Savoir-faire : 15 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02157

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Savoir-faire : 15 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02157
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15 novembre 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02157

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 NOVEMBRE 2023

N° RG 21/02157

N° Portalis DBV3-V-B7F-UTYO

AFFAIRE :

[S] [V]

C/

S.A.R.L. QUALCOMM COMMUNICATIONS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : E

N° RG : 19/00745

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Camille LEENHARDT

Me Martine DUPUIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 8 novembre 2023 puis prorogée au 15 novembre 2023 dans l’affaire entre :

Monsieur [S] [V]

né le 28 décembre 1971 à [Localité 6] / ARGENTINE

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Camille LEENHARDT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D596

APPELANT

****************

S.A.R.L. QUALCOMM COMMUNICATIONS nouvellement dénommée QUALCOMM FRANCE

N° SIRET : 799 760 087

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Bijan EGHBAL du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235 Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [V] a été engagé par la société Qualcomm Europe Inc. en qualité de responsable des comptes, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 13 septembre 2004.

A compter du 1er juin 2006, il a exercé ses activités en Espagne.

Le 24 avril 2008, revenant en France, le salarié a exercé les fonctions de responsable commercial régional puis de directeur commercial à compter du 1er novembre 2012.

Dans le cadre de la réorganisation du groupe Qualcomm, par avenant du 31 juillet 2014, son contrat de travail a été transféré au sein de la société Qualcomm Communications.

Cette société est spécialisée dans la conception et la mise en place de solutions de télécommunications. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale des télécommunications.

Le salarié percevait une rémunération brute mensuelle de 21 846,38 euros selon l’intéressé (26 767 euros selon l’employeur).

Après un premier arrêt maladie en août 2016, M. [V] a été en arrêt maladie du 6 février 2019 au 13 février 2019, du 21 février 2019 au 1er mars 2019, du 18 mars 2019 au 10 avril 2019 et de façon ensuite ininterrompue à compter du 28 mai 2019.

Le 29 mai 2019, le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et obtenir diverses sommes notamment au titre du licenciement nul, et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, outre le paiement de rappels de salaire au titre de la rémunération variable et des heures supplémentaires ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé.

Le 4 septembre 2019, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte au travail, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement éventuel.

Convoqué par lettre du 26 septembre 2019 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 9 octobre 2019, le salarié a été licencié par lettre du 14 octobre 2019 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 26 novembre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 24 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

– ordonné la jonction des affaires RG F19-745 et F20/201,

– débouté M. [V] de la totalité de ses demandes,

– débouté la société Qualcomm Communications de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 5 juillet 2021, M. [V] a interjeté appel de ce jugement.

En date du 1er avril 2022, la société Qualcomm Communications a fusionné avec la société Qualcomm France.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2023.

Par ordonnance du 10 mai 2023, la 17ème chambre sociale de la cour d’appel de Versailles a ordonné une médiation et désigné en qualité de médiateur Mme [N].

A la suite de l’échec de cette médiation, l’affaire a été rappelée à l’audience du 13 septembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [V] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes,

et, statuant à nouveau,

– le déclarer recevable en l’ensemble de ses demandes,

– fixer le salaire mensuel de référence à hauteur de 21 846,38 euros bruts,

à titre principal,

– juger qu’il ne disposait d’aucune responsabilité, aucun pouvoir de décision et de direction au sein de la société, de sorte qu’il ne relevait aucunement du statut cadre-dirigeant,

– juger qu’il a subi une situation de harcèlement moral et de discrimination liée à son état de santé,

– juger que la société a manqué à ses obligations de sécurité et de loyauté,

– juger que la demande de résiliation judiciaire est bien fondée et produit les effets d’un licenciement nul au 14 octobre 2019,

en conséquence,

– condamner la société au paiement de 262 156,56 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement nul,

– condamner la société au paiement de 42 846,72 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 4.284,67 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

– condamner la société au paiement de 426 573,22 euros bruts à titre d’heures supplémentaires, outre 42 657,32 euros bruts de congés payés afférents,

– condamner la société au paiement de 224 347,77 euros bruts à titre de contrepartie obligatoire en repos,

– condamner la société au paiement de 131 078,28 euros bruts à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

– condamner la société au paiement de 100 000 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices supplémentaires et distincts (préjudices moral et financier),

– condamner la société au paiement de 11 732,76 euros bruts de reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– condamner la société au paiement de 50 728 euros bruts de rappel de rémunération variable,

– condamner la société au paiement de 5 072,80 euros bruts de congés payés afférents à la rémunération variable,

– condamner la société au paiement de 10 717,29 euros bruts de reliquat d’indemnités de prévoyance, outre 2 200,81 euros de cotisations indûment prélevées et 1 845,41 euros bruts soit 1 721,76 euros nets de rappel d’indemnités de sécurité sociale,

à titre subsidiaire,

– juger que les manquements de la société ont fait obstacle à la poursuite du contrat de travail, de sorte que la résiliation judiciaire est bien fondée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 14 octobre 2019,

en conséquence,

– condamner la société au paiement de 262 156,56 euros bruts, soit euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (conforme à l’article 1235-3 du code du travail à savoir 12 mois),

– condamner la société au paiement de 42 846,72 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 4 284,67 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

à titre infiniment subsidiaire,

– juger que les manquements de l’employeur ont été à l’origine de son inaptitude (et notamment ses manquements aux obligations de sécurité et de loyauté),

– juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement se trouve privé de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– condamner la société au paiement de 262 156,56 euros bruts, soit euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (conforme à l’article 1235-3 du code du travail à savoir 12 mois),

– condamner la société au paiement de 42 846,72 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 4 284,67 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

en tout état de cause,

– condamner la société au paiement de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société de ses demandes fins et conclusions,

– ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés (attestation Pôle Emploi, certificat de travail) et bulletin de paie afférent à la condamnation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,

– se réserver le droit de liquider l’astreinte,

– ordonner les intérêts à taux légal à compter du 29 mai 2019 pour les demandes de rappel de salaire et à compter du jugement pour les demandes indemnitaires et capitalisation des intérêts.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Qualcomm France, anciennement dénommée Qualcomm Communications, demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté M. [V] de la totalité de ses demandes,

en conséquence,

– rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de M. [V],

– condamner M. [V] à payer à la société la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [V] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur ‘l’irrégularité de la durée de travail’ du salarié

Sur le statut de cadre dirigeant

Le salarié expose qu’il a été rattaché illégalement en 2012 au statut de cadre dirigeant alors qu’il ne disposait d’aucun mandat social ni pouvoir de décision au sein de la filiale, qu’il occupait jusqu’à son licenciement un poste de Responsable grands comptes, c’est-à-dire en charge du développement commercial de certains grands comptes pour Qualcomm sur la zone EMEA,cette qualification relevant du niveau F et du statut de cadre autonome, alors que le statut de cadre dirigeant nécessite le niveau G de la convention collective, que le titre de directeur commercial dont il a bénéficié à compter de 2012 était artificiel, un autre directeur commercial étant d’ailleurs en poste, la coexistence de deux directeurs commerciaux dans une entité d’une vingtaine de salariés venant confirmer l’absence de valeur de ce titre. Il ajoute que l’employeur ne fournit aucune comparaison de sa rémunération avec celles des autres salariés.

L’employeur objecte que le salarié avait expressément approuvé le statut de cadre dirigeant en signant son contrat de travail , qu’il était le seul Directeur Commercial français dans le secteur automobile jusqu’à l’arrivée de [Z] [D] en avril 2017, qu’il n’exerçait donc pas les fonctions d’Ingénieur grands-compte mais de Directeur Commercial, que son niveau de salaire (320 728 euros pour l’année 2018) serait particulièrement élevé pour un simple Ingénieur grands-comptes, que selon la convention collective applicable, les postes de Directeur (et donc de Directeur Commercial) appartiennent bien à la classification G de la Convention Collective et non F, qu’une politique concernant les trajets professionnels est applicable à l’ensemble des collaborateurs du groupe Qualcomm, quel que soit leur niveau de responsabilités.

***

Il résulte de l’article L.3111-1 du code du travail que les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la durée du travail.

L’article L. 3111-2 du code de travail définit le cadre dirigeant comme le salarié auquel est confié les responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, qui est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou établissement et exclut pour celui-ci l’application des dispositions des titres II et II de la troisième partie du code précité, soit celles relatives à la durée de travail, à sa répartition et à l’aménagement des horaires, aux repos et jours fériés. Ces trois critères, qui impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise, sont cumulatifs et le juge doit vérifier les conditions réelles d’emploi.

Au cas présent, il ressort des pièces versées au débat que, selon avenant du 8 juillet 2014, le salarié a bénéficié du statut de cadre dirigeant, position G, conformément aux dispositions de la convention collective, moyennant une rémunération annuelle de base de 156 516 euros. L’attestation d’emploi établie le 1er juillet 2015 par le directeur général de la société Qualcomm Communications indique que, pour l’année 2014, le salarié, employé en tant que Directeur régional des ventes, a perçu une rémunération totale (net imposable) de 210 550 euros.

Si cette rémunération est effectivement très élevée, l’employeur, qui ne verse aux débats aucun organigramme de nature à expliciter le positionnement du salarié au sein de la société – dont l’organigramme versé par le salarié (pièce 27 du salarié) qui indique qu’il est positionné en cinquième niveau de responsabilité – ne produit aucun élément permettant de retenir qu’il s’agissait, comme il le soutient, de l’une des rémunérations les plus élevées des systèmes de rémunération pratiquées dans l’entreprise. Cette condition n’est donc pas remplie.

Par ailleurs, les différents documents contractuels régularisés durant la carrière du salarié tant au sein de Qualcomm Europe Inc. que de Qualcomm Communications mentionnent pour l’avenant du 24 avril 2008 une organisation du travail prévoyant un système de rémunération forfaitaire couvrant les heures supplémentaires effectuées, dans la limite de 18 heures par mois, soit une durée mensuelle maximum de 170 heures, et pour l’avenant du 14 décembre 2011 mentionne quant à lui une durée mensuelle maximum de 162,5 heures correspondant en moyenne à 37,5 heures par semaine, chacun avec indication que l’accomplissement d’heures supplémentaires effectuées au-delà est subordonné à la demande expresse de l’employeur pour ouvrir droit à rémunération complémentaire.

De plus, la convention collective applicable ne prévoit, dans la filière commerciale dans laquelle évoluait le salarié, pas de classification de cadre dirigeant, la classification la plus élevée étant la classification F avec le poste ‘ingénieurs grands comptes’ lequel ‘Dans le cadre de la politique commerciale de l’entreprise, assure la négociation des contrats ou accords cadres avec les grands comptes. Met en place les moyens permettant de garantir la réalisation de ces derniers. Anime, fidélise son portefeuille en vue de développer le chiffre d’affaires.’ La classification G correspond à une autre filière que la filière commerciale.

Il ressort des pièces produites par le salarié et notamment des échanges de courriels avec ses équipes et sa hiérarchie, ainsi que de ses entretiens de performance annuel (cf pièce 48 du salarié et 12 de l’employeur) que ce sont bien ces missions que le salarié a assuré durant la relation contractuelle, y compris après 2014, peu important le fait qu’il ait disposé, ce qu’il ne conteste pas, d’une indépendance dans l’organisation de son emploi du temps. Ainsi, il est indiqué dans la synthèse de la performance annuelle 2016 que ‘l’objectif principal est d’atteindre les objectifs commerciaux fixés, c’est à dire le budget des ventes et de lancer les actions appropriées si les objectifs risquent de ne pas être atteint (…) [S] a réussi à mener à bien le budget des ventes pour ce compte. L’objectif principal est également de développer ces comptes, de fixer des objectifs, de convenir d’actions et de stimuler l’expansion des entreprises en assurant un soutient interne pour ces comptes’, ce qui ne saurait s’analyser en une participation du salarié à la direction de l’entreprise et ne correspond donc pas aux missions d’un cadre dirigeant.

Enfin, il ne ressort d’aucune des pièces du dossier que le salarié ait participé aux comités de direction, ni, par exemple, qu’il ait été associé, même s’il l’avait suggérée par ses alertes, à ‘la décision de réorganiser le département prise début 2019″ mentionnée par M. [I] dans son courriel du 19 juin 2019. Début 2019, la société ne l’a pas inscrit comme participant à un important évènement de la profession ayant lieu à Barcelone, au cours duquel il lui était habituel de rencontrer ses clients. La cour observe enfin que le fait pour le salarié d’exprimer son désaccord ou d’opposer un refus de prendre en charge certaines tâches, ainsi que cela résulte de certains courriels adressés à M. [I] qui seront évoqués ensuite, n’est pas de nature à lui conférer la large autonomie dans l’accomplissement de ses fonctions exigée par l’article L. 3111-2 précité.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que le salarié n’avait pas le statut de cadre dirigeant et peut donc revendiquer l’application de la législation relative à la durée du travail, le jugement étant infirmé de ces chefs.

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Le salarié expose qu’il produit les éléments établissant la réalisation de nombreuses heures supplémentaires, l’employeur se contentant de critiquer les éléments produits aux débats par le demandeur et de tenter d’émettre des doutes sur ces derniers, ce, avec une particulière mauvaise foi et en l’absence de tout élément probant, que contrairement à ce que soutient l’employeur ce n’est pas l’urgence qui détermine la nécessité de réaliser des heures supplémentaires mais la charge de travail confiée au salarié, que la continuité des mails envoyés par le salarié démontre que tel était le cas, qu’enfin, contrairement à ce que soutient l’employeur, son contrat de travail exclut tout lien entre sa rémunération et sa durée du travail en insistant sur l’indépendance de ces deux éléments.

L’employeur objecte qu’en quinze ans, M. [V] n’a jamais attiré l’attention de la société sur des prétendues heures supplémentaires qu’il aurait effectuées, que les pièces produites sont illicites car portant atteinte au secret des affaires de la société, et sont donc irrecevables. Il soutient qu’en l’absence d’accord préalable de son employeur, M. [V] ne peut, en aucune façon, obtenir le paiement des heures qu’il prétend avoir effectuées, qu’enfin il résulte des dispositions de son contrat de travail que sa rémunération englobait la totalité du temps de travail que M. [V] consacrait à l’exécution de ses fonctions, de sorte que la rémunération convenue entre les parties était la contrepartie d’une durée de travail ne pouvant se décompter en heures de travail. Il ajoute que le taux horaire retenu par le salarié pour le calcul des majorations sollicitées au titre des heures supplémentaires devait être celui correspondant à la rémunération mensuelle brute prévue par la convention collective pour un cadre de groupe G, soit 32,44 euros bruts en 2016 et 2017, 32,83 euros bruts en 2018 et 33,49 euros bruts en 2019.

***

A titre liminaire, la cour relève que l’employeur n’a pas sollicité dans le dispositif de ses conclusions l’irrecevabilité des pièces produites par le salarié, cette prétention figurant seulement dans la discussion, au surplus sans énonciation des pièces qu’il y aurait lieu, selon elle, d’écarter.

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En application de l’article L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et des articles L. 3121-28, L. 3121-33, L. 3171-4 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur.

Enfin, selon les articles 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l’article 1342 du même code, le paiement entraîne l’extinction de l’obligation.

Il est en outre constant que la seule fixation d’une rémunération forfaitaire sans que soit déterminé le nombre d’heures supplémentaires inclus dans cette rémunération ne permet pas de caractériser une convention de forfait (Soc. 3 mai 2011, n° 09-70.813 et n° 09-71.037, publié).

En l’espèce, le salarié produit un tableau récapitulant les horaires de travail et heures supplémentaires réalisées, les justificatifs des horaires mentionnés par le tableau (liste des mails envoyés chaque jour et calendrier OUTLOOK), les courriels complets pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019, cités dans la liste de mails en pièce 38.

L’examen des pièces versées au débat, plus particulièrement les agendas Outlook mentionnant les activités, les différents séminaires l’obligeant à effectuer des déplacements à l’étranger, y assister à des réunions mais aussi à participer à des déjeuners et dîners professionnels, les courriels envoyés à des heures matinales ou tardives, les déplacements fréquents aux Etats-Unis, siège de la société mère, mais aussi en France, le travail accompli les samedis et certains jours fériés, témoignant de la charge de travail confiée au salarié, étayent la demande formée au titre des heures supplémentaires par ces éléments précis permettant à l’employeur de répliquer.

L’employeur, qui se contente de rappeler que son niveau très élevé de rémunération incluait le paiement des heures supplémentaires et de souligner des incohérences dans les décomptes du salarié, ne fournit pour sa part aucun élément justifiant des horaires effectivement réalisés par l’intéressé, alors que l’ensemble des bulletins de paie versés ne mentionne le paiement d’aucune heure supplémentaire et que l’étendue des missions confiées au salarié et ses nombreux déplacements ne pouvaient raisonnablement pas s’inscrire dans un temps de travail limité à 37,5 heures par semaine. Les moyens de l’employeur consistant à soutenir que le salarié n’a jamais réclamé paiement de ses heures supplémentaires au cours de la relation de travail ou ne s’est jamais plaint d’une quelconque surcharge sont indifférents à la solution du litige, et erronés s’agissant du dernier, ainsi qu’il sera dit ci-après.

La cour retient en conséquence que le salarié a accompli des heures supplémentaires, dans une moindre mesure toutefois que ce qu’il allègue.

En effet, par exemple, pour la journée du 11 juillet 2016, le décompte indique une embauche à 10h19 et une fin de journée à 22h12, ces horaires correspondant aux premier et dernier courriel de cette journée (cf pièce 38), mais il ressort également de la boîte de messagerie du salarié qu’il n’a envoyé aucun courriel entre 12h23 et 14h54, soit pendant la pause méridienne, en l’occurence de 2h30 qui ne constitue pas du temps de travail effectif, le salarié ne justifiant pas qu’il ait ce jour-là eu un déjeuner d’affaires ou une réunion, son agenda Outlook mentionnant seulement un ‘account team -weekly call’ à 12h ce jour là. Or, pour cette journée du 11 juillet 2016, le salarié indique une pause déjeuner de 1h seulement (identique chaque jour) et un temps de travail effectif de 10h53. S’agissant de la journée du 13 juillet 2016, le salarié indique un début de journée à 11h02 et une fin de journée à 3h15 le lendemain matin, donc 14 juillet 2016, pour lequel il indique avoir travaillé de 11H59 à 01h01 le lendemain matin.

En effet, de nombreux courriels sont envoyés la nuit par le salarié, dont les pièces médicales qu’il produit indiquent qu’il avait des troubles du sommeil a minima depuis 2016, avec, selon le médecin psychiatre qui l’a suivi, une ‘tendance à l’hyperactivité sans contrôle’ (cf pièce 8 du salarié), sans que la nature de son poste ne justifie la nécessité de l’envoi nocturne de ses courriels, le statut de cadre dirigeant ayant été précédemment écarté.

Toutefois, et sans qu’il y ait lieu d’entrer dans l’analyse exhaustive de chacun des courriels envoyés que fait l’employeur pour savoir s’ils relevaient ou non d’un travail du salarié, ces incontestables incohérences du décompte figurant en pièce 37 ne permettent pas de remettre en question la réalité de la majorité des heures alléguées par le salarié, non utilement contredites par l’employeur, dont il doit être ici rappelé qu’il doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées.

Il y a lieu de considérer que ces heures ont été accomplies avec l’accord implicite de l’employeur et que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié, qui avait le statut de cadre, réalisant ainsi en moyenne près de vingt heures supplémentaires par semaine, soit près de 55h de travail effectif hebdomadaire.

Au vu des éléments versés aux débats par l’une et l’autre des parties, il y a lieu de retenir que le salarié a réalisé des heures supplémentaires non rémunérées, mais dans une proportion moindre que celles réclamées, compte tenu des incohérences précitées du tableau qu’il produit.

Il convient également de vérifier, dans le cadre des comptes à faire suite à la décision d’écarter le statut de cadre dirigeant, si la rémunération contractuelle versée par l’employeur en exécution de ce statut dont la cour a retenu le caractère irrégulier, n’a pas eu pour effet d’opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail. (Cf . Soc. 16 juin 2021, n°20-13.137, diffusé)

En revanche, contrairement à ce que soutient l’employeur, le versement d’un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires (Soc., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-15.209, diffusé, cassant l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence invoqué par l’employeur dans ses écritures).

Ainsi qu’il a été dit précédémment, le salarié a été rémunéré sur la base, en 2011, de 162,5 heures correspondant en moyenne à 37,5 heures par semaine, sans modification de sa rémunération annuelle brute de base de 123 000 euros, puis, à compter de son passage au statut de cadre dirigeant, cette rémunération est passée à 156 516 euros, dont l’avenant indique qu’elle a été ‘déterminée en considation de la nature spécifique des fonctions et de l’importance des responsabilités confiées au salarié’ et qu’elle est ‘indépendante du temps que ce dernier consacrera à l’exercice de celles-ci’.

Ce statut ayant été irrégulièrement octroyé au salarié, les dispositions contractuelles antérieures trouvent à s’appliquer, soit une rémunération contractuelle correspondant à 37,5 heures par semaine. C’est à juste titre que le salarié a effectué le calcul des majorations sur la base du taux horaire qu’il percevait effectivement, correspondant à la classification G, contractuellement convenue indépendamment du statut de cadre dirigeant.

Or, le décompte de calcul des heures supplémentaires réalisées par le salarié est établi sur la base d’un horaire hebdomadaire de 35 heures.

La cour retient en conséquence que le salarié a effectué 519 heures supplémentaires en 2016, 1233 heures supplémentaires, en 2017, année pour laquelle il perçu un bonus de 120 327 euros ainsi qu’il sera évoqué plus loin, 808 heures supplémentaires en 2018 et 198 heures supplémentaires en 2019.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer au salarié la somme de 234  403,14 euros bruts à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires non rémunérées pour la période du 30 mai 2016 au 28 mai 2019, outre 23 440,31 euros bruts au titre des congés payés afférents, par infirmation du jugement.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Le salarié expose qu’entre mai et décembre 2016, il a réalisé 730,80 heures supplémentaires soit 510,80 heures au-delà du contingent, qu’en 2017, il a réalisé 1444,70 heures supplémentaires soit 1224,70 heures au-delà du contingent, et qu’en 2018 il a réalisé 1019,58 heures supplémentaires soit 799,58 heures au-delà du contingent. Il précise que son salaire horaire brut s’élevait en moyenne à 87,242 euros, qu’il a donc droit à une contrepartie obligatoire en repos égale à 510,80 heures x 87,242 euros, soit 44.563,21 euros bruts pour 2016, qu’en 2017, son salaire horaire brut s’élevait à 88,205 euros, qu’il a donc droit à une contrepartie obligatoire en repos égale à 1224,70 heures x 88,205 euros, soit 108.024,66 euros bruts, qu’en 2018 son salaire horaire brut s’élevait à 89,747 euros, qu’il a donc droit à une contrepartie obligatoire en repos égale à 799,58 heures x 89,747 euros, soit 71.759,90 euros bruts.

L’employeur ne réplique pas spécifiquement sur cette demande, se contentant de faire valoir que M. [V] ne peut, en aucune façon, obtenir le paiement des heures qu’il prétend avoir travaillées ou une indemnité supplémentaire de repos compensateur.

***

Il résulte du volume d’heures supplémentaires précédemment retenues que le salarié a dépassé en 2016, 2017 et 2018 le contingent d’heures supplémentaires, fixé à 220 heures.

Le salarié peut donc prétendre au paiement, non utilement discuté par l’employeur, de la contrepartie en repos des heures supplémentaires réalisées en 2016, 2017 et 2018, en application des dispositions de l’article L.3121-23 du code du travail.

Il convient, sur la base du volume d’heures supplémentaires précédemment retenu, infirmant le jugement de lui allouer de ce chef la somme totale de 168 208,24 euros outre 16 820,82 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Même si l’irrégularité du statut de cadre dirigeant permet au salarié d’invoquer l’accomplissement d’heures supplémentaires, et si la société n’est pas en mesure de justifier les heures effectivement réalisées, la preuve de l’intention de l’employeur se soustraire à ses obligations sociales n’est pas suffisamment rapportée.

Dès lors, l’employeur, qui se croyait régulièrement lié à son salarié par un contrat de cadre dirigeant non soumis à la réglementation sur le temps de travail, n’a pas intentionnellement manqué à ses obligations déclaratives de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la résiliation judiciaire

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au soutien de sa demande de résiliation de son contrat de travail, le salarié invoque des manquements tirés de faits de harcèlement moral et de discrimination en raison de son état de santé, et du non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité, tous manquements qu’il convient donc d’examiner sucessivement.

A titre liminaire, la cour relève également ici que ‘le manquement de l’employeur dans le cadre de l’exécution du contrat de travail’ n’est pas invoqué à l’appui de la demande de résiliation judiciaire mais dans le cadre d’une demande d’indemnisation d’un préjudice distinct (point VIII a) et conclusions du salarié, p. 40), qui sera donc examinée séparément. De même, ne sont pas invoqués à l’appui de la demande de résiliation judiciaire l’absence de statut de cadre dirigeant et le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (point I. des conclusions), et de la rémunération variable (point VII. des conclusions), et la demande de rappel d’indemnités journalières (point VI des conclusions).

Sur ‘la situation de harcèlement moral et/ou de discrimination liée à la dégradation de l’état de santé’ (cf point II. des conclusions)

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il appartient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par ailleurs, selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable,

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Au cas présent, le salarié invoque ‘des agissements discriminatoires’ et la dégradation de l’état de santé établie en parallèle de ces agissements. Il s’en déduit qu’il invoque son état de santé comme motif de discrimination.

A l’appui du harcèlement moral et de la discrimination en raison de l’état de santé ainsi allégués, il invoque les faits suivants:

‘ des alertes régulières quant à une surcharge de travail dès 2014 et un premier arrêt de travail en 2016 sanctionné par une minoration injustifiée de la rémunération variable

Le salarié invoque un courriel de M. [L] [W] du 14 septembre 2014 sur le programme d’assistance aux employés. Toutefois, cet échange ne constitue pas une alerte du salarié à son employeur mais un conseil de l’employeur ([L] [W]) à son salarié dans le cadre d’une conversation à la suite de laquelle il a suggéré au salarié de faire appel à un programme d’assistance aux employés les aidant à adopter ‘une vie équilibrée’ qui ‘repose sur un ‘bien-être complet’.

En revanche, le salarié établit avoir adressé à l’employeur des alertes sur la surcharge de travail notamment dans un courriel du 9 juin 2016 dans lequel le salarié indique à M. [B] qu’il ne peut pas couvrir plus de comptes que ceux qu’il couvre à moins qu’un changement fondamental de l’organisation soit mis en place, qu’il a fait part à [L] [W] de son inquiétude quant au manque de personnel depuis au moins deux ou trois ans, et que la scission en unités commerciales a considérablement augmenté la charge de travail, le salarié indiquant en commentaire ‘j’aimerai être plus joyeux!’

Le médecin du travail a ainsi indiqué, dans le cadre de la visite médicale du 25 avril 2016, que le salarié lui a indiqué être isolé, avoir des troubles du sommeil à cause du travail, le médecin préconisant un suivi psychologique en février 2017. La fiche de suivi indique un rendez vous avec la psychologue en mars 2019.

Enfin, dans une lettre au médecin du travail le médecin traitant du salarié indique, le 2 mars 2019, qu’il l’a consulté à partir de 2016 pour des troubles du sommeil importants et persistants, évoquant de façon systématique une charge de travail qui apparaît très excessive, un stress élevé lié à de fortes pressions de sa hiérarchie, où le repos est ‘mal vu’. Il précise avoir constaté ces derniers temps (donc en février 2019) une aggravation de ces symptômes avec un état d’épuisement général. Le médecin précise qu’il lui semblait nécessaire de s’arrêter mais que le salarié a préféré reprendre rapidement le travail par crainte de représailles. Il ajoute qu’il se ‘préoccupe sincèrement pour la santé de M. [V] vu l’aggravation récente de ses symptômes qui perdurent depuis plusieurs années.’

L’historique des salaires et bonus du salarié et le tableau récapitulatif des sommes perçues entre 2010 et 2018 montre qu’alors qu’il a perçu un bonus de 115 757 euros en 2015, ce bonus n’a été que de 36 051 euros en 2016, année durant laquelle il a été en arrêt maladie, puis est repassé à 120 327 euros en 2017 et a atteint 196 353 euros en 2018.

Le salarié établit avoir constesté dans un courriel du 20 décembre 2016 adressé à M. [B] [A], l’évaluation négative de 2016, le salarié indiquant contester la note ‘2 – presque compétent’ dans la mesure où les notes de son responsable indiquent clairement qu’il a atteint ses objectifs, que ‘les raisons invoquées sont purement subjectives et au pire arbitraires : (…) absence de réaction (c’est à dire que je n’étais pas disponible pendant mon congé de maladie)’. Le salarié ajoute comme commentaire que ‘cette évaluation est un véritable choc : je suis directeur depuis environ 4 ans et ma dernière note du cycle TRR était de 5 (‘dépasse souvent’), mais il n’invoque aucune pièce à l’appui de cette dernière allégation.

Le salarié établit les alertes régulières quant à une surcharge de travail dès 2014 et qu’après un arrêt maladie du 2 au 12 août 2016 (cf bulletin de paie de septembre 2016), il a perçu pour 2016 une rémunération variable moindre que les années précédentes et suivantes.

‘ un maintien de la surcharge de travail en 2017 et 2018

Ce fait est établi par les différents échanges de mails dans lequel le salarié évoque auprès de ses supérieurs sa surcharge de travail, ainsi que par les conclusions du médecin du travail lors de la visite médicale du 1er février 2017.

Dans une lettre à l’attention du médecin du travail daté du 11 juin 2019 le psychiatre qui suit le salarié depuis le 2 mai 2017, indique qu’une psychothérapie a été mise en place, que son état s’est globalement amélioré, que néanmoins l’idée de retourner à son travail entraîne une aggravation des symptômes (émoussement émotionnel et affectif, hypervigilance, tendance à l’hyperactivité sans contrôle en rapport avec une surcharge de travail), le retour au travail n’apparaissant pas envisageable sans risque pour sa santé et sa mise en inaptitude étant cohérente avec le projet thérapeutique.

Le maintien de la surcharge de travail en 2017 et 2018 est établi.

‘ une mise à l’écart orchestrée à compter du départ de Monsieur [F] [T] en septembre 2018

‘ Le refus d’une promotion concomitamment à une rétrogradation de deux échelons

Il se déduit de la pièce 25S, constituée d’un échange le 1er octobre 2018 avec M. [U], que le salarié n’avait pas l’intention d’accepter la proposition de remplacer M. [F] [T], non plus d’ailleurs que M. [U] qui l’a cependant finalement accepté, selon le courriel du 4 octobre 2018 de M. [J] (président de Qualcomm Europe) sur les modifications du projet de réorganisation, indiquant avoir demandé à M. [U] de prendre temporairement la direction de l’ ‘Auto sales team’.

Il résulte du nouvel organigramme officiel communiqué le 31 janvier 2019 que M. [U] est positionné sur un poste en 3e niveau tandis que le salarié est positionné sur un poste en 5e niveau, mais aucun organigramme antérieur n’est produit indiquant quelle était la position occupée par M. [F] [T] et celle occupée alors par le salarié et par M. [U].

Le refus d’une promotion concomitamment à une rétrogradation de deux échelons n’est pas établi.

‘ L’absence d’invitation à certains échanges téléphoniques ou réunions dont il était informé ultérieurement par ses collègues de travail

Cette allégation, fondée sur des échanges de courriels de juin et juillet 2019 du salarié avec M. [I], repose sur les seules déclarations du salarié, et, à ce titre, dépourvues de valeur probante.

L’absence d’invitation à certains échanges téléphoniques ou réunions dont il était informé ultérieurement par ses collègues de travail n’est pas établie.

‘ L’absence de détermination des objectifs commerciaux semestriels à compter de 2018 emportant l’absence de rémunération variable

Ce fait n’est pas établi, la pièce 23 précitée du salarié (Historique des salaires et bonus et tableau récapitulatif des sommes perçues entre 2010 et 2018), indiquant au contraire qu’il a perçu un bonus de 120 327 euros en 2017 et de 196 353 euros en 2018.

‘ La demande insistante de renoncer à l’un de ses deux comptes clients sans aucune proposition de compensation par un autre compte de niveau égal, puis le retrait imposé/organisé à son insu

Il se déduit des échanges de courriels de juin et juillet 2019 du salarié avec M. [I] que celui-ci, auquel le salarié a indiqué que son arrêt était prolongé, lui a expliqué avoir dû impliquer temporairement d’autres personnes sur ses comptes OEM y compris PSA dans la mesure où il était absent pour maladie, que son rôle OEM reste inchangé et qu’il pourra le jouer dès que sa santé le permettra. L’absence de réponse de l’employeur au courriel du salarié du 28 mai 2019 s’explique par le fait que, le salarié était congé maladie, et a indiqué le 21 juin 2019 que son arrêt maladie n’a pas été respecté car il a continué à recevoir des messages de l’employeur et de ses collègues.

Au surplus, cette réorganisation et le transfert temporaire de deux de ses comptes à ces salariés fait suite précisément aux demandes formulées en 2017 par le salarié d’engager du personnel supplémentaire ou de transférer une partie de son travail à d’autres salariés.

La demande insistante de renoncer à l’un de ses deux comptes clients sans aucune proposition de compensation par un autre compte de niveau égal, puis le retrait imposé/organisé ‘à son insu’ ne sont donc pas établis.

‘ La mise à l’écart injustifiée d’un évènement commercial majeur réunissant les clients du salarié alors que ses homologues y étaient conviés et y participaient

Il ressort des pièces produites que lors du MWC de Barcelone, la société Valeo a proposé le 5 février 2019 de rencontrer M. [J] (présidentde Qualcomm Europe) le 27 (février) à 10h, le salarié ayant été ajouté auparavant par M. [J] à sa conversation avec la société Valéo le 5 février, de sorte que le salarié ne peut soutenir qu’il a été écarté de cette réunion, à laquelle, compte tenu de ce qu’il a été en arrêt maladie du 6 février 2019 au 13 février 2019 puis du 21 février 2019 au 1 er mars 2019, il n’a pu assister.

S’il est établi que le rendez-vous demandé par Valeo lors du MWC a bien eu lieu avec M. [I], en l’absence du salarié alors en arrêt maladie, ce dernier ne justifie pas avoir relancé son employeur pour avoir des informations à ce sujet.

Dans un courriel du 6 décembre 2018, l’équipe événementielle de Qualcomm avait indiqué au salarié le refus de la participation à la conférence MWC 2019. La liste établie le 2 janvier 2019 mentionnant la participation à cet évènement de 278 salariés du groupe Qualcomm à travers le monde n’indique en effet pas le nom de M. [V].

Toutefois, ce n’est que dans un courriel du 1er février 2019 que le salarié a indiqué à M. [I] qu’il ne comprend pas ce refus, émis près de deux mois auparavant. M. [I] explique dans un courriel du 11 février 2019 au salarié, alors en arrêt maladie, que ‘le responsable régional doit après discussion avec les responsables hiérarchiques de son organisation, décider au sein de la région de la répartition des effectifs par service’, et qu’il a demandé que le salarié puisse se joindre au WMC pour des réunions clients sur la base d’un voyage d’affaires cette année puisque le nombre de participants Qualcomm ne peut plus être modifié, et que si une autorisation est accordée pour augmenter les frais de voyage et d’entrée au WMC il sera là officiellement dans le cadre de sa fonction au sein de Qualcomm.

La mise à l’écart ‘injustifiée’ d’un évènement commercial majeur réunissant les clients du salarié alors que ses homologues y étaient conviés et y participaient n’est pas établie.

‘ son éviction définitive à compter d’avril 2019

Le salarié produit des textos qu’il a reçus le 3 avril 2019 de la part d’un salarié qui lui indique avoir appris qu’il ne reviendra peut-être pas et d’un autre salarié lui demandant ce qu’il se passe.

Dans un courriel, il a été interrogé par un collègue lui demandant le 23 janvier 2019 s’il travaille encore sur PSA compte tenu de la réorganisation du compte Auto qu’il n’a pas encore comprise, mais dans un courriel associant un nouveau salarié M. [D] pour une réunion PSA le 16 avril 2019 compte tenu de l’arrêt maladie de M. [V], ce dernier est indiqué comme l’organisateur de cette réunion, le salarié n’étant pas encore à nouveau en arrêt maladie à la date du 16 avril 2019.

Il convient en effet ici de rappeler qu’après un premier arrêt maladie en 2016, M. [V] a été en arrêt maladie du 6 février 2019 au 13 février 2019, du 21 février 2019 au 1er mars 2019, du 18 mars 2019 au 10 avril 2019 et à compter du 28 mai 2019, ce qui impliquait pour l’employeur la nécessité de transférer temporairement les comptes du salarié, ainsi qu’il le lui a réexpliqué dans son courriel précité de juin 2019.

Dans un courriel du 7 mars 2019 à son équipe M. [I] a indiqué que l’équipe ‘équipementiers automobiles’ se concentrera sur les constructeurs automobiles européens sous la direction de M. [X], auquel rapporteront M. [D] et M. [V].

Enfin, dans un courriel du 11 février 2019, M. [H] indique au salarié, alors en arrêt maladie, qu’il deviendra responsable de Valeo dans les prochains mois mais que cela prendra beaucoup de temps (probablement 3 à 6 mois), et le courriel de M. [I] du 23 avril 2019 remercie le salarié pour les sessions qu’il lui indique avoir eues avec [Z] et [G] pour les transferts des comptes PSA et Valeo, ce qui signifie qu’en avril 2019, contrairement à ce qu’il soutient, M. [V] n’était pas définitivement évincé de ces comptes.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’existence d’une éviction ‘définitive’ du salarié à compter d’avril 2019 qui n’est pas établie.

La dégradation de l’état de santé du salarié est établie par les différentes pièces médicales versées au débat.

En définitive, sont établies :

– les alertes régulières quant à une surcharge de travail dès 2014 et le fait qu’après un arrêt maladie du 2 au 12 août 2016, il a perçu pour 2016 une rémunération variable moindre que les années précédentes et suivantes,

– le maintien de la surcharge de travail en 2017 et 2018.

Pris dans leur ensemble, ces faits, tous de même nature et relatifs à la seule surcharge du salarié, même en tenant compte des éléments médicaux produits, ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral.

En revanche, le fait que, après un arrêt maladie du 2 au 12 août 2016, il a perçu pour 2016 une rémunération variable moindre que les années précédentes et suivantes, laisse supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’état de santé.

Il appartient donc à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de l’état de santé.

A ce titre, l’employeur qui fait valoir à juste titre que rien ne prouve que l’arrêt maladie du salarié de 10 jours en août 2016 était lié à des problèmes de travail, établit que la sous-performance relevée dans l’évaluation annuelle 2016 était objectivement justifiée par le fait qu’en tant que directeur commercial, avec le statut, certes en définitive irrégulier, de cadre dirigeant à compter de 2014, la société attendait de lui plus de leadership et de persuasion pour gérer ses collègues, le salarié ne contestant pas, dans son courriel du 20 décembre 2016, les appréciations ainsi portées, mais seulement la discordance entre le fait qu’il ait rempli ses objectifs en terme de comptes clients et la note de 2 attribuée.

L’évaluation de 2016 mentionne en effet l’atteinte des objectifs commerciaux mais attribue une note basse évaluation établie par M. [B] [A] mentionnant la note ‘2 – nearly proficient’ (presque compétent) et que ‘[S] a réussi à mener à bien le budget des ventes pour ces comptes’, mais elle indique aussi que s’il fait preuve ‘d’un engagement global pour faire avancer les choses il est recommandé à [S] de renforcer ses compétences en matière de leadership, de persuasion et d’influence’.

Il en résulte que l’évaluation annuelle de performance 2016 était objectivement justifiée par les performances du salarié, mal fondé à soutenir qu’il n’avait pas connaissance de cette évaluation, qu’il l’a d’ailleurs contestée dès le 20 décembre 2016.

En définitive, l’existence d’une discrimination en raison de l’état de santé comme d’un harcèlement moral sera écartée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur l’obligation de sécurité

Le salarié expose que pour juger qu’aucun manquement à l’obligation de sécurité n’était avéré, le conseil de prud’hommes a limité son appréciation aux seuls courriels d’alerte adressés par le salarié en considérant que l’employeur avait eu des réactions bienveillantes, que cette motivation est infondée, qu’il n’a pas vérifié si l’employeur justifiait avoir engagé des mesures adéquates lorsque le salarié a émis ses premières alertes.

Il fait valoir que la société n’a mis en ‘uvre aucune mesure de prévention notamment en matière de harcèlement moral, qu’à de nombreuses reprises, c’est d’ailleurs le salarié qui était contraint d’expliquer au service de ressources humaines londonien ou à la responsable administrative de [Localité 5], les obligations à son égard en termes d’organisation de la visite de reprise, de démarches administratives pendant l’arrêt maladie, que cette organisation transnationale tournée vers la performance ne tient aucunement compte de la santé des salariés qui sont isolés, soumis à de nombreux déplacements et une amplitude de travail très importante en raison des fuseaux horaires (9 heures d’écart entre la zone EMEA et le siège californien), comme l’évoquait le salarié avec le médecin du travail dès 2016, qu’aucune mesure nécessaire et adaptée n’a été prise en réponse à cette alerte sur sa surcharge de travail, et la société n’a pris aucune mesure lorsque les arrêts de travail du salarié se sont multipliés en 2019.

L’employeur objecte que la société n’est responsable d’aucune situation de harcèlement moral, ni d’aucune situation où la charge de travail du salarié imposée par la société était déraisonnable, qu’elle a été attentive à la situation et aux retours du salarié, puisqu’elle a montré son soutien depuis 2014 en orientant l’employé vers des programmes de soutien pertinents, qu’elle a réorganisé l’équipe commerciale pour alléger la charge de travail globale de l’équipe commerciale conformément à la proposition du salarié en avril 2017 avec l’embauche d’un nouveau directeur commercial, et début 2019 avec la réorganisation globale du département, que pendant l’arrêt maladie du salarié, son responsable a immédiatement demandé ce qu’il pouvait faire pour l’aider pendant son absence.

***

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En vertu des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l’employeur est tenu à l’égard de son salarié d’une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d’information et de formation, mise en place d’une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l’état d’évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs. Il lui appartient de justifier qu’il a satisfait à ses obligations.

Au cas présent, le salarié produit un échange du 27 août 2019 avec les ressources humaines sur l’organisation de la visite de reprise. Le seul fait qu’il en résulte que l’interlocutrice a indiqué au salarié que la médecine du travail lui enverrait la convocation pour la visite de reprise du 4 septembre 2019 n’est pas de nature à établir que l’employeur a méconnu ses obligations en matière d’organisation de la visite de reprise.

Il n’est pas établi que le salarié ait porté à la connaissance de l’employeur les éléments relevés par le médecin du travail (pièce 40 du salarié) lors d’une visite médicale le 25 avril 2016, selon lesquels il éprouvait des difficultés avec le travail avec la Californie compte tenu du décalage horaire et de la nécessité de décisions prises à partir de 16h, avec le fait que son N+1 est en Allemagne, et qu’il travaille isolé et a peu de vrai contact avec les collègues.

Il n’est pas établi que le courriel précité de [L] [W] du 14 septembre 2014 adressant au salarié le programme d’assistance aux employés se soit inscrit dans un échange sur une alerte du salarié concernant sa santé ou sa sécurité au travail, mais plutôt dans le cadre d’un échange sur le mode de vie et le bien-être personnel du salarié.

Enfin, il n’est pas établi que la société n’a pris aucune mesure lorsque les arrêts de travail du salarié se sont multipliés en 2019, alors qu’au contraire, ainsi qu’il a été précédemment dit, à partir de cette date, une réorganisation du service commercial a été mise en oeuvre tendant à alléger la charge de travail du salarié, et à la répartir pendant son arrêt maladie sur d’autres salariés auxquels le salarié a pu passer le relais lors de ses retours successifs dans l’entreprise.

De même, il a été précédemment retenu le fait que la société ne lui a pas imposé le retrait de la moitié de son portefeuille client, puis dans un second le reste de ses missions, mais que ce transfert était d’abord lié à la réorganisation de l’ensemble du service, puis aux absences répétées du salarié dans le cadre de son arrêt maladie nécessitant que d’autres salariés interviennent sur les comptes dont il était responsable afin d’assurer la continuité de la relation avec les clients en question.

Dans ces conditions, il n’apparaît pas que l’employeur ait failli à ses obligations en matière de prévention et de sécurité.

La demande formée à ce titre par le salarié sera, par voie de confirmation, rejetée.

Aucun des manquements invoqués par le salarié à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire n’étant retenu, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes indemnitaires afférentes formulées à titre principal.

Le salarié soutient, à titre subsidiaire, que la résiliation judiciaire s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (cf ses conclusions p.33) et invoque à ce titre, outre les manquements précédemment écartés, le fait que l’employeur a fait obstacle au paiement des IJSS et de la prévoyance pendant plusieurs mois, qu’il convient donc d’examiner ici.

‘Sur la demande de rappel d’indemnités de sécurité sociale et d’indemnités complémentaires’ (point VI. des conclusions)

Le salarié soutient que le contrat de prévoyance aurait dû emporter le versement par la société d’un reliquat de 10 717,29 euros bruts d’indemnités, outre 2 200,81 euros de cotisations indûment prélevées et 1.721,76 euros nets d’IJSS perçues en lieu et place du salarié.

Il expose que la société a seulement maintenu la rémunération à hauteur de 75% du salaire de base (disposition conventionnelle), puis a suspendu tout versement à compter du 31 juillet 2019, sans appliquer le contrat de prévoyance, dont la couverture est plus favorable que celle du maintien de rémunération fixé par la convention collective, que sur un total de 57 948,11 euros bruts il n’a perçu sur cette période que 9 975,32 euros bruts, et qu’alors qu’il devait percevoir encore 47 972,79 euros bruts, que la société s’est contentée de lui reverser avec six mois de retard 37 255,50 euros nets, en conservant les IJSS perçues en lieu et place du salarié. Il invoque ainsi l’attitude déloyale de la société et le refus de lui restituer les indemnités perçues en son nom malgré plusieurs relances et la saisine du conseil de prud’hommes.

L’employeur objecte qu’à partir du 2 juillet 2019, la société a commencé à organiser la couverture de M. [V] par le régime de prévoyance et a contacté l’organisme Mercer, que cependant elle n’était pas habituée à ce processus car c’était la première fois qu’elle devait y avoir recours, mais qu’elle a particulièrement pris au sérieux la situation de M. [V] et n’a jamais retenu aucun paiement qui lui était dû.

***

Il n’est pas contesté que le contrat de prévoyance adressé au salarié mentionne le versement d’une indemnité journalière permettant de maintenir son niveau de rémunération à hauteur de “90%” du “salaire brut des douze derniers mois précédent le sinistre”, et que cette couverture est plus favorable que celle du maintien de rémunération fixé par la convention collective après 45 jours à hauteur de seulement ¿ de la rémunération nette.

Il en résulte qu’à l’expiration du délai de franchise prévu par le contrat de prévoyance (45 jours),

soit à compter du 12 juillet 2019, le salarié devait donc percevoir 90% de son salaire brut des douze derniers mois précédent le sinistre, soit, selon le salarié, la somme de 19 661,74 euros bruts mensuels, sur la base d’un salaire de référence de 21 846,38 euros bruts mensuels, selon le salarié.

L’employeur établit qu’à partir du 2 juillet 2019 il a organisé la couverture par le régime de prévoyance et a contacté l’organisme Mercer (cf pièce 21 de l’employeur) en lui demandant de ‘confirmer à quel moment la prévoyance prend le relais sur l’indemnisation de la CPAM sur les arrêts de travail’ et qui doit faire la démarche, rappelant que ‘la convention collective précise 45 jours maintenu au salaire habituel et 3/4 brut pour les 60 jours d’après’.

La capture d’écran de l’espace assuré du salarié au titre du contrat de prévoyance Mercer indique qu’ont été payées à l’assuré les sommes de 50,70 euros le 25 septembre 2019, 119,12 euros le 21 novembre 2019 et 37 255,50 euros le 25 novembre 2019, dont il ressort d’un courriel interne de Mme [R] que la société a été destinataire du paiement. Le bulletin de paie établi au titre du mois d’octobre 2019 mentionne le paiement au salarié de la somme de 37 255 euros bruts à titre d’indemnités journalières prévoyance correspondants à 31 992 euros nets.

En effet, comme le soutient à juste titre l’employeur, les indemnités versées au titre d’un contrat de prévoyance sont soumises aux cotisations de sécurité sociale en application de l’article R. 242-1 al. 2 du code de la sécurité sociale qui prévoit que « Sont incluses dans la base des cotisations les allocations complémentaires aux indemnités journalières de sécurité sociale, versées au titre de périodes d’incapacité temporaire de travail consécutive à une maladie, un accident, une maternité, en application du contrat de travail ou d’une convention collective de travail, lorsqu’elles sont destinées à maintenir en tout ou en partie, pendant ces périodes, le salaire d’activité, que ces allocations soient versées directement par l’employeur ou pour son compte par l’intermédiaire d’un tiers.»

Il est en effet constant que les allocations complémentaires aux indemnités journalières servies en application d’un régime de prévoyance sont incluses dans l’assiette des cotisations au prorata de la participation patronale (cf. 2e Civ., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-16.878, diffusé).

Enfin, sans détailler ni expliciter davantage ces demandes que devant les premiers juges, le salarié affirme, de façon identique à ce qu’il indiquait à l’employeur dans son courriel du 7 novembre 2019 (pièce 17) qu’il aurait du percevoir :

‘- Juillet 2019 : 12 jours à 75% du salaire de base soit 4.036,93 euros bruts et 19 jours à 90% de la rémunération de référence de la prévoyance, soit 12.050,74 euros bruts et un total de 16.087,67 euros bruts ;

– Août 2019 : 19.661,74 euros bruts ;

– Septembre 2019 : 19.661,74 euros bruts ;

– Octobre 2019 : 4 jours d’arrêt maladie couverts par la prévoyance soit 2.536,96 euros bruts.’

L’attestation de paiement des indemnités journalières du 1er janvier 2019 au 21 novembre 2019 mentionne que la caisse primaire d’assurance maladie a versé à l’employeur la somme de 4 591,02 euros pour la période allant du 31 mai 2019 au 9 septembre 2019, sans qu’il soit possible de distinguer si ce montant intègre des sommes versées au titre de la période postérieure à l’expiration du délai de 45 jours. Il ne peut donc être retenu, comme le soutient le salarié, que l’employeur devait lui reverser à ce titre la somme de 1 721,76 euros nets.

De plus, d’une part, les bulletins de paie de juillet et août 2019 produits par l’employeur indiquent que le salaire a bien été maintenu à 75%, et, d’autre part, ainsi qu’il a été dit précédemment, fin novembre 2019 a été versée par l’organisme de prévoyance l’indemnité complémentaire correspondant à l’ensemble de la période couverte par son arrêt maladie.

Enfin, le délai écoulé entre la fin de la période de maintien du salaire et le paiement de l’indemnité complémentaire par l’organisme de prévoyance, inférieur à six mois, n’est pas imputable à la société qui établit avoir mis en oeuvre ce mécanisme début juillet.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la demande du salarié au titre de rappel d’indemnités de sécurité sociale et d’indemnités complémentaires, qui n’est pas davantage explicitée ni précisée que devant les premiers juges, sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

En définitive, le manquement tiré de ce que l’employeur a fait obstacle au paiement des IJSS et de la prévoyance n’étant pas davantage établi que les manquements précédemment invoqués au titre du harcèlement moral, de la discrimination et de l’obligation de sécurité, la demande de résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera également rejetée, par voie de confirmation.

Sur la demande de reliquat d’indemnité de licenciement conventionnelle

Le salarié expose que la société a calculé le salaire de référence en intégrant plusieurs mois où le salarié était en arrêt de travail pour maladie ce qui revient à prendre en compte une rémunération de référence inférieure à celle qu’il aurait perçu s’il avait travaillé et touché une rémunération variable, que ce calcul est contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation, l’employeur objectant que l’indemnité conventionnelle de licenciement a été correctement calculée et versée en application des dispositions conventionnelles applicables.

***

En application de l’article L. 1234-11 du code du travail les périodes d’arrêt maladie, pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu, ne sont pas prises en compte pour la détermination de l’ancienneté du salarié, sauf lorsque ces périodes sont assimilées par voie légale ou conventionnelle à du temps de présence dans l’entreprise. (Soc., 27 avril 2017, pourvoi n 16-13.654).

Selon l’article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d’un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

Selon l’article R.1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Au cas présent, l’article 4-4-1-2 de la convention collective applicable prévoit :

‘4.4.1.2. Indemnités de licenciement

Il est alloué au salarié licencié, sauf faute grave ou lourde de sa part, une indemnité de licenciement, distincte du préavis, tenant compte de son ancienneté dans l’entreprise et fixée comme suit :

A compter de 1 année d’ancienneté révolue, le salarié licencié perçoit une indemnité égale à :

– 3 % du salaire annuel brut par année complète d’ancienneté, décomptée à partir de la date d’entrée dans l’entreprise et jusqu’à 9 ans d’ancienneté révolus ;

– 4 % du salaire annuel brut par année entière d’ancienneté pour la tranche comprise entre 10 et 25 ans révolus.

En outre, les salariés âgés de 50 ans et plus bénéficient d’une indemnité complémentaire de 5 % du salaire annuel brut après 10 ans d’ancienneté et de 10 % après 20 ans d’ancienneté.

En tout état de cause, l’indemnité de licenciement est plafonnée à 101 % du salaire annuel brut.

Le ” salaire annuel brut ” à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est le salaire brut soumis à charges sociales versé par l’entreprise au cours des 12 derniers mois de présence effective dans l’établissement, y compris pendant les 105 jours d’indemnisation en cas de maladie prévue à l’article 4.3.1 du chapitre III, à l’exclusion des remboursements de frais.

Le montant global des indemnités conventionnelles de licenciement, toutes majorations confondues, est illustré comme suit : (tableau) (…)

14 ans et plus / moins de 50 ans : 47 % [du salaire annuel brut]

15 ans et plus / moins de 50 ans = 51 % (…)[du salaire annuel brut]’.

Il en résulte que cette disposition conventionnelle affectant la rémunération d’un salarié en raison de son état de santé constitue une discrimination prohibée par l’article L.1132-1 du code du travail est contraire à la jurisprudence selon laquelle le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie. (Soc., 23 mai 2017, pourvoi n° 15-22.223, Bull. 2017, V, n° 9).

En effet, verser au salarié une indemnité de licenciement d’un montant inférieur à celle qu’il aurait perçue si son contrat de travail n’avait pas été suspendu pour une raison médicale constitue en réalité une mesure discriminatoire au sens des articles L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail, l’arrêt précité étant rendu au visa de ce dernier texte.

Compte tenu d’un début de suspension du contrat de travail pour maladie le 6 février 2019, selon les arrêts maladie produits en pièce 3 du salarié, la période de référence doit donc être fixée de février 2018 à janvier 2019 inclus, et non de juillet 2018 à juillet 2019 comme retenu à tort par l’employeur appliquant en cela les dispositions conventionnelles précitées.

Il ressort de l’examen des bulletins de paie que le salaire de référence s’est élevé, au titre de la période de référence, à la somme de 262 156,56 euros bruts annuels, dans la limite de la demande du salarié, qui ne sollicite pas d’y voir réintégré le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires précédemment alloué, et qui fixe son ancienneté à 14 ans (l’employeur ayant retenu 15 années d’ancienneté).

L’indemnité de licenciement versée au salarié devait donc s’élever à la somme de 123 213,58 euros bruts. N’ayant perçu que la somme de 111 480,82 euros bruts, il sera en conséquence fait droit à sa demande au titre du reliquat de l’indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 11 732,76 euros bruts, somme au paiement de laquelle, par voie d’infirmation, l’employeur sera condamné.

Sur la demande de rappel de rémunération variable

Le salarié expose qu’alors que l’exercice d’avril à septembre 2018 était clôt, aucun nouvel objectif ne lui était assigné pendant plusieurs mois, que ce n’est qu’à compter de mars 2019, que la société a annoncé que les nouveaux objectifs du salarié avaient été fixés sans aucune concertation et que ces derniers n’ont d’ailleurs jamais été transmis ni approuvés, qu’aucune suite n’a été donnée à cette annonce et aucune rémunération variable n’a été versée après octobre 2018.

L’employeur objecte que rien dans le contrat de travail ne mentionne une quelconque rémunération variable, que la rémunération variable et les objectifs étaient déterminés unilatéralement par l’employeur et pouvaient être modifiés sans le consentement du salarié, que le 2 novembre 2018, le nouveau Programme d’Incitation Commerciale pour l’année fiscale 2019 a été présenté à l’équipe de vente, que le salarié a ensuite été invité à un appel sur skype début décembre pour discuter des nouveaux objectifs, que les documents devaient être retournés avant le 29 mars 2019, que toutefois, le salarié a décidé de ne pas renvoyer les objectifs signés pour 2019, ni le PAF (formulaire de reconnaissance), ni le Programme d’Incitation Commercial pour 2019, qu’il est donc inexact de prétendre qu’aucun objectif ne lui a été fourni pour l’année fiscale 2019, qu’enfin, comme le salarié a été absent pendant la quasi-totalité de l’année fiscale 2019 jusqu’à la fin de son contrat de travail, il n’aurait pas pu atteindre ses objectifs – qu’il n’a pas signés et qui ne lui étaient donc pas applicables, de sorte qu’aucune rémunération variable ne lui a jamais été due. Il ajoute que le salarié demande 50 728 euros bruts de rémunération variable sans même expliquer comment il est arrivé à ce chiffre.

***

Il n’est pas contesté qu’à compter d’avril 2017, l’employeur a fait bénéficier ses salariés d’une rémunération variable semestrielle déterminée sur la base d’objectifs, que la période de référence annuelle allait d’octobre à septembre, et comportait deux semestres comportant pour chacun :

– la détermination conjointe d’objectifs signés par le salarié en début de semestre (avant octobre et avant avril) ;

– une évaluation en fin d’exercice ;

– le versement de la rémunération variable afférente.

En l’espèce, il ressort des pièces produites que, contrairement à ce que soutient le salarié, ses objectifs ont bien été fixés pour l’année 2019. En effet, le salarié a pu échanger à ce sujet au cours de plusieurs réunions Skype dès le 12 décembre 2018, réunion à la suite de laquelle le salarié a discuté de différents points, indiquant notamment que ces objectifs ne sont pas réalistes et proposant des objectifs plus réalisables. D’autres réunions ont ensuite été proposées par son responsable, à lui ainsi qu’aux autres salariés (cf courriel de M. [I] le 20 février 2019, pièce 17 de l’employeur), et plus particulièrement pour le salarié in fine le 20 mars 2019 (cf pièce 44, courriel non traduit de M. [I] au salarié), après que M. [I] lui a adressé par couriel la veille sa ‘feuille d’objectifs révisée’ et proposant au salarié ainsi qu’à deux autres membres de l’équipe commerciale une réunion Skype le 20 mars 2019 ayant pour sujet une discussion à ce sujet (‘SIP update-detail’).

Par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges ont retenu qu’à l’issue de ces discussions le salarié n’a pas renvoyé les objectifs signés pour 2019. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable 2019.

Sur l’indemnisation des préjudices distincts subis par le salarié

Le salarié invoque des ‘manquements de l’employeur dans le cadre de l’exécution du contrat de travail’ à l’appui de sa demande en paiement de la somme de ‘100 000 euros de dommages-intérêts au titre des préjudices supplémentaires et distincts (préjudice moral et financier)’.

Le salarié expose que l’employeur a été l’auteur d’agissements de harcèlement moral et de discrimination, qu’il a manqué à son obligation de sécurité et imposé une surcharge de travail pendant plusieurs années, qu’il a manqué à ses démarches quant à l’arrêt maladie du salarié en le privant de revenus pendant plusieurs mois, qu’il a délibérément conservé des sommes dues au salarié à ce titre pendant plusieurs semaines (IJSS et prévoyance), qu’il a refusé de fixer des objectifs et de verser une rémunération variable.

Or, la cour a précédemment retenu qu’aucun de ces manquements n’était établi, étant ajouté rappelé que l’employeur n’a pas ‘imposé une surcharge de travail’ à ce salarié ayant alors le statut de cadre dirigeant et la rémunération afférente, mais a au contraire tenu compte de ses alertes pour réorganiser et renforcer le service ainsi qu’il a été dit précédemment.

Sans viser aucune pièce de son dossier, le salarié fait également valoir que l’employeur lui a reproché sa saisine en résiliation judiciaire du contrat de travail, ne lui a proposé aucune formation, n’a aucunement répondu à son obligation d’adaptation et n’a organisé aucun entretien annuel ou professionnel (le salarié recevait par email une note sur la période passée qui déterminait le montant de la rémunération variable).

S’agissant de ces manquements qui restent ici à examiner, l’employeur objecte que ‘le problème central de cette affaire est en réalité une question d’ego et de déception liée à son ambition professionnelle dont la Société ne saurait être tenue responsable’, que ‘concernant la situation financière et sa prétendue « précarité », il pourrait être ‘utile de rappeler que M. [V] a reçu un salaire de base moyen (c’est-à-dire sans bonus ni avantages) de 21 846 euros bruts par mois, que c’est plus que le salaire annuel minimum légal en France, perçu par 82% des salariés français’, qu’il a perçu des primes en 2018 s’élevant à 196 353,41 euros, qu’il est donc ‘grotesque d’affirmer que M. [V] ait subi un quelconque préjudice financier en raison du léger retard dans le paiement de ses indemnités de congé maladie’, et enfin que le salarié a été très fréquemment invité à suivre des formations en rapport avec ses tâches et ses fonctions.

***

La cour relève d’abord que l’allégation du salarié selon laquelle l’employeur lui a reproché sa saisine en résiliation judiciaire du contrat de travail est dépourvue d’offre de preuve, aucune pièce de son dossier n’étant visée à l’appui de cette affirmation.

Ensuite, l’employeur établit, sans être démenti, qu’il a proposé les différentes formations suivantes au salarié :

– Formation sur l’expérience client et demande de kit de démarrage en septembre 2016 ;

– EMEA Business Review & Training en mai 2017 ;

– Smart Trust : la compétence ultime qui sépare les managers et les leaders, le 22 février 2018, cette session figurant bien sur l’agenda Outlook du salarié (pièce 38 du salarié, précitée)

– 5 éléments d’une communication efficace le 1 er mai 2019 ;

– Examens des performances : Un processus étape par étape pour les mener de manière

significative et efficace le 23 avril 2019 ;

– Gestion de la relation client : Méthodes stratégiques pour améliorer le service à la

clientèle, le 19 avril 2019.

Enfin, il résulte des développpements précédents tant s’agissant du harcèlement moral que de la rémunération variable que, contrairement à ce que soutient le salarié, l’employeur a organisé des entretien annuel ou professionnel et ne s’est pas contenté d’adresser au salarié par courriel une note sur la période passée qui déterminait le montant de la rémunération variable.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande.

Sur les intérêts

Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud’hommes.

Les condamnations au paiement des indemnités de rupture et des rappels de salaire produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par l’employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes.

Les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière,

Sur la remise des documents

Il convient d’ordonner à l’employeur de remettre au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Par voie d’infirmation, l’employeur, succombant, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, le jugement étant en revanche confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur sera en outre condamné à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros à M. [V] au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il déboute M. [V] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents au titre de l’absence de statut de cadre dirigeant, de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos et congés payés afférents, de sa demande en paiement d’un reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement, de sa demande de voir assortir ces sommes des intérêts au taux légal, et en ce qu’il dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT que M. [V] n’avait pas le statut de cadre dirigeant,

CONDAMNE en conséquence la société Qualcomm France anciennement dénommée Qualcomm Communications à verser à M.[V] les sommes suivantes :

– 234 403,14 euros bruts à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires non rémunérées pour la période du 30 mai 2016 au 28 mai 2019, outre 23 440,31 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 168 208,24 euros bruts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre 16 820,82 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 11 732,76 euros bruts au titre du reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement,

DIT que les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud’hommes s’agissant des créances indemnitaires, et à compter de la réception, par l’employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes s’agissant des créances salariales,

DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière,

ORDONNE à la société Qualcomm France anciennement dénommée Qualcomm Communications de remettre au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,

DIT n’y avoir lieu à assortir cette mesure d’une astreinte,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Qualcomm France anciennement dénommée Qualcomm Communications à verser à M.[V] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Qualcomm France anciennement dénommée Qualcomm Communications aux dépens de première instance et d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marine Mouret, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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