Le dirigeant d’une société qui s’est désintéressé de la procédure de liquidation et qui n’a pas hésité à saisir le premier président d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement déféré alors que cette procédure est manifestement vouée à l’échec, s’expose à une condamnation pour abus de droit au visa de l’article 32-1 du code de procédure civile (8.000 suros d’emende civile).
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→ Résumé de l’affaireLa SAS INFINITY SPACE a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Marseille. L’entreprise a interjeté appel de cette décision et a demandé l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision de liquidation. Lors des débats, la présidente de l’audience a remis en question le fondement juridique de la demande. La SAS INFINITY SPACE a maintenu sa demande, tandis que la SAS LES MANDATAIRES a demandé le rejet de la demande. Le procureur général a également demandé le rejet de la demande et a proposé une amende civile pour le gérant de la société pour avoir maintenu une activité occulte.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-11 référés
ORDONNANCE DE REFERE
du 29 Juillet 2024
N° 2024/302
Rôle N° RG 24/00184 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BM4G4
S.A.S. INFINITY SPACE
C/
S.A.S. LES MANDATAIRES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Honoré Romain SOGLO
Me Philippe BRUZZO
Prononcée à la suite d’une assignation en référé en date du 04 Avril 2024.
DEMANDERESSE
S.A.S. INFINITY SPACE, demeurant [Adresse 3] – [Localité 2]
représentée par Me Paul BAYAMI, avocat au barreau de PARIS, Me Romain SOGLO avocat au barreau de MARSEILLE
DEFENDERESSE
S.A.S. LES MANDATAIRES, demeurant [Adresse 4] – [Localité 1]
représenté par Me Philippe BRUZZO de la SELAS BRUZZO DUBUCQ avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE;
Monsieur le Procureur GENERAL près la Cour d’appel D’AIX-EN-PROVENCE
avisé
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DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L’affaire a été débattue le 10 Juin 2024 en audience publique devant
Véronique NOCLAIN, présidente,
déléguée par ordonnance du premier président.
En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile
Greffier lors des débats : Cécilia AOUADI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2024.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2024.
Signée par Véronique NOCLAIN, présidente et Cécilia AOUADI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par jugement contradictoire en date du 21 février 2024, le tribunal de commerce de Marseille a principalement, par décision assortie de l’exécution de droit, prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire à l’égard de la SAS INFINITY SPACE, sise [Adresse 3]-Hot Marseille Innovation [Localité 2].
Par déclaration du 1er mars 2024, la SAS INFINITY SPACE a interjeté appel du jugement sus-dit.
Par acte d’huissier du 4 avril 2024 reçu et enregistré le 15 avril 2024, l’appelante a assigné la SAS LES MANDATAIRES, ès qualités de liquidateur judiciaire, et monsieur le procureur général devant le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence au visa des dispositions de ‘l’article 514-3 du code de procédure civile’ aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision déférée, ‘ordonner toute publicité ou inscription nécessaire sur le KBIS de la société INFINITY SPACE et notamment, le retrait de la mention de la liquidation judiciaire, demander la constitution d’une garantie à toute partie opposée à l’exécution provisoire pour rembourser les pertes financières de la société INFINITY SPACE du fait de la résiliation du contrat de 10 millions de dollars de Visa, et l’absence de gains générés de l’activité de MOBILE MONEY proprement dire jusqu’en 2027, de mêmes que les conséquences d’un tel rejet sur la négociation en cours concernant la créance de 948 millions d’suros contre MTN GROUP et aux fins de demander au mandataire liquidateur d’apporter son concours à la procédure de recouvrement en cours contre MAN GROUP tant dans sa phase amiable actuelle que dans sa phase judiciaire si elle était initiée par INFINITY SPACE pendant la procédure collective.’
Lors des débats su 10 juin 2024, la présidente de l’audience a précisé que le fondement juridique de la demande, à savoir l’article 514-3 du code de procédure civile, était problématique s’agissant d’une procédure collective réglementée par les dispositions du code de commerce.
La SAS INFINITY SPACE a précisé maintenir les termes de son assignation.
Par écritures en réplique notifiées pour l’audience du 10 juin 2024, la SAS LES MANDATAIRES ès qualités, a demandé au visa des articles 514-3 et suivants et L.631-15II du code de commerce, de dire n’y avoir lieu à suspendre l’exécution de la décision, de débouter la société INFINITY SPACE de ses prétentions , d’écarter les pièces produites uniquement en langue anglaise et de dire que les dépens seront frais privilégiés de la procédure collective.
Par avis comuniqué aux parties le 7 juin 2024, monsieur le procureur général a sollicité le rejet de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire et le prononcé d’une amende civile pour un montant maximum à l’égard de monsieur [L] [C], gérant de la société INFINITY SPACE, celui-ci ayant persisté à vouloir lever des fonds auprès d’investisseurs alors que sa société n’avait plus d’activité, ayant ainsi maintenu une ‘activité occulte’. Monsieur le procureur général ajoute que l’ amende civile se justifie également au regard des éléments développés par le mandataire liquidateur dans ses écritures.
Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet des moyens exposés par les parties.
Aux termes de l’article R.661-1 du code de commerce, par dérogation aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel, ne peut, en référé, arrêter l’exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers aliénas du présent article, notamment s’agissant des décisions de liquidation judiciaire, que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissant sérieux.
En l’espèce, la société INFINITY SPACE, et ce, malgré rappel fait oralement à l’audience par la magistrate déléguée du premier président en charge du référé, a fondé sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire sur l’article 514-3 du code de procédure civile et non sur les dispositions de l’article R.661-1 du code de commerce.
Sa demande, mal fondée juridiquement, sera rejetée.
Il sera, en tant que de besoin, également précisé que le 1er président n’a pas compétence pour ajouter au dispositif de la décision déférée; les demandes suivantes tendant à ordonner toute publicité ou inscription nécessaire sur le KBIS de la société INFINITY SPACE et notamment, le retrait de la mention de la liquidation judiciaire, demander la constitution d’une garantie à toute partie opposée à l’exécution provisoire pour rembourser les pertes financières de la société INFINITY SPACE du fait de la résiliation du contrat de 10 millions de dollars de Visa, et l’absence de gains générés de l’activité de MOBILE MONEY proprement dire jusqu’en 2027, de mêmes que les conséquences d’un tel rejet sur la négociation en cours concernant la créance de 948 millions d’euros contre MAN GROUP et aux fins de demander au mandataire liquidateur d’apporter son concours à la procédure de recouvrement en cours contre MAN GROUP tant dans sa phase amiable actuelle que dans sa phase judiciaire si elle était initiée par INFINITY SPACE pendant la procédure collective’ sont donc irrecevables.
La lecture des écritures du mandataire liquidateur permet de constater que le gérant de la société INFINITY SPACE s’est totalement désintéressé de la procédure collective, n’a pas communiqué d’éléments comptables, et ce, alors que le passif déclaré s’est révélé être d’un montant de 1 154 618,90 suros échu et de 8 676 suros non définitif; au surplus, le mandataire liquidateur a eu connaissance du fait qu’un prêt PGE octroyé à hauteur de 451.495,61 suros avait bénéficié au dirigeant de la société INFINITY SPACE, monsieur [L] [C], à hauteur de 69.089,42 suros mais également, à des ‘tiers’ à la société à hauteur de 74.235,58 suros; de nombreuses dettes sont au surplus signalées = dettes fiscales, créance URSSAF de plus de 88.000 suros, créance AG2R MONDIALE de 1.100.000 suros, et ce, alors que depuis sa création, la société INFINITY SPACE n’a eu aucun activité en France ; enfin, il est établi que monsieur [L] [C] a sollicité, postérieurement à la conversion de la procédure en liquidation judiciaire, auprès de divers investisseurs la somme de 300.000 suros et que des sommes ont été de nouveau virées sur son compte personnel; il y aurait donc de la part de monsieur [L] [C] un possible détournement de fonds.
L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 suros, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
Les éléments ci-dessus repris témoignent de comportements répréhensibles de la part du gérant de la société INFINITY, qui pourront faire l’objet de poursuites pénales. Malgré ce, et alors qu’il avait été en outre absent du suivi de la procédure collective mise en place pour redresser sa société INFINITy SPACE, celui-ci n’a pas hésité à saisir le premier président d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement déféré . Cette procédure, manifestement vouée à l’échec, n’a été en réalité initiée que pour retarder l’échéance de la procédure. Cet abus de droit doit être sanctionné au visa des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile par le paiement d’une amende civile à hauteur de 8.000 suros.
Les dépens de l’instance seront mis frais privilégiés de la procédure collective.
Statuant en référés, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire
-DISONS mal fondée juridiquement la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement déféré;
-ECARTONS cette demande;
-DISONS irrecevable le surplus des demandes de la société INFINITY SPACE;
-CONDAMNONS monsieur [L] [C], à l’origine du présent référé, au paiement d’une amende civile de 10.000 suros en application de l’article 32-1 du code de procédure civile;
-DISONS que les dépens de l’instance seront frais privilégies de la procédure collective.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 29 juillet 2024 date dont les parties comparantes ont été avisées à l’issue des débats.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE