Sauvegarde informatique : 2 juillet 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/15006
Sauvegarde informatique : 2 juillet 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/15006
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2 juillet 2019
Cour d’appel de Paris
RG n°
17/15006

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRÊT DU 02 Juillet 2019

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/15006 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4UTD

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Octobre 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL RG n° 16/02674

APPELANT

Monsieur [B] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Leila MESSAOUDI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 461

INTIMEE

EURL P.SOCIAL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Philippe BOUDIAS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 08 avril 2019

Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY

ARRET :

– Contradictoire

– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les conclusions de Monsieur [B] [I] notifiées par voie électronique le 11 juillet 2018 et celles de la société SARL P SOCIAL notifiées par voie électronique le 16 avril 2019 et développées à l’audience du 22 mai 2019.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] a été embauché par la société FERCO par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 février 2004 en qualité de chef de mission.

La société FERCO ayant décidé de confier l’établissement des bulletins de paye à la société P SOCIAL, il a été transféré à compter du 1er janvier 2005 et exerçait la fonction de chef de mission -paie statut employé, niveau 4 coefficient 260 de la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinet d’ingénieurs conseils, moyennant une dernière rémunération mensuelle de 4.514,77 euros.

La société P SOCIAL occupait moins de 10 salariés.

Par lettre du 19 février 2016, la société lui a notifié une lettre de mécontentement sur la qualité de son travail et l’a informé qu’elle procédait à un examen des dossiers afin d’identifier les « chemins de progrès de chacun » et qu’elle reviendrait vers lui pour « dresser le bilan » et identifier « les points d’amélioration souhaitables », courrier auquel le salarié a répondu le 28 févier 2016.

Par courrier daté du 23 février 2016, la société a proposé une modification de son contrat de travail au motif du choix d’utiliser des serveurs informatiques externalisés le « cloud » pour une partie de ses fonctions (sauvegarde, mise à jour et maintenance informatique) et lui a fait deux propositions une à temps plein et une à temps partiel de 32 heures en lui indiquant qu’il ne pourrait plus quitter son poste de travail en milieu d’après-midi comme il le faisait lorsqu’il avait la charge des travaux informatiques qu’il faisait de chez lui, la société lui indiquant qu’en cas de refus, elle engagerait « une procédure de licenciement économique ».

Le salarié a refusé les deux propositions par courrier du 29 février 2016, au motif qu’il terminait à 18 heures et que son domicile éloigné imposait des temps de transports excessifs.

La société a engagé une procédure de licenciement pour motif économique et l’a convoqué par lettre du 31 mars 2016 à un entretien fixé au 12 avril suivant ; Monsieur [I] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle ; il a été licencié pour motif économique et impossibilité de reclassement par lettre du 20 avril 2016 à effet du 3 mai suivant.

Contestant son licenciement, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil le 1er août 2016, qui par jugement rendu le 26 octobre 2017, a débouté Monsieur [I] de ses demandes et l’a condamné aux dépens et a débouté la société de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles.

Monsieur [I] a régulièrement interjeté appel le 21 novembre 2017 et demande de :

Infirmer le jugement,

Dire que la rupture du contrat de travail s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la société P SOCIAL à lui payer les sommes de :

– 4.514,77 euros à titre de non-respect de la procédure de licenciement,

– 81.265,86 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 8.728,55 euros à titre de rappel de prime du 1er juillet 2011 au 3 mai 2016,

– 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Lesdites sommes étant assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

Ordonner la remise des bulletins de paye, attestation pôle emploi et certificat de travail conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compte de la saisine du conseil de prud’hommes,

– 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société P SOCIAL demande la confirmation du jugement, de débouter Monsieur [I] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la qualité de cadre, le rappel de prime, les dommages et intérêts

Monsieur [I] prétend qu’il était cadre, ce que conteste la société qui soutient que cette situation a été envisagée à effet du 1er juillet 2011 avec un forfait jour mais qu’elle n’a pas signé l’avenant préparé par Monsieur [I] daté du 29 octobre 2010 et qu’elle est revenue sur cette intention par lettre du 12 avril 2011, même si une augmentation salariale avait été accordée telle que prévue à effet du 1er novembre 2010.

Mais contrairement à ce que soutient la société, le salarié produit l’avenant signé par les deux parties et comportant le cachet de la société, et l’employeur indique dans son courrier du 12 avril 2011 « nous sommes revenus sur les modalités de signature de votre dernier avenant » démontrant ainsi qu’il a aussi signé l’avenant, peu important que la société ait souhaité revenir sur celui-ci pour associer le responsable hiérarchique à cette démarche, sans que ce courrier du 12 avril 2011 soit d’ailleurs explicite ; en conséquence Monsieur [I] bénéficiait du statut cadre avec un forfait jour et les avantages décrits dans cet avenant.

Monsieur [I] réclame un rappel de primes fondées sur l’avenant précité qui indique en son article 5 qu’il bénéficiera de 12 jours de repos complémentaires (en raison du forfait jours de 217 jours par an) et que ces jours seront à prendre au cours de l’année civile et à défaut, feront l’objet d’un rachat possible sous forme de prime ; il demande la somme de 8.728,55 euros à titre de rappel de prime du 1er juillet 2011 au 3 mai 2016 ; la société s’y oppose au motif que le salarié n’était pas devenu cadre et elle ajoute que la prescription de trois ans serait applicable limitant la demande à la période du 12 août 2013 au 12 août 2016.

Mais les dispositions relatives à la prescription de l’action en paiement des salaires issues de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure qui était de cinq ans ; en conséquence la demande est fondée à compter du 1er août 2011, le conseil des prud’hommes ayant été saisi le 1er août 2016.

Il sera accordé à Monsieur [I] des dommages et intérêts correspondant à un rappel de prime de 8.126,58 euros.

Et en refusant d’appliquer l’avenant signé, c’est à bon droit que le salarié réclame des dommages et intérêts pour le non-respect du statut cadre et la perte des avantages associés pendant plus de quatre ans, excepté la prime qui vient de lui être allouée, et du fait que l’employeur n’a pas tenu compte du forfait jour dans la modification du contrat de travail ayant conduit au licenciement ; il sera accordé à ce titre une somme de 2.500 euros.

Sur le licenciement pour motif économique

La lettre de licenciement doit mentionner les raisons économiques prévues par la loi et leur incidence sur l’emploi du salarié ; la recherche de reclassement doit être menée de façon sérieuse et loyale par l’employeur et conformément à l’article L 1233-4 du code du travail qui précise que « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».

La lettre de licenciement dont la rédaction n’est pas contestée est motivée par le passage du serveur informatique externalisé sur le cloud, la suppression de certaines tâches, la proposition de deux modifications du contrat de travail, le refus du salarié et l’impossibilité de le reclasser.

Monsieur [I] conteste le motif économique, la non prise en compte de son statut cadre au forfait jour et l’absence de conséquences de la disparition de certaines tâches informatiques sur sa quantité de travail sur le lieu de travail ou à son domicile.

Il prétend que l’évolution technologique annoncée par la société n’est nullement justifiée ; que le passage d’un serveur interne à un serveur externe est un simple changement de logiciel qui ne peut être considéré comme une innovation technologique ; que ce changement a pu modifier les tâches informatiques mais n’a pas supprimé l’ensemble des tâches informatiques de la société ; qu’ainsi non seulement la réalité de la mutation technologique n’est pas établie mais encore, les changements invoqués n’ont pas de conséquences sur son activité car il avait obtenu l’autorisation de travailler de chez lui dans l’après-midi où il bénéficiait d’une connexion même si ce télétravail n’a jamais été formalisé par écrit et qui ne concernait pas seulement les tâches informatiques.

Il ajoute aucun ordre de licenciement n’a été établi.

Il soutient que les propositions de l’employeur ont été faites de mauvaise foi car la société a prétexté une mutation technologique pour supprimer l’autorisation donnée d’effectuer une partie de son travail chez lui et qu’elle lui a proposé des horaires alors qu’il bénéficiait depuis l’avenant d’une convention de forfait jours et qu’elle savait qu’il ne pourrait pas accepter les deux propositions ; que la lettre adressée le 19 février soit trois jours avant les propositions de modifications démontre les griefs personnels qui ont été habillés et ainsi une exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

Il conteste le reclassement et soutient que l’employeur n’a fait aucune proposition de reclassement, les deux propositions étant une modification du contrat de travail, et aucune recherche n’a été faite dans l’autre société du groupe, la société FERCO.

La société P SOCIAL réplique que le salarié occupait un poste unique au sein de l’entreprise qui compte moins de 10 salariés ; que par tolérance, il avait été installé une connexion informatique au domicile de Monsieur [I] pour lui permettre de réaliser les travaux informatiques à distance et que le salarié quittait ainsi l’entreprise vers 16 h ‘ 16 h 30 au lieu de 18 heures ; qu’à compter de 2016, la société a fait le choix technique de serveurs informatiques externalisés avec la société prestataire CEGID et qu’ainsi toutes les tâches de sauvegarde informatique et de mise à jour étaient supprimées ce qui a modifié les tâches du salarié et nécessité la modification du contrat de travail, sans qu’un motif de licenciement inhérent à la personne de Monsieur [I] existe ; qu’il lui a été proposé une modification avantageuse comportant une alternative ; que le salarié en refusant les deux propositions est responsable de la perte de son emploi alors qu’elle-même a respecté la procédure, laissé le temps au salarié pour choisir et qu’il a accepté un autre emploi en novembre 2016 dont les conditions de trajet, d’horaires et de salaire étaient moins intéressantes et n’a subi aucun préjudice en étant indemnisé entre les deux emplois par Pôle emploi.

Mais il est établi que les société FERCO et P SOCIAL appartenaient au même groupe, ce que ne conteste pas l’employeur qui affirme que leurs activités n’étaient pas les mêmes ; toutefois, aucune lettre ne fait état d’une recherche de reclassement au sein de la société FERCO ; en outre le motif technologique invoqué par la société P SOCIAL ne repose que sur ses affirmations, aucune pièce n’est produite et notamment des lettres ou factures avec le prestataire annoncé, la société CEGID ; en conséquence le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse et il sera accordé à Monsieur [I] une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu de son ancienneté et du préjudice subi par lui.

Sur la procédure

Consécutivement à la reconnaissance du statut de cadre, il n’est pas contesté que la société a respecté un délai de 7 jours mais non de 15 jours entre l’entretien préalable et la notification prévu par l’article L 1233-15 du code du travail et qu’en conséquence l’employeur qui sollicite le rejet de cette demande, en invoquant à tort le statut d’employé de Monsieur [I], sera condamné à verser au salarié une somme de 4.514,77 euros.

Succombant, la société P SOCIAL supportera les dépens et sera débouté de ses demandes ; il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [I] la totalité des frais irrépétibles exposés pour faire valoir ses droits ; il lui sera accordé à ce titre une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 


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