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16 novembre 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
22/00141
S.A.R.L. MSV (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SARL B.S.V BOURGOGNE), prise en la personne de son Gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège
C/
[S] [N]
S.A.S. [T], ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL MSV BOURGOGNE
UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA – AGS [Localité 3]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023
MINUTE N°
N° RG 22/00141 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F4MV
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Industrie, décision attaquée en date du 24 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 14/00226
APPELANTE :
S.A.R.L. MSV (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SARL B.S.V BOURGOGNE), prise en la personne de son Gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Valery GAUTHE de la SELARL JUDISOCIAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES
INTIMÉS :
[S] [N]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représenté par Me Jean-Charles MEUNIER de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substitué par Me Jérôme DUQUENNOY, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
S.A.S. [T], ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL MSV BOURGOGNE
[Adresse 1]
[Localité 3]
non comparante, non représentée
UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA – AGS [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Octobre 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [S] [N] a été embauché par la société BSV BOURGOGNE en qualité de chef d’équipe, statut ETAM, par un contrat à durée déterminée de 6 mois à compter du 1er juillet 2012.
Le 24 octobre 2012, il s’est vu notifier verbalement une mise à pied avec ordre de quitter I’entreprise et interdiction d’y reparaître.
Le 26 octobre suivant, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 novembre 2012 assorti d’une mise à pied à titre conservatoire.
Le 14 novembre 2012, il a de nouveau été convoqué à un entretien préalable fixé au 21 suivant et la mise à pied à titre conservatoire prononcée le 26 octobre précédent a été renouvelée.
Le 10 décembre 2012, le contrat de travail a été rompu pour faute grave.
Par requête du 1er février 2013, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône. L’affaire a été radiée le 14 mai 2014.
Réintroduite le 23 mai suivant, un sursis à statuer a été ordonné dans l’attente de l’issue de la procédure pénale en cours pour abus de confiance.
Le 8 avril 2019, l’affaire a été reprise.
Par jugement du 24 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône a jugé que “le licenciement pour faute grave” constitue une double sanction et condamné l’employeur à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts dont le montant est égal au solde des salaires pour la période du 24 octobre au 31 décembre 2012 et les congés afférents, à titre d’indemnité de fin de contrat et de dommages-intérêts pour licenciement brusque et vexatoire, débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts complémentaires pour rupture abusive du contrat de travail.
Par déclaration formée le 17 février 2022, la société MSV BOURGOGNE, anciennement BSV BOURGOGNE, a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 7 novembre 2022, l’appelante demande de :
– réformer le jugement déféré en ce qu’il a dit que le “licenciement pour faute grave” constitue une double sanction et l’a condamnée à payer à M. [N] les sommes de 5671,76 euros et 567,17 euros à titre respectivement de dommages-intérêts dont le montant est égal au solde des salaires pour la période du 24 octobre 2012 au 31 décembre 2012 et de congés payés afférents, 840,16 euros à titre d’indemnité de fin de contrat pour les 3 mois d’octobre, novembre et décembre 2012, 1 500 euros de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions brusques et vexatoires, 1000 euros (incluant les 35 euros de timbre fiscal) au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ordonné de fournir à M. [N] les fiches de paie des mois de novembre et décembre et le complément du mois d’octobre 2012 ainsi que le certificat de congés payés pour la même période,
– réformer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il l’a condamnée aux entiers dépens,
– débouter M. [N] de l’intégralité de ses chefs de demande,
– confirmer le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions,
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières écritures du 6 février 2023, M. [N] demande de :
– déclarer à titre principal que “son licenciement pour faute grave” constitue une double sanction prohibée,
– déclarer à titre subsidiaire que le “licenciement” ne repose pas sur une faute grave,
– condamner la société BSV à lui payer les sommes suivantes avec intérêts de droit à compter de la demande en justice :
* 7 621,13 euros à titre d’indemnité égale au solde des salaires restant dus à la date du 24 octobre 2012 jusqu’au 31 décembre 2012 à titre de dommages-intérêts, sur la base de 3 748,10 euros par mois, outre 762,11 euros au titre des congés payés afférents,
* 44 977,20 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires pour rupture abusive du contrat de travail avec volonté de l’employeur de se séparer de son collaborateur avant le délai de six mois qui était une condition essentielle pour bénéficier le cas échéant des indemnités Pôle Emploi,
* 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions brusques et vexatoires,
* 2 248,80 euros à titre d’indemnité de fin de contrat calculée sur la base du 10ème de la rémunération mensuelle brute de 3 748,10 euros pendant les six mois du contrat,
– déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à la SAS [Y] [T], prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société MSV BOURGOGNE et à l’AGS CGEA,
– condamner la société MSV à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens qui comprendront notamment le timbre fiscal de 35 euros.
Appelés en la cause par voie d’assignation du 16 janvier 2023, la SAS [Y] [T], ès-qualités de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de la société MSV BOURGOGNE, désignée par jugement du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône du 7 avril 2022, et l’AGS-CGEA de Chalon-sur-Saône n’ont pas constitué avocat ni conclu.
Par lettre du 30 janvier 2023, l’AGS-CGEA de [Localité 3] a fait savoir à la cour qu’elle n’entendait pas être présente ou représentée faute d’élément lui permettant d’apprécier la validité des demandes formulées.
Par jugement du 6 avril 2023, le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône a adopté un plan de redressement organisant la continuation de la société MSV et maintenu la SAS [Y] [T], représentée par Me [T], ès-qualités de mandataire judiciaire pendant le temps nécessaire à la vérification des créances.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour relève que par jugement du 7 avril 2022, le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône a ouvert une procédure de redressement judiciaire concernant la société MSV et désigné la SAS [Y] [T], représentée par Me [T], en qualité de mandataire judiciaire, sans indication d’une quelconque représentation de la société par celui-ci, de sorte que les conclusions de l’appelante du 7 novembre 2022 sont recevables.
I – Sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail :
Aux termes de l’article L 1243 -1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.
M. [N] conteste la faute grave qui lui est reprochée aux motifs que :
– à titre principal il a fait l’objet d’un renvoi verbal le 24 octobre 2012 et la lettre de convocation à entretien préalable du 26 octobre 2012 ne fait aucune référence à cette précédente mise à pied, prévoyant au contraire une nouvelle mise à pied conservatoire (pièce n° 2),
– à titre subsidiaire aucune faute grave ni cause réelle et sérieuse ne la justifie.
a – Sur la double sanction :
Considérant qu’une mise à pied conservatoire doit être mise en ‘uvre concomitamment à la convocation à l’entretien préalable, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, alors qu’il appartient à l’employeur de marquer le caractère conservatoire de la mise à pied pour éviter qu’elle ne soit confondue avec une mise à pied disciplinaire, le salarié soutient que son renvoi verbal du 24 octobre 2012, jamais qualifié de mise à pied, encore moins conservatoire, revêt un caractère disciplinaire de sorte que le licenciement pour faute grave prononcé le 10 décembre 2012 constitue une double sanction prohibée rendant son “licenciement” sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur soutient pour sa part que la lettre de convocation à l’entretien préalable du 26 octobre 2012 fait expressément mention de la mise à pied conservatoire, de sorte que l’engagement de la procédure de rupture dans un délai restreint suivant une mise à pied conservatoire notifiée verbalement n’a pas pour effet de modifier la nature de cette dernière, seule une mise à pied disciplinaire, c’est-à-dire limitée dans le temps, constituant une double sanction prohibée rendant la rupture du contrat nulle.
En application de l’article L.1331-1 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.
Par ailleurs, il est de principe que le caractère conservatoire de la mise à pied ne doit être retenu que si cette mise à pied a été immédiatement suivie de l’engagement d’une procédure disciplinaire.
En l’espèce, il ressort des écritures des parties et des pièces produites que le 24 octobre 2012, M. [N] s’est vu notifier verbalement une mise à pied sans durée déterminée, laquelle a ensuite été suivie, seulement deux jours travaillés après, de l’engagement d’une procédure de rupture par sa convocation à un entretien préalable assorti d’une mise à pied expressément conservatoire par lettre du 26 octobre.
Il s’en déduit que cette mesure présentait un caractère conservatoire et que l’employeur pouvait ensuite décider, à raison des mêmes faits, de rompre la relation de travail sans violer le principe ci-dessus énoncé, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
b – Sur le bien fondé de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée :
La lettre de rupture anticipée du 10 décembre 2012 (pièce n° 4) est rédigée dans les termes suivants :
“Comme il est indiqué dans votre contrat de travail à durée déterminée, votre mission essentielle était l’accompagnement dans le cadre de la transmission de l’entreprise BSV Bourgogne cédée le 27 juin 2012. Or, vous vous êtes affranchi du lien de subordination qui vous liait à l’entreprise en adoptant un comportement “de patron” comme vous l’avez exprimé devant les salariés de l’entreprise à plusieurs reprises, notamment les 16 et 22 octobre2012 : “Tant que je serai là, c’est moi le patron”.
Vous étiez en charge de transmettre les informations relatives à la cession de fonds de commerce, or le client stratégique AXA, n’a pas été avisé de cette cession. Monsieur [W], responsable des prestataires de service, a eu connaissance de la transaction par l’intermédiaire d’un client, Monsieur [U], sur lequel pesait un litige. Sur ce dossier, vous vous étiez d’ailleurs engagé à assister à l’expertise ; vous ne l’avez pas fait. Aujourd’hui tous les torts incombent à l’entreprise, alors que les malfaçons vous sont imputables.
Toujours dans le cadre de votre mission pour laquelle vous étiez embauché, vous deviez former un chef d’équipe aux savoir-faire, méthodes et procédures de fonctionnement techniques. Il a été impossible d’obtenir de votre part une coopération constructive. Les trois postulants ont eu les mêmes griefs à votre égard après quelques jours de collaboration.
Vous n’avez pas non plus voulu communiquer les codes d’accès à la messagerie professionnelle de l’entreprise sur laquelle arrivaient notamment les devis de fournisseurs, des accords de devis clients, des commandes et des informations nécessaires au suivi des dossiers clients. Il a fallu l’intervention d’un tiers, mi-septembre, pour que vous acceptiez enfin de nous communiquer les codes nécessaires à l’accès de cette messagerie.
En outre, vous avez eu des comportements odieux et agressifs envers les techniciens ayant conduit un salarié à quitter l’entreprise, et un autre à menacer de partir si les choses ne s’arrangeaient pas avec lui. Ceci a créé un climat social détestable par rapport à trois salariés nouvellement embauchés et engendrant des nombreuses erreurs de prise de mesure et fabrication.
Par ailleurs, vous avez mis en péril la sécurité de certains salariés en organisant un chantier de remplacement, de volets, chantiers Bourloux à [Localité 7] que vous aviez vous-même visité pour établir le devis.
Le 23 octobre 2012, vous avez fait intervenir les techniciens à plus de trois mètres de haut sans échafaudage. Les techniciens se sont plaints au chef d’équipe puis à vous-même. Vous avez refusé de leur installer un système de sécurité adapté. Le chef d’équipe a dû le réclamer au Gérant qui a immédiatement commandé le matériel adapté pour l’intervention.
Toujours dans le cadre de votre mission d’accompagnement, vous vous étiez engagé à continuer les méthodes d’achat que vous aviez mises en place précédemment. Or, de nombreux dérapages de commandes de fournitures et matériaux ont été constatés. Il s’agit des commandes pour les dossiers [P], [L], [R], [I], Areva et Semcoda (pour ces trois derniers dossiers, il s’agit entre autre de moteurs de volets roulants). Ces erreurs représentent plusieurs dizaine de milliers d’euros de chiffre d’affaires. Au regard de votre qualification, de votre expérience et de vos responsabilités, nous ne pouvons admettre qu’il s’agisse de simple erreur.
Ces comportements constituent des actes inacceptables, déloyaux et d’abus de confiance, ayant créé un climat économique et social détestable ayant rendu votre maintien impossible dans l’entreprise.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave.”
M. [N] conteste les griefs énoncés aux motifs que :
– aucune des pièces produites n’étaye les motifs allégués, ce alors même qu’il a été jugé par le juge pénal qu’il ne pouvait pas lui être reproché un quelconque abus de confiance (pièces n° 19 et 20),
– il n’a commis aucune faute dans le cadre de ses fonctions de “chef d’équipe, menuisier poseur”. Au contraire, il produit diverses attestations illustrant les méthodes managériales contestables de M. [D] (pièces n° 5 à 12).
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, l’employeur :
indique que :
– alors qu’il ressortait de l’objet même de son contrat de travail que M. [N] devait accompagner la société BOIS SERRURE VERRE BOURGOGNE dans la reprise du fonds de commerce, celui-ci s’est employé à saborder la phase de transition avec le concours de son épouse en usant d’une stratégie visant à ruiner le bon déroulement de l’opération et nuire à la nouvelle gérance,
– la dégradation du climat social du fait de l’attitude de M. [N] a entraîné des difficultés dans l’intégration des salariés chefs d’équipe destinés à préparer en amont son départ fixé au 31 décembre 2012,
– dans le cadre de travaux de remplacement de volets sur le chantier Bourloux à [Localité 7] le 23 octobre 2012, M. [N] a demandé à des techniciens d’intervenir à plus de trois mètres de hauteur sans échafaudage et refusé d’en installer un au motif qu’il n’avait pas compté ce matériel dans le devis,
– M. [N] et son épouse ont emporté avec eux des documents comptables, fiscaux et sociaux de la société,
– alors qu’il lui revenait d’informer le client AXA de la cession du fonds de commerce, M. [N] s’est abstenu de le faire en continuant d’encaisser des sommes de la part du client qui revenait à la société BOIS SERRURE VERRE BOURGOGNE,
– il a été constaté de nombreuses anomalies dans les commandes par M. [N] (fournitures et matériaux) se chiffrant à plusieurs dizaines de milliers d’euros et ne correspondant pas à des devis accordés,
– M. [N] s’est abstenu d’informer les tiers intéressés de la cession du fonds de commerce en attendant plus de quatre mois avant de renseigner les modifications de statuts et de dénomination commerciale au RCS,
et produit les éléments suivants :
– un extrait du site internet www.societe.com concernant la société BSV INVEST (pièce n° 3),
– une attestation du cabinet comptable AGEXCOR relatant divers manquements imputables à M. [N] et à son épouse ainsi que les conséquences qui en ont découlé dans la reprise de la société (pièce n° 4),
– une attestation de M. [K] indiquant que “M. [N] disait régulièrement au personnel que Monsieur [D] ne l’avait pas payé de l’achat de l’entreprise et donc que tant qu’il serait présent dans l’entreprise ce serait lui le patron” et que “les comportements vis-à-vis des menuisiers, notamment la manière méprisante avec laquelle [S] [N] s’adressait à eux, créait un climat social extrêmement tendu au sein de l’entreprise. En tant que chef d’équipe, les menuisiers se confiaient à moi pour m’expliquer que si [S] [N] continuait à se comporter ainsi, ils quitteraient l’entreprise” (pièce n° 5),
– une attestation de M. [M] indiquant que “[S] [N] a dit à l’équipe des techniciens en place le 16 octobre 2012 et le 22 octobre 2012 que tant qu’il serait présent dans l’entreprise, ce serait lui le patron” et que “[S] [N] a eu des comportements irrespectueux envers moi et mes collègues en nous engueulant pour des motifs futiles avec beaucoup de mauvaise foi. Les commandes de matières s’opposaient à nos constats effectués chez les clients, ce qui nous a amené à plusieurs refus de chantiers soi-disant de notre faute aux dires de M. [N] et Mme [C]. Les refus étaient toujours attitrés aux salariés car soi-disant nous avions aucune expérience professionnelle” (pièce n° 6),
– un courrier électronique de Mme [B], représentante du MEDEF de Saône-et-Loire, adressé à M. [D] le 15/11/2012 évoquant le ressenti négatif d’un salarié, M. [V], par rapport au comportement dans l’entreprise de M. [N] et de son épouse (” les ex-patrons sont agressifs et sournois”, “pour M. [N] cette entreprise est son bébé, il va avoir du mal à céder”, “il est obtus”, “quel jeu jouera-t-il vis à vis des gens et de moi”) (pièce n° 8),
– une attestation de M. [A] indiquant que “le lundi 22 octobre 2012 à la prise de service, je me suis plains auprès de Monsieur [D] que mon planning avait été bouleversé. En effet, [O] [C] m’a changé mon planning à la dernière minute en m’imposant le vendredi 19 octobre 2012 des missions le samedi 20 octobre 2012. Il était pourtant clairement convenu avec [J] [D] que je ne devais pas faire d’astreinte du fait de ma très récente embauche. Monsieur [D] a manifesté son étonnement et a demandé à [S] [N] et [O] [C] de s’expliquer sur ce nouveau dysfonctionnement. La mauvaise foi avec laquelle ils se sont justifiés a irrité Monsieur [D]” (pièce n° 7),
– une lettre de mise en demeure du 3 janvier 2013 pour, notamment, absence de production des pièces justificatives des achats inscrits à l’inventaire malgré les demandes du cabinet comptable, encaissements indus de virements AXA, effacement des dossiers du logiciel comptable, refus de communiquer les codes d’accès à la messagerie professionnelle (pièce n° 11),
– un graphique des charges et produits de juillet 2012 à janvier 2013 (pièce n° 12),
– le registre d’entrées et sorties du personnel (pièce n° 13),
– une attestation de Mme [D] évoquant les multiples manquements des époux [N]/[C] qu’elle a pu constater dans le cadre de la reprise (pièce n° 15),
– un procès-verbal de constat d’huissier du 24 octobre 2012 relatif à des cartons de documents que M. [N] et Mme [C] ont souhaité emporter comme appartenant à la société BSV Bourgogne (pièce n° 16),
– un échange de courriers électroniques et de lettre avec le client AXA (pièces n° 9, 10 et 17),
– un procès-verbal d’audition de M. [D] dans le cadre de la plainte pour menaces de mort à l’encontre de M. [Z] (pièce n° 20),
– une liste des factures établies par la société BSV INVEST après le 27 juin 2012 à l’enseigne de BSV Bourgogne (pièce n° 19).
La cour note qu’une pièce n° 18 est également produite correspondant à une attestation de Mme [X] indiquant, selon l’employeur, que M. [N] a créé du désordre au sein de la société mais cette pièce est en réalité illisible et ne sera donc pas prise en compte.
Sur le fond, la cour relève en premier lieu que si l’autorité de chose jugée au pénal sur le civil interdit au juge civil de remettre en question ce qui a été définitivement, irrévocablement, nécessairement et certainement jugé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action publique et civile, sur la qualification et la culpabilité de celui à qui ce fait est imputé, la relaxe dont M. [N] a bénéficié ne concerne qu’un seul des griefs qui lui sont reprochés au titre de la lettre de rupture, à savoir la perception de sommes provenant de la société AXA et normalement destinées à la société BOIS SERRURE VERRE BOURGOGNE (pièce n° 20), de sorte que si ce grief n’est pas fondé, il appartient à la cour de poursuivre l’examen des autres griefs énoncés.
A cet égard, il ressort explicitement du contrat de travail que dans le prolongement de la cession d’un fonds de commerce appartenant à une société dont il était le gérant, M. [N] devait en tant que salarié du repreneur, “accompagner la société BSV Bourgogne suite à la signature de l’acte de cession du fonds de commerce du 27 juin 2012”. (pièce n° 1)
De ce point de vue, les attestations produites mettent en exergue non seulement un comportement irrespectueux à l’égard d’autres salariés mais aussi une attitude de remise en cause de l’autorité de son employeur en se présentant vis-à-vis des autres salariés (déclarations des 16 et 22 octobre 2012) comme demeurant “le patron”, ce qui n’est pas conforme à son statut véritable et caractérise un manque de loyauté à l’égard de son employeur.
Par ailleurs, en omettant d’informer le client AXA de la cession du fonds de commerce, en emportant divers documents comptables, fiscaux et sociaux sans les restituer à l’expert-comptable malgré les demandes de celui-ci ou encore en ne communiquant pas ses codes de messagerie, M. [N] a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui caractérise une faute grave dès lors que ce manquement porte sur une obligation qui servait de fondement à son embauche.
Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs allégués et peu important que M. [N] justifie entretenir de bonnes relations avec certains autres salariés ou encore que ceux-ci aient des reproches à formuler à l’encontre de leur employeur, ce qui est sans rapport avec la solution du litige, il résulte de ces éléments la démonstration suffisante d’une violation par le salarié de ses obligations contractuelles d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise, justifiant de fait la rupture anticipée du contrat de travail, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
Il s’en déduit que M. [N] n’est pas fondé à réclamer les conséquences indemnitaires afférentes à une rupture abusive (indemnité au moins égale à l’intégralité des salaires dus jusqu’au terme initialement prévu du contrat à durée déterminée, indemnité de précarité et de fin de contrat), ses demandes à cet égard étant donc rejetées.
II- Sur les dommages-intérêts complémentaires pour rupture abusive du contrat de travail :
M. [N] sollicite la somme de 44 977,20 euros à titre de dommages-intérêts pour “rupture abusive avec volonté de l’employeur de se séparer de son collaborateur avant le délai de six mois qui était une condition essentielle pour celui-ci afin de bénéficier le cas échéant des indemnités Pôle Emploi”.
Néanmoins, il résulte des développements qui précèdent que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée est fondée sur une faute grave et non sur une prétendue volonté de l’employeur de le priver de ses indemnités de chômage.
La demande sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
III – Sur les dommages-intérêts pour “licenciement” dans des conditions brusques et vexatoires :
M. [N] soutient que son “licenciement” est intervenu dans des conditions “particulièrement vexatoires” du fait d’avoir été congédié “comme un malpropre, en étant traité comme un chien” et sollicite à ce titre la somme de 8 000 euros de dommages-intérêts.
Néanmoins, au-delà du fait que l’attestation de M. [K] selon laquelle, de son point de vue, M. [N] a été traité “comme des chiens, et ce sans exagération” est imprécise puisqu’elle manifeste un point de vue personnel sans illustration susceptible de caractériser son bien-fondé, il ne ressort pas des pièces produites la démonstration d’une quelconque circonstance brutale ou vexatoire ayant accompagné la rupture de la relation de travail.
Au surplus, M. [N] ne justifie d’aucun préjudice.
La demande sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
IV – Sur les demandes accessoires :
– Sur les intérêts au taux légal :
Les demandes indemnitaires de M. [N] étant toutes rejetées, celle au titre des intérêts au taux légal est sans objet et sera donc rejetée.
– Sur la demande de déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable au mandataire judiciaire et à l’AGS CGEA :
La SAS [Y] [T], ès-qualités de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de la société MSV et à l’AGS-CGEA de [Localité 3] étant parties à la procédure, il n’y a pas lieu de déclarer que le présent arrêt leur est opposable.
La demande sera donc rejetée.
– Sur la remise des documents de fin de contrat :
La société MSV sollicite l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à fournir à M. [N] les fiches de paie des mois de novembre et décembre et le complément du mois d’octobre 2012 ainsi que le certificat de congés payés pour la même période.
Les demandes pécuniaires de M. [N] étant toutes rejetées, cette demande est sans objet et sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
M. [N] sera condamné à payer à la société MSV la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La demande de M. [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée,
M. [N] succombant, il supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône du 24 novembre 2021 sauf en ce qu’il a rejeté la demande de M. [S] [N] à titre de dommages-intérêts complémentaires pour rupture abusive du contrat de travail,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de M. [S] [N] est fondé sur une faute grave,
REJETTE l’ensemble des demandes de M. [S] [N],
DIT n’y avoir lieu à déclarer le présent arrêt opposable à la SAS [Y] [T], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société MSV, et à l’AGS-CGEA de [Localité 3],
CONDAMNE M. [S] [N] à payer à la société MSV la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [S] [N] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président
Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION