Sanction disciplinaire et exercice du droit de retrait

·

·

Sanction disciplinaire et exercice du droit de retrait

Engagement de M. [C] et contexte de l’affaire

M. [I] [C] a été engagé par la SASU Keolis Seine Sénart en tant que conducteur receveur le 21 juin 2012, avec une rémunération mensuelle brute de 2 056,70 euros. La convention collective applicable est celle des transports routiers. Le 20 juin 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire.

Mise à pied disciplinaire

Le 26 juillet 2019, la société a notifié à M. [C] une mise à pied disciplinaire d’un jour, l’accusant d’avoir exercé irrégulièrement son droit de retrait lors d’un incident survenu dans la nuit du 14 au 15 juin 2019, où un collègue avait été agressé.

Actions en justice de M. [C]

Le 4 mai 2020, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes pour annuler sa mise à pied et demander des rappels de salaire, des dommages et intérêts, ainsi qu’une attestation Pôle emploi. Le jugement du 15 octobre 2021 a annulé la mise à pied et condamné l’employeur à verser des sommes à M. [C].

Appel de la société Keolis

La société Keolis Seine Sénart a fait appel du jugement le 2 novembre 2021, contestant l’annulation de la mise à pied et les condamnations financières. L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2024, avec une audience de plaidoiries fixée au 1er octobre 2024.

Arguments des parties

Keolis soutient que la mise à pied était justifiée, affirmant que M. [C] avait cessé son service sans raison valable. M. [C], de son côté, argue qu’il avait un motif légitime pour exercer son droit de retrait en raison de l’agression de son collègue et des conditions de sécurité insuffisantes.

Motivation du jugement

Le conseil de prud’hommes a annulé la sanction, considérant que M. [C] avait agi de manière appropriée en réponse à une situation potentiellement dangereuse. La cour a également noté que l’employeur n’avait pas prouvé que M. [C] avait agi de manière irrégulière en exerçant son droit de retrait.

Décision finale de la cour

La cour a confirmé le jugement du 15 octobre 2021, déboutant la société Keolis de sa demande en remboursement de frais et condamnant l’entreprise à verser 1 000 euros à M. [C] pour ses frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’à supporter les dépens de l’instance d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
21/09041
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09041 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CESXJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY-COURCOURONNES – RG n° 20/00197

APPELANTE

S.A.S.U. KEOLIS SEINE SENART

N° SIRET : 380 496 383

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Alexis GINHOUX, avocat au barreau de PARIS, toque P0237

INTIME- APPELANT INCIDENT

Monsieur [I] [C]

Né le 18 novembre 1973

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d’ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Marie-Lisette SAUTRON, présidente

Véronique MARMORAT, présidente

Christophe BACONNIER, président

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Lisette SAUTRON, Présidente et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [C] a été engagé par contrat à durée indéterminée le 21 juin 2012 par la SASU Keolis Seine Sénart, en qualité de conducteur receveur, affecté aux bus de nuit du réseau Noctilien.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, la rémunération mensuelle brute de M. [C] s’élevait à 2 056,70 euros. La convention collective applicable est celle des transports routiers et des activités auxiliaires de transport. L’entreprise compte plus de 11 salariés.

Le 20 juin 2019, M. [C] est convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire, fixé à la date du 2 juillet 2019.

Par lettre du 26 juillet 2019, la société Keolis Seine Sénart a notifié à M. [C] une mise à pied disciplinaire d’un jour, en lui reprochant d’avoir exercé irrégulièrement son droit de retrait dans la nuit du 14 au 15 juin 2019.

Le 4 mai 2020, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes de demandes tendant finalement à’:

– faire annuler sa mise à pied du 26 juillet 2019,

– faire condamner l’employeur à lui payer, avec intérêts au taux légal, les sommes suivantes :

. 122,04 euros de rappel de salaire,

. 12,20 euros de congés payés afférents,

. 1 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la sanction abusive,

. 1 500 euros d’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,

– faire condamner sous astreinte l’employeur à lui remettre une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie.

Par jugement contradictoire rendu le 15 octobre 2021 et notifié le 21 octobre 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes a :

– annulé la mise à pied du 26 juillet 2019,

– condamné la SAS Keolis Seine Sénart, en la personne de son représentant légal, à verser à M. [C] les sommes suivantes :

‘ 122,04 euros au titre du rappel de salaire,

‘ 12,20 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la date de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 8 juin 2020 ;

‘ 100,00 euros au titre des dommages-intérêts pour sanction abusive,

‘ 750,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du prononcé du jugement,

– ordonné la remise d’un bulletin de paye conforme au jugement,

– débouté M, [C] du surplus de ses demandes,

– mis les entiers dépens à la charge de la partie défenderesse.

La société Keolis Seine Sénart a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 2 novembre 2021, en chaque chef du dispositif sauf en ce qu’il a débouté le salarié du surplus de ses demandes.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 septembre 2024 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 1er octobre 2024.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, la société Keolis Seine Sénart demande à la cour de :

– recevoir la société Keolis Seine Sénart en son appel et l’y dire bien fondée ;

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– annulé la mise à pied disciplinaire en date du 26 juillet 2019 et condamné la société Keolis Seine Sénart à payer à M. [C] les sommes de :

‘ 122,04 euros à titre de rappels de salaire,

‘ 12,20 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la date de la réception par la société Keolis Seine Sénart de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation,

‘ 100,00 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive,

‘ 750,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

– condamné la société Keolis Seine Sénart aux dépens ;

Statuant à nouveau :

– débouter Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes ;

– le condamner aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 mars 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, Monsieur [C] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Evry le 15 octobre 2021 sauf en ce qu’il n’a accordé que la somme de 100 euros au titre de dommages et intérêts pour sanction abusive,

Et par conséquent :

– annuler la mise à pied du 26 juillet 2019,

– condamner la SAS Keolis Seine Sénart, en la personne de son représentant légal, à verser à M. [C] les sommes suivantes :

‘ 122,04 euros à titre de rappel de salaire,

‘ 12,20 euros au titre des congés payés afférents,

‘ 1 000,00 euros au titre des dommages-intérêts pour sanction abusive,

‘ 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– assortir la décision des intérêts au taux légal,

– ordonner la remise d’un bulletin de paye conforme au jugement,

– débouter la société Keolis Seine Sénart de ses demandes,

– mettre les entiers dépens à la charge de la partie défenderesse,

A titre subsidiaire :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Evry le 15 octobre 2021 en toutes ses dispositions,

– condamner la société Keolis Seine Sénart au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société Keolis Seine Sénart de ses demandes.

MOTIVATION

Le 26 juillet 2019, M. [C] a été sanctionné d’une mise à pied disciplinaire d’un jour dans une lettre rédigée en ces termes’:

‘ Dans la nuit du 14 au 15 juin 2019, vous assuriez votre service 9902 (Noctilien) en double avec un autre collègue, en direction de gare [5] à [Localité 9]. Arrivé au niveau de l’arrêt  »Eglise » à [Localité 8], vous avez stoppé votre bus car l’un de vos collègues, conducteur-receveur, était accompagné de la police. Ce dernier venait d’être agressé par un usager.

Selon vos explications, vous vous seriez arrêté «’pour prendre des nouvelles’». Devant cet état de fait, et toujours selon vos dires, vous avez contacté les autres conducteurs en service et vous êtes accordés ensemble pour exercer «’un droit de retrait’».

Vous avez toutefois accepté de prendre en charge les clients d’un autre collègue, Monsieur [V]-Assureur Nuit, et de terminer sa course jusqu’à [Localité 4].

Une fois les clients déposés à [Localité 4], vous avez décidé par vous-même, sans autorisation préalable de votre encadrement, de ne pas effectuer la fin de votre course. Vous êtes rentré directement au dépôt.

Vous n’ignorez pas que les courses non effectuées, outre le désagrément pour les usagers de ne pas bénéficier du service public de transport prévu, entraînent des pénalités financières pour l’entreprise au regard du contrat Noctilien qui nous lie à notre donneur d’ordre.

Ces incidents n’ont pas non plus été sans conséquence sur la qualité du service fourni dans la mesure où les usagers ont été privés de transport, qui plus est, la nuit.

Arrivée au dépôt de [Localité 7], vous ne vous êtes pas présenté à la régulation et n’avez pas signalé votre intention d’exercer votre droit de retrait. Vous êtes ensuite resté sur le dépôt jusqu’à la fin de votre service.

Votre comportement est contraire à l’article 4 du règlement intérieur intitulé  »prévention des accident » qui précise’:  »les salariés ont l’obligation de respecter les consignes qui leur sont données par le personnel d’encadrement pour l’exécution de leur travail et notamment les instructions relatives à la sécurité.

Également l’article 12 intitulé  »discipline concernant la durée du travail et les horaires’»’: chaque salarié doit se trouver à son poste, en tenue de travail, et se consacrer exclusivement à l’exercice de ses fonctions, du début à la fin. Le non-respect des horaires caractérise l’irrégularité dans le travail ».

Enfin, l’article 14 intitulé  »discipline au travail » qui énonce’: le personnel est soumis, de façon générale aux directives et instructions émanant de la direction de l’entreprise et devra en particulier se conformer aux ordres donnés par les responsables hiérarchiques directs …il est obligatoire de façon générale…de respecter les consignes de travail imparties à chaque service.

Votre décision de ne pas terminer votre service est assimilé à un abandon de poste. Le fait de ne pas prévenir votre hiérarchie et la régulation est contraire aux procédures et consignes de l’entreprise.

Lors de votre entretien, nous avons entendu vos explications. Nous considérons à juste titre que votre droit de retrait n’est pas justifié puisque vous n »étiez pas personnellement en situation de danger grave et imminent, comme le précise la définition du droit de retrait. Preuve en est puisque, à la demande de votre assureur-nuit, vous avez terminé sa ligne jusqu’à [Localité 4]. A ce moment-là, la zone était sécurisée par la police, les pompiers et l’assureur de nuit. Il n’y avait donc plus de danger.

Nous ne pouvons tolérer de votre part ce manque de professionnalisme.

Outre le fait que votre attitude nuit à la bonne organisation du service auquel vous appartenez, vous avez, par vos agissements inappropriés, porté atteinte à la qualité de service que nous souhaitons offrir à nos clients et à l’image de l’entreprise.

Par conséquent, et au regard des explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien, nous avons décidé de vous notifier par la présente une mise à pied disciplinaire d’un jour qui sera versée à votre dossier personnel. Celle-ci interviendra le dimanche 11 août 2019. Cette journée de mise à pied ne vous sera pas rémunérée et vous ne pourrez pas vous présenter sur le dépôt’.

La société Keolis Seine Sénart soutient que la mise à pied disciplinaire de M. [C] serait proportionnée aux faits reprochés, en ce qu’il aurait cessé son service commercial de manière injustifiée. La société fait valoir que le salarié aurait indiqué exercer son droit de retrait après avoir été informé de l’agression de son collègue, alors qu’il se trouvait déjà sur le lieu des faits sécurisé par les services de police, qu’il n’aurait pas pu s’exposer à rencontrer l’agresseur en poursuivant son parcours, qu’il aurait d’ailleurs immédiatement repris le service en direction de la gare [Localité 4], mais qu’il aurait cessé son service une fois arrivé à ce terminus, sans informer quiconque.

La société soutient alors que le salarié n’aurait aucunement été exposé à un danger en gare de [Localité 4], notamment car il se situerait à plus de 13 km du lieu de l’agression, que celle-ci aurait eu lieu une heure auparavant, et qu’il n’y aurait eu aucune réitération des faits.

La société fait également valoir qu’elle aurait mis en place divers protocoles en cas d’agressions, tels qu’une régulation dédiée au service Noctilien disponible via un bouton d’alerte, une pochette avec tous les protocoles de sécurité et coordonnées nécessaires, un téléphone portable à disposition du conducteur et de l’agent d’accompagnement, le conducteur étant toujours accompagné par cet agent ou par un autre conducteur, ainsi que la permanence d’un assureur-nuit disposé à prendre des mesures adaptées.

M. [C] soutient qu’il aurait été légitime à exercer son droit de retrait cette nuit-là, en ce qu’il aurait eu un motif raisonnable de se retirer d’une situation dangereuse, notamment au regard de la violente agression de son collègue, de son hospitalisation, de l’absence d’interpellation de l’agresseur, de l’absence de mesures prises pour garantir la sécurité des conducteurs, de l’absence d’agents accompagnateurs, et de l’absence d’instructions données à l’assureur de nuit, faisant craindre un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Le salarié fait également valoir qu’il aurait immédiatement informé l’assureur de nuit, M. [V], de l’exercice de son droit de retrait, aucun conducteur n’ayant réussi à joindre la régulation à ce propos. Le salarié soutient par ailleurs qu’il n’aurait pas été nécessaire d’informer les assureurs de jours, présents au dépôt à son arrivée, ne s’agissant pas des assureurs présents ce soir-là. M. [C] soutient que la mise à pied disciplinaire dont il a fait l’objet serait injustifiée, en ce qu’elle viserait à sanctionner l’utilisation légitime d’un droit de retrait. Par ailleurs, il assure avoir malgré tout continué à travailler, en terminant la ligne de M. [V] jusqu’à [Localité 4], sans commettre aucune faute, en ce qu’il se serait conformé aux directives et n’aurait eu ensuite d’autre choix que de rentrer au dépôt, ne se trouvant pas à Gare [5] pour rependre son service initial.

Aux termes de l’article L. 4131-1 du code du travail, le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

Aux termes de l’article L. 4131-3 du même code, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux.

Il résulte de ces dispositions que lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, sans que l’employeur soit tenu de saisir préalablement le juge du bien-fondé de l’exercice de ce droit par le salarié.

Il n’est pas contesté que le 15 juin 2019 à 3 heures du matin un chauffeur de bus Noctilien s’est fait agresser physiquement par un usager, à la gare [6]. Selon les plans des lignes de bus, cette gare se situe également sur le circuit de M. [C] qui s’est retrouvé présent sur les lieux lors de l’intervention des secours, de la police et de l’assureur-nuit, lequel exerçait en même temps la mission de conducteur de bus. Il est également acquis au débat que le salarié, sur demande de l’assureur-nuit, a poursuivi la tournée de celui-ci, occupé à secourir le collègue victime de violences.

L’employeur justifie l’existence de personnel d’accompagnement dont les missions, telles que décrites dans le document «’Flex Flux’», ne sont pas centrées sur la sécurité. Il ne justifie cependant pas leur présence ou leur disponibilité au moment de l’agression. Il justifie en revanche que le salarié, comme ses collègues, était accompagné d’un autre salarié, dont la mission n’est cependant pas d’assurer la sécurité du conducteur. A cet égard, dans un courrier adressé à l’employeur pour contester sa sanction, le salarié indique, sans être contredit par les pièces du dossier de l’employeur, que son binôme a repris sa ligne de bus pendant qu’il s’occupait de celle de l’assureur-nuit.

Les protocoles de sécurité produits par l’employeur concernent des situations où le conducteur est directement agressé ou déjà dans une situation avérée de danger ce qui n’est pas le cas de figure en litige.

Aucune autre preuve n’est rapportée au dossier.

Il ressort de ces éléments et de la lettre de sanction, que M. [C] a annoncé exercer son droit de retrait sans toutefois le mettre effectivement en ‘uvre puisqu’il a repris la ligne de l’assureur-nuit, qui cumulait ce soir-là les fonctions d’assureur-nuit et de conducteur.

Aucune pièce du dossier ne justifie que l’employeur a pris des dispositions pour un remplacement de l’assureur-nuit alors que selon la fiche qu’il produit sur l’organisation du personnel d’accompagnement, un chef d’équipe est en service toutes les nuits de 0h00 à 03h30 pour pallier aux éventuelles absences. Or, il ressort des pièces du dossier que la situation a été traitée par l’assureur-nuit qui était également conducteur, M. [C] et son binôme conducteur, qui se sont répartis les tâches pour finir les tournées. C’est donc à tort que l’employeur reproche au salarié de ne pas avoir fini sa tournée, laquelle a été effectuée par son binôme.

En outre, c’est vainement que l’employeur reproche au salarié un usage irrégulier de son droit de retrait faute d’avoir prévenu son employeur, dès lors qu’il ne justifie pas la disponibilité du service de régulation, contesté par le salarié, lequel a agi en concertation avec l’assureur-nuit. Or, celui-ci est, selon sa fiche de mission, chargé d’accompagner les conducteurs en cas d’incident et réaliser les remontées aux régulateurs.

C’est finalement à raison que le conseil des prud’hommes a annulé la sanction disciplinaire, ordonné la restitution des salaires, et condamné l’employeur au paiement de dommages et intérêts, justement évalués à 100 euros.

Succombant, l’employeur supportera les frais irrépétibles et les dépens de première instance par confirmation, ainsi que ceux d’appel, et sera à ce titre condamné au paiement d’une somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 15 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes’;

Y ajoutant,

Déboute la SASU Keolis Seine Sénart de sa demande en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel’;

Condamne la SASU Keolis Seine Sénart à payer à M. [I] [C] la somme de 1 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel’;

Condamne la SASU Keolis Seine Sénart aux dépens de l’instance d’appel.

Le greffier La présidente


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x