ARRÊT N°
du 9 mai 2023
(B. P.)
N° RG 23/00030
N° Portalis
DBVQ-V-B7H-FIWY
– M. [E]
– Mme [E]
C/
– Mme[F] veuve [E]
– BNP PARIBAS
– CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-
BOURGOGNE
Formule exécutoire + CCC
le 9 mai 2023
à :
– SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
– SCP X. COLOMES-
S.COLOMES – MATHIEU-ZANCHI
– Me ROUGANE DE
CHANTELOUP
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE
CONTENTIEUX DE L’EXÉCUTION
ARRÊT DU 9 MAI 2023
Appelant :
d’un jugement rendu par le Juge de l’exécution de [Localité 1] le 13 décembre 2022
– M. [D] [E] (ès qualité d’héritier de M. [K] [E], décédé le [Date décès 6] 2017)
[Adresse 8]
[Localité 2]
– Mme [S] [E] (ès qualité d’héritière de M. [K] [E], décédé le [Date décès 6] 2017)
[Adresse 7]
[Localité 11]
Comparant, concluant par la SCP DELVINCOURT – CAULIER-
RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
et plaidant par Me Alexandre DE JORNA, avocat au barreau de PARIS
Intimé :
– Mme [W] [F] veuve [E] (ès qualité d’héritière de M. [K] [E], décédé le [Date décès 6] 2017)
[Adresse 4]
[Localité 10]
N’ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assignée,
– BNP PARIBAS
[Adresse 3]
[Localité 9]
Comparant, concluant par la SCP X. COLOMES – S. COLOMES – MATHIEU – ZANCHI , avocat au barreau de l’AUBE
– LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE ( CRCAMCB)
[Adresse 5]
[Localité 1]
Comparant, concluant et plaidant par Me Jean-Baptiste ROUGANE DE CHANTELOUP, avocat au barreau de l’AUBE
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 9 mai 2023, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l’article 786 du code de procédure civile, M. Benoît PETY, Président de chambre a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Benoît PETY, Président de chambre
Mme Anne LEFEVRE, Conseiller
Madame Christel MAGNARD, Conseiller
GREFFIER lors des débats et du prononcé
Mme Sophie BALESTRE, Greffier
ARRÊT :
Par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour le 9 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par M. Benoît PETY, Président de chambre, et Mme Sophie BALESTRE, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :
Suivant commandements de payer valant saisie immobilière signifiés le 7 septembre 2021 à M. [D] [E], le 14 septembre 2021 à Mme [W] [F] veuve [E] et le 25 octobre 2021 à Mme [S] [E], la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne (ci-après le Crédit Agricole) poursuit la vente d’une parcelle de terres et vignes en appellation AOC Champagne située à [Adresse 12], cadastrée section [Cadastre 14], lieudit « [Adresse 13] » d’une contenance de 1 ha 7 a 10 ca.
Le Crédit Agricole poursuit ainsi le recouvrement de la somme de 412 618,39 euros en principal, frais et intérêts arrêtée au 1er février 2021, outre intérêts et frais postérieurs en vertu d’un acte authentique reçu le 8 juillet 2010 par Me Depoisson, notaire à Bar-sur-Aube, portant prêt destiné au financement de l’agriculture d’un montant de 300 000 euros.
Les commandements ont été publiés au service de la publicité foncière et dénoncés à la SA BNP Paribas en tant que créancier inscrit.
Par actes d’huissiers des 14 et 15 décembre 2021, le Crédit Agricole a fait assigner M. [D] [E], Mme [W] [F] veuve [E] et Mme [S] [E] à l’audience d’orientation du 22 février 2022 afin que le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Troyes statue sur la recevabilité et le bien-fondé des demandes, constate que le créancier poursuivant dispose d’une créance liquide et exigible, constate que la saisie respecte les dispositions du code des procédures civiles d’exécution, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes, détermine les modalités de poursuite de la procédure, fixe le montant retenu pour la créance du poursuivant et ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
La SA BNP Paribas a fait connaître le montant de sa créance, soit 8 814,19 euros au 11 janvier 2022.
M. [D] [E] et Mme [S] [E] ont demandé au juge de l’exécution de :
– dire l’assignation et le commandement de saisie nuls, comme tous actes subséquents,
– à titre subsidiaire, fixer la créance du Crédit Agricole à la somme de 330 000 euros,
– en tout état de cause, condamner le Crédit Agricole à leur verser la somme de 3 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [W] [F] a, pour sa part, demandé au juge de l’exécution l’autorisation d’entreprendre la vente amiable de la parcelle de terres et vignes dans un délai de six mois.
Par jugement du 13 décembre 2022, le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Troyes a notamment :
– débouté M. [D] [E] et Mme [S] [E] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité des commandements de saisie immobilière du 7 septembre 2021 pour le premier et du 25 octobre 2021 pour la seconde ainsi que des assignations des 14 et 15 décembre 2021,
– constaté que le Crédit Agricole, créancier poursuivant, agissait sur le fondement d’un titre exécutoire et était titulaire d’une créance liquide et exigible,
– constaté que la saisie pratiquée portait sur des droits et biens immobiliers saisissables,
– débouté M. [D] [E] et Mme [S] [E] de leur contestation relative au montant de la créance,
– mentionné que la créance dont le recouvrement était poursuivi par le Crédit Agricole devait être retenue pour la somme de 412 618,39 euros en principal, frais et intérêts arrêtée au 1er février 2021, outre les intérêts et frais postérieurs,
– mentionné que la SA BNP Paribas était créancière d’une somme de 8 814,19 euros arrêtée au 11 janvier 2022,
– ordonné la vente forcée de la parcelle de terres et vignes en appellation AOC Champagne située à [Adresse 12], cadastrée section [Cadastre 14], lieudit « Les vignes de côte debout » d’une contenance de 1 ha 7 a 10 ca, sur une mise à prix de 578 000 euros,
– fixé la date à laquelle il sera procédé à la vente, sur la requête du créancier poursuivant, au mardi 28 mars 2023 à 10 heures 30 au tribunal judiciaire de Troyes,
– rappelé que la saisie rendait l’immeuble indisponible et que le débiteur ne pouvait le vendre ni accorder de sûretés sur ce bien, sauf autorisation judiciaire,
– autorisé l’huissier de justice territorialement compétent à organiser la visite des lieux en accord avec le débiteur, sinon dans les conditions des articles L. 142-1 et L. 142-2 du code des procédures civiles d’exécution,
– dit n’y avoir lieu à fixation d’une indemnité de procédure et réservé les dépens, lesquels seraient compris dans la taxe des frais de poursuite.
M. [D] [E] et Mme [S] [E] ont interjeté appel de ce jugement d’orientation par déclaration du 9 janvier 2023, leurs recours portant sur l’entier dispositif de la décision querellée.
Autorisés à cette fin par ordonnance du premier président du 30 janvier 2023, M. [D] [E] et Mme [S] [E] ont, par actes d’huissiers des 7 et 10 février 2023, fait assigner Mme [W] [F], le Crédit Agricole et la SA BNP Paribas devant la cour de Reims.
En l’état de leurs écritures n°2, ils demandent à la juridiction du second degré de :
A titre principal,
– Dire que le Crédit Agricole ne produit pas le montant des intérêts échus à cette date et courus depuis le 1er février 2021 contrairement aux dispositions de l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution,
– En conséquence, infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– Dire nuls et de nul effet le commandement et l’assignation délivrée à la requête du Crédit Agricole ainsi que tous les actes subséquents,
A titre subsidiaire,
– Dire que le Crédit Agricole n’a pas renouvelé son inscription hypothécaire,
– En conséquence, infirmer le jugement déféré et fixer la créance du Crédit Agricole à la somme de 330 000 euros,
En tout état de cause,
– Condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure de 3 000 euros.
Au soutien de leurs demandes, les consorts [E] soutiennent que :
1. Le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 7 septembre 2021 pour un montant en principal de 300 000 euros, outre divers intérêts échus et indemnités contractuelles et frais de procédure ne mentionne pas les intérêts échus au 1er février 2021 ni ceux courus postérieurement à cette date.
2. L’inscription hypothécaire conventionnelle enregistrée le 9 août 2010 garantissait des intérêts au taux annuel de 3,78 %. Cette sûreté a expiré le 10 septembre 2018. Le renouvellement d’hypothèque enregistré le 23 août 2018 ne concerne qu’un capital de 300 000 euros et des accessoires pour 30 000 euros. Dès lors, le Crédit Agricole ne peut prétendre à voir fixer sa créance à une somme supérieure à 330 000 euros.
Par conclusions II signifiées le 5 avril 2023, le Crédit Agricole demande à la cour de :
– Déclarer M. [D] [E] et Mme [S] [E] recevables mais mal-fondés en leurs dispositions,
– Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
– Condamner les consorts [E] aux entiers dépens ainsi qu’à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euros,
– Débouter ces derniers de l’ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires.
La banque maintient que :
1. La saisie immobilière qu’elle a engagée est en tout régulière. En effet, indépendamment de la question du grief sur laquelle les appelants ne s’expliquent pas, il faut constater que les intérêts échus sont bien mentionnés dans le commandement litigieux, aucun texte du code des procédures civiles d’exécution n’imposant que le décompte soit fait à la date du commandement, ce qui est en pratique impossible. C’est la raison pour laquelle, au-delà de la date à laquelle les intérêts échus sont calculés, ces intérêts sont considérés comme à échoir.
2. Le reproche concernant le point de départ des intérêts de retard, plus précisément l’absence de déchéance du terme, n’est pas davantage pertinent puisque le prêt en l’espèce in fine était arrivé à échéance le 10 septembre 2017. Les emprunteurs n’étaient pas à jour au 10 juin 2017 et ils ne prétendent aucunement ne pas devoir l’échéance en question.
3. L’inscription d’hypothèque a bien été renouvelée, ce qui suggère que cela s’est fait aux mêmes conditions que l’inscription initiale. Le fait que la garantie hypothécaire soit renouvelée à un montant inférieur à la créance est sans conséquence pour l’organisation de la vente forcée et ne peut interférer qu’au stade de la distribution du prix.
Par conclusions signifiées le 27 février 2023, la SA BNP Paribas poursuit la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, le rejet des prétentions des consorts [E] et leur condamnation aux entiers dépens de première instance comme d’appel ainsi qu’à lui verser une indemnité de procédure de 1 500 euros.
* * * *
L’assignation de Mme [F] ayant été délivrée à l’étude de l’huissier instrumentaire alors que cette partie n’a pas constitué avocat, il importera de statuer en la cause par décision prononcée par défaut.
Motifs de la décision :
– Sur la nullité alléguée du commandement de payer valant saisie immobilière :
Attendu que l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution énonce en son premier alinéa que, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte :
[—] ;
3° Le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux d’intérêts moratoires ;
[—] ;
Attendu en l’occurrence que le commandement litigieux reprend en page 2 les sommes ci-après que les débiteurs sont sommés de régler à l’huissier dans les huit jours de l’acte :
Prêt financement à l’agriculture n°1465124 de 3 000 000 euros [de fait, 300 000 euros] ‘ arrêté des sommes dues au 1er février 2021 :
Montant des échéances échues impayées en capital au 1er février 2021 : 300 000 euros,
Intérêts de retard courus au taux contractuel de 3,78 % l’an du 10 juin 2017 au 10 septembre 2017 : 299,84 euros,
Intérêts de retard courus au regard des échéances impayées au taux contractuel majoré de 5 points (8,78 %) du 10 septembre 2017 au 1er février 2021 :85 324,82 euros,
Indemnité contractuelle de 7 % des sommes dues au 1er février 2021 (base de calcul : 385 624,66 euros) : 26 993,73 euros,
Intérêts de retard à échoir au taux contractuel majoré de 5 points (8,78 %) à compter du 2 février 2021 : mémoire,
Frais de la présente procédure : mémoire,
Total créance à la date du 1er février 2021 : 412 628,39 euros sauf mémoire et sous réserve de tous autres dus, droits, actions, intérêts et frais notamment de mise à exécution s’il y a lieu ;
Que la cour fait ce constat que la somme de 412 628,39 euros est parfaitement ventilée selon les exigences de l’article précité, mention des taux d’intérêts étant explicitement reprise dans le commandement ;
Que la discussion porte donc sur les seuls intérêts moratoires échus entre le 2 février 2021 et la date du commandement, ce que la banque poursuivante fait apparaître sous l’appellation « mémoire » en indiquant qu’il n’est jamais possible de calculer la créance à la date du commandement, les consorts [E] opposant que, tenus à un paiement sous huitaine à compter de la délivrance du commandement, il ne leur a pas été possible de connaître le montant exact de ce qu’il devait au Crédit Agricole, ce qui leur cause forcément un grief ;
Que l’argument n’est toutefois pas pertinent dans la mesure où la créance de la banque chiffrée à 412 628,39 euros est parfaitement explicitée, la question du mémoire d’intérêts échus postérieurement au 1er février 2021 constituant manifestement un prétexte aux débiteurs pour voir invalider le commandement de payer qu’ils ne critiquent pas par ailleurs ;
Que la cour ne peut suivre les consorts [E] qui ne justifient pas du moindre commencement de règlement de la créance du Crédit Agricole, aucune circonstance tenant au montant de la créance, encore moins à l’exigibilité de la créance de la banque, ne pouvant justifier le défaut de paiement des débiteurs, aucune notification de la déchéance du terme n’étant requise de la part du créancier dans la mesure où le prêt est venu à terme dès le 10 septembre 2017, toute somme non réglée durant les 28 mois d’amortissement du prêt étant obligatoirement due et parfaitement exigible ;
Qu’en d’autres termes, les consorts [E] n’apportent pas la preuve du moindre grief en lien avec le prétendu défaut d’indication chiffrée des intérêts moratoires dus postérieurement au 1er février 2021 de sorte qu’aucune nullité du commandement de payer valant saisie immobilière n’est encourue, ce que le premier juge a à bon droit retenu ;
Que la décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté les consorts [E] de leur demande d’annulation des commandements délivrés les 7 septembre et 25 octobre 2021 ;
– Sur les autres dispositions principales du jugement dont appel et la demande de réduction de la créance principale de la banque :
Attendu que si M. [D] [E] et Mme [S] [E] entendent voir réduire à 330 000 euros le montant de la créance du Crédit Agricole à leur encontre, la cour fait sienne la motivation du premier juge en ce que la circonstance que l’inscription hypothécaire ait été réitérée à concurrence d’une créance de ce montant n’est pas de nature à justifier sa réduction, le montant repris dans l’inscription hypothécaire réitérée étant simplement de nature à engager le cas échéant une discussion entre les parties lors de la distribution du prix de vente du bien saisi ;
Qu’en l’absence de plus amples développements au soutien du recours des consorts [E], il importera de confirmer en toutes ses dispositions principales le jugement entrepris, en ce compris celle arrêtant la créance du créancier inscrit, la SA BNP Paribas ;
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à la charge des consorts [E] les entiers dépens d’appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu’il réserve les dépens de première instance, lesquels sont compris dans la taxe des frais de poursuite ;
Que l’équité commande d’arrêter à la somme de 2 000 euros l’indemnité pour frais irrépétibles revenant au Crédit Agricole et à 1 000 euros celle revenant à la SA BNP Paribas, la décision déférée étant confirmée en ce qu’elle n’arrête aucune indemnité de cette nature en première instance ;
Que M. [D] [E] et Mme [S] [E] seront déboutés de leurs propres prétentions indemnitaires exprimées au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par décision prononcée par défaut,
– Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
– Condamne in solidum M. [D] [E] ainsi que Mme [S] [E] aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Champagne Bourgogne la somme de 2 000 euros et à la SA BNP Paribas celle de 1 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Déboute M. [D] [E] et Mme [S] [E] de leur demande indemnitaire exprimée sur le fondement de ce même article.
Le Greffier. Le Président.