Savoir-faire : 1 février 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/08213

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Savoir-faire : 1 février 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/08213
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1 février 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/08213

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT

DU 01 FEVRIER 2024

N°2024/30

Rôle N° RG 23/08213 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLPRL

Société RC MARINE YACHTS

C/

S.A.R.L. P BLATTES YACHTING

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Gilles ALLIGIER

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 08 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 2022R00044.

APPELANTE

SASU RC MARINE YACHTS immatriculée au R.C.S. de CANNES sous le numéro 833 607 294, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

dont le sis social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Fabrizia PINNA, avocat au barreau de NICE plaidant et substituant Me Massimo LOMBARDI de la SELARL RICHARD-LOMBARDI, ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.R.L. P BLATTES YACHTING représenté par son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité,

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Estelle CIUSSI de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère Présidente suppléante, et Madame Marie-Amélie VINCENT, Conseillère, chargés du rapport.

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, Présidente suppléante a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024.

Signé par Madame Stéphanie COMBRIE Conseillère Présidente suppléante et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société P. Blattes Yachting, ayant pour activité l’importation et la vente de yachts neufs et d’occasion, a employé M. [J] [X] en qualité de commercial, du 1er août 2000 au 19 octobre 2017, date de son licenciement pour faute lourde, lequel a été requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse par jugement du conseil des prud’hommes de Grasse en date du 4 juin 2021.

 

Le 8 décembre 2017, la société DNA Yachting, ayant pour objet social la vente de bateaux neuf ou d’occasion, était créée, comportant notamment pour associé M. [J] [X]. 

 

La société P. Blattes Yachting a disposé d’un contrat de distribution exclusive de bateaux de plaisance de marque Azimut sur le territoire français et monégasque, sous la dénomination commerciale « Azimut France » de 1995 à 2017, date à compter de laquelle la société RC Marine Yachts (anciennement dénommée V Marine France), créée le 9 novembre 2017, exerçant sous l’enseigne Azimut Yacht France, a commercialisé ces mêmes navires.

 

Avançant des pratiques de concurrence déloyale de la part de M. [J] [X], de la société DNA Yachting, et de la société RC Marine Yachts, consistant notamment dans des faits de détournement frauduleux de fichiers clients, la société P. Blattes Yachting a déposé le 21 juillet 2022 une requête aux fins de mesures d’instruction.

 

Par ordonnance du 21 juillet 2022, le président du tribunal de commerce de Cannes a fait droit à la requête ainsi présentée, désignant des commissaires de justice avec mission notamment de se rendre simultanément au siège de la société DNA Yachting et de la société RC Marine Yachts aux fins notamment de :

– Rechercher et prendre ou se faire remettre par toute personne se trouvant sur place, sur tout support y compris informatique ou électronique, le fichier clients MAZIMUT

– Et / ou de rechercher et faire procéder simultanément aux sièges des sociétés sus visées a la recherche pour en faire une copie : De la présence de tout fichier dénommé

– Constater toute similitude entre ces ‘chiers et listes exportées éventuellement présents dans les ordinateurs, disques durs externes et clefs USB présents aux locaux des sociétés sus-visées et les deux procès-verbaux de constat diligentés les 21 et 25 févriers 2022 préalablement transmis (organisation de la page d’accueil, des onglets clients, bateaux et fournisseurs) ;

– Procéder a toutes constatations mettant en évidence les similitudes existant entre le fichier de la société P. Blattes Yachting (MAZIMUT-AZIMUT) et celui de la RC Marine Yachts et/ou celui de la société DNA Yachting et en dresser constat ;

 

Par acte d’huissier délivré le 14 octobre 2022, la société RC Marine Yachts a fait assigner la société P. Blattes Yachting devant le juge des référés du tribunal de commerce de Cannes, aux fins de rétractation de l’ordonnance ainsi délivrée.

 

Par ordonnance du 8 juin 2023, le président du tribunal de commerce de Cannes a :

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande d’exception d’incompétence matérielle au profit du tribunal judiciaire de Marseille ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande d’exception d’incompétence matérielle au profit du tribunal judiciaire de Grasse ;

S’est déclaré compétent ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de signification de l’ordonnance à M. [J] [X] ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rejet de la pièce 45 de la société P. Blattes Yachting ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 tenant à l’avant procès ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de circonstance justifiant une dérogation au principe du contradictoire et au manquement de loyauté ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de motif légitime tenant au fait que la mesure d’instruction n’est pas circonscrite dans le temps et dans son objet, et disproportionné à l’objectif poursuivi ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de motif légitime tenant au défaut de caractère sérieux de l’action envisagée ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de motif légitime tenant au défaut d’intérêt probatoire de la mesure ordonnée ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de désignation nominative de l’expert ;

Dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 ;

Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rejet de la pièce 43 de la société P. Blattes Yachting ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamné la société RC Marine Yachts aux dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 3.000 € à la société P. Blattes Yachting au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

———

 

Par acte du 21 juin 2023, la société RC Marine Yachts a interjeté appel de cette ordonnance.

——–

 

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 23 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société RC Marine Yachts (SASU) soutient que :

 

-l’action de la société P. Blattes Yachting visant à la protection d’une base de données relative à la propriété littéraire et artistique au sens de l’article L331-1 du code de la propriété intellectuelle, le tribunal judiciaire de Marseille est compétent pour connaître de l’affaire en application des dispositions de l’article D211-6-1 du code de l’organisation judiciaire ;

-l’action en concurrence déloyale envisagée par la société P. Blattes Yachting concerne principalement M. [J] [X] en sa qualité d’ancien salarié pour des actes de concurrence déloyale commis pendant l’exécution de son contrat de travail, de sorte que le tribunal judiciaire se trouve compétent ;

-alors que l’absence d’instance au fond constitue une condition de recevabilité de la demande, la juridiction prud’homale avait déjà été saisie pour des faits identiques de concurrence déloyale dans le litige opposant M. [J] [X] à la société P. Blattes Yachting ;

-Il n’est pas justifié d’une présentation de la minute de l’ordonnance litigieuse à M. [J] [X], ni d’un procès-verbal de signification à son encontre, en méconnaissance des dispositions de l’article 495 du code de procédure civile ;

-les pièces 43 et 45 produites par la société intimée porte sur des éléments postérieurs à la requête, de sorte qu’elles doivent être rejetées ;

-la société P. Blattes Yachting ne justifie pas d’un motif légitime au regard du caractère disproportionné de la mesure d’instruction par rapport au but recherché, de l’absence de caractère sérieux de l’action envisagée, de l’absence d’intérêt probatoire de la mesure ordonnée, de l’absence de circonstances justifiant une dérogation au principe du contradictoire et du manquement de loyauté

 

Ainsi, au visa des articles 138, 145, 493, 494, 495, 496, 497, 845 du code de procédure civile, L112-3 alinéa 2 et L331-1 du code de la propriété intellectuelle, et D211-6-1 du code de l’organisation judiciaire, elle sollicite de la cour de :

 

Infirmer l’ordonnance de référé rendue le 8 juin 2023 par M. le président du tribunal de commerce de Cannes, en ce qu’elle a :

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande d’exception d’incompétence matérielle au profit du tribunal judiciaire de Marseille ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande d’exception d’incompétence matérielle au profit du tribunal judiciaire de Grasse ;

o   S’est déclaré compétent ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de signification de l’ordonnance à M. [J] [X] ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rejet de la pièce 45 de la société P. Blattes Yachting ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 tenant à l’avant procès ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de circonstance justifiant une dérogation au principe du contradictoire et au manquement de loyauté ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de motif légitime tenant au fait que la mesure d’instruction n’est pas circonscrite dans le temps et dans son objet, et disproportionné à l’objectif poursuivi ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de motif légitime tenant au défaut de caractère sérieux de l’action envisagée ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de motif légitime tenant au défaut d’intérêt probatoire de la mesure ordonnée ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 pour défaut de désignation nominative de l’expert ;

o   Dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 ;

o   Débouté la société RC Marine Yachts de sa demande de rejet de la pièce 43 de la société P. Blattes Yachting ;

o   Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

o   Condamné la société RC Marine Yachts aux dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 3.000 € à la société P. Blattes Yachting au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau, déclarer que le président du tribunal de commerce de Cannes était matériellement incompétent pour statuer sur la requête déposée le 7 juillet 2022 par la société P. Blattes Yachting ;

Déclarer que la requête du 7 juillet 2022 concernait une base de données au sens du Code de la propriété intellectuelle relevant de la compétence du tribunal judiciaire de Marseille ;

Déclarer que le Président du tribunal de commerce de Cannes était matériellement incompétent pour statuer sur la requête déposée le 7 juillet 2022 par la société P. Blattes Yachting, s’agissant d’un litige ayant son origine dans un contentieux prud’homal et l’action au fond ayant était dirigée aussi vers une personne physique non commerçant, le président du tribunal judiciaire de Grasse étant compétent ;

En conséquence, réformer 1’ordonnance de référé rendue par le Monsieur le président du tribunal de Commerce de Cannes en date du 8 juin 2023 et ordonner la rétractation de l’ordonnance du 21 Juillet 2022 rendue par Monsieur le président du tribunal de Commerce de Cannes et signifiée a la société Marine Yachts le 14 septembre 2022 ;

En tout état de cause, écarter et rejeter du débat les pièces adverses n° 43 et 45 et 1’argumentation qui en découle dans les conclusions adverses pages 12, 13 et 14,

Déclarer que la requête déposée par la société P. Blattes Yachting et1’ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Cannes était dépourvue de motif légitime ;

Déclarer que l’ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Cannes n’a pas été rendue avant tout procès au fond ;

Déclarer que l’ordonnance rendue objet de la présente action en rétractation n’a pas été remise ni dénoncée a Monsieur [J] [X] ;

Déclarer que l’ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Cannes porte une atteinte injustifiée au principe du contradictoire ;

Déclarer que les mesures d’instructions prescrites par l’Ordonnance ne sont ni circonscrites dans le temps et dans leur objet, ni proportionnées a l’objectif poursuivi ;

Déclarer que l’Ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Cannes a omis de désigner nominativement l’Expert pouvant assister le Commissaire de justice ;

En conséquence,

Réformer l’Ordonnance de référé rendue par le Monsieur le président du tribunal de Commerce de CANNES en date du 8 juin 2023 et Ordonner la rétractation de 1’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 rendue par Monsieur le président du tribunal de Commerce de Cannes et signifiée à la Société RC Marine Yachts le 14 septembre 2022 ;

Ordonner la restitution des originaux et copies du constat, de ses annexes et de la totalité des documents de quelque nature que ce soit, qui ont été appréhendés par voie électronique ou sur support papier, saisis, ou copies au cours des opérations de constat du 14 septembre 2022 ou obtenus en exécution de 1’ordonnance, et cela sous astreinte de 500 euros par jour de retard passe ce délai a la charge de P Blattes Yachting ;

Ordonner l’interdiction pour la société P Blattes Yachting d’utiliser a quelque ‘n que ce soit les procès-verbaux de constat ainsi que leurs annexes établis par 1’Huissier de justice en exécution de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 et ce sous astreinte provisoire de 1.000 euros par infraction constatée et par jour ;

Débouter la société P Blattes Yachting de l’ensemble de ses demandes, ‘ns et prétentions ;

Condamner la société P Blattes Yachting à payer à la société RC Marine Yachts la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner1a société P Blattes Yachting aux dépens.

———

 

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 22 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société P. Blattes Yachting réplique que :

 

-l’exception d’incompétence soulevée doit être déclarée irrecevable pour ne pas avoir été formulée in limine litis dans le cadre de son assignation introductive ;

-la requête litigieuse s’inscrit dans le cadre d’une procédure en concurrence déloyale impliquant des acteurs commerçants, de sorte que la juridiction commerciale se trouve matériellement et territorialement compétente ;

-la requête litigieuse a bien été déposée le 7 juillet 2022, avant tout procès, et il n’existait aucun contentieux entre la société DNA Yachting, la société RC Marine Yachts d’une part et elle d’autre part ;

-les chefs de mission du commissaire de justice se limitant à trois fichiers nommément visés et privilégiant la méthode comparative au regard d’éléments objectifs déjà connus du commissaire (procès-verbaux de constat diligentés les 21 et 25 février 2022) préalablement transmis, garantit une proportionnalité de la mission à l’objectif recherché ;

-le demandeur n’a pas à justifier de la recevabilité de sa prétention dans le cadre d’une future action au fond pour être autorisé à présenter une demande sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;

-les faits d’espèce justifient la dérogation au principe du contradictoire.  

 

Ainsi, au visa des articles 74, 54, 117, 145 et 873 du code de procédure civile, elle sollicite de :

 

Dire l’appel recevable mais infondé

Réformer parte in qua l’ordonnance du 9 juin 2023 en ce qu’elle n’a pas retenu l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence non soutenue in limine litis

Déclarer irrecevable l’exception d’incompétence d’attribution soulevée par RC Marine Yachts dans ses  écritures en réplique au profit du tribunal Judiciaire, laquelle n’a pas été soulevée in limine litis. 

Débouter RC Marine Yachts (anciennement société V Marine France) de toutes les exceptions d’incompétence revendiquées pour la circonstance. 

Confirmer l’ordonnance rendue par le juge des  référés du tribunal de Commerce  de Cannes en date du 9 juin 2023 en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation confirmant le bienfondé de l’ordonnance présidentielle du 21 juillet 2022 ayant désigné un Commissaire de justice en accord avec les prescriptions de l’article 145 du Code de procédure civile. 

Confirmer la compétence de la juridiction commerciale cannoise en la matière

 

Confirmer la compétence de M. le Président du tribunal de commerce de Cannes pour connaître d’une requête en instruction in futurum introduite au visa des articles 145 et 873 du CPC.

Confirmer que la mesure d’instruction sollicitée par voie de requête au visa des articles 145 et 873 du CPC était fondée sur des motifs légitimes en vue de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Dire n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance du 21 juillet 2022.

Dire n’y avoir lieu à nullité du procès-verbal de constat du 14 septembre 2022.

Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par Monsieur le Président du tribunal de Commerce de Cannes en date du 21 juillet 2022.  

Débouter RC Marine Yachts (anciennement société V Marine France) de toutes ses demandes. 

Condamner la  société  RC MARINE Yachts (anciennement  société  V  Marine France) à régler à la société PBY la somme de 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC, outre les entiers dépens distraits au profit de Maître Gilles Alligier.

MOTIFS

Sur la compétence du tribunal de commerce :

A titre liminaire il convient de relever que l’exception d’incompétence soulevée par la société RC Marine Yachts devant le juge de la rétractation in limine litis dans le cadre de son assignation en rétractation délivrée le 14 octobre 2022 l’a été sur le seul fondement de l’article D.211-6-1 du code de l’organisation judiciaire au profit du tribunal judiciaire de Marseille.

Dès lors, étant rappelé qu’aux termes de l’article 74 du code de procédure civile les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, il y a lieu de juger irrecevable l’exception d’incompétence soulevée postérieurement par la société RC Marine Yachts au profit du tribunal judiciaire de Grasse.

La juridiction compétente à l’effet d’ordonner des mesures d’instruction dites in futurum est en principe celle qui est compétente pour connaître le fond du litige, et il suffit que le litige soit de nature à relever, ne serait-ce qu’en partie, de la compétence de cette juridiction.

Il en résulte que le président du tribunal de commerce de Cannes, juridiction du lieu du siège social de la société DNA Yachting, et seul compétent s’agissant de trois sociétés commerciales, était fondé à retenir sa compétence pour l’ensemble du litige

L’invocation de dispositions tirées du code de la propriété intellectuelle relativement à la protection des fichiers et données saisies, en ce qu’elle est accessoire à l’action en concurrence déloyale et parasitisme, ne saurait justifier la compétence réservée au tribunal judiciaire de Marseille en cette matière.

Dès lors, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance de ce chef, en ce qu’elle a débouté la société RC Marine Yachts de sa demande d’exception d’incompétence au profit du tribunal judiciaire de Grasse alors que cette demande était irrecevable.

Sur la demande tendant à voir écarter les pièces numérotées 43 et 45 produites par la société P. Blattes Yachting :

Ces pièces, qui correspondent d’une part, au procès-verbal de constat établi le 14 septembre 2022 par le commissaire de justice en exécution de l’ordonnance sur requête, et d’autre part, aux conclusions actualisée dans le cadre de l’action au fond en concurrence déloyale ont vocation à être écartées.

En effet, il résulte de l’ordonnance sur requête du 21 juillet 2022 que le juge a expressément prévu que « les copies des données récoltées par l’huissier devront être conservées par lui en qualité de séquestre jusqu’à épuisement des délais de recours à l’encontre de la présente ordonnance », ce qui sous-tend qu’en cas de recours, le séquestre a vocation à être maintenu, sauf à vider de leur substance le recours en rétractation et l’appel subséquents.

La société P. Blattes Yachting est donc mal-fondée, en l’attente qu’il soit statué sur le recours en rétractation et l’appel interjeté, à se prévaloir du procès-verbal établi en exécution de l’ordonnance sur requête, de même que de tous les éléments tirés des mesures d’instruction.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de la société RC Marine Yachts tendant à voir écarter les pièces numéros 43 et 45 produites aux débats par la société P. Blattes Yachting.

Sur le bien-fondé de la mesure d’instruction :

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Conformément aux articles 875 et 496 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête des mesures d’instruction lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.

Les mesures légalement admissibles sont celles qui sont circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Elles doivent en outre présenter un caractère utile et pertinent.

Ainsi, il incombe au juge de vérifier si la mesure était nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

En l’espèce, il est établi que l’action fondée sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile a été introduite le 21 juillet 2022, soit antérieurement à l’action au fond intentée par assignation du 20 septembre 2022, et que cette action est distincte, tant par son objet que par les parties en cause, de celle intentée devant le conseil de prud’hommes de Cannes.

Au demeurant, la société RC Marine Yachts ne justifie pas être partie à la procédure prud’homale opposant M. [J] [X] à son ancien employeur la société P. Blattes Yachting.

Par ailleurs, il ressort des pièces produites que la société P. Blattes Yachting disposait d’ores et déjà d’indices et de présomptions lui permettant de subodorer l’existence de faits de concurrence déloyale et de parasitisme à son préjudice par l’intermédiaire des sociétés DNA Yachting et RC Marine Yacht (anciennement V-Marine) et de M. [J] [X], abstraction faite des pièces et arguments écartés des débats.

Ainsi, si la création d’une société nouvelle par un ancien salarié non tenu par une clause de non-concurrence n’est pas constitutive en soi d’un acte de concurrence déloyale, il apparaît en l’espèce que la société P. Blattes Yachting, requérante à la mesure d’instruction, a communiqué au soutien de sa requête diverses pièces de nature à rendre crédible l’existence de man’uvres et de procédés susceptibles de contrevenir aux règles générales de loyauté dans les activités économiques, notamment au travers des témoignages de Messieurs. [R] [N] et [D] [G], du développement de la société V-Marine (devenue RC Marine) dont M. [J] [X] serait commercial, et de la société DNA Yachting dont il se dit salarié et dont il serait également actionnaire minoritaire, ainsi qu’au travers des procès-verbaux de constat des 21 et 25 février 2022 relatifs à des fichiers clients.

En outre, si ces pièces constituent autant d’éléments rendant plausible la perspective d’un procès au fond, la demande tendant à voir procéder à des mesures d’instruction au siège des sociétés DNA Yachting et RC Marine apparaît légitime au regard de l’impossibilité matérielle d’obtenir ces pièces sans recourir à une mesure coercitive et non contradictoire, et au regard de la nécessité constatée par le premier juge d’opérer une comparaison entre les fichiers clients détenus par la société P. Blattes Yachting et ceux détenus par les sociétés requises.

Dès lors, si le juge de la rétractation n’a pas à apprécier le bien-fondé des comportements dénoncés par la société P. Blattes Yachting, compétence dévolue au seul juge du fond, il a valablement estimé que la requérante disposait d’un motif légitime à l’obtention des mesures sollicitées et que les mesures, consistant à recueillir des fichiers informatiques auprès de sociétés pressenties comme concurrentes, étaient nécessaires à son droit à la preuve et proportionnées aux droits des requises.

Par ailleurs, il ressort de l’ordonnance sur requête que les mesures d’instruction ont été limitées à des mots-clefs précis et que le juge des requêtes a lui-même restreint encore le périmètre d’application des recherches, étant relevé en outre que les société DNA Yachting et RC Marine ayant été créées respectivement les 8 décembre et 9 novembre 2017, la mesure était nécessairement circonscrite dans le temps.

En outre, il ressort de la requête du 7 juillet 2022 déposée par la société P. Blattes Yachting que la nécessité de déroger au principe de la contradiction a été justifiée par les termes mêmes de la requête, rappelant l’importance de la préservation des fichiers informatiques et du risque de suppression encouru de ces fichiers ou de tout historique s’y rapportant à réception d’une assignation aux mêmes fins (pages 17 et 18 de la requête). Le juge des requêtes s’est lui-même référé au risque de suppression de ces données.

Ainsi, s’il convient de rappeler que le juge de la rétractation est tenu de vérifier, au-delà de considérations générales tenant au « bon sens », que le recours à une procédure non contradictoire était justifié par des motifs propres tenant aux circonstances de l’espèce, il apparaît qu’en tout état de cause, ces motifs ressortent expressément, tant de la requête initiale que de l’ordonnance, et ne s’apparentent pas à une formule de style en dépit d’une problématique récurrente de risque de déperdition de preuves s’agissant de données par essence volatiles et facilement destructibles.

De plus, si le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, c’est à la condition que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées, et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’autre partie au regard de l’objectif poursuivi. Il procède des éléments relevés ci-dessus que tel est le cas en l’espèce des mesures ordonnées.

La société RC Marine Yachts ne justifie pas par ailleurs en quoi l’absence du nom de l’informaticien porte atteinte à ses intérêts, l’ordonnance ayant en tout état de cause autorisé l’huissier de justice à se faire assister d’un expert en informatique, et la qualité de l’expert choisi n’ayant pas été contestée.

Enfin, la société RC Marine Yachts est mal fondée à invoquer l’éventuel défaut de notification de l’ordonnance sur requête à l’égard de M. [J] [X] pour solliciter la rétractation de l’ordonnance dès lors que cette omission, à la supposer établie, ne lui cause aucun grief à titre personnel.

En tout état de cause, il a été jugé que l’article 495 alinéa 3 du code de procédure civile, qui impose de laisser copie de la requête et de l’ordonnance à la personne à laquelle elle est opposée, ne s’applique qu’à la personne qui supporte l’exécution de la mesure, qu’elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé.

En conséquence, considérant que la société P. Blattes Yachting disposait d’un motif légitime à obtenir de façon non contradictoire des documents lui permettant de fonder son action future en concurrence déloyale et parasitisme, dans des conditions proportionnées aux droits des parties subissant la mesure, il y a lieu de confirmer l’ordonnance du 8 juin 2023, sauf en ce qu’elle n’a pas fait droit à la demande tendant à écarter les pièces numérotées 43 et 45 communiquées par la société P. Blattes Yachting, et sauf en ce qu’elle a débouté la société RC Marine Yachts de son exception d’incompétence au profit du tribunal judiciaire de Grasse.

Sur les frais et dépens :

La société RC Marine Yachts, partie succombante, conservera la charge des entiers dépens de l’appel, recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

En outre, la société RC Marine Yachts sera tenue de payer à la société P. Blattes Yachting la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance rendue le 8 juin 2023 par le juge du tribunal de commerce de Cannes, sauf en ce qu’elle n’a pas fait droit à la demande tendant à écarter les pièce numérotées 43 et 45 communiquées par la société P. Blattes Yachting, et en ce qu’elle a débouté la société RC Marine Yachts de sa demande d’exception d’incompétence au profit du tribunal judiciaire de Grasse,

Statuant de ce chef,

Écarte des débats les pièces numérotées 43 et 45 produites par la société P. Blattes Yachting et correspondant au procès-verbal de constat établi par commissaire de justice le 14 septembre 2022 en exécution de l’ordonnance sur requête rendue le 21 juillet 2022, et aux conclusions actualisées déposées dans le cadre de la procédure au fond en concurrence déloyale,

Dit irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la société RC Marine Yachts au profit du tribunal judiciaire de Grasse,

Y ajoutant,

Condamne la société RC Marine Yachts aux entiers dépens de la procédure d’appel recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société RC Marine Yachts à payer la somme de 5 000 euros à la société P. Blattes Yachting en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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