Sauvegarde informatique : 3 mai 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/02239
Sauvegarde informatique : 3 mai 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/02239
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3 mai 2022
Cour d’appel de Reims
RG n°
21/02239

ARRET N°

du 03 mai 2022

R.G : N° RG 21/02239 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDAP

S.A.R.L. LES CLEFS DE L’IMMOBILIER

c/

S.A.S. NATIVE IMMOBILIER

CL

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL HBS

la SELARL SG AVOCATS CONSEIL

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 03 MAI 2022

APPELANTE :

d’une ordonnance de référé rendue le 1 décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de REIMS

S.A.R.L. LES CLEFS DE L’IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas HÜBSCH de la SELARL HBS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A.S. NATIVE IMMOBILIER exerce son activité sous le nom commercial ‘CITYA CHAMPAGNE – CITYA NATIVE’.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sami GATTOUFI de la SELARL SG AVOCATS CONSEIL, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître GEORGET avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth JUNGBLUTH, président de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseiller

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

GREFFIER :

M. Abdel-Ali AIT AKKA, Greffier Placé lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l’audience publique du 5 avril 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 3 mai 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022 et signé par Madame Elisabeth JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 16 mars 2021, la société par actions simplifiée Native immobilier (la société Native) a saisi le président du tribunal de commerce de Reims d’une requête aux fins de voir réaliser, par huissier de justice et experts informatiques, des investigations dans l’ordinateur portable professionnel de Monsieur [G] [S], et/ou sur l’ordinateur de la société à responsabilité limitée Les Clefs de l’Immobilier (la société Les Clefs).

Par ordonnance en date du 16 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Reims a fait droit à cette requête, et a désigné Madame [Z] [U], huissier de justice, avec mission de se rendre et à entrer, assistée en tant que de besoin d’un représentant des forces de l’ordre, ou à défaut, se faire assister de deux témoins majeurs, d’un serrurier d’un informaticien et/ ou expert en informatique, choisis par l’huissier désigné, au siège social de la société Les Clefs, à l’effet de:

– prendre connaissance du fichier clients de la société Native listant les copropriétés qui avaient pour gestionnaire Monsieur [S];

– accéder à tous documents et informations détenus par Monsieur [S] et/ou la société Les Clefs sur papier ou tout support de quelque nature que ce soit, et notamment, électronique ou informatique, tel qu’ordinateur, tablettes, téléphones ou tout support de sauvegarde informatique de quelque nature que ce soit dont disque dur interne ou externe, disque gravé, clé USB, carte mémoire, sauvegarde « cloud » afin de vérifier s’il contenait des informations pouvant être issues ou en lien avec le fichier clients de la société Native;

– procéder à l’extraction et à la sauvegarde des données relatives au fichier clients de la société Native présents dans lesdits supports détenus par Monsieur [S] et/ou la société Les Clefs;

– dresser procès-verbal attestant du déroulement de toutes les opérations effectuées et des constatations dont ils étaient chargés, accompagné d’une copie de toutes les pièces recueillies;

– remettre au représentant de la société Les Clefs un exemplaire du procès-verbal, accompagné des dites pièces;

– conserver les mêmes pièces au rang des minutes de son étude.

Le 11 mai 2021, l’huissier désigné a signifié cette ordonnance à la société Les Clefs.

Le 17 juin 2021, la société Les Clefs a sollicité la rétraction de cette ordonnance sur requête.

En dernier lieu, la société Native a demandé de débouter de sa demande la société Les Clefs, et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance qualifiée de réputée contradictoire en date du 1er décembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Reims a:

– reçu la société Les Clefs en sa demande, l’a déclarée mal fondée;

– débouté la société Les Clefs de sa demande de rétractation de l’ordonnance rendue le 16 mars 2021;

– condamné la société Les Clefs à régler à la société Native la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles;

– rejeté tout autre demande des parties.

Le 16 décembre 2021, la société Les Clefs a relevé appel de cette ordonnance.

Le 15 mars 2022, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

PRETENTIONS ET MOYENS:

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties:

– le 9 mars 2022 par la société Les Clefs, appelante;

– le 14 mars 2022 par la société Native, intimée.

Par voie d’infirmation, la société Les Clefs réitère sa demande initiale, en y ajoutant une demande tendant à l’annulation de toutes actes subséquents venus en exécution de cette ordonnance, et de débouter la société Native de l’ensemble de ses prétentions.

La société Les Clefs demande la condamnation de la société Native aux entiers dépens des deux instances avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer les sommes de 3500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 3500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

La société Native demande la confirmation de l’ordonnance déférée, et la condamnation de la société Les Clefs à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

MOTIVATION:

Selon l’article 145 du code de procédure civile,

S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Selon l’article 493 du même code,

L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Selon l’article 494 même code,

La requête est présente en double exemplaire. Elle doit être motivée. Elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.

Si elle est présentée à l’occasion d’une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

En cas d’urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.

Selon l’article 495 du même code,

L’ordonnance sur requête est motivée.

Elle est exécutoire au seul vu de la minute.

Copie de la requête de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.

Il appartient au juge saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête de rechercher si la requête et l’ordonnance rendue sur son fondement exposent et caractérisent les circonstances exigeant que la mesure réclamée ne soit pas prise contradictoirement.

Ces circonstances doivent ressortir de la requête et de l’ordonnance rendue sur sa base, et non pas des pièces jointes à la requête, ou bien encore de l’analyse des circonstances de la cause par le juge lui-même.

Dans sa requête, la société Native a exposé avoir embauché Monsieur [G] [S] à compter du 1er janvier 2017 en qualité de gestionnaire location, lui avoir confié la gestion d’un portefeuille de biens qu’il devait mettre en location pour le compte de propriétaires clients de l’agence.

Elle y a explique que l’intéressé avait donné sa démission le 26 juin 2020, ce dont elle avait accusé réception, en lui précisant que la rupture aurait lieu après exécution d’un préavis de 2 mois venant à échéance au 26 août 2020.

Elle y a aussi indiqué avoir reçu, dans les jours et semaines suivants, les courriers de 32 de ses clients, dont elle gérait les biens immobiliers, et qui, entre le 26 août 2020 et le 6 janvier 2021, l’avaient informé de la résiliation de son mandat de gestion, rédigés pour la plupart dans les mêmes termes, et dont elle a donné la liste.

Elle y a observé que tous les biens objet des contrats ainsi résiliés étaient suivis en gérance par Monsieur [S], sa perte de clientèle représentant, au jour du dépôt de la requête, 46 029,99 euros.

Elle y a rapporté avoir découvert que les clients qui avaient résilié les contrats avaient décidé de confier la gestion de leur bien à la société Les Clefs, et avoir découvert que celle-ci avait embauché Monsieur [S].

Elle y a avancé que cet exposé laissait à penser que Monsieur [S] avait, lors de son départ, emporté son propre fichier clients pour en faire profiter la société Les Clefs.

Elle y a précisé que par courriers en date des 7 décembre 2020 et du 17 février 2020, adressés respectivement à Monsieur [S] et à la société Les Clefs, elle a mis ceux-ci en demeure de cesser leurs agissements déloyaux.

Elle y a observé que ses propres courriers n’ont donné suite à aucune réponse par leurs destinataires respectifs, et que cette absence la rendait d’autant plus légitime à s’assurer que Monsieur [S] ne fût pas en possession de son fichier clients et qu’il ne l’eût pas transféré à la société Les Clefs.

En outre, l’ordonnance sur requête ne comporte aucune motivation qui lui est propre, sauf à dire que la demande paraît juste et bien fondée, et se borne ainsi en substance à adopter les motifs de la requête.

Les éléments sus développés dans la requête exposent des allégations sérieusement étayées de concurrence déloyale commis à son encontre par la société Les Clefs, fondées sur la suspicion de ce que son ancien salarié serait parti avec son propre fichier client et en aurait fait bénéficier son nouvel employeur la société Les Clefs.

Ils rendent ainsi plausibles l’éventualité d’une action notamment en concurrence déloyale dirigée contre la société Les Clefs, de telle sorte que la société Native a suffisamment justifié de son intérêt légitime à obtenir la mesure d’instruction sollicitée.

Cependant, ni la requête, ni l’ordonnance rendue sur la base de celle-ci n’exposent et ne caractérisent les circonstances justifiant une dérogation au principe du contradictoire, et il n’appartient pas au juge de les rechercher en analysant les pièces jointes à la requête ou en les déduisant des circonstances de la cause.

Il conviendra d’ordonner la rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 26 mai 2021, et l’ordonnance déférée, ayant refusé cette rétractation, sera infirmée.

Par voie de conséquence, il conviendra de prononcer l’annulation de tous les actes subséquents, copie, constat, séquestre réalisés sur tous les supports y compris informatique réalisés par l’huissier de justice instrumentaire en exécution de cette ordonnance rétractée.

*****

L’ordonnance déférée sera infirmée en ce qu’elle a débouté la société Les Clefs de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance, et l’a condamnée aux dépens de première instance et à payer à la société Native la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

La société Native sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles des deux instances, et sera condamnée à payer à la société Les Clefs la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

La société Native sera condamnée aux dépens des deux instances avec distraction au profit du conseil de la société Les Clefs.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau:

Ordonne la rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 16 mars 2021 par le président du tribunal de commerce de Reims à la requête de la société par actions simplifiée Native Immobilier;

Ordonne par conséquence l’annulation de tous les actes subséquents, copies, constats, séquestres réalisés sur tous les supports y compris informatique réalisés par Maître [Z] [U], huissier de justice, en exécution de cette ordonnance;

Déboute la société par actions simplifiée Native Immobilier de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel;

Condamne la société par actions simplifiée Native Immobilier à payer à la société à responsabilité limitée Les Clefs de l’Immobilier la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel;

Condamne la société par actions simplifiée Native Immobilier aux entiers dépens de première instance et d’appel, et ce avec distraction au profit de Maître Nicolas Hubsch, conseil de la société à responsabilité limitée Les Clefs de l’Immobilier, de ceux des dépens de première instance et d’appel dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Le greffier La présidente

 


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