L’employeur est fondé à prendre une sanction de nature disciplinaire contre son salarié insistant pour créer une relation affective avec une collègue qui a repoussé ses avances à de multiples reprises.
En l’espèce, est établi un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des relations de travail s’étant déroulée sur plusieurs mois, d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifiait son départ immédiat. La lettre de rupture du contrat de travail, qui fixe les limites du litige, reproche au salarié son comportement insistant à l’égard de sa collègue alors que cette dernière lui avait clairement demandé de cesser ses agissements à son égard. La vie personnelle peut être définie comme tout comportement du salarié, au temps et lieu de travail comme en dehors, qui ne relève pas stricto sensu de l’exécution du contrat de travail. Des faits ou comportements relevant de la vie personnelle peuvent exceptionnellement être sanctionnés par l’employeur lorsqu’ils se rattachent, par un élément, à la vie professionnelle du salarié ou à la vie de l’entreprise. Seul un trouble caractérisé au fonctionnement de l’entreprise peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement non-disciplinaire. L’article L. 1243-1 alinéa 1 du code du travail dispose que ‘sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.’ La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour rompre le contrat de travail doit en rapporter la preuve. Le licenciement disciplinaire fondé sur des faits relevant de l’intimité de la vie privée du salarié est atteint de nullité. |
Résumé de l’affaire :
Présentation de la société NaitwaysLa société par actions simplifiée Naitways, située dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le conseil, la conception, la réalisation, l’installation, l’hébergement et la maintenance dans le domaine de l’informatique. Elle emploie plus de 10 salariés et est régie par la convention collective Syntec. Engagement de M. [M]M. [O] [M], né le 4 août 2000, a été engagé par Naitways par plusieurs contrats, incluant un contrat à durée déterminée (CDD) pour un mois en juillet 2019, un contrat de professionnalisation de septembre 2019 à juin 2020, un autre CDD d’un mois en juillet 2020, et un dernier contrat de professionnalisation de septembre 2020 à septembre 2021. Convoquer et rupture du contratLe 21 septembre 2020, Naitways a convoqué M. [M] à un entretien préalable, suivi d’une mise à pied conservatoire. Le 13 octobre 2020, la société a notifié la rupture anticipée de son contrat pour faute grave, en raison de comportements insistants et inappropriés envers une collègue, Mme [J] [L]. Comportement de M. [M]Les faits reprochés à M. [M] incluent des sollicitations répétées à Mme [L] pour des rencontres, malgré ses refus clairs. Il a continué à la contacter par divers moyens, y compris la création d’un nouveau compte Instagram pour la harceler. Mme [L] a ressenti un stress important et a déposé une main courante au commissariat. Procédure judiciaireM. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 15 janvier 2021, demandant la requalification de la rupture en rupture abusive et des dommages-intérêts. La société Naitways a demandé le rejet des demandes de M. [M] et a sollicité des frais. Jugement du conseil de prud’hommesLe 8 février 2022, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement de M. [M] pour faute grave était fondé et a débouté M. [M] de toutes ses demandes. M. [M] a interjeté appel de cette décision le 16 mars 2022. Appel de M. [M]Dans ses conclusions du 14 juin 2022, M. [M] a demandé à la cour de confirmer certaines décisions tout en infirmant d’autres, notamment la qualification de la rupture et les demandes de dommages-intérêts. Réponse de Naitways à l’appelLa société Naitways a demandé à la cour de confirmer le jugement de première instance et de débouter M. [M] de ses demandes, tout en sollicitant des frais pour sa défense. Motifs de l’arrêtLa cour a examiné le bien-fondé de la rupture anticipée du contrat de travail, concluant que le comportement de M. [M] constituait une faute grave justifiant la rupture. Elle a également rejeté les demandes de M. [M] concernant le préjudice moral et l’exécution déloyale du contrat de travail. Décision finale de la courLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qui concerne les dépens, et a condamné M. [M] à payer des frais à la société Naitways. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/00871 –
N° Portalis DBV3-V-B7G-VCHX
AFFAIRE :
[O] [M]
C/
S.A.S. NAITWAYS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 février 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : AD
N° RG : 21/00085
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Isabelle GRELIN
Me Nathalie LESENECHAL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
Monsieur [O] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Isabelle GRELIN de la SELEURL Isabelle GRELIN Société d’Avocat, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0178
****************
INTIMEE
S.A.S. NAITWAYS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2090
Plaidant : Me Sylvie BROUET ESCOUBET, avocat au barreau de PARIS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, conseillère chargée du rapport.
Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,
Madame Isabelle CHABAL, conseillère,
Adjointe administrative faisant fonction de greffière lors des débats : Madame Patricia GERARD,
Greffière en pré-affectation lors de la mise à disposition : Madame Victoria LE FLEM,
La société par actions simplifiée Naitways, dont le siège social est situé [Adresse 1], dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le secteur d’activité des conseil, conception, réalisation, installation, hébergement et maintenance dans les domaines de l’informatique. Elle emploie plus de 10 salariés.
La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite Syntec.
M. [O] [M], né le 4 août 2000, a été engagé par la société Naitways selon :
– un contrat de travail à durée déterminée, à effet au 1er juillet 2019, pour une durée d’un mois, au motif d’un surcroît temporaire d’activité, en qualité de technicien système et réseaux,
– un contrat de professionnalisation, du 2 septembre 2019 au 30 juin 2020, en qualité d’administrateur système et réseaux, dans le cadre de sa seconde année de BTS,
– un contrat de travail à durée déterminée, à effet au 1er juillet 2020, pour une durée d’un mois, au motif d’un surcroît temporaire d’activité, en qualité d’administrateur système et réseaux,
– un contrat de professionnalisation, du 1er septembre 2020 au 17 septembre 2021, en qualité d’administrateur système et réseaux, aux fins d’obtenir la certification d’administrateur des systèmes d’information, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 320,60 euros.
Par courrier en date du 21 septembre 2020, la société Naitways a convoqué M. [M] à un entretien préalable qui s’est déroulé le 5 octobre 2020, avec notification d’une mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier en date du 13 octobre 2020, la société Naitways a notifié à M. [M] la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave dans les termes suivants :
« Monsieur,
Nous vous avons reçu le 5 octobre 2020 pour l’entretien préalable à la mesure de rupture anticipée de votre contrat de travail que nous envisagions de prendre à votre encontre. Vous étiez assisté lors de cet entretien par Mme [V] [C], membre du comité social et économique.
Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail.
Ainsi que nous vous l’avons exposé lors de l’entretien, les motifs de cette décision sont les suivants :
Vous avez été embauché au sein de notre société dans le cadre d’un contrat de professionnalisation en qualité d’administrateur système et réseaux à compter du 1er septembre 2020 jusqu’au 17 septembre 2021 dans le cadre d’une formation « certification administrateur des systèmes d’information ».
Ce contrat faisait notamment suite à un précédent contrat de professionnalisation du 2 septembre 2019 au 30 juin 2020 dans le cadre d’une formation « BTS SIO (brevet de technicien supérieur services informatiques aux organisations) 2nde année ».
Le 14 septembre 2020, Mme [J] [L] a demandé à rencontrer la direction de notre société pour lui faire part de votre comportement à son égard.
Lors d’un entretien qui s’est tenu le jour même, Mme [J] [L] nous a ainsi révélé que vous n’avez eu de cesse de prendre contact avec elle, tant sur votre lieu de travail qu’en dehors de celui-ci, pour obtenir de sa part qu’elle accepte de sortir avec vous pour engager une relation amoureuse avec elle.
Elle nous a communiqué le jour même les SMS (short message service) et les messages vocaux reçus de votre part qui confirment les faits allégués.
Au départ, vous lui avez demandé de boire un verre ou de dîner avec vous un soir ou pendant le week-end.
Toutefois, elle a toujours refusé de sortir avec vous et ne vous a jamais caché qu’elle était déjà en couple.
Devant votre insistance, elle vous a clairement fait comprendre qu’elle n’avait pas envie de sortir avec vous et qu’il fallait que vous arrêtiez de la solliciter en permanence à ce sujet.
Depuis le début du mois de septembre, date à laquelle vous avez bénéficié d’un nouveau contrat de professionnalisation au sein de notre société, vous n’avez pas cessé de lui adresser des messages par SMS ou Instagram ou en lui laissant des messages vocaux pour lui demander de prendre un verre avec vous, de vous rencontrer, de discuter avec vous.
Le mardi 8 septembre 2020, vous lui avez ainsi demandé par SMS « quand est-ce que tu es libre pour sortir un soir ‘ ». Devant son refus vous insistez « accepte au moins un verre ».
Mme [J] [L] vous indique alors très clairement : « il n’y a rien à expliquer, il ne s’est jamais rien passé. Je t’ai dit que je n’étais pas intéressée, c’est tout ce que tu dois retenir. Je crois qu’on n’a plus rien à se dire là, en tout cas, je n’ai plus envie de te répondre ».
La situation devenant insupportable pour elle, Mme [J] [L] bloque le jour même vos accès à son téléphone ainsi qu’à ses comptes Instagram, LinkedIn, WhatsApp.
Le mercredi 9 septembre 2020, son conjoint a été contraint de vous demander d’arrêter de lui parler et de la forcer à sortir avec vous.
Le samedi 12 septembre 2020, vous avez créé un nouveau compte Instagram dont le titre est « jaibesoinquetuaccepte » en lui envoyant une invitation par message et un message vocal qui lui demande de vous parler en tête à tête le jour même.
Devant un tel comportement, Mme [J] [L] a alors été contrainte de supprimer son compte Instagram pour ne plus avoir de contact avec vous.
Vous avez alors contacté une collègue de travail, Mme [N] [A], pour qu’elle intercède en votre faveur auprès de Mme [J] [L] pour que cette dernière accepte de vous rencontrer le samedi 12 septembre 2020 en tête à tête. Mme [N] [A] vous confirmera que Mme [J] [L] vous a déjà dit à maintes reprises qu’elle ne sortira pas avec vous et qu’il faut la laisser tranquille.
Le 16 septembre 2020, Mme [J] [L] dépose une main courante au commissariat de [Localité 5] en relatant les agissements dont elle est victime de votre part.
Eu égard aux faits graves qui vous étaient ainsi reprochés, nous avons interrogé plusieurs salariés susceptibles d’avoir été témoins de ces faits qui nous ont confirmé que Mme [J] [L] avait toujours refusé vos sollicitations.
Lors de notre entretien du 21 septembre 2020, nous vous avons interrogé sur les faits allégués par Mme [J] [L]. Vous n’avez pas nié les faits et vous nous avez indiqué que vous n’aviez pas conscience de la pression que vous avez exercé sur elle.
Nous n’avons pas manqué également d’interroger les deux témoins que vous nous avez cités comme ayant été présents lors d’échanges avec Mme [J] [L] qui vous aurait donné selon vous des signes d’intérêt allant au-delà d’une relation amicale entre collègues de travail.
Nous avons eu confirmation que Mme [J] [L] n’a jamais caché qu’elle était en couple et que vous le saviez pertinemment mais que vous n’arriviez pas à renoncer à vouloir sortir avec elle malgré les conseils qui vous ont été apportés d’arrêter de la solliciter.
Lors de l’entretien préalable du 5 octobre 2020, vous n’avez pas nié les faits que nous vous avons présentés. Vous nous avez indiqué que vous aviez interprêté des signes d'[J] [L] comme vous étant destinés et vous autorisant selon vous à la ‘courtiser’.
Force est de constater que vous n’avez pris en compte ni la position d'[J] [L] qui vous a clairement fait comprendre qu’elle n’était pas intéressée par une relation amoureuse avec vous, ni celles de vos collègues qui vous ont dit d’arrêter de la solliciter en permanence. Vous avez persisté dans votre comportement insistant, intimidant en la harcelant afin qu’elle accepte de sortir avec vous dans le but d’engager avec elle une relation amoureuse.
Votre comportement a eu pour conséquence de générer un grand stress et une insécurité chez Mme [J] [L] ainsi qu’une dégradation de ses conditions de travail.
Dans le cadre de notre obligation en matière de santé et de sécurité, il nous incombe d’empêcher que de tels agissements ne puissent se reproduire et d’y mettre un terme.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave et nous avons pris la décision de rompre de manière anticipée votre contrat de travail à durée déterminée pour faute grave.
Vous cesserez de faire partie de l’entreprise dès la première présentation de cette lettre et nous tenons à votre disposition votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte, votre attestation Pôle emploi, ainsi que les salaires et les indemnités de congés payés qui vous sont dus.
Nous vous signalons à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé. »
Par requête reçue au greffe le 15 janvier 2021, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt des demandes suivantes :
– requalifier la rupture anticipée du 15 (sic) octobre 2020 en rupture abusive,
– condamner en conséquence la société Naitways à verser à M. [M], les sommes suivantes :
. 14 614,30 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée (article L. 1243-4 du code du travail),
. 1 086,95 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,
. 108,70 euros au titre des congés payés y afférents,
. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral découlant de la rupture,
. 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir en application de l’article 515 du code de procédure civile,
– assortir les condamnations d’intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de jugement pour les créances salariales et à compter de la décision à intervenir pour les créances indemnitaires,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– enjoindre à la société Naitways de procéder à la rectification des documents de fin de contrat conformément au jugement à intervenir,
– condamner la société Naitways aux dépens.
La société Naitways avait, quant à elle, demandé que M. [M] soit débouté de ses demandes et sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 8 février 2022, la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– dit que le licenciement de M. [M] pour faute grave est fondé,
– débouté M. [M] de l’ensemble de ses chefs de demandes,
– rejeté les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toute autre demande,
– condamné chacune des parties à assurer les dépens qu’elles ont engagés.
M. [M] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 16 mars 2022.
Par conclusions adressées par voie électronique le 14 juin 2022, M. [M] demande à la cour de :
– déclarer M. [M] recevable et bien fondé en son appel,
en conséquence,
– confirmer le jugement rendu le 8 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté la société Naitways de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’infirmer pour le surplus et notamment en ce qu’il a :
. dit que le licenciement pour faute grave est fondé,
. débouté M. [M] de l’ensemble de ses chefs de demandes,
statuant à nouveau,
– requalifier la rupture anticipée du 15 (sic) octobre 2020 en rupture abusive,
– condamner en conséquence la société Naitways à verser à M. [M] la somme de 14 614,30 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée,
– condamner en conséquence la société Naitways à verser à M. [M] la somme de 1 086,95 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied outre la somme de 108,70 euros au titre des congés payés y afférents,
– condamner la société Naitways à verser à M. [M] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– condamner la société Naitways à verser à M. [M] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral découlant de la rupture,
– assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 19 janvier 2021,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– enjoindre à la société Naitways de procéder à la rectification des documents de fin de contrat conformément au jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 30 jours suivants la notification de l’arrêt d’appel,
– condamner la société Naitways à payer à M. [M] la somme de 7 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Naitways aux dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions n°2 adressées par voie électronique le 21 mai 2024, la société Naitways demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 8 février 2022,
– débouter M. [M] de ses demandes, fins et prétentions,
en conséquence,
– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes, à savoir :
. requalifier la rupture anticipée du 15 octobre 2020 en rupture abusive,
. condamner en conséquence la société Naitways à lui verser les sommes suivantes :
> 14 614,30 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée,
> 1 086,95 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,
> 108,70 euros au titre des congés payés y afférents,
. condamner la société Naitways à lui verser les sommes suivantes :
> 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
> 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral découlant de la rupture,
. assortir les condamnations d’intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 19 janvier 2021,
. ordonner la capitalisation des intérêts,
. enjoindre à la société Naitways de procéder à la rectification des documents de fin de contrat conformément au jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 30 jours suivants la notification de l’arrêt d’appel,
. condamner la société Naitways à payer à M. [M] la somme de 7 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
. condamner la société Naitways aux dépens de première instance et d’appel,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté’ la société’ Naitways de ses demandes de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a laissé a’ la concluante la charge de ses dépens,
et statuant à nouveau,
– condamner M. [M] à verser à la société Naitways une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile compte tenu des frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour assurer sa défense dans le cadre de la présente instance,
– condamner M. [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance rendue le 22 mai 2024, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 21 juin 2024.
Sur le bien-fondé de la rupture anticipée du contrat de travail
M. [M] estime que la rupture de son contrat de travail est abusive.
Il soutient en premier lieu que les griefs invoqués se rattachent à sa vie privée et non à sa vie professionnelle puisqu’il a envoyé des messages sur le téléphone portable et les comptes Instagram et WhatsApp de Mme [L] et que la société a fait témoigner le compagnon de cette dernière. Il expose qu’il a entretenu une relation privée depuis plusieurs mois avec Mme [L] puisqu’ils ont échangé des messages WhatsApp, qu’en début d’année 2020 elle lui avait proposé de faire un tour en moto, que le 4 août 2020 elle lui a souhaité son anniversaire en dehors du groupe WhatsApp de l’équipe Naitways. Il fait valoir que les faits n’ont eu aucun retentissement sur la marche de l’entreprise ou sur la carrière de Mme [L] et souligne qu’il ne lui est reproché aucun manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.
Il considère en deuxième lieu qu’il n’a pas commis de harcèlement au travail, que l’enquête qui a été menée, dont les conclusions ne lui ont pas été remises, a été expéditive et totalement à charge.
Il estime en troisième lieu, à titre subsidiaire, que la sanction est disproportionnée puisque pendant toute la durée de son contrat il n’a fait l’objet d’aucun avertissement, que son professionnalisme et son état d’esprit ont toujours été appréciés par la société, qui l’a embauché à quatre reprises.
Il critique enfin la motivation du conseil de prud’hommes qui a fait un parallèle avec une situation de harcèlement sexuel qui n’a jamais existé.
La société soutient quant à elle que la rupture du contrat de travail pour faute grave est fondée.
Elle indique qu’à l’époque des faits l’effectif de la société était inférieur à 25 salariés, lesquels travaillaient pour la plupart dans un espace commun ‘open space’ ; que M. [M] s’est d’abord montré très insistant pour obtenir de sa collègue de travail qu’elle accepte de sortir avec lui et qu’à compter du mois de septembre 2020 son comportement est devenu de plus en plus intrusif et harcelant, ce qui a généré un grand stress et une insécurité chez Mme [L] ainsi qu’une dégradation de ses conditions de travail.
Elle explique que pour répondre à son obligation en matière de santé et de sécurité et dès lors que le salarié n’avait pas pris en compte la position de sa collègue, elle a été contrainte de rompre le contrat de travail au regard des manquements graves de M. [M] à ses obligations contractuelles, qui se sont produits dans le cadre du travail et alors que les salariés n’entretenaient pas une relation privée.
L’article L. 1243-1 alinéa 1 du code du travail dispose que ‘sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.’
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour rompre le contrat de travail doit en rapporter la preuve.
Le licenciement disciplinaire fondé sur des faits relevant de l’intimité de la vie privée du salarié est atteint de nullité. En l’espèce, M. [M] ne soutient pas que la rupture de son contrat de travail est nulle en ce qu’il a été porté atteinte au droit au respect de l’intimité de sa vie privée.
Il n’évoque la notion de vie privée que pour dire que la rupture de son contrat de travail est fondée sur des faits tirés de sa vie personnelle, ce qui la rend abusive.
La vie personnelle peut être définie comme tout comportement du salarié, au temps et lieu de travail comme en dehors, qui ne relève pas stricto sensu de l’exécution du contrat de travail.
Le licenciement disciplinaire fondé sur un motif tiré de la vie personnelle du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, sauf s’il constitue un manquement à une obligation découlant du contrat de travail.
Des faits ou comportements relevant de la vie personnelle peuvent exceptionnellement être sanctionnés par l’employeur lorsqu’ils se rattachent, par un élément, à la vie professionnelle du salarié ou à la vie de l’entreprise.
Seul un trouble caractérisé au fonctionnement de l’entreprise peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement non-disciplinaire.
En l’espèce, la rupture du contrat de travail de M. [M] est intervenue pour faute grave, de sorte qu’il s’agit d’une sanction disciplinaire.
Il appartient donc à l’employeur de démontrer que le comportement du salarié, soit constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, soit se rattache par un élément à la vie professionnelle du salarié ou de l’entreprise, ce qui est prétendu en l’espèce.
La lettre de rupture du contrat de travail, qui fixe les limites du litige, reproche à M. [M] son comportement insistant à l’égard de sa collègue Mme [L] alors que cette dernière lui avait clairement demandé de cesser ses agissements à son égard.
Les pièces versées au débat par l’employeur attestent de la matérialité des faits rapportés.
En effet, le 14 septembre 2020, Mme [J] [L] a adressé à la direction de la société Naitways un courriel, en joignant des sms adressés par M. [M] (pièce 2), dans lequel elle a relaté que :
– en janvier/février 2020, M. [M] lui a souvent proposé d’aller boire des verres après le travail ou le week-end, ce qu’elle a toujours refusé. Pendant la soirée du ‘kick off’, les propos de M. [M] lui ont fait comprendre qu’il y avait plus pour lui qu’une relation entre collègues. Après cette soirée, M. [M] a recommencé à lui proposer d’aller boire un verre avec lui, ce qu’elle a refusé. Alors qu’il l’avait attendue un soir pour lui proposer d’aller faire un tour de moto et lui avait avoué qu’il avait des sentiments pour elle, elle lui a dit qu’elle n’était pas intéressée, qu’elle avait un copain et qu’il ne se passerait jamais rien entre eux. M. [M] lui a parlé le lendemain et elle s’est aperçue qu’il interprétait des gestes de sa part comme des signes qu’elle l’aimait,
– en mars 2020, il a continué à lui proposer d’aller boire des verres malgré ses refus réitérés. Lorsque M. [M] a interprété un de ses messages Instagram comme lui étant destiné, elle lui a expressément demandé d’arrêter car elle avait été claire avec lui et que la situation devenait lourde pour elle,
– durant le confinement, elle n’a pas entendu parler de lui,
– en juillet/août/septembre 2020 : alors qu’il lui avait assuré qu’il avait compris et tourné la page, il a recommencé de manière insistante à lui proposer de boire des verres, malgré ses refus. Elle a alors décidé de le bloquer sur Instagram, LinkedIn et WhatsApp, en lui indiquant qu’il avait dépassé les limites. Son copain a envoyé un message à M. [M] en lui demandant d’arrêter de lui parler et de ne plus la forcer et il a répondu ‘Oui c’est ok’. Il a cependant continué en créant un nouveau compte Instagram ayant pour nom ‘jaibesoinquetuacceptes’ et lui a envoyé un message vocal pour lui demander de la voir en tête-à-tête, contactant également sa collègue [N] pour qu’elle lui passe le message.
Mme [L] a déposé une main-courante le 16 septembre 2020 (pièce 5). Dans une attestation, elle confirme les faits et relate qu’en septembre 2020, elle a ressenti un mal-être au bureau, elle n’osait plus croiser le regard de M. [M], elle s’est sentie stressée, elle était à bout et a commencé à ressentir de la peur toute la journée, elle ne se sentait plus tellement bien dans l’entreprise et pensait à démissionner (pièce 4).
Mme [N] [A], collègue de travail, témoigne de l’insistance de M. [M] alors que Mme [L] avait toujours été très claire avec lui et refusait ses propositions et du stress ressenti par sa collègue : ‘Elle avait peur de [O] et ne savait plus quoi faire pour l’arrêter. Cette histoire l’a beaucoup perturbée’. Lors de son échange de messages avec M. [M] du 12 septembre 2020, Mme [A] lui a clairement demandé de laisser Mme [L] tranquille dès lors que cette dernière lui avait dit plusieurs fois qu’il n’y avait jamais rien eu entre eux, ce qu’il ne comprenait pas (pièces 3 et 6).
M. [I] [Y], autre collègue, témoigne également de l’insistance de M. [M] à l’égard de Mme [L]. Il relate : ‘[O] est venu me voir plusieurs fois pour me parler d'[J]. Je lui ai répondu à chaque fois qu’elle n’était pas intéressée par lui, qu’elle avait déjà un copain mais il a toujours refusé de comprendre. (…) [J] a donc pris la décision d’en avertir Naitways car elle n’avait plus d’options’ (pièce 7).
M. [B] [S], compagnon de Mme [L], relate qu’elle lui a parlé de l’attitude de M. [M] en mars 2020 ; qu’en septembre 2020 il a senti qu’elle était stressée et elle lui a montré tous les messages que [O] lui avait envoyés depuis début 2020, qui relevaient selon lui du harcèlement. Il indique qu’il a lui-même envoyé un message à M. [M] en lui demandant de cesser de contacter Mme [L] mais qu’après avoir répondu ‘ok’ il a recommencé, de sorte que Mme [L] n’avait plus d’autre option que d’en parler à la direction (pièce 8).
Les messages insistants de M. [M] ont été adressés à Mme [L] dans le cadre de sa vie personnelle et ne sont pas en lien avec l’exécution de son contrat de travail.
L’attitude du salarié se rattache cependant à sa vie professionnelle ou à la vie de l’entreprise en ce qu’il a tenu des propos amoureux à Mme [L] lors d’une soirée professionnelle ‘kick off’, qu’il lui a demandé sur le lieu de travail de faire un tour à moto ou d’aller boire des verres avec lui, malgré les refus de cette dernière, qu’il a contacté une collègue de travail pour qu’elle fasse passer un message à Mme [L], que plusieurs collègues de travail lui ont demandé, en vain, de cesser d’être insistant avec cette dernière. Elle a provoqué pour Mme [L] un important mal-être au travail qu’elle a exprimé à la direction.
L’employeur était donc fondé à prendre une sanction de nature disciplinaire.
M. [M] ne peut utilement contredire les faits en invoquant une ‘relation privée’ entretenue avec Mme [L] durant de nombreux mois alors qu’il ressort des sms qu’ils se sont échangés entre le 26 août 2019 et le 9 septembre 2020 (pièce 12 du salarié), sur un ton cordial, que s’ils ont évoqué en 2019 une sortie pour se rendre à un pot de départ ou au cinéma avec d’autres collègues, s’ils se sont souhaité mutuellement leur anniversaire et si Mme [L] s’est enquise début 2020 de l’état de santé de M. [M] lorsqu’il a eu un accident de moto, les messages qu’ils ont échangés par ailleurs avaient pour objet des sujets d’ordre professionnel. C’est M. [M] qui a demandé à Mme [L] le 26 février 2020 si elle voulait toujours faire un tour de moto, la relançant le lendemain car elle ne lui avait pas répondu.
Est ainsi établi un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des relations de travail s’étant déroulée sur plusieurs mois, d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifiait son départ immédiat.
La rupture du contrat de travail pour faute grave est proportionnée aux faits et l’employeur rappelle à juste titre qu’il est tenu aux termes des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
La rupture n’a pas été faite de manière expéditive et à charge dès lors qu’après avoir recueilli le 14 septembre 2020 les déclarations de Mme [L], l’employeur a convoqué M. [M] qui a pu s’expliquer sur les faits le 21 septembre 2020 et encore le jour de l’entretien préalable le 5 octobre 2020.
La faute grave étant avérée, la mise à pied à titre conservatoire était légitime.
La décision de première instance sera en conséquence confirmée, par substitution de motifs, en ce qu’elle a dit que la rupture du contrat de travail de M. [M] pour faute grave est fondée et en ce qu’elle a débouté M. [M] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, de rappel de salaire au titre de la mise à pied et des congés payés afférents.
Sur le préjudice moral
M. [M] demande réparation du préjudice distinct de la perte de son emploi qui est lié au caractère brutal et vexatoire de la rupture de son contrat de travail. Il expose qu’alors que la société Naitways a pris le temps de recueillir les propos de Mme [L], elle n’a pas cru bon de faire de même avec lui et a préféré l’accuser de harcèlement sans lui permettre de se défendre, l’entendant le jour-même où elle lui a délivré une mise à pied conservatoire. Il relate que Mme [K] [W], présidente de la société, s’est adressée à lui lors de l’entretien préalable en lui disant ‘c’est comme si il y avait un serial killer dans la rue et qu’il allait travailler’. Il expose que son licenciement alors qu’il avait 20 ans, qu’il connaissait sa première expérience professionnelle et donnait satisfaction, l’a affecté moralement et psychologiquement, qu’il a dû suivre un traitement médicamenteux, qu’il n’a retrouvé un emploi qu’à compter du 11 janvier 2021, dans des conditions moins avantageuses, et qu’il a dû décaler le début de sa formation.
La société répond que la rupture du contrat de travail pour faute grave est pleinement justifiée et que M. [M] ne démontre pas avoir subi un préjudice moral.
Une rupture de contrat de travail fondée peut néanmoins ouvrir droit à une indemnisation au profit du salarié du fait de circonstances brutales et vexatoires l’ayant accompagné, à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant la rupture et d’un préjudice spécifique.
En l’espèce, s’il ressort des pièces versées au débat par M. [M] qu’il a été déprimé suite à la rupture de son contrat de travail, cette rupture ne présente aucun caractère brutal et vexatoire dès lors que l’employeur l’a entendu à deux reprises sur les faits, qui constituaient une faute grave affectant une ses collègues et nécessitait son départ immédiat de la société.
M. [M] sera débouté de sa demande indemnitaire, par confirmation de la décision entreprise.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
M. [M] se plaint d’avoir travaillé durant plus de deux ans au service de la société Naitways sans que jamais ne lui soit proposé un contrat de travail à durée indéterminée. Il soutient que la société a évité de l’embaucher à durée indéterminée en utilisant alternativement un prétendu motif de surcroît temporaire d’activité et les facilités et avantages procurés par le contrat de professionnalisation, qu’elle n’a pas respecté le délai de carence obligatoire entre deux contrats à durée déterminée.
La société répond que les contrats de professionnalisation ont été souscrits dans le cadre de la formation de M. [M], pour deux qualifications différentes.
L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que ‘le contrat de travail est exécuté de bonne foi’.
L’article L. 1242-1 du même code dispose que ‘un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.’
L’article L. 1244-3 du même code édicte que ‘A l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement concerné.
Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1242-1, une convention ou un accord de branche étendu peut fixer les modalités de calcul de ce délai de carence.’
L’article L. 6325-7 du code du travail prévoit cependant que « Le contrat de professionnalisation à durée déterminée peut être renouvelé une fois si :
1° Le bénéficiaire, ayant obtenu la qualification visée, prépare une qualification supérieure ou complémentaire ;
2° Le bénéficiaire n’a pu obtenir la qualification visée pour cause d’échec aux épreuves d’évaluation de la formation suivie, de maternité, de maladie, d’accident du travail, de maladie professionnelle ou de défaillance de l’organisme de formation. »
En l’espèce, M. [M] a été initialement engagé par la société Naitways par contrat de travail à durée déterminée (CDD) à effet au 1er juillet 2019 pour une durée d’un mois jusqu’au 31 juillet 2019 au soir, au motif d’un surcroît temporaire d’activité, en qualité de technicien système et réseaux.
Le CDD qui a suivi, conclu plusieurs semaines après, était d’une nature différente puisqu’il s’agissait d’un contrat de professionnalisation en qualité d’administrateur système et réseaux, souscrit dans le cadre de sa formation de seconde année de BTS, qui se déroulait du 2 septembre 2019 au 30 juin 2020.
M. [M] a ensuite été engagé par CDD à effet au 1er juillet 2020, pour une durée d’un mois, au motif d’un surcroît temporaire d’activité, en qualité d’administrateur système et réseaux, pour exercer des fonctions différentes de celles ayant motivé le recours au premier CDD.
M. [M] a enfin signé un nouveau contrat de professionnalisation, en qualité d’administrateur système et réseaux, aux fins d’obtenir la certification d’administrateur des systèmes d’information dans le cadre d’une formation se déroulant du 1er septembre 2020 au 17 septembre 2021.
La succession de contrats de professionnalisation est régulière dès lors que M. [M], ayant obtenu la qualification d’administrateur système et réseaux dans le cadre du BTS qu’il préparait au titre du premier contrat, préparait dans le cadre du second contrat une qualification supérieure ou complémentaire d’administrateur des systèmes d’information.
En outre, les deux autres contrats à durée déterminée, d’une durée limitée à un mois chacun, ont porté sur des fonctions différentes, de technicien système et réseaux puis d’administrateur système et réseaux, de sorte qu’il ne peut être considéré qu’ils ont eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
M. [M] sera en conséquence débouté de sa demande indemnitaire, par confirmation de la décision entreprise.
Sur les demandes accessoires
Eu égard au sens de la décision, M. [M] sera débouté de ses demandes ayant trait aux intérêts et à la remise de documents de fin de contrat rectifiés, par confirmation de la décision entreprise, et de sa demande d’astreinte, ajoutée en cause d’appel.
La décision de première instance sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et en ce qu’elle a rejeté la demande formée par la société Naitways au titre des frais irrépétibles.
M. [M] supportera les dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit du conseil de la société Naitways, et sera condamné à payer à la société Naitways une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’intégralité de la procédure, sa demande formée du même chef étant rejetée.
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 8 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt excepté en ce qu’il a :
– rejeté la demande formée par la société Naitways sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné chacune des parties à assurer les dépens qu’elles ont engagés,
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute M. [O] [M] de sa demande d’astreinte,
Condamne M. [O] [M] aux dépens de première instance et d’appel,
Accorde au conseil de la société Naitways le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne M. [O] [M] à payer à la société Naitways une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’intégralité de la procédure,
Déboute M. [O] [M] de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière en pré-affectation, La présidente,