au 22 juin : «fait le lendemain». La saisie quotidienne a été effectuée au cours de la période du 24 septembre au 26 octobre. Pour la période de deux mois du 27 octobre au 27 décembre, il est indiqué que le 22 novembre, des bons datant du début de la semaine se trouvaient stockés dans le tiroir du salarié. Le salarié admet qu’il a pu accuser un retard dans la saisie informatique de la réception des colis mais rarement, notamment lorsque l’arrivage des marchandises était spécialement important, en raison des autres tâches qu’il était tenu d’effectuer dans la journée.
S’agissant du traitement dans la journée des mails reçus, les comptes rendus font état de deux seuls manquements, pour le «mail [T]» au cours de la semaine du 28 mai et le mail de [G] [S] au cours de la première quinzaine de juin.
L’organisation des retours DHL/TNT le jour de la demande du rayon a été effectuée, à l’exception du «colis [Y] resté sur le bureau 5 jours» (compte rendu de la période du 24 septembre au 26 octobre).
S’agissant du positionnement du salarié sur la to-do list tous les lundis matin et de la mise à jour du document au fur et à mesure des réalisations, les comptes rendus mentionnent que ces tâches ne sont pas effectuées, sans qu’il soit précisé si cette carence est systématique pour les périodes de contrôle excédant la semaine. Le compte rendu de la période du 24 septembre au 26 octobre indique : «Ex les chaises de la salle asie étaient dans la to do list et n’ont pas été triés récupérer l’armoire en centrale le jeudi 26 octobre café pour le sport non fait mais noté dans la to do list, viennoiseries non récupérées» et s’agissant de la mise à jour du document : «ex voyage étiq création toujours pas surligné comm fait dans le doc ex ranger l’ex zone repas textile pas noté au 9 octobre». Le compte rendu de la période du 27 octobre au 27 décembre indique : «exemple lundi 17 décembre demande de café non préparé pour la réunion Audateam pourtant noté dans la to do list» et «ne pense pas à mettre le document avec ses tâches effectuée». L’appelant explique que la répartition des missions présentes sur les to-do list hebdomadaires s’est toujours opérée d’un commun accord et en bonne intelligence entre les quatre équipiers. Il relève que les quelques exemples cités ne permettent pas de conclure qu’il refusait de se positionner sur la to-do list, ce qu’il conteste formellement. Les listes hebdomadaires de positionnement communes à l’équipe ne sont pas produites. Aucun témoignage des collègues de M. [I] [Z] n’est versé aux débats. Il n’est pas établi que la charge de travail du salarié était reportée sur ses collègues, comme indiqué dans la lettre de licenciement.
Il est indiqué que M. [I] [Z] n’a pas rangé la réception le vendredi de la semaine du 28 mai et que le prénommé [J] l’a fait le samedi matin, qu’il ne l’a pas fait les 9 et 15 juin et, sur le compte rendu pour la période du 27 octobre au 27 décembre, que «la réception n’est toujours pas rangée le vendredi.»
Il est par ailleurs indiqué qu’il a été constaté le 2 octobre qu’une salle de réunion était restée en l’état de la veille, non rangée pour la réunion finance et, le 17 décembre, que la salle world n’était pas «rangée des peintures faites du mercredi», que le rangement
n’était pas quotidien : «exemple écran vidélio depuis plus d’un mois chaises non triées, paper board suite à Audacity non remonté dans les salles». L’appelant expose qu’il a toujours fait en sorte de maintenir les salles de réunion dans un état de rangement de sorte à ce qu’elles soient disponibles selon le planning de réservation établi par sa supérieure hiérarchique. Il ajoute que trois autres techniciens étaient également chargés de ces missions et que les carences constatée, à les admettre avérées et suffisamment graves, n’étaient pas de sa seule responsabilité.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’accompagnement du salarié s’est limité à une augmentation du rythme d’évaluation de son activité, sans aucune analyse de l’origine des difficultés constatées ni conseils et recommandations afin de l’aider à modifier son organisation. Il y a eu peu de rendez-vous hebdomadaires, en dépit de ce qui était prévu.
Les manquements relevés sont en définitive plutôt ponctuels, étant observé que la cour n’est pas en mesure d’apprécier la masse de l’activité globalement accomplie par le salarié. De plus, alors que la lettre de licenciement indique que l’accompagnement a été prolongé suite à l’entretien du 9 janvier 2019, aucun compte rendu de l’activité du salarié n’a été établi pour le mois de janvier 2019, précédant le licenciement.
Ces éléments ne permettent pas de caractériser l’insuffisance professionnelle du salarié, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
En considération de l’ancienneté du salarié, de sa rémunération brute mensuelle (1 957,15 euros sur la moyenne des douze derniers mois), de son âge et des justificatifs qu’il est resté sans emploi jusqu’au 1er juin 2020, date à laquelle il a conclu un contrat de travail d’une durée limitée d’un an, il convient de lui allouer la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L.1235-3 du code du travail.
Les conditions de l’article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées à M. [I] [Z] à hauteur de six mois d’indemnités.
Sur l’obligation de formation
Selon l’article L.6321-1 du code du travail, l’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
La société OIA produit la liste des treize actions de formation dispensées au salarié entre 2004 et 2018 dans des domaines variés (santé, sécurité, guide Valauchan, offre acheteurs, métier produits), destinées à lui permettre de maintenir sa capacité à occuper un emploi, ce qui justifie la confirmation du jugement ayant débouté le salarié de ce chef de demande.
Sur les frais irrépétibles
Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de M. [I] [Z] les frais qu’il a dû exposer et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [I] [Z] de sa demande au titre de l’obligation de formation et la société Organisation Intragroupe des Achats de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Organisation Intragroupe des Achats à verser à M. [I] [Z] la somme de 24 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ordonne le remboursement par la société Organisation Intragroupe des Achats au profit du Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [I] [Z] du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent arrêt à hauteur de six mois d’indemnités.
Condamne la société Organisation Intragroupe des Achats à verser à M. [I] [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Organisation Intragroupe des Achats aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier
Annie LESIEUR
Le Conseiller désigné pour exercer les fonctions de Président
Muriel LE BELLEC