Sans mention de l’aléa, les gains de jeux publicitaires sont dus

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Sans mention de l’aléa, les gains de jeux publicitaires sont dus
Ce point juridique est utile ?

En matière de gains publicitaires, l’aléa doit être mis clairement en évidence, à première lecture, dès l’annonce du gain, les envois postérieurs étant sans incidence (le cas opposé le gain est du).

Aux termes de l’article 1371 ancien du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et applicable au cas d’espèce, les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.

En application de ces dispositions, l’organisateur d’un jeu publicitaire qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l’existence d’un aléa, s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ce, sans que le bénéficiaire n’ait à l’accepter.

En la cause, après analyse des nombreux courriers et enveloppes, le tribunal a conclu à l’absence de tout aléa apparaissant à la première lecture des documents de sorte que l’existence d’un quasi-contrat entre [U] [B] et la société CPE était établie et que cette dernière devait être condamnée à respecter ses engagements à lui verser le montant des gains annoncés (3 fois 9500 euros), soit la somme totale de 28 500 euros, outre la somme de 5718 euros, correspondant à la valeur totale des cadeaux attribués (1090 euros +1199 euros + 1290 + 1490 euros + 649 euros).

Résumé de l’affaire : La société par actions simplifiée Consortium Publicitaire Européen (CPE), désormais représentée par Acticia Conseil, était engagée dans la vente par correspondance de produits alimentaires. M. [U] [B] a assigné la société CPE en 2014 pour obtenir 28 000 euros de gains annoncés dans des courriers publicitaires, ainsi qu’une indemnité de 2 000 euros pour préjudice, et la remise de cadeaux promis mais non reçus. Le tribunal de grande instance de Caen a rendu un jugement en 2017 condamnant la société à verser des sommes à M. [U] [B], tout en déboutant ses demandes concernant les cadeaux. La société CPE a fait appel, mais l’instance a été interrompue suite au décès de M. [U] [B] en 2019. Des investigations ont été menées pour identifier les héritiers, et l’affaire a été radiée en 2022 en raison de l’absence d’initiatives. Acticia Conseil a ensuite assigné les héritiers en intervention forcée. Mme [C] [B] a renoncé à la succession, mais les autres héritiers n’ont pas encore pris de décision. L’affaire est fixée pour audience en mai 2024, avec des demandes de réformation du jugement initial par Acticia Conseil.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel de Caen
RG n°
22/02583
AFFAIRE : N° RG 22/02583 –

N° Portalis DBVC-V-B7G-HCPZ

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du Conseiller de la mise en état de CAEN du 11 Mai 2022 – RG n° 20/00183

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2024

APPELANTE :

S.A.S.U. ACTICIA CONSEIL anciennement CONSORTIUM PUBLICITAIRE EUROPEEN, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 9]

représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

Madame [C] [B] ès-qualités d’héritier de feu Monsieur [U] [B].

née le 28 Décembre 1966 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 5]

non représentée, bien que régulièrement assignée

INTERVENANTS :

Monsieur [P] [B] ès-qualités d’héritier de feu Monsieur [U] [B]

né le 22 Janvier 1968 à [Localité 12]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Monsieur [L] [B] ès-qualités d’héritier de feu Monsieur [U] [B].

né le 21 Novembre 1942 à [Localité 15]

[Adresse 10]

[Localité 4]

Madame [J] [B] [M] ès-qualités d’héritier de feu Monsieur [U] [B]

née le 20 Juin 1964 à [Localité 14]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Tous non représentés,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

DÉBATS : A l’audience publique du 14 mai 2024

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 17 Septembre 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société par actions simplifiée Consortium Publicitaire Européen (ci-après la société CPE), aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée unipersonnelle (sasu) Acticia Conseil, exerçait une activité de vente par correspondance de produits alimentaires sucrés et salés, en diffusant les produits de ses enseignes commerciales ‘Délices & Gourmandises’, ‘Les Délices d’Annie’, et ‘Natur’Santé’. Pour ce faire, elle adressait à ses clients potentiels des catalogues accompagnés de bons de commande et de propositions de participation à des jeux.

Par acte du 12 septembre 2014, M. [U] [B] a assigné la société CPE, exerçant sous lesdites enseignes, devant le tribunal de grande instance de Caen, pour obtenir principalement, au visa des articles 1371 et 1382 du code civil, L. 121-1 et suivants et L. 121-36 du code de la consommation la somme de 28 000 euros correspondant au montant des gains annoncés dans des courriers publicitaires qui lui avaient été adressés nominativement mais qu’il n’avait jamais perçus malgré les commandes réalisées, outre une indemnité de 2000 euros en réparation de son préjudice. Il a également demandé la remise des cadeaux promis mais non reçus (deux ordinateurs portables et cinq téléviseurs LCD).

Par jugement du 19 juin 2017, le tribunal de grande instance a :

– condamné la Sas Consortium Publicitaire Européen à payer à M. [U] [B] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2014 :

* 28 500 euros et 5718 euros en exécution des quasi-contrats qu’elle lui a volontairement proposés ;

* 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

– débouté M. [U] [B] de ses demandes tendant à obtenir la remise ou la contre-valeur des cadeaux suivants : un ordinateur portable grand écran 17” d’une valeur de 649 euros (pièce 37), un téléviseur écran plat LCD 3D 139 cm d’une valeur de 1249 euros (pièce 40) et un autre téléviseur écran plat LCD 3D 119 cm d’une valeur de 1102 euros (pièce 44) ;

– ordonné l’exécution provisoire de ces dispositions ;

– condamné la Sas Consortium Publicitaire Européen aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Me Sandrine Guesdon, avocate ;

– condamner la même à payer à M. [U] [B] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société CPE a relevé appel de la décision par déclaration du 20 septembre 2017 enregistrée sous le RG n° 17/03066.

M. [U] [B] a constitué avocat le 4 octobre 2017 et conclu le 16 février 2018, sollicitant la confirmation de la décision.

Le 6 mars 2019, le magistrat chargé de la mise en état a constaté l’interruption de l’instance, M. [U] [B] étant décédé le 10 février 2019, décès notifié par voie électronique le 28 février 2019. Il a été enjoint à la société Acticia Conseil, venant aux droits de la société CPE de régulariser la procédure pour le 29 avril 2019 sous réserve d’une intervention volontaire des héritiers.

En l’absence de toute initiative permettant la poursuite de la procédure, l’affaire a été radiée le 15 mai 2019.

Sur demande de la société Acticia Conseil indiquant ignorer l’existence et l’identité des ayants droits de [U] [B] et en application de l’article 376 alinéa 3 du code de procédure civile, des investigations ont été sollicitées auprès du procureur général, lesquelles ont donné lieu à un rapport de la police de [Localité 13] adressé le 17 septembre 2021 à la cour qui l’a transmis par RPVA au conseil de l’appelante le 29 septembre 2021.

Selon certificat d’hérédité du 30 avril 2019, [U] [B] a laissé pour héritiers [L] [B], son père, [J], [C] et [P] [B] ses frères et soeurs.

L’affaire, réenrôlée sous le numéro de RG 20/183, a été radiée d’office le 11 mai 2022, au constat de l’absence de toute initiative permettant la poursuite de la procédure suite au retour des investigations relatives à l’identification des héritiers de [U] [B] du 17 septembre 2021.

Par acte du 5 octobre 2022, la société Acticia Conseil a fait assigner en intervention forcée MM. [P] et [L] [B], ainsi que Mmes [C] [B] et [J] [M] née [B] (déclaration de saisine de la cour du 6 octobre 2022 enregistrée sous le numéro de RG 22 2583).

La cour a été destinataire d’un courrier de Mme [C] [B] indiquant qu’elle-même et toute la famille [B] avaient renoncé à la succession de son frère [U], y annexant le récépissé de dépôt de sa déclaration de renonciation à succession émanant du greffe du tribunal de grande instance de Caen du 26 juin 2019. Le courrier a été communiqué à l’avocat de la société Acticia Conseil.

Par courrier du 8 février 2023, le conseil de la société appelante a indiqué que seule la mention précitée avait été portée sur le registre des renonciations à successions et que la situation demeurait inchangée. Il a sollicité la poursuite et la fixation de l’affaire, considérant que les autres héritiers n’avaient pas renoncé à la succession.

L’affaire a été fixée à l’audience du 14 mai 2024 et l’ordonnance de clôture est intervenue le 17 avril 2024.

Aux termes de ses assignations en intervention forcée du 5 octobre 2022 valant conclusions, la société Acticia Conseil, venant aux droits de la société CPE, demande à la cour, au visa des articles 1371 du code civil dans sa version en vigueur aux faits de l’espèce, 1382 ancien du même code, des dispositions des articles L. 121-36, L. 121-36-1, L. 120-1 du code de la consommation dans leur version applicable lors des faits, de :

– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer les sommes de 28500 euros et 5718 euros en exécution des quasi-contrats qu’elle lui a volontairement proposés, et 500 euros au titre du préjudice moral, l’a condamnée aux dépens et au paiement d’une somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter les ayants droit de [U] [B] de l’ensemble de leurs demandes ;

– confirmer le jugement pour le surplus ;

– condamner solidairement les ayants droit de [U] [B] aux dépens.

M. [L] [B], cité à sa personne, M. [P] [B], Mme [C] [B] et Mme [J] [M] née [B], ces derniers assignés par acte déposé en l’étude du commissaire de justice, n’ont pas constitué.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate qu’à la suite du décès de [U] [B], la procédure d’appel interrompue, s’est poursuivie valablement par l’assignation en intervention forcée signifiée par la société Acticia Conseil des héritiers du de cujus.

En application de l’article 375 du code de procédure civile, si la partie citée en reprise d’instance ne comparaît pas, il est procédé comme il est dit aux articles 471 et suivants du même code.

En outre, en application de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile dans sa rédaction en vigueur au cas d’espèce, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Il en résulte qu’en l’absence de constitution des ayants droit de [U] [B], la présente cour est tenue par les articles 375 et 472 d’examiner le bien fondé de la demande de réformation du jugement dirigée contre eux, les consorts [B], ès qualités, étant réputés s’approprier les motifs du jugement entrepris.

Enfin, la cour, qui statue dans les limites de l’appel, relève qu’elle n’est saisie d’aucune demande de réformation du jugement en ses dispositions ayant rejeté les demandes de [U] [B] tendant à obtenir la contre-valeur des cadeaux énoncés au dispositif du jugement (un ordinateur et deux téléviseurs).

– Sur l’existence de quasi-contrats engageant la société CPE/Acticia Conseil :

Aux termes de l’article 1371 ancien du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et applicable au cas d’espèce, les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.

En application de ces dispositions, l’organisateur d’un jeu publicitaire qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l’existence d’un aléa, s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ce, sans que le bénéficiaire n’ait à l’accepter.

Il est constant que l’aléa doit être mis clairement en évidence, à première lecture, dès l’annonce du gain, les envois postérieurs étant sans incidence.

Le premier juge a examiné l’ensemble des courriers adressés à [U] [B] afin d’établir si, à l’époque de leur communication, par leur intitulé, leur présentation, leur formulation, leur libellé et la nature des termes employés, ils pouvaient être considérés, aux yeux d’un destinataire normalement attentif et diligent, comme contenant une promesse de gain ferme et dénuée d’aléa.

Après analyse des nombreux courriers et enveloppes, le tribunal a conclu à l’absence de tout aléa apparaissant à la première lecture des documents de sorte que l’existence d’un quasi-contrat entre [U] [B] et la société CPE était établie et que cette dernière devait être condamnée à respecter ses engagements à lui verser le montant des gains annoncés (3 fois 9500 euros), soit la somme totale de 28 500 euros, outre la somme de 5718 euros, correspondant à la valeur totale des cadeaux attribués (1090 euros +1199 euros + 1290 + 1490 euros + 649 euros).

Liminairement, la société CPE rappelle qu’en application de l’article L121-36 du code de la consommation dans sa version en vigueur au moment des faits en cause (2014), elle avait parfaitement le droit de soumettre la participation des consommateurs à certains jeux organisés à une obligation de commande parallèle alors qu’il n’est nullement établi que ces opérations relevaient d’une pratique commerciale déloyale.

Ensuite, la société Acticia Conseil reproche essentiellement au premier juge de ne pas avoir vérifié si l’ensemble des conditions du quasi-contrat visées par l’article 1371 ancien du code civil étaient réunies, soutenant que :

– l’aléa est parfaitement mis en évidence à première lecture dès l’annonce du gain alors que [U] [B] avait communiqué dans le désordre de simples extraits mélangés de différents jeux organisés par la société CPE sous différentes enseignes sans verser un kit du jeu complet ; elle entend en conséquence produire 5 exemplaires types complets des messages publicitaires proposés  mettant en exergue leur conformité aux exigences légales  et révélant explicitement et à plusieurs reprises le caractère aléatoire du jeu, le règlement joint systématiquement aux courriers litigieux et dont les termes sont lisibles et visibles  ainsi que le bulletin de participation, lequel fait partie intégrante du publipostage, et requiert la confirmation expresse de la conscience du caractère aléatoire du jeu ;

– la condition liée à la bonne foi et à la croyance légitime d’avoir gagné des sommes importantes nécessitait un examen chronologique de tous les jeux reçus sans distinction de commande ou non et de s’attacher au comportement adopté par [U] [B], lequel s’est abstenu de toute réaction et réclamation durant une année, et à sa connaissance qu’il pouvait avoir dès l’origine du caractère aléatoire des jeux. Or, elle affirme que [U] [B] a été informé dès réception des publipostages du caractère aléatoire des jeux et non postérieurement ainsi que l’a apprécié de manière manifestement erronée le tribunal.

Sur ce,

Comme le tribunal y a procédé, il convient d’analyser chacun des jeux pour déterminer si l’existence d’un aléa était mis clairement en évidence, à première lecture, dès l’annonce du gain, lors de la réception des documents publicitaires.

Il sera précisé que l’appelante a communiqué à la cour les originaux de l’ensemble des pièces 1 à 116 produites devant le tribunal par [U] [B] au vu desquelles celui-ci a statué ainsi que des copies de certaines d’entre elles visées dans ses assignations en intervention forcée selon son bordereau de communication de pièces.

Enfin, il sera rappelé qu’en application des articles L121-36 dans sa version en vigueur du 19 mai 2011 au 19 mars 2014 et L. 121-36-1 du code de la consommation dans leur version en vigueur du 19 mars 2014 au 22 décembre 2014 applicables au cas d’espèce, les opérations publicitaires réalisées par voie d’écrit qui tendent à faire naître l’espérance d’un gain attribué à chacun des participant pouvaient être conditionnées à une obligation d’achat sous réserve de ne pas revêtir un caractère déloyal. Si le tribunal se réfère à ces dispositions, ce de manière surabondante, il reste que le non respect éventuel de ces dispositions n’est pas sanctionné par l’attribution des gains objet des demandes dont le tribunal était saisi.

1 – Sur les jeux avec gains sous forme de chèques :

a) jeu ‘Délices et Gourmandises’ :

Il ressort des pièces communiquées par la société CPE (sa pièce 21 correspondant à la pièce 114 de [U] [B] visée par le tribunal) que [U] [B] a rempli le 10 février 2014 un document reçu dans le cadre d’un publipostage relatif au jeu référencé BA 2336 qui mentionne :

‘CONFIRMATION DE RÉSULTAT Tirage sous contrôle d’un officier ministériel assermenté :

statut de la personne détentrice du n°grand gagnant : grande gagnante / seul n° désigné grand gagnant : 070.002.703 / unique prix en jeu : 9500 euros ;

ATTESTATION OFFICIELLE : Nous vous confirmons par la présente, l’envoi à votre adresse personnelle d’un chèque de 9500 euros* car vous êtes déclaré (e) Grand Gagnant par Huissier de justice grâce à votre numéro personnel 070.002.703.*

Cette décision est absolument indiscutable et définitive.

Veuillez désormais répondre très très vite, sous 5 jours de préférence, afin que nous puissions vous adresser dans les plus brefs délais le chèque bancaire de 9500 euros. *’

Il est encore indiqué au feuillet suivant : ‘tirage au sort effectué par huissier de justice : seul n° désigné Grand Gagnant : 070.002.703 ; département financier de notification : c. Dupret. Strictement confidentiel.

Message exclusif à l’attention de notre grand(e) Gagnant(e)* : le chèque de 9500 euros à votre nom que la direction m’a demandé de vous envoyé est prêt. Suivez les instructions pour le recevoir (…)’.

Au grand B/ du document, il est rappelé: ‘Ce jour, ont été décidées et acceptées à l’unanimité les dispositions ci-après : Vous êtes l’unique personne détentrice du n° personnel 070.002.703 déclaré Grand Gagnant par huissier de justice’ Alors un chèque de 9500 euros * va vous être obligatoirement envoyé!

Instructions à suivre par le grand gagnant pour la remise de son chèque de 9500 euros : Les 9500 euros seront payés en un seul versement. Le chèque de 9500 euros vous sera envoyé par voie postale en recommandé avec accusé de réception, accompagné d’un courrier du Directeur Général de Délices et Gourmandises.

Seul N° désigné Grand Gagnant : 070.002.703. Unique Prix en jeu : 9500 euros.

Le prix que vous avez gagné et qui est un gain d’argent de 9500 euros est totalement exonéré de taxes et non imposable. Cet argent est net d’impôts et vous pouvez en faire ce que vous voulez’.

Il est encore indiqué sur un autre feuillet ‘Attestation officielle du Prix’ : il est certifié que le numéro 070.002.703 a été tiré au sort et est grand gagnant de la somme de 9500 euros*.

Ou encore ‘Nous pouvons officiellement notifier que les 9500 euros sont bien pour vous’.

Enfin, la page ‘Acceptation d’envoi pour chèque de 9500 euros par voie postale’ établit que [U] [B] a coché la case correspondant à ‘l’envoi du chèque de 9500 euros le cas échéant à mon adresse que je note ci-contre. J’accepte l’envoi de ce dernier par la voie postale’, la deuxième partie de cette page étant constituée d’un bon de commande rempli par [U] [B] pour un montant total de 49,60 euros.

Il en résulte que le gain de 9500 euros est annoncé de manière affirmative, sans aucune réserve, les seules conditions indiquées en étant les suivantes: ‘détachez la vignette ‘Autorisation Formelle de Paiement’, la recoller sur l’enveloppe réponse pour viser les 9500 euros, complétez et signez votre ‘acceptation d’envoi pour chèque de 9500 euros par voie postale’ ainsi que votre bon de commande, renvoyez le tout dans les plus brefs délais en utilisant la réponse jointe avec votre commande’.

L’astérisque à laquelle il est renvoyé indique en caractères minuscules en haut du document : * Si vous êtes désigné grand gagnant du chèque bancaire de 9500 euros par huissier (article 6 à 8) et que votre numéro personnel indiqué ci-dessous est le n° 070.002.703, conformément au règlement, ou bénéficie d’un chèque d’achat (article 3), nous pourrons alors affirmer…’ avec en suivant les paragraphes ci-dessus rapportés.

Si cette formule précise que l’intéressé ne se trouve effectivement ‘grand gagnant’ du lot annoncé qu’à la condition (‘si’) d’être désigné comme tel, cette désignation apparaît néanmoins avérée et déjà acquise, aux termes des mentions principales du document, ci-dessus énoncées.

De plus, c’est avec une même police de caractères très petits et serrés qu’il est indiqué en haut du document à côté de l’adresse postale: ‘jeu gratuit, sans obligation d’achat, soumis à aléas- règlement de jeu joint et tirage au sort par huissier de justice. *chèque bancaire de 9500 euros : voir art. 6 à 8″. Or, le règlement reproduit en caractères serrés sur fond grisé sur un seul feuillet replié, au dos du chèque spécimen établi à l’ordre de ‘Vous, notre Grand Gagnant*’, obligeant le lecteur à déplier le dit document, indique au début de son article 6 que la somme de 9500 euros sera attribuée à un seul gagnant appelé ‘Grand Gagnant’.

Enfin, en renvoyant le document intitulé ‘Acceptation d’envoi pour chèque de 9500 euros par voie postale’, [U] [B] a certes coché une case indiquant ‘j’ai pris connaissance que le jeu était soumis à aléas et j’accepte le règlement’ mais ce, juste à côté de la vignette ‘Autorisation Formelle de Paiement’ à coller sur son enveloppe réponse ‘pour faire valoir mes droits d’accès’.

Les termes de cette vignette et son positionnement ajoutés aux autres mentions ci-dessus rappelées ont fait légitimement croire à [U] [B] que le tirage avait déjà eu lieu et qu’il en était déclaré ce, ‘par huissier de justice’, le ‘Grand Gagnant’ , puisque correspondant à son numéro personnel (070.002.703) et qu’il est fait état d’une ‘confirmation de résultat tirage sous contrôle d’huissier’.

En tous cas, les termes utilisés ne permettent pas clairement de comprendre à quel stade du jeu (avant ou après tirage au sort) l’intéressé se trouve au moment de leur réception, faisant croire que le tirage au sort était déjà intervenu et en particulier celui conduisant à la désignation de ‘grand gagnant’, [U] [B] pouvant légitimement ne pas penser à l’existence d’un autre tirage.

Du reste, les dits documents ne s’intitulent pas ‘bon de participation’ mais ‘suivi d’opération financière-paiement par chèque’ et ‘Acceptation d’envoi pour chèque de 9500 euros par voie postale’ ce qui laisse supposer à un consommateur moyen, normalement averti et diligent, que la société CPE informait uniquement le destinataire de son gain et des seules modalités concrètes à effectuer pour le recevoir. Aucune mention n’explicite que le numéro gagnant attribué à [U] [B] devait encore être tiré au sort pour l’attribution du gain annoncé.

Il sera rappelé que la seule possibilité de se référer à un extrait du règlement du jeu n’est pas en soi une preuve de l’absence d’aléa à première lecture, tout dépendant de la présentation de l’annonce du gain.

Or, l’ensemble des éléments ci-dessus énoncés permet de retenir que l’existence d’un aléa résultant d’un tirage au sort à intervenir (et non déjà passé) n’était pas apparente à première lecture et que, par l’accumulation des affirmations sur la qualité de ‘Grand Gagnant’ du numéro d’ores et déjà attribué personnellement et sous contrôle d’huissier de justice à [U] [B], telles que présentées, formulées et libellées en immenses caractères, la société CPE s’était engagée de manière irrévocable à remettre à celui-ci le gain annoncé de 9 500 euros.

M. [U] [B] a renvoyé le bulletin ‘Acceptation d’envoi pour chèque de 9500 euros par voie postale’ le 10 février 2014, ce qui n’est pas remis en cause, et il n’est pas allégué que celui-ci n’aurait pas respecté les formalités nécessaires à ‘la remise’ du chèque annoncée.

Il n’est pas davantage prétendu que celui-ci ne remplissait plus d’éventuelles conditions de délai à la date de son envoi du ‘bulletin d’acceptation’, ni que le jeu était alors clôturé, et sa prétendue connaissance de l’aléa ou du procédé des loteries publicitaires ne saurait se déduire du temps pris pour sa réponse ni même d’un envoi groupé de sa part de plusieurs bulletins pour des jeux différents ou encore de l’attention avec laquelle il a coché ou non la case relative à la confirmation de ses coordonnées et apporté par des annotations des précisions quant à son adresse exacte.

La réception d’une facture à en-tête ‘Délices & Gourmandises’adressée à [U] [B] en suite d’une précédente commande auprès de la dite enseigne et confirmant ‘avoir bien enregistré sa participation à notre jeu concours’ en date du 3 février 2014 ne se rapporte pas précisément au jeu en cause de sorte qu’il est sans effet sur la croyance légitime de celui-ci dans l’obtention de son gain s’agissant du jeu BA 2336 au regard des termes dénués de toute ambiguïté du courrier ci-dessus rappelé et alors qu’il participait seulement pour la deuxième fois à ce type de jeu.

Le tribunal a au surplus exactement indiqué que le contenu des courriers publicitaires devait être apprécié in abstracto à la date de leur communication au consommateur, peu important que [U] [B] ait été informé plus complètement postérieurement et que la procédure de tirage au sort explicitée après coup.

Enfin, son âge (45 ans) et sa profession d’agent d’assurance ne sauraient suffire à établir que celui-ci avait une parfaite connaissance de ce type de procédés publicitaires et aucun élément ne vient démontrer que celui-ci pouvait être considéré comme un consommateur plus informé et avisé que la moyenne de sorte que celui-ci ne pouvait croire en l’existence du gain.

Pour l’ensemble de ces motifs, la cour considère que la société CPE, organisatrice du jeu publicitaire BA 2336, a annoncé un gain de 9500 euros à [U] [B], déclaré ‘Grand Gagnant par huissier de justice,’ sans mettre en évidence l’existence d’aléa, de sorte qu’elle s’est obligée par ce fait purement volontaire, à le délivrer , [U] [B] étant en droit d’en obtenir le paiement ainsi que l’a justemement considéré le premier juge.

b) jeu ‘Les Délices d’Annie’ :

Le tribunal a examiné sept courriers considérés comme ‘ayant déterminé [U] [B] à passer commande en contrepartie du paiement d’un chèque de 9500 euros (pièces 21, 23 à 26, 28 et 34)’ ce, de manière chronologique, considérant que l’envoi de courriers très pressants, sur une période de quelques mois, affirmant à leur première lecture que celui-ci était bien le gagnant de 9500 euros, ne laissait aucune place à un quelconque aléa.

Toutefois, il apparaît que ces documents reçus par [U] [B], dans ‘des enveloppes portant tous sur le côté gauche l’inscription verticale, se lisant de bas en haute, selon laquelle il s’agit d’un jeu soumis à aléas’ ainsi que l’a relevé le tribunal, comme celui communiqué en extrait par la société (correspondant à sa pièce 17, extrait de la pièce 4 de [U] [B]) diffèrent de ceux analysés ci-dessus en ce que :

– [U] [B] se voit attribuer le statut ‘Gagnant certifié#’ ou de gagnant d’un ‘chèque certifié#’ (n° 070 456 158) ou encore de ‘gagnant confirmé#’ (pièces visées par le tribunal 21, 23, 25, 26 et 34, pièce 4 produite en extrait par l’appelante) alors que le ‘#’ renvoie expressément à un ‘chèque achat : voir article 6-2″ et non au chèque bancaire de 9500 euros figurant seulement comme ‘à viser’ et que dans chaque envoi concerné, le règlement est retranscrit sur les dits documents explicitant la différence entre les deux chèques et leurs conditions d’attribution. Au demeurant, le tribunal reproduit les articles 1 et 6 à 8 auxquels il est renvoyé, faisant état expressément des ‘jeux concours organisés par ‘Les délices d’Annie’ dont les documents adressés sont ‘une illustration de ces opérations’, précisant que ‘les grands gagnants sont tirés au sort au hasard par Me [A] huissier de justice, l’attribution étant soumise à aléas (…). L’attribution du/des prix gagnants (s) dépend donc d’un aléa. Les grands gagnants des prix principaux sont ceux qui ont été pré tirés au sort dans cette illustration désignée gagnante, ont retourné respectivement leur bon de participation dans les délais et ont été confirmés ‘Grands Gagnants par le post tirage, selon les mentions du présent règlement’.

Enfin, sur un autre feuillet certes glissé dans une enveloppe ‘dossier officiel d’attribution de prix’, intitulé ‘Déclaration de Gain’aucun numéro de ‘Grand Gagnant’ n’était attribué à [U] [B] alors que se détachait clairement, dans un grand encart de couleur bleue, l’indication en caractères parfaitement visibles que la lettre informant M. [B] de sa désignation de ‘Grand Gagnant’ était une ‘lettre spécimen au grand gagnant préparée le cas échéant au nom de M. [B]’, le montant de 9500 euros étant mentionné sur le côté à titre de ‘Rappel du Gain Principal en jeu’.

Il était donc apparent que si [U] [B] se voyait donner la possibilité de participer au tirage au sort du Grand Gagnant du 9500 euros, il ne bénéficiait d’ores et déjà que d’un numéro d’attribution d’un ‘chèque #’ correspondant à une réduction sur les commandes éventuelles.

– les spécimens de chèques, ‘preuves de participation’, mentionnent Mr [B] au dessus de l’inscription ‘nom de la personne éligible’ et sous le montant de 9500 euros celle de ‘montant du chèque bancaire à viser’ avec l’astérisque renvoyant au règlement dûment reproduit (pièce n°24 visée par le tribunal).

– de la même manière l’envoi concernant un numéro d’attribution duo de gains désignant [U] [B] et Mme [D] [G] (pièce 21 visée par le tribunal), lequel fait référence de manière lisible dans sa partie haute à ‘un jeu gratuit sans obligation d’achat soumis à aléa-tirage au sort par huissier de justice-règlement du jeu joint’ mentionne que ‘suite à votre réponse et sous réserve que votre numéro d’attribution soit désigné Grand Gagnant après réception alors nous vous confirmerons : c’est précisément aussi grâce à ce numéro officiellement consigné que vous êtes assuré de recevoir la somme de 9500 euros, M. [U] [B] (ou au minimum la somme de 2500 euros), précisant que M. [U] [B] et Mme [D] [G] sont ‘ en compétition pour le grand prix duo : valeur du grand prix duo pour la personne grande gagnante la plus rapide : 9500 euros’ et ensuite que ‘si vous répondez avant Mme [G], c’est vous M. [B] qui remporterez le plus grand chèque bancaire d’une valeur de 9500 euros(…)’.

Du tout, il doit être considéré que la première lecture de ces documents laisse apparaître l’existence d’un aléa résultant du tirage au sort du numéro Grand Gagnant, comme de l’existence d’autres participants en compétition, et qu’un consommateur moyen, normalement avisé ne pouvait légitimement croire à l’attribution d’un chèque de 9500 euros.

En conséquence, il ne saurait être retenu l’existence d’un quasi-contrat engageant la société CPE à l’égard de [U] [B].

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société CPE à se conformer à son engagement et à payer à [U] [B] le montant du gain annoncé sous l’enseigne ‘Le délices d’Annie’de 9500 euros, cette demande étant rejetée.

c)- jeu ‘Editions Natur’Santé ou ‘Natur’Santé Editions’ :

Le premier juge a retenu que le courrier reçu par [U] [B] le 17 avril 2014 avait déterminé celui-ci ‘à passer commande en contrepartie du paiement d’un chèque de 9500 euros (pièce 47) et que par son intitulé, sa présentation, sa formulation et la nature des termes employés, il [pouvait] être considéré, aux yeux d’un destinataire normalement attentif et diligent, comme contenant une promesse de gain ferme et dénuée d’aléa, condamnant la société CPE à ‘délivrer le dit gain annoncé de 9500 euros’.

Pour autant, les documents adressés le 17 avril 2014 par la société CPE ne permettent pas de considérer que celle-ci se serait engagée de manière irrévocable envers M. [B].

En effet, si ce publipostage mentionne en particulier en grands et gras caractères : ‘Monsieur [B], nous vous informons de manière officielle que vous avez gagné les 9500 euros* !’ document original établi en un seul exemplaire ici à ce bénéficiaire’ avec en suivant le nom et l’adresse de [U] [B], l’astérisque toujours apposée après le montant de 9500 euros renvoie à la mention, figurant en haut de chaque page des documents après celle de ‘jeu gratuit sans obligation d’achat soumis à aléa’ ‘* si vous êtes désigné grand gagnant du chèque bancaire de 9500 euros (article 6 et 8)’ ; cette même mention est reprise sous le paragraphe consacré à ‘la procédure pour remise gain identifié’ alors qu’à aucun endroit de ces documents, [U] [B] ne sera expressément désigné ‘Grand Gagnant’; le dossier dit de ‘localisation gagnant concernant la grande remise nationale de 9500 euros*’ indique uniquement en grands caractères : ‘Monsieur [U] [B], aujourd’hui vous êtes concerné par la grande remise nationale de 9500 euros’ avec, au verso, la reproduction du dit règlement dont l’article 6-1 selon lequel ‘le prix principal mis en jeu est la somme de 9500 euros sont 8100 livres sterlings, dit ‘premier prix’ ou ‘first Priaz’ laquelle sera attribuée au seul gagnant appelé ‘grand gagnant’ ou ‘grand winner’ après clôture et désigné par tirage au sort par l’huissier de justice au 31 décembre 2014.’

De surcroît, comme précédemment, le spécimen du gain ‘à viser’ fait état au niveau de la somme de 9500 euros du ‘montant du 1er prix en jeu’ et à côté ‘[U] [B]’ est noté comme nom et prénom ‘du participant’.

Dès lors, la cour considère que [U] [B], qui avait à cette date déjà participé à plusieurs reprises à des jeux similaires proposés par la même enseigne, avait connaissance de sa participation à un jeu dont le gain ne lui avait pas été d’ores déjà attribué faute d’être désigné ‘grand gagnant’, et que l’aléa lié au tirage au sort du ‘grand gagnant’était mis clairement en évidence, à première lecture, dès l’annonce du gain pour un consommateur normalement attentif. Celui-ci ne pouvait donc, raisonnablement, croire à l’attribution du gain à son profit, et le quasi-contrat n’est pas caractérisé.

En définitive, si [U] [B] était en droit d’obtenir le bénéfice du chèque de 9500 euros promis dans le jeu de la société CPE sous l’enseigne Délices & Gourmandises, celui-ci n’était pas fondé à se voir remettre les montants des deux autres chèques dont le gain ne lui avait pas été annoncé de manière irrévocable et dont les documents correspondants lui permettaient de réaliser de première lecture que leur attribution était soumise à aléa.

En définitive, il conviendra d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société CPE à payer à [U] [B] la somme totale de 28500 euros, et de condamner la société Acticia Conseil à payer à M. [L] [B], M. [P] [B], Mme [C] [B] et Mme [J] [M] née [B], ès qualités d’héritiers coïndivisaires de la succession du de cujus,

unis d’intérêts, la somme de 9500 euros en exécution du quasi-contrat volontairement proposé à ce dernier (jeu BA 2336 enseigne Délices & Gourmandises’) ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

2- Sur les jeux ‘Cadeaux’ :

La société Acticia Conseil / CPE affirme que l’attribution du cadeau principal matériel de valeur était aléatoire et soumis à conditions, l’aléa étant lié en particulier à la réalisation d’un chiffre d’affaires à la date de clôture fixée des mois après que [U] [B] ait reçu les documents.

Elle critique le jugement en ce que le tribunal a retenu à tort qu’aucun aléa n’existait après avoir néanmoins relevé dans sa motivation les astérisques, les aléas et rappelé le contenu des conditions d’attribution jointes produites par le demandeur.

a) Sur les cadeaux ‘Délices et Gourmandises’ :

Le tribunal a retenu deux publipostages datés des 10 et 26 mars 2014 reçus par [U] [B] (ses pièces 101 et 107 correspondant à la pièce 31 de la société Acticia Conseil) ayant déterminé celui-ci à passer commande d’un ordinateur portable multimédia à écran tactile d’une valeur de 1090 euros, lesquels, de fait, désignent M. [B] ‘bénéficiaire certifié#’ invitant vivement son destinataire à répondre en vue d’obtenir son colis contenant cet ordinateur en y ajoutant : ‘je vous rappelle qu’il n’y a plus le moindre doute à avoir : dès réception de votre réponse nous procéderons à la livraison immédiate du Colis contenant ‘l’ordinateur #’ qui vous a été d’ores et déjà attribué à votre domicile’. Une photo de l’ordinateur jointe à chacun de ses envois mentionnait ‘Gratuit x’, la lettre ‘x’ renvoyant à la mention : ‘voir conditions d’attribution de l’ordinateur portable multimédia (article 4-1) alors que le renvoi du signe # était le suivant : ‘# des autres ordinateurs (art. 4-2).

Il reste que :

– [U] [B] n’apparaît pas gagnant du prix principal (ordinateur portable multi média d’une valeur de 1090 euros) mais le cas échéant celui d’un autre ordinateur au regard du symbole # affecté ;

– les conditions d’attribution des cadeaux ont aussi été reproduites dans chacun de ces envois dont l’attention du destinataire a été attirée par une flèche noire large de plus de 2 cm sur toute la hauteur de la page avec la mention ‘IMPORTANT’ insérée en blanc et en gros caractères, lesquelles indiquent expressément que l’attribution des cadeaux n’est en rien le résultat du hasard, l’attribution se faisant en fonction du chiffre d’affaires. Il est ainsi précisé que le gagnant du cadeau principal sera donc la personne ayant réalisé le chiffre le plus élevé comptabilisé au 31 décembre 2014 ;

– [U] [B], à l’occasion de sa commande de 14,90 euros hors frais de port, a coché la case mentionnant : ‘Oui, j’ai pris connaissance des conditions d’attribution et je les accepte en datant et signant ci-dessous’, avec en suivant la signature de l’intéressé et la date du 20 mars 2014.

Il ressort de ces éléments, qu’à la première lecture de ces documents, un consommateur normalement avisé tel que [U] [B] avait connaissance des conditions d’attribution du cadeau principal liée à un ‘chiffre d’affaires’ comparé à celui des autres participants, et ne pouvait croire légitimement, dès la date de ses commandes des 10 et 26 mars 2014, qu’il était dores et déjà le gagnant du cadeau principal d’une valeur de 1090 euros.

Si la ‘réalisation d’un chiffre d’affaires’ à comparer avec celle des autres participants n’est pas soumise au hasard ainsi qu’il est indiqué dans le règlement, elle n’en constitue pas moins un aléa, lequel a été clairement exposé, ce dont [U] [B] a reconnu avoir pris connaissance et a déclaré avoir accepté.

Par suite le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société CPE au paiement de la somme de 1090 euros et la demande formée à ce titre sera rejetée.

b) Sur les cadeaux ‘Délices d’Annie’ :

Au vu des deux envois des 28 avril et 12 mai 2014 reçus par [U] [B] (ses pièces 19 et 20), le premier juge a condamné la société CPE à lui payer la valeur d’un téléviseur égale à 1199 euros.

Par une analyse exhaustive de ces documents, le tribunal souligne que :

– le directeur général de l’enseigne a confirmé à [U] [B] la garantie de l’attribution d’un téléviseur à écran plan LCD 3D par des termes dénués de toute ambiguïté tels que : ‘le résultat est maintenant officiellement validé : vous êtes l’heureux bénéficiaire d’un ‘APPAREIL A ECRAN PLAT LCD DE MARQUE#’! Félicitations! Pour le recevoir, il faut obligatoirement nous renvoyer votre ‘bulletin d’acceptation d’envoi’ dûment complété accompagné de votre commande. En répondant à ce courrier conformément aux modalités, vous avez donc la garantie de recevoir très rapidement ‘UN APPAREIL A ECRAN PLT LCD DE MARQUE#’, avec au dos, un avis de livraison, mentionnant en caractères gras de couleur rouge ‘VOUS N’AVEZ RIEN A PAYER POUR CET APPAREIL!’; le renvoi du symbole # étant le suivant : ‘#attribution des autres cadeaux (voir article 4.2)’ ;

– En bas, est rappelée la condition d’une commande ;

– Une photographie de l’ordinateur jointe à chacun de ses envois mentionnait ‘Gratuit x’, le symbole ‘x’ renvoyant à la mention : ‘attribution du cadeau principal présenté ci-contre (voir article 4.1″.

Contrairement aux documents examinés précédemment, les conditions d’attribution ne sont pas particulièrement signalées mais sont condensées sur l’intégralité du verso du seul cliché photographique, indiqué comme n’ayant pas de valeur contractuelle, alors qu’il n’est pas établi que [U] [B] ait coché une quelconque case par laquelle il attesterait avoir pris connaissance des dites conditions et les accepterait. Or seules ces conditions reproduites en caractères petits et serrés rendant leur lecture fastidieuse et difficile font état de la condition relative à la réalisation d’un chiffre d’affaires, alors que cet aléa ne figure à aucun autre endroit sur les dits documents. La participation précédente de [U] [B] à un autre jeu d’apparence similaire un mois plutôt ne permet pas de conclure que celui-ci avait encore en mémoire les articles de règlement dont il avait reconnu avoir eu connaissance, ceux-ci pouvant différer d’autant plus que le jeu était organisé sous une autre enseigne.

Par suite, il sera considéré que l’existence de l’aléa résultant de la réalisation du meilleur chiffre d’affaires n’apparaissait pas de première lecture des publipostages reçus par un destinataire normalement attentif et diligent de sorte que [U] [B] a pu croire légitimement qu’il était attributaire du téléviseur aux caractéristiques indiquées de manière éclatante et dont il était ‘l’heureux bénéficiaire’.

c) Sur les cadeaux ‘Natur’Santé Editions’ :

Sur la base de courriers adressés par la société CPE sous l’enseigne ‘Natur’ Santé Editions’ les 4 et 16 avril 2014, et 19 mars 2014 et au visa des pièces 49, 48 et 51 de [U] [B], le tribunal a alloué les sommes de 1290 euros, 1490 euros et 649 euros correspondant respectivement à la valeur d’un téléviseur à écran plat LCD 3D 127 cm (pièce 49), d’un téléviseur à écran plat LCD 3D 140 cm (pièce 48) et d’un ordinateur portable multi-fonctions (pièce 51).

De fait, il apparaît que ces documents publicitaires mentionnaient de manière particulièrement attractive comme indiqué par le tribunal à l’analyse duquel il sera expressément renvoyé, notamment :

– pour celui du 19 mars 2014 : ‘Félicitations pour votre cadeau, Monsieur [B]! Un ‘ordinateur’ est prêt’ suivi d’un triangle difficilement identifiable comme une signe de renvoi ; ‘GARANTIE A CONSERVER’ (mentionné en grands caractères de couleur rouge) : ‘Monsieur [U] [B], en tant que fidèle client, vous avez le privilège aujourd’hui de pouvoir recevoir d’ores et déjà un ‘splendide ordinateur portable multi-fonctions’ en remerciement de votre commande’. (…) ‘nous attestons de la conformité des résultats de cette opération ‘clients fidèles’ et garantissons que chaque client recevra déjà un ‘ordinateur portable multi-fonctions réservé’ ; la mention ‘ordinateur portable multifonctions’ est à chaque reprise accompagnée d’un triangle (attribution des autres cadeaux) difficilement identifiable comme une note de renvoi. Il est manifeste que de premier abord, le dit cadeau récompense avant tout la fidélité déjà acquise de [U] [B] alors que le règlement reproduit au verso, juste au dessous de la mention ‘Visez vite aussi les 9500 euros présentés ci-après’, laquelle est sans rapport avec l’ordinateur, fait état en son article 4 d’une attribution en fonction de l’importance du chiffre d’affaires réalisé entre le 19 mars et le 31 décembre 2014. Cet aléa, mentionné exclusivement et trop discrètement dans le règlement, est en totale contradiction avec les termes ci-dessus rappelés de sorte qu’il doit être retenu que cet envoi contenait une promesse de gain ferme ;

– pour celui du 4 avril 2014 : ‘AVIS POUR LIVRAISON : Monsieur [B] le plus beau téléviseur à écran plat LCD, image Haute définition 3D est déjà en attente dans nos locaux. Une réponse est nécessaire pour pouvoir le livrer à [Localité 11] x(…) Nous vous annonçons aujourd’hui qu’un COLIS ECRAN LCD # VOUS A D’ORES ET DEJ0 ATTRIBUE, ET QU’IL EST A VOTRE DISPOSITION DANS NOS ENTREPÔTS ; le règlement est reproduit uniquement au dos d’un document intitulé ‘AVIS POUR ATTRIBUTION’ relatif exclusivement à un gain de 9000 euros étranger au dit cadeau et sans que l’attention du lecteur ait été particulièrement attirée ;

– pour celui du 16 avril 2014 : ‘GARANTIE D’ATTRIBUTION valant TITRE de Propriété établi au nom de M. [U] [B] (…) ‘FÉLICITATIONS MONSIEUR [B], VOUS AVEZ LA GARANTIE DE RECEVOIR ‘UN APPAREIL A ECRAN PLAT LCD# DE MARQUE!(mentionné en rouge) LIVRE DIRECTEMENT CHEZ VOUS A [Localité 11]’, ou encore au bas du document : ‘CONFIRMATION D’ATTRIBUTION : Le résultat est maintenant officiellement validé : Vous êtes l’heureux bénéficiaire d’UN APPAREIL A ECRAN PLAT LCD# DE MARQUE!’ (mentionné en rouge) avec au verso ‘conformément aux modalités d’attribution de l’opération, il a été confirmé officiellement que c’est bien ‘UN APPAREIL A ECRAN PLAT LCD# DE MARQUE QUI VOUS REVIENT D’ORES ET DÉJÀ!(mentionné en rouge)’, informant le destinataire des modalités d’envoi avec comme autre document un spécimen de ‘BON DE LIVRAISON’ COPIE CLIENT’ (…)VOUS N’AVEZ RIEN A PAYER POUR CET APPAREIL!!(en rouge) ; ces seuls documents ne mettent nullement en évidence l’existence d’un quelconque aléa et les seules mentions auxquelles renvoient les astérisques et symboles sont insuffisantes à établir, en l’absence de règlement reproduit, l’existence d’un aléa de sorte que [U] a pu légitiment croire à l’attribution de ce cadeau.

En définitive, il conviendra d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société CPE à payer à [U] [B] la somme totale de 5718 euros, et de condamner la société Acticia Conseil, en exécution des quasi-contrats volontairement proposés à ce dernier, à payer à M. [L] [B], M. [P] [B], Mme [C] [B] et Mme [J] [M] née [B], ès qualités d’héritiers coïndivisaires de la succession du de cujus, unis d’intérêts, la seule somme de 4628 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

– Sur les dommages et intérêts :

Le tribunal a alloué une somme de 500 euros en réparation du préjudice moral causé à [U] [B] à la suite des appels téléphoniques répétés reçus de la part des trois enseignes en cause après l’assignation ce, au vu des deux attestations versées par le demandeur émanant de témoins de ces appels les 2 et 16 janvier 2016.

La société Acticia Conseil, en cause d’appel comme en première instance, conteste la valeur probatoire de ces témoignages alors que les coordonnées de [U] [B] ont été supprimées de ses fichiers à réception de l’assignation et que par ailleurs, ce dernier n’a jamais sollicité l’arrêt de tout envoi publicitaire, insistant au contraire pour voir rectifier sa nouvelle adresse.

Il apparaît que les seuls éléments évoqués par le tribunal, à savoir les deux attestations émanant de Mme [F] [H] épouse [S] pour l’une et de M. [L] [B], père du demandeur, pour l’autre, affirmant ‘avoir été témoins de ces appels le 16 janvier 2016 et 2 janvier 2016, émanant des directeurs généraux respectifs de ‘Délices & Gourmandises’ et de ‘Les Délices d’Annie’, sont insuffisants pour caractérise un fait délictuel résultant du caractère répétitif des appels allégués comme la réalité d’un préjudice subi par [U] [B] alors qu’en l’absence de production de ces pièces, la cour ignore tout de l’objet des dits appels.

Le jugement sera par conséquent infirmé de ce chef et la demande indemnitaire rejetée.

– Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

La société Acticia Conseil, partie qui succombe même partiellement, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel, par arrêt rendu par défaut, et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Constate que la société Acticia Conseil vient aux droits de la société Consortium Publicitaire Européen ;

Constate que MM. [P] et [L] [B], ainsi que Mmes[C] [B] et [J] [M] née [B] ont été valablement assignés en intervention forcée ès qualités d’héritiers de [U] [B] ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la Sas Consortium Publicitaire Européen à payer à M. [U] [B] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2014 :

* 28 500 euros et 5718 euros en exécution des quasi-contrats qu’elle lui a volontairement proposés ;

* 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés :

Condamne la société Acticia Conseil, venant aux droits de la société Consortium Publicitaire Européen, à payer à M. [L] [B], M. [P] [B], Mme [C] [B] et Mme [J] [M] née [B], ès qualités d’héritiers coïndivisaires de la succession de [U] [B] (sous réserve pour chacun d’eux de ne pas avoir renoncé à la dite succession), unis d’intérêts, les sommes suivantes dues en exécution des quasi-contrats qu’elle a volontairement proposés au de cujus :

– 9500 euros (au titre du gain sous forme de chèque),

– 4628 euros (au titre de la valeur des cadeaux),

ce, avec intérêts au taux légal pour chacune de ces sommes à compter du présent arrêt ;

Rejette la demande de dommages et intérêts ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Acticia Conseil venant aux droits de la société Consortium Publicitaire Européen aux entiers dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


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