Savoir-faire : 11 janvier 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08547

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Savoir-faire : 11 janvier 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08547
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11 janvier 2024
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/08547

N° RG 19/08547 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MX2O

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 21 octobre 2019

RG : 2019j449

[R]

[K]

C/

SA BANQUE FIDUCIAL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Janvier 2024

APPELANTS :

M. [S] [R]

né le 03 Août 1967 à [Localité 6] (11)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Mme [B] [K] épouse [R]

née le 21 Septembre 1964 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentés par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 postulant et ayant pour avocat plaidant Me Olivier TIQUANT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SA BANQUE FIDUCIAL au capital de 25.000.000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 302 077 458, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Lise CHAREL, avocat au barreau de LYON, toque : 1728 substituée et plaidant par Me BRAMARD avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 05 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Novembre 2023

Date de mise à disposition : 11 Janvier 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 21 mai 2015, M. [S] [R], en sa qualité d’associé unique de la Sarl Carrera Restauration, a souscrit un prêt de 80.000 euros, remboursable en 84 mensualités, avec un taux effectif global de 2,93%, avec la Banque Fiducial. Par actes du même jour, M. [R] et Mme [B] [K] épouse [R] se sont chacun portés caution personnelle et solidaire de ce prêt dans la limite de 20.000 euros pour une durée de 8 années.

Le 23 décembre 2015, la société Carrera a souscrit un nouveau prêt professionnel auprès de la Banque Fiducial d’un montant de 20.000 euros, remboursable en 48 mensualités avec un taux effectif global de 2,81%. Par acte du 13 janvier 2016, M. [R] s’est porté caution personnelle et solidaire de ce prêt dans la limite de 23.185,20 euros pour une durée de 5 années.

Par jugement du 12 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nîmes a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Carrera Restauration. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 11 avril 2017.

Par acte du 3 mai 2017, la Banque Fiducial a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire pour la somme totale de 86.935,92 euros.

Par différents courriers du 20 juin 2018, la Banque Fiducial a :

– mis en demeure M. [R] de lui régler la somme de 20.000 euros au titre de son engagement de caution du prêt de 80.000 euros du 21 mai 2015,

– mis en demeure Mme [R] de lui régler la somme de 20.000 euros au titre de son engagement de caution du prêt de 80.000 euros du 21 mai 2015,

– mis en demeure M. [R] de lui régler la somme de 16.876,90 euros au titre de son engagement de caution du prêt de 20.000 euros du 23 décembre 2015.

Par acte du 5 mars 2019, la Banque Fiducial a assigné M. et Mme [R] devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 21 octobre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

– condamné M. [R] au profit de la Banque Fiducial :

à payer la somme de 20.000 euros en principal, avec intérêts au taux de 6,93% à compter du 20 juin 2018,

à payer la somme de 16.987,90 euros en principal, avec intérêts au taux de 6,81% à compter du 20 juin 2018,

– condamné Mme [R] au profit de la Banque Fiducial :

à payer la somme de 20.000 euros en principal, avec intérêts au taux de 6,93% à compter du 20 juin 2018,

– condamné solidairement M. et Mme [R] à payer solidairement, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 2.000 euros,

– dit que les intérêts des présentes condamnations se capitaliseront par année entière, et ce par application de l’article 1343-2 du code civil,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

– condamné M. et Mme [R] aux dépens prévus à l’article 695 du code de procédure civile et les a liquidés conformément à l’article 701 du code de procédure civile.

M. et Mme [R] ont interjeté appel par acte du 12 décembre 2019.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 20 mai 2021 fondées sur l’article L. 721-3 du code de commerce, les articles 48, 472 et 515 du code de procédure civile, les articles 1110 et 1147 du code civil, l’article L. 313-22 du code monétaire et financier et les articles L. 314-6 et L. 341-6 du code de la consommation, M. et Mme [R] demandent à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris,

– déclarer irrecevable l’action de la Banque Fiducial en raison de l’incompétence matérielle et territoriale du tribunal de commerce de Lyon,

– renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire de Nîmes,

subsidiairement,

– juger que le jugement déféré est nul,

statuant à nouveau,

– débouter la Banque Fiducial de toutes ses demandes, fins et conclusion à leur égard,

– déchoir la Banque Fiducial des intérêts et accessoires de la dette car elle n’a pas respecté son obligation d’information annuelle de la caution,

– les décharger de leur engagement de caution en raison du caractère disproportionné de leur engagement de caution,

– juger que la Banque Fiducial a manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde,

– juger que la Banque Fiducial a manqué à son obligation de se renseigner,

– juger que par sa légèreté coupable, la Banque Fiducial a contribué à la réalisation de son propre préjudice,

– juger que la Banque Fiducial leur a fait perdre une chance de ne pas s’engager en tant que caution,

par conséquent,

– condamner la Banque Fiducial au paiement des sommes réclamées par elle-même à leur égard au titre de la perte d’une chance de ne pas s’engager en tant que caution et prononcer la compensation des condamnations,

à titre infiniment subsidiaire,

– leur accorder des délais de paiement de 24 mois et une réduction des intérêts sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil (anciennement article 1244-1),

en tout état de cause,

– condamner la Banque Fiducial au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers frais et dépend de l’instance.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 décembre 2020 fondées sur les articles 1101 et suivants, 2288 et 2298 du code civil, la Banque Fiducial demande à la cour de :

– débouter les époux [R] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

en outre,

– condamner les époux [R] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les époux [R] aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 octobre 2021, les débats étant fixés au 8 novembre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est précisé que le litige n’est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l’ordonnance du 10 février 2016 puisque les contrats litigieux sont antérieurs au 1er octobre 2016.

Il est également précisé que le litige n’est pas soumis au droit du cautionnement issu de l’ordonnance du 15 septembre 2021 puisque les contrats de cautionnement litigieux sont antérieurs au 1er janvier 2022.

Sur la compétence du tribunal de commerce de Lyon

M. et Mme [R] font valoir que :

– ils n’ont pas la qualité de commerçants et ils sont domiciliés dans le département du Gard et non à Lyon, de sorte que c’est le tribunal de grande instance de Nîmes qui est compétent, de sorte que la cour devra prononcer l’incompétence matérielle et territoriale du tribunal de commerce de Lyon et renvoyer la Banque à mieux se pourvoir,

– la qualité d’actionnaire de Mme [R] de la société Madjyc est indifférente car elle n’est ni caution ni emprunteuse et elle ne détient qu’une seule part sociale ; la signature du contrat de franchise ne lui confère pas la qualité de commerçante et elle n’a pas de fonction dans la société Carrera Restauration ; elle n’était pas une réelle partie au contrat mais un simple partenaire soumis au secret des affaires ; resant salariée à temps plein d’une autre société,

– il n’y a pas de lien entre le contrat de franchise et l’engagement de caution et elle s’est portée caution auprès de son époux dans une démarche morale et non commerciale,

– le fait d’être intéressé financièrement à une affaire selon les assertions de l’intimée ne suffit pas à leur conférer la qualité de commerçant,

– la clause attributive de compétence n’est pas applicable car ils n’ont pas la qualité de commerçant ; de plus, elle n’est insérée que dans le contrat de prêt de sorte qu’elle est inopposable aux tiers à ce contrat ; enfin, l’insertion n’est pas très apparente.

La Banque Fiducial réplique que :

– les engagements de M. [R] ont été pris en vue de garantir les prêts souscrits par lui-même pour la société Carrera Restauration dont il était gérant dans le cadre de ses activités de commerçant, de sorte qu’ils ont un caractère commercial,

– Mme [R] était également signataire du contrat de franchise aux côtés de son époux et donc partie à l’activité commerciale de la société Carrera Restauration dont son cautionnement garantissait le prêt ; en outre, elle est associée de la société Madjyc, qui prend part dans la société Carrera Restauration ; Mme [R] a donc qualité de commerçante et un cautionnement est commercial dès lors que la caution a un intérêt patrimonial personnel dans l’opération garantie,

– sur la compétence territoriale, les contrats de prêt attribuent la compétence exclusive au tribunal de commerce de Lyon, lieu du siège social de la concluante.

Sur ce,

Selon l’article 42 du code de procédure civile dans son premier alinéa, ‘La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur’.

L’article 48 du code de procédure civile visé par les appelants dispose pour sa part que : ‘Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.’

La Banque se prévaut de la clause attributive de compétence du contrat de prêt pour justifier la compétence territoriale de la présente cour.

Or, en l’espèce, les époux [R] sont recherchés personnellement en qualité de caution et non au titre du contrat de prêt.

Cependant, ainsi que justement relevé par les appelants, les contrats de cautionnement versés aux débats par la Banque ne comportent aucune clause attributive de compétence opposable aux cautions et prévoyant la compétence exclusive du tribunal de commerce du siège social de la Banque et celle-ci ne peut leur opposer une clause d’un contrat auquel ils ne sont pas personnellement partie.

Dès lors, la présente cour n’est pas compétence en application de l’article 42 susvisé pour statuer sur le litige au regard de l’adresse des cautions dans le département du Gard.

Par contre, les appelants tirent des conséquences erronées de l’incompétence soulevée en se prévalant d’une irrecevabilité et d’un renvoi à mieux se pourvoir de la Banque devant le tribunal judiciaire de Nîmes.

En application de l’article 90 du code de procédure civile qui dispose que ‘Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente.

Si elle n’est pas juridiction d’appel, la cour, en infirmant du chef de la compétence la décision attaquée, renvoie l’affaire devant la cour qui est juridiction d’appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance. Cette décision s’impose aux parties et à la cour de renvoi’, il convient donc de renvoyer directement le présent litige devant la cour s’appel de Nîmes, sans qu’il ne soit nécessaire de déterminer quelle juridiction était compétente en première instance (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire), cette cour en vertu de la pénitude de juridiction étant juridiction d’appel tant du tribunal de commerce que du tribunal judiciaire de Nîmes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens sont réservés.

A ce stade de la procédure, il n’y a pas lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les demandes à ce titre sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l’appel,

Infirme le jugement déféré.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Se déclare incompétent pour statuer sur le présent litige.

Renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Nîmes selon la procédure de l’article 82 du code de procédure civile.

Réserve les dépens.

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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