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9 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/19582
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 09 JUIN 2023
N° 2023/197
Rôle N° RG 19/19582 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFK32
[U] [Z]
C/
[M] [V]
Association AGS CGEA DE [Localité 4]
Copie exécutoire
délivrée le :
09 JUIN 2023
à :
Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Laurence DUPERIER-BERTHON, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 03 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00151.
APPELANT
Monsieur [U] [Z], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Maître [M] [V] pris en sa qualité de liquidateur du GRAND CONSEIL DE LA MUTUALITE désigné à cette fonction par jugement du 30/10/2018, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Laurence DUPERIER-BERTHON, avocat au barreau de MARSEILLE
Association AGS CGEA DE [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par jugement rendu le 9 novembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard du Grand Conseil de la Mutualité et a désigné Maître [T] [Y] en qualité d’administrateur judicaire avec une mission d’assistance pour tous les actes relatifs à la gestion, et Maître [M] [V] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 7 mai 2013, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a adopté un plan de continuation et a désigné Maître [T] [Y] en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2013, Monsieur [U] [Z] a été embauché par le Grand Conseil de la Mutualité (GCM) en qualité de concierge, coefficient 312, tel que prévu par la Convention Collective FEHAP du 31 octobre 1951 à l’Article A.1.1.2, au sein du Foyer [3] situé à [Localité 6].
Il bénéficiait d’un logement de fonction mis à disposition à titre gratuit et de la prise en charge des dépenses d’électricité, d’eau et de chauffage, et était embauché à temps complet avec un jour de repos par semaine le mercredi, trois rondes par jour à 7h00, 20h00 et 0h00, et un repos un week-end sur deux du samedi 12 heures au dimanche 18 heures.
Sa rémunération était calculée sur la base d’un coefficient de référence de 312 points, auquel s’ajoutait une indemnité de travail de nuit égale à 1.03 point, soit 4,535 euros bruts par nuit travaillée (article A3.2.1.). Il est précisé dans son contrat de travail que, compte-tenu de la spécificité de sa fonction, sa rémunération était sans lien avec un quelconque volume horaire.
Monsieur [Z] a été en arrêt de travail à compter du 26 octobre 2017.
Lors des deux visites de reprise en date des 8 et 23 octobre 2018 le médecin du travail a déclaré le salarié ‘inapte au poste de gardien concierge et aux autres postes de l’entreprise. Après étude de poste et des conditions de travail, il serait apte à un poste dans un autre secteur d’activités professionnelles’.
L’employeur a alors interrogé le médecin du travail par courrier en date du 24 octobre 2018 sur les possibilités de reclassement du salarié. Par courrier en date du 25 octobre 2018, le médecin du travail a confirmé que le reclassement du salarié ne pourrait se faire qu’en externe de l’entreprise.
Par jugement en date du 30 octobre 2018, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire du Grand Conseil de la Mutualité et a désigné Maître [M] [V] en qualité de Liquidateur.
Après consultation du CSE en date du 6 novembre 2018 l’employeur a adressé un courrier à Mr [Z] en date du 8 novembre 2018 pour lui notifier les motifs de l’impossibilité de son reclassement.
Par courrier en date du 13 novembre 2018, le Grand Conseil de la Mutualité a convoqué Monsieur [Z] à un entretien préalable fixé au 23 novembre 2018.
Par courrier en date du 28 novembre 2018, l’employeur a notifié à Monsieur [Z] son licenciement pour ‘inaptitude physique constatée par le médecin du travail et impossibilité de reclassement’.
Le Grand Conseil de la Mutualité a demandé à Monsieur [Z] de libérer son logement de fonction dans un délai d’un mois.
Monsieur [Z] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Marseille le 30 janvier 2018 d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et a formulé diverses demandes au titre du paiement d’heures supplémentaires, repos compensateur et travail dissimulé, outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 3 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Monsieur [Z] de l’ensemble de ses demandes.
Monsieur [U] [Z] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d’appel en date du 23 décembre 2019.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2020, Monsieur [Z] demande à la Cour de:
Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Pud’hommes de Marseille.
Statuant à nouveau :
Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur
Condamner le Grand Conseil de la Mutualité représenté par son mandataire judiciaire Me [V] au paiement des sommes suivantes :
– 81 838,31 euros à titre de rappels de salaire d’heures supplémentaires et travail de nuit
– 8 183,83 euros de congés payés afférents
– 21.962,95 euros de contrepartie de repos compensateur
– 2.196,29 euros de congés payés afférents
– 22.908 euros à titre de travail dissimulé
– 45.548 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 7 636 euros à titre de préavis
– 763 euros de congés payés afférents
-4.772,5 euros d’indemnité de licenciement
Déclarer les créances opposables au CGEA,
Dans le cas où le Grand Conseil de la Mutualité ne ferait plus l’objet d’une procédure collective au moment du jugement à intervenir, le condamner au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
ORDONNER la capitalisation des intérêts et l’exécution provisoire en ce qui concerne les dommages et intérêts.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2020, Maître [M] [V] ès qualités de mandataire liquidateur du Grand Conseil de la Mutualité, demande à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris,
Dire que le contrat de travail de Monsieur [Z] a été respecté,
Dire que le salaire mensuel moyen de Monsieur [Z] est de 1.638,20 euros,
Dire que Monsieur [Z] ne démontre pas avoir effectué des heures supplémentaires,
En conséquence :
Rejeter la demande de résiliation du contrat de travail de Monsieur [Z],
Constater que le contrat de travail a été rompu suite à son licenciement pour inaptitude en date du 28 novembre 2018 et qu’il est rempli de ses droits au titre de son indemnité de licenciement,
Débouter Monsieur [Z] de l’intégralité de ses demandes,
Dire que le jugement d’ouverture de la procédure collective suspend les intérêts légaux et conventionnels conformément aux dispositions de l’article L.622-28 du Code de Commerce,
Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que l’AGS-CGEA de [Localité 4] était mis hors de cause,
Dire la décision à intervenir opposable au CGEA conformément aux dispositions de l’article L 3253-8 alinéas 1 et 2 du Code du Travail,
Condamner Monsieur [Z] au paiement d’une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juillet 2022, l’AGS CGEA de [Localité 4] demande à la Cour:
Sur le fond, donner acte au concluant de ce qu’il s’en rapporte à l’argumentation développée par l’employeur,
Confirmer le Jugement attaqué et débouter Monsieur [Z] de l’ensemble de ses demandes,
En tout état et concernant la garantie de l’AGS CGEA :
Mettre purement et simplement hors de cause l’AGS CGEA en lui déclarant inopposables toutes les créances relatives à la rupture du contrat de travail soit les sommes susceptibles d’être allouées :
– Au titre du préavis et des congés y afférents
– Au titre de l’indemnité de licenciement
– Au titre de l’irrégularité de la procédure
– Au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
– Au titre du travail dissimulé qui est une créance relative à la rupture du contrat de travail (Cass 20 juin 2007 n° 05-43.453)
Déclarer inopposable à l’AGS ‘ CGEA la demande formulée par Monsieur [U] [Z] au titre de l’article 700 du CPC,
Dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.643-7 du Code de Commerce.
En tout état de cause :
Constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [U] [Z] selon les dispositions des articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du Code du Travail.
Dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées à l’article L3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code
du Travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail.
La procédure a été close suivant ordonnance du 9 février 2023.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur les rappels d’heures supplémentaires et de travail de nuit
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, Monsieur [Z] soutient que son temps de travail, nuit et jour, doit être considéré comme du temps de travail effectif dans la mesure où, étant logé au sein de la maison de retraite, ne bénéficiant pas d’une entrée privative et étant amené à intervenir en cas d’urgence directement auprès des résidents, il s’est toujours tenu à la disposition de l’employeur. Il indique qu’il n’a jamais obtenu de fiche de poste malgré ses demandes; que les fonctions réellement exercées étaient beaucoup plus larges que celles d’un simple concierge puisqu’il devait également gérer l’alarme du bâtiment, qu’il intervenait ponctuellement pour suppléer les secrétaires dans leur travail administratif en cas d’absence et tenait une permanence téléphonique et physique afin de répondre aux nombreux besoins des personnes âgées résidentes dans l’établissement, devait intervenir réellement auprès d’eux (manipulation, premier secours), y compris la nuit, ce que démontrent les fiches de mains courantes communiquées de janvier 2015 à février 2018, les attestations ainsi que les mails émanant de l’employeur lui-même. Il rappelle que, lors de ses arrêts de travail, l’employeur a dû embaucher 3 personnes pour le remplacer.
Il produit :
-l’intégralité des cahiers de mains courantes de mai 2014 au 4 février 2018 sur lesquels il est mentionné, à titre d’exemple :
-Dans la nuit du vendredi 3, Monsieur [Z] prend son service à 18h00 pour stopper à 08h00 le lendemain matin. I1 consigne sa première ronde à 20h30 jusqu’à l’arrivée du boulanger à 07h50. Le samedi, il travaille de 08h00 à 18h00 comme suit : 08h15 arrivée de l’infirmière de Madame [H], s’ensuivent les ouvertures des portes 09h29, 09h50, 09h55, 10h05, l0h30, 10h50, 10h55, l1hl5, 11h30, 11h40, 11h42,11h43, 1lh50 et ainsi de suite jusqu’à 20h15, puis une nouvelle nuit va s’enchaîner à partir de 20h45 jusqu’au lendemain matin ;
-Week-end du 4 septembre 2016 au dimanche 6 septembre 2016 : s’agissant d’un résident, Monsieur [I] :
’23h45 appel de Madame [N] qui entend des bruits bizarres chez Monsieur [I], son voisin du dessus. Je me rends chez Monsieur [I], je le retrouve nu dans sa salle de bains, par terre essayant de s’accrocher au lavabo pour se relever, le sol est inondé, le pied du lavabo fendu en plusieurs morceaux tranchants éparpillés dans la salle de bains.
Impossible de lui faire dire s’il s’est fait mal en chutant, je le relève et l’assieds sur une chaise’ ;
-la nuit du 26 décembre 2015 à 04h30, appel de Monsieur [K] en folie criant au secours, à l’aide: ‘Une fois chez lui, il s’est plaint de douleurs au ventre comme la dernière fois. J’ai appelé le SAMU qui a envoyé une ambulance. Entre-temps, Monsieur [K] qui avait très mal et était plié en deux s’est levé pour aller aux toilettes et s’est même rendormi. A l’arrivée de l’ambulance 06h00, j’ai du changer Monsieur [K], car il s ‘était fait pipi dessus.
Le dimanche à 11h00, retour de Monsieur [K] (…) A 20h00, Madame [K] est monté me chercher, son mari est tombé. En fait, il a essayé de s’ouvrir les veines au poignet droit avec un couteau, elle l’en a empêché et il a chuté en voulant récupérer le couteau, je l’ai relevé. ll m’a clairement dit qu’il avait essayé de s’ouvrir les veines, tout en insultant sa femme. J’ai contacté le SAMU en signalant une TS’ ;
-tous les plannings et états de présence des salariés du 1er janvier 2015 au mois de mai 2018, montrant qu’à compter du mois de décembre 2017, trois personnes supplémentaires ont été recrutées, Messieurs [O], [F] et [B] ;
-une attestation de Monsieur [E] [O] qui indique : ‘Je suis gardien remplaçant depuis plusieurs années au Foyer [3]. Je suis amené selon les jours à remplacer Monsieur [Z] selon les horaires de type suivant :
– dimanche de 18h00 à 08h00 le lendemain,
– lundi de 18h00 à 08h00 le lendemain,
– mardi de 18h00 à 08h00 le lendemain,
– jeudi de 18h00 à 08h00 le lendemain,
– vendredi de 18h00 à 08h00 le lendemain,
et une semaine sur deux, Monsieur [Z] assure une garde du vendredi 18h00 au lundi 08h00.
Tout comme Monsieur [Z], je suis chargé entre autres tâches de répondre au téléphone, de m’occuper des entrées et sorties du bâtiment, d’être à l’écoute et de répondre aux attentes et besoins des résidents selon leurs états de santé. Actuellement, nous sommes au nombre de quatre pour effectuer les heures de Monsieur [Z]’ ;
-une attestation de Monsieur [B] [E] qui rapporte : ‘[U] [Z] occupe un poste de gardien au sein de la résidence pour personnes âgées [3].
Le poste consiste entre autres à gérer les accès au bâtiment, répondre aux appels d’urgence et le cas échéant être le premier intervenant sur la chaîne de secours’ ;
-une photographie du bureau administratif de la résidence montrant l’entrée du logement du gardien, situé derrière le bureau des secrétaires ;
-un mail en mars 2013 (avant l’embauche de Monsieur [Z] concernant son prédécesseur), par lequel la Directrice de territoire du Grand Conseil de la Mutualité s’interroge sur l’existence d’un contentieux avec un gardien qui réclamait un arriéré de salaire : ‘Faire 14 heures dans la journée et n’avoir que dix heures de repos (voire rien du tout) samedi et dimanche 48 heures (1/2) ne me parait pas respecter les règles du droit du travail’, en réponse la DRH lui indique : ‘Nous ne pourrons pas récupérer le logement du gardien pour une location extérieure, car l’accès de l’appartement se fait par l’entrée de l’accueil derrière le bureau des secrétaires,Donc autant l’amortir par l’occupation du gardien. Payer en astreinte nous fait faire une économie salariale et nous couvre le besoin des résidents en présence du foyer. A savoir que les gardiens sont souvent sollicités le soir au téléphone par les résidents (cela les rassure).A savoir que nous avons une contrainte très importante de l’alarme incendie qui demande au plus une intervention de cinq minutes. C’est-a-dire que l’intervention sur la zone doit être immédiate, car l’alarme générale se déclenche dans tout le foyer pour évacuation. Je ne sais pas combien coûterait une société de gardiennage à distance, mais je pense que cela nous coûterait moins cher. La présence humaine dans un foyer de personnes âgée est très importante surtout la nuit, cela les rassure’ ;
-un mail du 20 février 2014, par lequel le salarié s’interroge sur le contrat de travail qu’il a signé :
‘J’ai plusieurs interrogations ainsi que sur la lecture de mes fiches de paie depuis son application en novembre 2013.(…) je ne comprends pas pourquoi les dispositions de l’article A3.3 de la convention collective relative 51 l ‘indemnité pour travail effectue le dimanche et les jours féries ne me sont pas applicables. J’aurai déjà eu cette interrogation dans une conversation téléphonique avec vous’ ;
-le mail de l’employeur en réponse le 3 mars 2014 qui rappelle : ‘Vous bénéficiez d’une mise à disposition à titre gratuit d’un logement de fonction et d’une prise en charge des dépenses d’électricité, d’eau et de chauffage.Cela constitue des avantages en nature. Le montant des avantages est déterminé sous la forme d’un barème en fonction de votre rémunération. Votre activité compte tenu de la spécificité du métier comporte de très longues périodes d’inaction.
Or, l’article A3.5 précise que cette indemnité pour le travail le dimanche et les jours fériés est versée au salarié qui effectue en totalité un travail effectif ces jours-là, ce qui n’est pas votre cas ‘ ;
-un mail en date du 3 juillet 2014 adressé par l’adjointe de la DRH, Mme [C], à la directrice des exploitations, Mme [A], portant sur la comparaison de trois agents intervenant au Foyer [3] : s’agissant de Monsieur [Z] :
‘Il revendique les indemnités pour travail les jours fériés et les dimanches’.
La FEHAP nous a indiqué que selon l’article A3.3 de la convention FEHAP, cette indemnité est versée au salarié qui effectue en totalité un travail effectif ces jours-là ce qui n’est pas le cas d’un concierge. Toutefois, dans l’organisation mise en place, Monsieur [Z] est présent les dimanches et les jours fériés au bureau des entrées puisque les techniciens sont en repos.La FEHAP déduit de cette seule présence dans le bureau des entrées qu’il bénéficie des indemnités pour travail le dimanche et les jours fériés.
Pour éviter le paiement de cette prime, il faut revoir l’organisation et éviter la présence du gardien dans le bureau administratif. Dans le cas où cette prime lui est versée, l’entreprise va reconnaître qu’il effectue un travail effectif ces jours-là, et comme sa rémunération est déconnectée d’un volume d’heures, il risque de revendiquer le paiement en sus des heures effectuées ces jours, voire des heures supplémentaires’ ;
-Suite à un nouveau mail de Monsieur [Z] du 27 mars 2915 s’interrogeant sur ses heures supplémentaires, la DRH madame [W] indiquera à sa direction dans un mail du 23 juin 2015 : ‘Monsieur [Z] a un contrat de concierge. Ce métier étant déconnecté de toute référence horaire, il n’y a pas lieu d’établir un planning. La rémunération est sans lien avec un quelconque volume horaire compte tenu de la spécificité de ce métier. En contrepartie, Monsieur [Z] bénéficie des avantages en nature. Pour Monsieur [Z]sur les états de présence : Ne plus mentionner que ses absences, Ne plus faire figurer l’horaire’ ;
-un mail du 18 juillet 2015 émanant de Mme [D] : ‘Monsieur [Z] tant que nous n’avons pas réglé son problème on considère qu’il est hors volume horaire ne créant pas de précédent. Dès que tout est clair on verra ce qu’on prend en charge’ ;
-en juillet 2015, il est demande à la DRH d’étab1ir pour Monsieur [Z] une fiche de poste, de définir et de quantifier ses taches ;
-un mail du 14 janvier 2016 par lequel Mme [S], responsable du Foyer [3], indique à sa hiérarchie : ‘j’ai eu une discussion cordiale avec [U] pour son contrat. Il m’a dit qu’à ce jour, il n’y avait aucun changement de fait dans son contrat et que l’on ne reconnaissait pas sa réelle fonction au sein du foyer. ll va vous envoyer un mail en ce sens que si rien n’est fait par écrit assez rapidement pour finaliser son contrat, il se tiendrait à son contrat de concierge à partir d’une date butoir qui je pense vous notera sur son mail. Donc plus de réponse téléphonique aux résidents (chutes,), Appel pompier si besoin.
Nous sommes les premiers intervenants de toutes les téléassistances des résidences, la ronde de nuit et la sécurité alarme incendie. Il serait souhaitable que vous le rencontriez au plus tôt’ ;
-un mail de Monsieur [Z] du 3 février 2016 qui indique que la prime mensuelle de 150 euros bruts avec effet rétroactif à juillet 2015 proposée par l’employeur ne correspond en aucun cas à la réalité et sollicite un minimum de 350 euros nets mensuels, et ce depuis son embauche au mois de novembre 2013 ;
-un mail en date du mois de juillet 2016 par lequel Monsieur [Z] informe son employeur qu’il se tiendra à son poste de concierge ;
-un courrier du 12 juillet 2016 émanant de l’employeur lui indiquant : ‘Votre responsable vous alerte concernant votre attitude au sein du foyer au sein duquel vous exercez la profession de concierge. En effet, vous refusez de répondre au téléphone lors des appels des résidents qui sont des personnes âgées. (…) Nous vous précisons qu’une absence de réponse de votre part aux appels téléphoniques peut être considérée comme de la non assistance à personnes en danger’ ;
– un tableau récapitulatif de l’ensemble de ses heures effectuées pour les année 2015, 2016 et 2017.
Monsieur [Z] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre.
Maître [V], ès qualités de mandataire liquidateur du Grand Conseil de la Mutualité, fait valoir que les plannings produits par Monsieur [Z] mentionnent bien les jours de travail prévus à son contrat de travail, avec un jour de repos par semaine et un week-end sur deux ; que son contrat de travail est en adéquation avec les dispositions de la la convention collective FEHAP concernant les concierges avec loge qui prévoient qu’en raison de son statut particulier et des avantages en nature qu’il comporte (logement, prise en charge de l’eau, électricité, chauffage), sa rémunération est décorellée d’un ‘volume horaire’.
Il soutient que les fonctions de Monsieur [Z] étaient les suivantes : menus travaux de nettoyage (balayage de la loge, entrée, porte et sortie des poubelles), ainsi que des tâches de surveillance (entrée, sortie, visites et rondes, mise en marche et surveillance du chauffage, réception du courrier) répondre aux appels téléphoniques des résidents au cours de la nuit, et prévenir les secours et leur permettre l’accès aux locaux en cas de nécessité. Elle affirme que le reste du temps, soit de 8h00 à 18h00, Monsieur [Z] disposait d’un logement de fonction à titre gratuit, avec une entrée privative, et pouvait vaquer à ses occupations personnelles. Il ajoute que les personnes embauchées pour le remplacer étaient en intérim et qu’elles ne disposaient pas d’avantages en nature, de sorte que leurs situations ne peuvent être comparées. Enfin, il sollicite le rejet des pièces n°12-15 à 20-24-25 communiquées par Monsieur [Z] au motif qu’il s’agit de mails émanant de membres de la direction, qu’il s’est procurés de manière frauduleuse puisqu’il n’avait pas accès à l’ordinateur de l’entreprise, comme l’attestent Mesdames [A] (directrice du Centre de Santé) et [S] (Responsable administrative du foyer), ainsi que Monsieur [R] (directeur des services d’information). Il ajoute que Monsieur [Z] effectue ses calculs au titre des heures supplémentaires sur la base d’une durée de travail de 140 heures par mois alors que la convention FEHAP reprend bien la durée du travail de 151,67 heures par mois.
L’employeur produit :
-le contrat de travail de Monsieur [Z] sur lequel est mentionné :
– qu’il bénéficie d’un logement de fonction mis à disposition à titre gratuit et la prise en charge des dépenses d’électricité, d’eau et de chauffage, et qu’il est embauché à temps complet avec un jour de repos par semaine le mercredi, trois rondes par jour à 7h00, 20h00 et 0h00, et un repos un week-end sur deux du samedi 12 heures au dimanche 18 heures,
-que sa rémunération était fixée conformément à la CCN FEHAP du 31 octobre 1951 et aux dispositions de la recommandation patronale du 4 septembre 2012, sur la base d’un coefficient de référence de 312 points, auquel s’ajoute une indemnité de travail de nuit égale à 1.03 point, soit 4,535 euros bruts par nuit travaillée (article A3.2.1. de la CCN FEHAP),
-que compte-tenu de la spécificité de sa fonction, sa rémunération est sans lien avec un quelconque volume horaire,
-qu’il bénéficie en plus du congé annuel légal, d’un congé annuel compensateur de 15 jours ouvrables, de 8 jours ouvrables de repos supplémentaires au titre de RTT par an, et que les dispositions de l’article A3.5 de la CCN FEHAP relatives à l’indemnité pour travail effectué le dimanche et les jours fériés ne lui sont pas applicables ;
-un courrier de l’inspection du travail du 6 mars 2017 évoquant un désaccord du salarié sur la nature de ses tâches et l’organisation de son temps de travail, sollicitant des informations concernant l’emploi de Monsieur [Z] (durée de travail, astreinte, repos) ;
-un courrier en réponse de sa part adressé à l’inspection du travail le 27 mars 2017 précisant que les fonctions de Monsieur [Z] consistent en de menus travaux de nettoyage (balayage de la loge, entrée, porte et sortie des poubelles), ainsi que des tâches de surveillance (entrée, sortie, visites et rondes, mise en marche et surveillance du chauffage, réception du courrier), répondre aux appels téléphoniques des résidents au cours de la nuit, et en cas de nécessité – s’agissant d’une résidence pour personnes âgées – de prévenir les secours et leur permettre l’accès aux locaux, et indiquant qu’il est libre la journée de 8h à 18h ;
-une attestation de Madame [A], directrice centre de santé, qui déclare : ‘Monsieur [Z] ne pouvait en aucun être destinataire des documents produits.Le périmètre de sa fonction ne prévoit aucunement l’utilisation et l’usage des outils informatiques du foyer.
Monsieur [Z] ne dispose pas de boite de messagerie professionnelle. Les échanges de mails entre la responsable du foyer et la direction ne peuvent avoir été récupérés que frauduleusement. Monsieur [Z] avait tout l’aptitude d’en extraire les éléments souhaités, des suspicions de vol et intrusion nous ont d’ailleurs conduit à faire changer la serrure en fin d’année’ ;
-une attestation de Madame [X] [S], Responsable administrative du foyer, qui indique : ‘Je, soussignée, Monsieur [Z] a soustrait frauduleusement mes échanges de mails avec ma direction, son poste de concierge ne comporte en aucun cas un accès informatique professionnel dans l’exercice de ses fonctions à savoir que mon PC servant de sauvegarde des données doit rester constamment allumé. Il va de soi que ma boite mail est protégée par un mot de passe, cependant pour avoir frauduleusement accès à ces échanges il a du le craquer certainement le soir, la serrure du bureau a été forcée’ ;
-une attestation de Monsieur [R], directeur des systèmes d’information, qui indique que le système de messagerie est un Microsoft sécurisé. ‘De ce fait, il est obligatoire d’avoir un compte utilisateur pour avoir accès aux mails ou accéder à un PC. Monsieur [Z] n’ayant jamais eu de compte utilisateur, il est absolument impossible qu’il ait pu accéder à un quelconque PC ou e-mail autrement qu’en piratant un compte utilisateur valide en l’occurrence, celui de Madame [S]. De ce fait, tous les documents produits n’ont pu qu’être frauduleusement soustraits à l’entreprise’.
***
S’agissant de la validité des moyens de preuve avancés par le salarié, l’employeur soutient que les mails échangés entre les membres de la direction ont été frauduleusement obtenus par le salarié en piratant l’ordinateur du secrétariat et en sollicite le rejet des débats, tandis que Monsieur [Z], qui affirme avoir été amené à intervenir sur les postes de travail pour aider les secrétaires à faire des démarches pour répondre aux résidents, explique en avoir eu connaissance dans le cadre de l’exécution de son travail.
Force est de constater que les attestations de Mesdames [A] et [S] communiquées émanent de membres de la direction, ce qui affaiblit leur force probante. En outre, si Monsieur [R] indique que Monsieur [Z], n’ayant pas de compte utilisateur, ne pouvait accéder à ces mails, l’appelant justifie de ce que l’ensemble des mots de passe des utilisateurs étaient affichés dans le bureau du secrétariat, accessibles à tous, et il affirme, sans être démenti, qu’il accédait ponctuellement aux postes informatiques à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail pour aider les secrétaires, de sorte qu’il ne les a pas frauduleusement obtenus et peut valablement en faire état dans le cadre de la défense de ses intérêts. Les pièces n°12 à 15 et 20-24 et 25 ne sont donc pas écartées des débats.
La cour constate que, alors que l’employeur a déclaré à l’inspection du travail que Monsieur [Z] était libre de 8h00 à 18h00, les échanges de mails entre membres de la direction, corroborés par les mains courantes produites par le salarié, montrent qu’il procède pourtant certains jours à l’ouverture et fermeture des portes de l’établissement lors de chaque arrivée du personnel et des familles de résidents, notamment les samedi, dimanche et jours fériés.
De même, alors que l’employeur affirme que le travail de Monsieur [Z] consiste simplement à répondre aux appels téléphoniques des résidents au cours de la nuit, et en cas de nécessité – s’agissant d’une résidence pour personnes âgées – de prévenir les secours et leur permettre l’accès aux locaux, il résulte des nombreuses mentions portées sur les mains courantes versées aux débats que le salarié, pourtant simple concierge, était amené à intervenir physiquement pour porter les premiers secours aux personnes âgées.
De plus, contrairement aux affirmations du Grand Conseil de la Mutualité, la cour relève que l’accès de l’appartement de fonction du concierge se faisait par l’entrée de l’accueil derrière le bureau des secrétaires, de sorte que le logement de fonction de Monsieur [Z] ne disposait pas d’une entrée privative.
Il résulte des mails échangés entre les différents membres de la direction que l’employeur avait connaissance des heures supplémentaires effectuées par l’appelant et a vivement réagi en lui adressant un courrier de rappel à l’ordre lorsque le salarié n’a plus voulu prendre les appels d’urgence et intervenir sur place, en lui signifiant qu’il s’agissait d’une ‘non assistance à personne en danger’ et en alertant ses responsables directs sur le fait que l’établissement était le premier intervenant de toutes les téléassistances des résidences, la ronde de nuit et la sécurité alarme incendie’.
S’agissant des salariés recrutés en intérim pour remplacer Monsieur [Z], s’ils ne bénéficient pas du même statut car non logés sur place, ils confirment bien que la fonction consistait à répondre aux attentes des résidents selon leur état de santé et à intervenir pour dispenser les premiers secours si besoin.
Il s’ensuit que, alors que Monsieur [U] [Z] établit qu’il se maintenait à disposition de l’employeur durant ses horaires contractuels de 18h00 à 8h00 et qu’il ne s’agissait pas d’un ‘temps d’astreinte’ comme le soutient le Grand Conseil de la Mutualité, mais bien un temps de travail effectif, l’employeur ne produit pas d’éléments de nature à le contredire.
De même, les samedis, dimanches et jours fériés, Monsieur [Z] était amené à se tenir à disposition de l’employeur, ne serait-ce que par la nécessité d’ouverture des portes de l’établissement, tel que cela résulte des mains courantes produites et ce, tous les week-end.
Dès lors, la cour à la conviction que l’appelant a effectué des heures supplémentaires non rémunérées.
Monsieur [Z] verse aux débats des tableaux répertoriant le nombre d’heures travaillées de janvier 2015 à octobre 2017. La cour observe qu’il prétend, sans explication particulière, avoir régulièrement effectué 24heures de travail sur 24heures durant deux jours consécutifs, soit 48 heures sur la totalité des deux jours, sans retrancher de temps de pause et de repos, ce qui ne peut être valablement retenu.
Au vu des taux horaires sur un temps complet de 151,67 heures par mois, des taux horaires majorés au titre des heures supplémentaires, de la valeur du point de l’indemnité relatif au travail de nuit ainsi qu’au travail les dimanches et jours fériés, selon la convention collective applicable, la Cour estime que Monsieur [Z] est en droit d’obtenir une somme de 40.919 euros, à titre de rappel d’heures supplémentaires et de majorations sur heures de nuit, outre une somme de 4091,90 euros au titre des congés payés y afférents.
Dans la mesure où le Grand Conseil de la Mutualité a été placé en liquidation judiciaire le 30 octobre 2018, ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société.
Sur la demande au titre de la contrepartie en repos compensateur
Invoquant les dispositions des articles L3121-30 et L3121-38 du code du travail, qui fixent le contingent annuel d’heures supplémentaires à 200 heures et instituent une contrepartie obligatoire en repos fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus, Monsieur [Z] demande la somme de 21.962, 95 bruts, outre 2196,29 euros de congés payés afférents, expliquant n’avoir jamais été informé ni avoir pu bénéficier de ses repos compensateurs pour les heures de travail supplémentaires effectuées et avoir subi un préjudice que l’employeur doit réparer.
Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent ouvrent droit à un repos compensateur indemnisé et, si le contrat prend fin avant que le salarié ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos ou s’il n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, le salarié a droit à l’indemnisation du préjudice subi et reçoit une indemnité dont le montant correspond à ses droits acquis.
En l’espèce, alors que l’employeur ne conteste pas que Monsieur [Z] n’a bénéficié d’aucune contrepartie en repos compensateur, suite aux heures supplémentaires effectuées, le salarié est en droit de formuler une demande à hauteur de 9.654,90 euros, outre la somme de 965,49 euros au titre des congés payés afférents. Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire du Grand Conseil de la Mutualité.
Sur la demande d’indemnité au titre d’un travail dissimulé
Monsieur [Z] fait valoir que ses bulletins de paie ne mentionnent pas les heures supplémentaires qu’il a accomplies alors que l’employeur ne pouvait ignorer l’amplitude journalière de travail de son salarié compte tenu de ses heures de présence au sein du Foyer [3] et des instructions qui lui étaient données, notamment quant aux interventions d’urgence auprès des personnes âgées résidentes et que le caractère intentionnel de la dissimulation ne fait aucun doute, au vu des échanges de mails produits.
Le Grand Conseil de Mutualité soutient qu’il appartient à Monsieur [Z] de démontrer l’intention frauduleuse de l’employeur, ce qu’il ne fait pas.
Le volume des heures concernées, les échanges de mails entre la directrice des ressources humaines et la direction du Grand Conseil de la Mutualité craignant que le salarié ne revendique des heures supplémentaires comme le précédent concierge, ne voulant plus mentionner les horaires sur les plannings mais uniquement les ‘temps d’absence’ et voulant également se dispenser du paiement de la prime de dimanche et jours fériés en évitant la présence du gardien dans le bureau administratif, ou encore la dissimulation auprès des services de l’inspection du travail, de l’exigence rappelée au salarié d’assister les personnes âgées en danger lors de ses heures de travail, et non d’appeler simplement les secours, caractérisent assurément l’intention frauduleuse de l’employeur.
Cet agissement est constitutif d’un travail dissimulé justifiant l’allocation de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L 8223-1 du code du travail.
Contrairement au salaire moyen retenu par l’employeur d’un montant de 1.638,20 euros et à celui retenu par le salarié d’un montant de 3.818 euros, il convient de fixer la moyenne du salaire brut mensuel de référence, tenant compte des heures supplémentaires inclues, à la somme de 2.878,16 euros (soit 1.638,20 + 1.239,96 euros).
Il sera en conséquence octroyé à Monsieur [Z] une somme de 17.268,96 euros correspondant à six mois de salaire sur la base d’un montant mensuel prenant en compte les heures supplémentaires réalisées non payées. Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire du Grand Conseil de la Mutualité.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Sur la résiliation
Il est de principe qu’en cas d’action en résiliation judiciaire suivie, avant qu’il ait été définitivement statué, d’un licenciement, il appartient au juge d’abord de rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée et seulement ensuite le cas échéant de se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
Par application des articles 1224 et 1227 du code civil, le salarié est admis à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d’inexécution par l’employeur des obligations découlant du contrat.
Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être établis par le salarié et d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, en l’état d’un travail dissimulé impliquant l’existence de nombreuses heures supplémentaires, de majorations de nuit, dimanche et jours fériés impayées, ainsi que de l’absence de repos compensateur correspondant, la cour constate que le Grand Conseil de la Mutualité a manqué à ses obligations contractuelles.
Compte tenu de sa nature et de sa persistante jusqu’à la constatation de l’inaptitude du salarié , le manquement de l’employeur présente assurément une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Ainsi, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au torts exclusifs de l’employeur à la date du licenciement intervenu, soit le 28 novembre 2018.
Le licenciement intervenu dans ce contexte est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes indemnitaires
Au vu du salaire moyen de référence prenant en compte les heures supplémentaires accomplies, il y a lieu d’accorder à Monsieur [U] [Z] une indemnité compensatrice conventionnelle de préavis égale à deux mois de salaire, en application de la convention collective applicable et de lui octroyer en conséquence la somme brute de 5.756,32 euros, outre la somme brute de 575,63 euros au titre des congés payés sur préavis.
Il convient en outre de lui octroyer une somme de 3.597,70 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, calculé comme suit : 1/4 de mois par année d’ancienneté soit 719,54 x 5, dont il faut déduire la somme de 2.303,71 euros d’ores et déjà versée à titre d’indemnité de licenciement par l’employeur, soit une somme de 1.293,99 euros.
En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (40 ans), de son ancienneté (5 ans), de sa qualification, de sa rémunération comprenant les heures supplémentaires (2.878,16 euros), des circonstances de la rupture, il convient d’accorder à Monsieur [Z] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 9.000 euros.
Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire du Grand Conseil de la Mutualité.
Sur la garantie de L’AGS
L’AGS soutient que, si la rupture du contrat de travail de Monsieur [Z] est intervenue dans une des périodes prévues à l’article 3253-8 du code du travail, sa garantie ne peut pas jouer pour les indemnités et dommages et intérêts dus au titre de la rupture, car il ne s’agit pas d’une rupture à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur, mais bien une résiliation judiciaire à l’initiative du salarié (cass soc 20 décembre 2017).
Le salarié qui demande à ce que l’ensemble de ses créances soient déclarées opposables à L’AGS CGEA, ne développe pas d’argumentation en réplique sur ce point.
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Les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l’article L3253-8 2° du code du travail s’entendent d’une rupture à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur.
En cas de résiliation judiciaire, laquelle ne peut être prononcée qu’à l’initiative du salarié, l’AGS ne doit pas sa garantie sur les créances résultant de la rupture du contrat de travail.
En conséquence, il convient de constater que l’AGS ne doit pas sa garantie pour les sommes dues au titre de l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’au titre de l’indemnité pour travail dissimulé prévue à l’article L8223-1 du code du travail.
Il convient de rappeler, s’agissant des autres créances, que l’obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l’AGS, de procéder à l’avance des créances visées à l’article L 3253-8 et suivants du Code du Travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l’AGS et au CGEA de [Localité 4].
Sur les intérêts:
Il convient de rappeler que le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L643-7 du code de commerce.
Sur l’ article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens infirmées et il est équitable de fixer au passif de la liquidation judiciaire du Grand Conseil de la Mutualité la somme de 2.000 euros pour les frais non compris dans les dépens que Monsieur [Z] a engagés en première instance et en cause d’ appel.
Les dépens d’appel seront mis à la charge de la liquidation judiciaire du Grand Conseil de la Mutualité.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [U] [Z] aux torts de l’employeur à la date du 28 novembre 2018,
Dit que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire du Grand Conseil de la Mutualité, représentée par Maître [V], mandataire judiciaire, les sommes suivantes dues à Monsieur [U] [Z] :
-40.919 euros à titre de rappel de salaire d’heures supplémentaires et travail de nuit
– 4.091,91 euros à titre de congés payés y afférents
– 9.654,90 euros à titre de contrepartie de repos compensateurs
– 965,49 euros à titre de congés payés y afférents
-17.268,96 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé
– 5.756,32 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 575,63 euros de congés payés y afférents,
-1.293,99 euros au titre de complément d’indemnité de licenciement,
-9.000 euros euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS et au CGEA de [Localité 4],
Y ajoutant :
Constate que l’AGS ne doit pas sa garantie pour les sommes dues au titre de l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’au titre de l’indemnité pour travail dissimulé prévue à l’article L8223-1 du code du travail,
Rappelle, s’agissant des autres créances, que l’obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l’AGS, de procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du code du travail,
Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L643-7 du code de commerce,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire du Grand Conseil de la Mutualité, représentée par Maître [V], mandataire judiciaire, la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d’appel seront mis à la charge de la liquidation judiciaire du Grand Conseil de la Mutualité.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction