09/05/2023
ARRÊT N°
N° RG 19/02480
N° Portalis DBVI-V-B7D-M75Q
CR / RC
Décision déférée du 07 Mai 2019
Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN 18/00751
MME RIBEYRON
[S] [UU]
[UD] [P] épouse [UU]
C/
[L] [N] épouse [UL]
[M] [UL]
SELARL M.J. [C] ET ASSOCIES
ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ETABLISSEMENT BOUCHERES
CONFIRMATION
ET
AVANT DIRE DROIT
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU NEUF MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTS
Monsieur [S] [UU]
[Adresse 11]
[Localité 14]
Représenté par Me Laurent FABIANI, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [UD] [P] épouse [UU]
[Adresse 11]
[Localité 14]
Représentée par Me Laurent FABIANI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Madame [L] [N] épouse [UL]
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l’ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
Monsieur [M] [UL]
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représenté par Me Arnaud GONZALEZ de l’ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
ASSIGNATION D’APPEL EN CAUSE
SELARL M.J. [C] ET ASSOCIES
Prise en la personne de Maître [H] [C] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ETABLISSEMENT BOUCHERES.
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représentée par Me Catherine LAGRANGE de la SELARL D’AVOCATS LAGRANGE – COURDESSES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
M. DEFIX, président
C. ROUGER, conseiller
A.M. ROBERT, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : N.DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.
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FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS
Mme [UD] [P] épouse [UU] et M. [S] [UU] ont acquis de M. [R] [EV], en 1991, une parcelle cadastrée section K n°[Cadastre 16] et [Cadastre 17] sise [Adresse 11] à [Localité 14] (Tarn-et-Garonne) sur laquelle ils ont fait construire une maison d’habitation.
Par procès-verbal du 24 juin 1991, un bornage des limites de la propriété cadastrée section K n°[Cadastre 16] et [Cadastre 17] a été réalisé notamment par rapport à la propriété dite [T]-[EV], contigüe au levant, parcelle cadastrée section K n°[Cadastre 15], limite .matérialisée par les points I à l’extrémité Sud-Ouest des tènements « [T]–[EV] » et J, la droite IJ étant mentionnée sur ce procès-verbal « en crête d’un tertre boisé sur 14,50m ».
Au cours de l’année 1992, M. et Mme [UU] ont fait construire un mur de clôture en briques et galets avec partie en mur mosaïque à l’Est de leur parcelle jouxtant la propriété [EV].
Les parcelles section K n°[Cadastre 16] et [Cadastre 17] sont désormais enregistrées sous la référence section CM n°[Cadastre 9] et celle section K n°[Cadastre 15], sous la référence section CM n°[Cadastre 18], le fonds dit « [T] » ayant quant à lui été subdivisé en 1997 en deux parcelles cadastrées section CM n° [Cadastre 6] et [Cadastre 5].
Par acte authentique du 10 décembre 2007, Mme [L] [N] épouse [UL] et M. [M] [UL] ont acquis de M.[F] [E] et Mme [O] [A] épouse [E] les parcelles cadastrées section CM n°[Cadastre 18] et [Cadastre 6], situées au [Adresse 7] à [Localité 14]. Les époux [E] avaient eux-mêmes acquis ces parcelles de M.[R] [EV] par acte du 13/09/2004. En 2008 les époux [UL] ont confié la construction d’une maison d’habitation à la société Etablissements [X], outre la surélévation du mur construit par M. et Mme [UU].
En 2009, à la suite de l’apparition de fissures sur le mur séparant les propriétés [UU] et Sa nchez, une déclaration de sinistre a été effectuée auprès des assureurs des parties.
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Par acte d’huissier du 23 avril 2014, M. et Mme [UL] ont fait assigner les époux [UU] devant le tribunal de grande instance de Montauban, aux fins d’obtenir la démolition du mur construit par ces derniers et en reconstitution du talus d’origine à leur charge exclusive sous astreinte.
Par décision du 25 novembre 2014, le tribunal a désigné M. [D] [K] aux fins de procéder à une expertise, auquel ont succédé M. [R] [V] nommé le 2 février 2015, puis M. [U] [B].
Ce dernier a déposé son rapport le 19 avril 2018.
Par acte d’huissier du 8 juin 2018, M. et Mme [UU] ont fait assigner la Sarl Ets [X] afin de lui rendre opposable le rapport d’expertise, ainsi qu’aux fins de communication de la compagnie d’assurance la garantissant au titre de la garantie légale et en condamnation sur ce fondement.
Par ordonnance du 9 novembre 2018, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux affaires.
Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal de grande instance de Montauban a :
– dit que le mur implanté sur les parcelles cadastrées section CM n°[Cadastre 18] [Adresse 8] et CM n° [Cadastre 6] au [Adresse 2] à [Localité 14] appartenant aux époux [UU] empiète sur le fonds des époux [UL],
– condamné in solidum M. [S] [UU] et Mme [UD] [P] épouse [UU] à faire procéder à la démolition du mur implanté sur les parcelles cadastrées section CM n°[Cadastre 18] et CM n°[Cadastre 6] situées [Adresse 7] à [Localité 14] et à la remise en état de ces parcelles selon les préconisations de l’expert [B] dans son rapport du 19 avril 2018 et devis de la société Montoux de 28 394,40 euros, augmenté des frais de maîtrise d’oeuvre de 2 900 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la présente décision,
– dit que le talus devra être recréé sur le fonds [UU] sur une hauteur de 3,30 mètres et que ces travaux de remise en état devront se faire depuis le fonds [UU],
– débouté les époux [UU] de leurs demandes indemnitaires et en garantie formées à l’encontre des époux [UL],
– débouté les époux [UU] de leurs demandes indemnitaires et en garantie formées à l’encontre de la société Ets [X],
– condamné in solidum M. [S] [UU] et Mme [UD] [P] épouse [UU] à payer à M. [M] [UL] et Mme [L] [N] épouse [UL] la somme de 8 000 euros en application de l’article 700, 1° du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [S] [UU] et Mme [UD] [P] épouse [UU] à payer à la société Ets [X] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700, 1° du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [S] [UU] et Mme [UD] [P] épouse [UU] aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise en application de l’article 696 du code de procédure civile,
– accordé à Maître Morel qui en fait la demande, le droit de recouvrer directement les dépens, en application de l’article 699 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
Sur le fondement de l’article 545 du code civil et au visa des dispositions de l’article 555 du même code, le premier juge a retenu, au vu du procès-verbal de bornage établi le 24 juin 1991 par [JS] [Z] et des plans dressés par M.[HK] [G], géomètre intervenu en tant que sapiteur dans le cadre de la mesure d’expertise ordonnée par le tribunal le 25 novembre 2014, que le mur construit par les époux [UU] était partiellement positionné sur leur fonds au point I pour être complètement implanté sur le fonds des époux [UL] au point J, situation caractérisant un empiétement illicite. Retenant que cet empiétement, quel qu’en soit l’auteur, faisait obstacle à l’acquisition de la mitoyenneté, il a estimé que le mur litigieux ne pouvait être considéré comme mitoyen, que le caractère minime de l’empiétement et la bonne foi du constructeur étaient indifférents, et que le silence gardé par le propriétaire victime de l’empiétement pendant la construction ne pouvait à lui seul faire la preuve de son consentement à l’aliénation de l’immeuble ; qu’en l’espèce il ressortait de l’attestation établie le 2 janvier 2014 par [R] [EV] que les époux [UU] n’avaient pas sollicité son accord en qualité de propriétaire du fonds voisin avant de procéder à l’édification du mur litigieux. Il a retenu que le défaut de concertation avec les auteurs des époux [UL] sur la construction de ce mur avant sa réalisation ainsi que l’implantation principale de celui-ci sur le fonds voisin excluaient l’interprétation des dispositions de l’article 663 du code civil aux fins de justifier la préservation du mur ainsi construit. Il a retenu que la surélévation du mur par les époux [UL] eux-mêmes réalisée sans qu’ils aient eu connaissance de l’implantation réelle du mur alors que leur acte d’acquisition ne faisait nulle mention du procès-verbal de bornage du 24 juin 1991 et comportait en annexe un plan faisant figurer le mur sur le fonds [UU] ne pouvait avoir aucune conséquence, et que la demande de démolition aux frais des époux [UU] était en conséquence bien fondée et, au vu du rapport d’expertise de M.[B] a ordonné sous astreinte la démolition du mur avec remise en état des parcelles et recréation sur le fonds [UU] d’un talus d’une hauteur de 3,30 mètres à réaliser depuis le fonds [UU].
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Par déclaration du 28 mai 2019, M. et Mme [UU] ont interjeté appel de l’intégralité des dispositions de ce jugement.
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Par conclusions d’incident devant le conseiller de la mise en état notifiées le 16 septembre 2019, les époux [UL], intimés, ont sollicité la radiation de l’affaire du rôle de la cour au visa de l’article 526 du code de procédure civile en l’absence d’exécution de la décision assortie de l’exécution provisoire.
L’incident, initialement fixé au 7/11/2019, a fait l’objet de nombreux renvois pour être finalement retenu à l’audience d’incident du 3 juin 2021.
Dans l’intervalle la Sarl [X], intimée, a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire prononcée le 3 mars 2020, Me [C] ayant été désigné en qualité de liquidateur, lequel a été assigné en intervention pour reprise d’instance par acte d’huissier du 6 mai 2021 et a constitué avocat le 2 juin 2021.
Par ordonnance du 9 septembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état, retenant que les condamnations en nature prononcées par le premier juge étaient inexécutables a :
– dit n’y avoir lieu à radiation de l’affaire du rôle de la cour sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile,
– réservé les dépens et les demandes pour frais irrépétibles qui suivront le sort de ceux de l’instance au fond,
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état.
Parallèlement par acte du 10 octobre 2019 les époux [UL] avaient assigné les époux [UU] devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Montauban aux fins de liquidation de l’astreinte prononcée par le jugement objet de l’appel. Les époux [UU] ayant invoqué une impossibilité d’exécution de ladite décision s’agissant de la reconstitution du talus préconisée par le premier juge, par décision du 12 mai 2020 le juge de l’exécution a ordonné avant dire droit une consultation, confiée à M.[B], lequel a déposé un rapport le 18 septembre 2020. M.[B] a retenu que les termes du jugement imposant la recréation du talus sur le fonds [UU] sur une hauteur de 3,30m et que ces travaux soient réalisés depuis le fonds [UU] ne reprenaient pas le principe réparatoire à savoir la remise du talus dans la configuration initiale dans laquelle il se trouvait avant la construction du mur, le jugement n’ayant pas selon lui pris en compte l’ensemble des observations du rapport d’expertise du 19 avril 2018 et des devis de la Sarl Montoux. Au vu du refus opposé le 9/01/2020 par la Mairie de [Localité 14] à la demande de permis d’aménager déposée le 26/12/2019 par les époux [UU] sous le n° PA 03319C0006 suite à un avis défavorable de l’unité départementale de l’architecture et du patrimoine du Tarn-et-Garonne, projet portant sur la démolition d’un mur de soutènement et d’un abri de jardin, la neutralisation d’une source et des fossés environnants et le remplacement par un talus stabilisé de pente L3/H2 ou 66% avec exhaussement de 3,30 mètres à la fois sur les parcelles n°[Cadastre 9] et n°[Cadastre 18], il a considéré que le projet déposé par les époux [UU] réalisé en tenant compte du jugement du 7 mai 2019 n’était ni conforme ni compatible avec ses préconisations du 19 avril 2018 et le devis de la société Montoux, et après visite du site accompagné par un représentant de l’unité départementale de l’architecture et du patrimoine du Tarn-et-Garonne, a conclu que la solution à privilégier pour la résolution du litige était celle préconisée par ledit service, à savoir la stabilisation de la paroi et de son remblai arrière par un contre-mur poids réalisé en gabions servant de mur de soutènement et de contrefort.
Au vu de ce rapport par décision du 8 octobre 2020 le juge de l’exécution a sursis à statuer sur la demande de liquidation d’astreinte jusqu’à la décision de la cour saisie de l’appel à l’encontre du jugement du 7 mai 2019.
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Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 3 mai 2022, M. [S] [UU] et Mme [UD] [P] épouse [UU], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 544 et suivants, 653, 658 et 663 du code civil et de l’article 700 du code de procédure civile, de :
– constater que le mur est situé sur la propriété des époux [UL],
– constater que le mur de soutènement, dont la destination est de maintenir les terres de l’une des parties, est la propriété exclusive des époux [UL],
– constater que les époux [UL] ont fait réaliser des travaux sur ce mur de soutènement par la société [X],
– constater que de par la servitude d’utilité publique, toute modification est soumise à autorisation du titulaire de la servitude
– constater que le titulaire de la servitude refuse toute modification des lieux et accepte uniquement la consolidation de l’existant et la mise en place de gabions de soutènement,
Réformant la décision dont appel,
– débouter M. et Mme [UL] de l’ensemble de leurs demandes,
– juger que les consorts [UL] ont engagé leur responsabilité à leur égard en effectuant des modifications du mur de soutènement sans autorisation,
– condamner M. et Mme [UL] à reprendre à leurs frais, le mur de soutènement dans les règles de l’art et tel qu’accepté par l’architecte des bâtiments de France, permettant de contenir la masse de leurs terres,
– condamner les époux [UL] à leur payer la somme de 10.000 euros de préjudice lié aux désagréments subis du fait de la destruction progressive du mur,
– condamner les époux [UL] à faire effectuer les travaux à leurs frais,
– condamner les époux [UL] à la somme de 6.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la procédure en omettant sciemment de faire part de la servitude d’utilité publique,
– condamner les époux [UL] à la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 et aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise.
Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 6 juin 2022, M. [M] [UL] et Mme [L] [N] épouse [UL], intimés, demandent à la cour de :
– débouter les époux [UU] de l’intégralité de leurs prétentions et confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
À titre subsidiaire,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné les époux [UU] à faire procéder à la démolition du mur implanté sur les parcelles cadastrées section CM n°[Cadastre 18] et CM n°[Cadastre 6] situées [Adresse 7] à [Localité 14] et à la remise en état de ces parcelles selon les préconisations de l’expert [B] dans son rapport du 19 avril 2018 et devis de la société Montoux de 28 394,40 euros, augmenté des frais de maîtrise d’oeuvre de 2.900 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la présente décision,
– statuant à nouveau de ce chef, condamner les époux [UU] à faire démolir le mur implanté sur les parcelles cadastrées section CM n°[Cadastre 18] et CM n°[Cadastre 6] situées [Adresse 7] à [Localité 14] et les condamner à faire réaliser sur leur fonds un mur de soutènement conforme aux règles de l’art, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant l’arrêt à intervenir,
– commettre tel expert qu’il plaira à l’effet de vérifier la conformité des travaux aux préconisations de la cour et aux règles de l’art,
– condamner M. [S] [UU] et Mme [UD] [UU] à régler le coût de cette expertise,
– confirmer la décision pour le surplus,
En toutes hypothèses, ajoutant à celle-ci,
– condamner in solidum M. [S] [UU] et Mme [UD] [UU] à leur payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700, 1° du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel, et dire qu’ils seront recouvrés par les soins de leurs conseils selon l’article 699 du même code.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 janvier 2022, la Selarl M.J. [C] et Associés, intimée, prise en la personne de Maître [H] [C] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Ets [X], demande à la cour de :
– prononcer la mise hors de cause pure et simple de Maître [C] ès qualités,
– condamner les époux [UU] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700, outre les dépens.
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L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2023.
SUR CE, LA COUR :
Les dispositions de l’article 555 du code civil ne trouvent pas application lorsqu’un constructeur étend ses ouvrages au delà des limites de son héritage ; par suite, en application de l’article 545 du même code, la démolition de la partie de la construction reposant sur le fonds voisin est encourue quand le propriétaire de ce fonds l’exige, quelle que soit l’importance de l’empiétement.
En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise judiciaire de M.[B] du 19 avril 2018 que le mur de clôture litigieux édifié en 1992 par les époux [UU] a été édifié non sur la ligne divisoire I-J telle que déterminée par le procès-verbal de bornage du 24 juin 1991 signé notamment entre les époux [UU] et les consorts [T]-[EV], mais intégralement sur les actuelles parcelles CM [Cadastre 18] et [Cadastre 6] devenues propriété des époux [UL], sans qu’il soit justifié d’une autorisation de M.[R] [EV], propriétaire de l’ancienne parcelle cadastrée section K n° [Cadastre 15], ni invoquée une autorisation de Mme [T] s’agissant de la parcelle devenue CM [Cadastre 6].
Cet empiétement, selon le rapport d’expertise judiciaire non démenti sur ce point, d’une hauteur de 2,40 m depuis le sol, sur toute la largeur Sud-Sud Ouest des actuelles parcelles CM [Cadastre 18] et [Cadastre 6], réalisé sur le fonds d’autrui sans autorisation du propriétaire initial ni de ses successeurs, qui doit être constaté comme illicite et imputable aux époux [UU], justifierait à lui seul que soit ordonnée la démolition de ce mur du point J figurant au procès-verbal de bornage de 1991, matérialisé aujourd’hui au droit du poteau d’angle en brique de l’ancien mur en briques foraines et galets édifié en limite Ouest de la parcelle [Cadastre 18] le long des propriétés cadastrées [Cadastre 9] et [Cadastre 18] (points L-J du plan de bornage de 1991), jusqu’à la limite des parcelles actuelles [Cadastre 6] et [Cadastre 5], soit sur 11,55 m depuis le point J au vu du plan annexé à l’acte notarié d’acquisition des époux [UL] (pièce 10 des intimés n° 5), y compris celle de la bâtisse construite côté propriété [UU] s’appuyant sur le mur édifié sur la propriété [UL], étant rappelé que les règles d’urbanisme sont étrangères à l’exécution d’une démolition ordonnée judiciairement pour atteinte au droit de propriété.
Néanmoins, une telle démolition ne pourrait être réalisée qu’après la démolition préalable de la surélévation réalisée en 2008 après leur acquisition par les époux [UL] sur ce mur initial de clôture, démolition dont ils devraient avoir l’initiative et la charge de l’exécution, dans le respect des règles d’urbanisme éventuellement applicables, puisqu’il s’agit de leur propre mur de soutènement.
Il ressort en effet d’une part, du devis de l’entreprise [X] du 12 février 2008, que les époux [UL] l’ont sollicitée pour la dépose d’éléments de clôture existante, la démolition d’une partie de mur existant en briques foraines, la réalisation de la maçonnerie d’un mur en agglos creux de 11,20 m2 avec poteaux en béton armé incorporés, chaînage sur le dessus, et la réalisation d’une épingle en béton armé, et d’autre part, du rapport de M.[B] que :
– à l’angle du mur il existe une désolidarisation entre l’ancien mur de clôture en briques foraines et le renforcement de l’angle, cause du délitage du mur litigieux, fissure se prolongeant sur toute la hauteur du mur,
– les époux [UL] ont surélevé le mur de clôture initialement réalisé par les époux [UU] sur toute sa longueur et sur un mètre cinquante de hauteur par des agglomérés en ciment creux,
– ils ont par ailleurs nivelé la surface de leur terrain par un apport en terre de remblais contre ce mur surélevé sur une hauteur de 1,50 m transformant le mur ainsi surélevé, entièrement sur leur propriété, en mur de soutènement de leurs terres.
Contrairement à ce qui est soutenu, le mur de clôture initialement construit par les époux [UU] n’avait pas une fonction de soutènement des parcelles devenues CM [Cadastre 18] et [Cadastre 6]. S’il résulte du rapport d’expertise judiciaire et du plan de bornage de juin 1991 qu’il y avait, avant la construction de ce premier mur par les époux [UU], un « tertre boisé » sur la crête duquel se situait la ligne séparative IJ, étant rappelé qu’un tertre se définit comme une petite élévation de terre à sommet plat et isolée, en l’espèce, le plan de bornage susvisé situe le dénivelé du tertre existant en 1991 uniquement côté propriété parcelle [Cadastre 9] (devenue [UU]). Il s’agissait d’un léger dénivelé, l’altimétrie en point J ayant été mesurée à 78.913, en point I à 79.57 et, au niveau de l’ancien chêne en contrebas, côté propriété [UU], à 77.67. L’expert judiciaire précise en page 13 de son rapport que les emprises du décaissement du talus ne peuvent être ni justifiées ni vérifiées ; qu’il n’existe que le relevé topographique avec quelque relevés altimétriques qui ne donnent que des indications en des points particuliers et que la forme réelle du terrain n’est qu’une simple hypothèse. Après avoir écrit en page 9 de son rapport que M.[UU] aurait enlevé une bande de terre d’une longueur de 14,50 m environ et de 0,50 m de large sur une hauteur de 3,30 m de hauteur, ce qui a manifestement induit le premier juge en erreur s’agissant de l’état des lieux initial, l’expert judiciaire indique en page 12 que M.[UU] n’aurait décaissé que le bas du talus existant. Le plan de 1991 ne situe le talus au demeurant que côté parcelle [Cadastre 9] (devenue propriété [UU]). La propriété [EV] [R] se situait quant à elle manifestement à l’arrière du sommet du tertre, à un niveau altimétrique mesuré en limite Est des actuelles parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 6] à 81.20 approximativement au niveau de ce sommet et de 82.96 en fond de parcelle [EV], soit un terrain en légère déclivité, alors que le relevé topographique réalisé par M.[G] en 2015 relève une cote de 98.59 au sommet du mur rehaussé par les époux [UL] et des cotes depuis leur maison variant de 99.98 à 100.00 puis 99.86, ce qui atteste d’une modification substantielle du niveau du terrain des époux [UL] par rapport au site de 1991, un dénivelé existant désormais entre le sommet de leur mur de soutènement et leur terrain qui n’existait pas en 1991.
Au regard de ces éléments, il ne peut être utilement soutenu comme le font les époux [UL] que les époux [UU] auraient purement et simplement supprimé le talus initial et que le mur que ces derniers ont édifié en 1992 avait pour fonction de soutenir les terres de leur propre terrain. Les mesurages, même imparfaits, tels que produits aux débats, confirment au contraire que les époux [UU] ont effectivement décaissé la base du talus du côté de leur propriété mais que l’apport considérable de terre qui a nécessité l’édification d’un mur complémentaire destiné à les soutenir est bien imputable aux aménagements de leur terrain réalisés après leur acquisition par les époux [UL].
Il résulte du tout que si démolition effective et reconstruction il doit y avoir, telle que sollicitée par les époux [UL] :
1 – la seule démolition qui pourrait être mise à la charge effective des époux [UU] serait celle d’une part, de toute la base du mur de clôture édifié en 1992 sur la propriété [UL], parcelles CM [Cadastre 18] et [Cadastre 6] sur une longueur de 11, 55 m et une hauteur de 2,40 m, d’autre part, de la bâtisse édifiée sur leur parcelle [Cadastre 9] mais dont il n’est pas contesté qu’elle s’appuie pour partie sur le mur surélevé sur la parcelle [Cadastre 6] propriété des époux [UL],
2 – cette démolition ne pourrait intervenir effectivement qu’après la démolition préalable par les époux [UL] de la surélévation du mur de clôture qu’ils ont réalisée sur 11,55 m et 1,50 m de hauteur, transformant ce mur en mur de soutènement de leur propre fonds,
3 – ces démolitions une fois réalisées, imposeront la réalisation par les époux [UL] d’un mur de soutènement de leurs terres afin d’éviter tout éboulement ou effondrement sur le fonds [UU], parcelle AM [Cadastre 9], puisque la parcelle qu’ils ont fortement remblayée surplombe ce fonds, et ce, dans le respect des règles d’urbanisme applicables, dont ils prétendent qu’elles ne constituent aucun obstacle, situation au demeurant non acquise au regard de l’avis négatif donné par l’unité départementale de l’architecture et du patrimoine du Tarn-et-Garonne sur le projet d’aménagement déposé par les époux [UU] le 26 décembre 2019, réitéré par M.[J] [I] par mail à l’expert [B] du 17 septembre 2020 dans le cadre de la consultation ordonnée par le juge de l’exécution, proposant une solution de confortement du mur adaptée au site.
Indépendamment des problèmes éventuellement liés aux règles d’urbanisme il doit être relevé qu’en terme de coût financier, au vu des devis réalisés en 2018 dans le cadre de l’expertise judiciaire par la Sarl Tpm et la Sarl Montoux, le coût de la démolition de la partie basse du mur et de la bâtisse devant incomber aux époux [UU], hors réfection du talus, ressortait à 11.608,92 HT (4.735,92+6.873) et celui de la démolition de la partie haute du mur et de la construction d’un mur de soutènement devant incomber aux époux [UL] ressortait à 15.852 € HT (6.207+9.645).
Au vu de l’économie générale du litige telle que ci-dessus établie, il apparaît que celui-ci pourrait être réglé, avant tout autre développement en procédure ou au fond, par une mesure de médiation et qu’il est de l’intérêt des parties de recourir à cette mesure qui leur offre la possibilité de parvenir à une solution rapide. Les dispositions de l’article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative prévoient en effet qu` ‘en tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible, le juge peut, s’il n’a pas recueilli l’accord des parties, leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu’il désigne et qui répond aux conditions prévues par décret en Conseil d’État. Celui-ci informe les parties sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation’.
Il convient en conséquence de proposer une telle mesure aux parties.
Compte tenu des explications nécessaires à une décision éclairée, et de manière à accélérer le traitement de ce litige, il a lieu d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur, de donner à ce dernier mission de recueillir l’avis des parties sur cette mesure et, le cas échéant, de lui confier la médiation.
Au vu des dernières écritures des parties, aucune demande n’est effectivement formulée à l’encontre de la Selarl MJ [C] et associés prise en la personne de Me [H] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Etablissements [X]. Cette situation ne peut néanmoins justifier une mise hors de cause en l’état de la mesure ci-dessus ordonnée qui ne met pas fin à l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en ce que le premier juge a dit que le mur implanté sur les parcelles cadastrées section CM n°[Cadastre 18] [Adresse 8] et CM n°[Cadastre 6] au [Adresse 2] à [Localité 14] empiète sur le fonds des époux [UL] sauf :
1- à préciser que le mur de clôture édifié en 1992 par M.[S] [UU] et Mme [UD] [P] épouse [UU] d’une hauteur de 2,40 m depuis le sol, sur toute la largeur Sud-Sud Ouest des actuelles parcelles CM [Cadastre 18] et [Cadastre 6], empiète totalement et illicitement sur les parcelles sises commune de [Localité 14] cadastrées CM [Cadastre 18] et [Cadastre 6] appartenant à M.[M] [UL] et Mme [L] [N] épouse [UL]
2- à y ajouter que la surélévation de ce mur réalisée par M. [M] [UL] et Mme [L] [N] épouse [UL] sur toute sa longueur et sur 1,50 m de hauteur constitue un mur de soutènement des terres assurant désormais l’assise de leurs fonds CM [Cadastre 18] et [Cadastre 6] dont ils doivent assurer la stabilité
Avant dire droit sur l’étendue des obligations respectives des parties au regard des dispositions ci-dessus,
Vu les articles 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Donne injonction aux parties de rencontrer en présentiel ou en distanciel :
Mme [W] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 10]
tel : [XXXXXXXX01]
courrier électronique : [Courriel 19]
à qui nous donnons mission :
– d’expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d’une mesure de médiation;
– de recueillir leur consentement ou leur refus de cette mesure, dans un délai de DEUX MOIS à compter de la réception de la présente décision par le médiateur ;
Dit que dans l’hypothèse où au moins l’une des parties refuserait le principe de la médiation ou à défaut de réponse de la part d’au moins une des parties, le médiateur en informera la cour et cessera ses opérations, sans défraiement et que l’affaire sera rappelée à la première audience utile de mise en état pour la réouverture des débats et la poursuite de la procédure
Dit que dans l’hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation ainsi proposée, le médiateur fera parvenir au juge l’accord pour entrer en médiation, signé par les parties et le médiateur restera saisi pour l’exécution de la mission de médiation qui consistera à inviter les parties à présenter leurs points de vue respectifs, à la détermination de leurs intérêts ainsi que de leur besoins et, si possible, à la négociation d’un protocole manifestant l’accord amiable intervenu
Dit que cette désignation est faite pour une durée de TROIS MOIS à compter de la date de l’accord d’entrée en médiation signé entre les parties
Fixe à 1.500 euros T.T.C. le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur qui devra être versée entre les mains du médiateur à parts égales entre d’une part, M.[S] [UU] et Mme [UD] [P] épouse [UU] pris ensemble et d’autre part, M. [M] [UL] et Mme [L] [N] épouse [UL] pris ensemble, à défaut de meilleure répartition convenue entre les parties, avant la date fixée pour la première réunion à peine de caducité de la désignation du médiateur
Dit que la mesure de médiation sera suivie par le magistrat chargé de la mise en état
Invite le médiateur à procéder à l’exécution de sa mission sauf prorogation décidée par le magistrat chargé du suivi de la mesure à la demande du médiateur après accord des parties
Dit que les séances de médiation se dérouleront dans les locaux professionnels du médiateur ou en tout autre lieu convenu avec les parties
Dit que le médiateur informera le magistrat chargé du suivi de la mesure de tout incident affectant le bon déroulement de la médiation, dans le respect de la confidentialité de rigueur en la matière
Dit qu’au terme de la médiation, le médiateur informera le magistrat chargé du suivi de la mesure, soit que les parties sont parvenues à un accord, soit qu’elles n’y sont pas parvenues
Dit que le médiateur désigné devra utiliser l’adresse de messagerie spécifiquement dédiée à la médiation suivante : [Courriel 20] pour informer la cour de toute difficulté et communiquer entre autres la date de versement de la consignation, la date d’entrée en médiation et la date de la première réunion
Dit que l’affaire sera rappelée à la première audience utile de mise en état suivant le dépôt du constat de fin de mission par le médiateur, pour conférer, sur la suite à donner à la présente instance
Dit que le présent arrêt sera notifié, par RPVA au conseil des parties représentées, lettre simple aux parties non représentées et par courriel au médiateur ci-dessus désigné, par les soins du greffe
Réserve l’ensemble des demandes non encore tranchées, les dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles.
Le Greffier Le Président
N. DIABY M. DEFIX
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