Saisine du juge de l’exécution : 9 mai 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 23/00029

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Saisine du juge de l’exécution : 9 mai 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 23/00029

COUR D’APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le NEUF MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d’appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l’ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 23/00029 – N° Portalis DBVY-V-B7H-HG4U débattue à notre audience publique du 25 Avril 2023 – RG au fond n°22/01776 -2ème section

ENTRE

M. [T] [O]

Demeurant [Adresse 2]

Mme [F] [J] épouse [O]

Demeurant [Adresse 2]

M. [G] [O]

Demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Christian FORQUIN, avocat au barreau de CHAMBERY

Demandeurs en référé

ET

M. [N] [I], demeurant [Adresse 1]

Mme [W] [C] épouse [I], demeurant [Adresse 1]

Ayant pour avocat postulant Me Michel FILLARD, avocat au barreau de CHAMBERY et pour avocat plaidant Me Olivier FERNEX DE MONGEX, avocat au barreau de CHAMBERY ;

Défendeurs en référé

 »’

Exposé du litige :

Monsieur [N] [I] et Madame [W] [I] propriétaires d’un logement à usage d’habitation sis à SAINT ALBAN LEYSSE ont assigné leurs locataires Monsieur [T] [O] et Madame [F] [J] épouse [O] et leur caution solidaire Monsieur [G] [O], fils des locataires devant le tribunal judiciaire de Chambéry, qui, suivant jugement rendu le 2 septembre 2022, a notamment :

– Constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 29 août 2016 entre Monsieur [N] [I] et Madame [W] [C] épouse [I] (bailleurs) et Monsieur [T] [O] et Madame [F] [J] épouse [O] (locataires) concernant le logement à usage d’habitation situé [Adresse 2] sont réunies à la date du 7 octobre 2019 ;

– Ordonné à Monsieur [T] [O] et Madame [F] [J] épouse [O] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision ;

– Dit qu’à défaut pour Monsieur [T] [O] et Madame [F] [J] épouse [O] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Monsieur [N] [I] et madame [W] [C] épouse [I] pourront, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous les occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

– Fixé l’indemnité d’occupation due de la date de la résiliation jusqu’au départ effectif des lieux au montant des loyers et charges, éventuellement révisés, qui auraient été payés si le bail avait continué,

– Condamné Monsieur [T] [O] et Madame [F] [J] épouse [O] à payer à Monsieur [N] [I] et Madame [W] [C] épouse [I] la somme de 44 000, 00 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation comprenant le mois de février 2021 outre les loyers, charges et indemnités d’occupation dus postérieurement, avec intérêts au taux légal,

– Condamné Monsieur [T] [O], Madame [F] [J] épouse [O] et Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [I] et Madame [W] [C] épouse [I] la somme de :

1 100,00 euros de loyers et charges impayés,

500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné Monsieur [T] [O], Madame [F] [J] épouse [O] et Monsieur [G] [O] aux dépens comprenant notamment le coût de la notification de l’assignation à la préfecture, du commandement de payer et de l’assignation ;

– Ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Monsieur [T] [O], Madame [F] [J] épouse [O] et Monsieur [G] [O] ont fait appel de ce jugement le 14 octobre 2022 (n° DA 22/01804 et n° RG 22/01776) puis, le 30 mars 2023, ont fait assigner Monsieur [N] [I] et Madame [W] [C] épouse [I], en référé devant la Première Présidente de la Cour d’appel de Chambéry afin de voir, au principal sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile, arrêter l’exécution provisoire du jugement rendu le 2 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Chambéry, de voir, subsidiairement sur le fondement de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, accorder des délais pour se reloger et de voir condamner tous succombants aux entiers dépens.

L’affaire a fait l’objet d’un renvoi à la demande des parties aux fins d’échange des conclusions et de communication des pièces.

A l’audience du 25 avril 2023, Monsieur [T] [O], Madame [F] [J] épouse [O] et Monsieur [G] [O] maintiennent les termes de leur assignation à laquelle il est renvoyé pour de plus amples développements et précisent qu’ils quitteront, en tout état de cause, les lieux au plus tard à la fin du mois.

Ils font valoir qu’il existe des chances sérieuses de réformation de la décision en ce que l’absence de raccordement au réseau d’eau potable, l’absence d’isolation et l’installation électrique obsolète témoignent de l’absence de délivrance d’un bien en bon état de réparation et qu’ainsi ils pouvaient exercer leur droit de rétention sur le montant des loyers.

Ils ajoutent que l’exécution provisoire fait courir un risque de conséquences manifestement excessives en ce que les difficultés financières liées à des problèmes de santé les ont conduit à développer des troubles dépressifs et bipolaires, que Monsieur [O] adulte handicapé n’est pas en capacité de travailler, que Madame [O] en arrêt de travail va s’orienter vers un mi-temps thérapeutique, que tous deux font l’objet d’une procédure de surendettement.

Ils soutiennent aussi que l’octroi de délais pour se reloger est justifié, qu’ils ne disposent actuellement d’aucun autre logement bien qu’ils justifient en rechercher depuis de nombreux mois, qu’ils sont impécunieux ce qui accentue fortement leurs difficultés de relogement.

Enfin, ils précisent qu’en tant que bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ils ne peuvent faire l’objet d’une condamnation à des frais irrépétibles et de dépens.

Monsieur [N] [I] et Madame [W] [I] soutiennent les termes de leurs conclusions notifiées le 17 avril 2023. Ils concluent au débouté des demandeurs et entendent les voir condamner solidairement au versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ainsi qu’au paiement des frais liés au commandement de payer du 6 août 2019 et de l’exploit introductif d’instance en date du 22 novembre 2021. Ils ajoutent qu’ils n’ont aucune garantie quant à la restitution des lieux annoncée par les consorts [O].

Les consorts [I] font valoir l’absence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision litigieuse en ce que les demandeurs ne fournissent aucune pièce nouvelle au soutien de leurs prétentions ce qui rend leur démonstration insuffisante pour caractériser les moyens sérieux nécessaires.

Ils ajoutent qu’il n’existe pas de risque de conséquences manifestement excessives en ce que toute exécution provisoire n’entraine pas automatiquement des conséquences manifestement excessives, qu’il appartenait donc aux consorts [O] de fournir des preuves de la réalité de ces conséquences, ce qu’ils ne font pas, que ces derniers ne justifient pas de démarches qui auraient dû être intentées dès le jugement du 22 septembre 2022, qu’ils ont profité de nouveau du délai accordé par la trêve hivernale, qu’ils n’ont pas fait l’effort de solliciter d’éventuelles demande de logement social, qu’ils ne démontrent pas que leur fils qui dispose à leur égard d’un devoir de secours n’est pas en mesure de les aider à se reloger, que cela fait 5 ans que les consorts [O] sont logés gratuitement, que le logement dont ils bénéficient se dégrade considérablement.

Par ailleurs, ils soutiennent que la demande de délai est injustifiée en ce que les consorts [O] ont déjà bénéficié de 5 années de logement gratuit, que depuis le jugement constatant l’acquisition de la clause résolutoire du bail les locataires ont pu bénéficier du délai de la trêve hivernale qu’ils auraient dû mettre à profit ce qu’ils ne démontrent pas avoir fait, qu’au regard des arriérés de loyer s’élevant à plus de 72 600 euros en principal et en présence de bailleurs personnes physiques

il n’apparait pas sérieux de solliciter de nouveaux délais.

Enfin, les consorts [I] précisent que les époux [O] peuvent être condamnés au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en ce que même s’ils bénéficient de l’aide juridictionnelle, ces derniers sont à l’origine de ces nouvelles actions qui contraignent les défendeurs à des frais, que les demandeurs multiplient les procédures alors qu’ils ne s’acquittent pas de leurs obligations.

SUR CE :

Selon l’article 55-1 du décret du 11 décembre 2019, l’instance visant à arrêter ou aménager l’exécution provisoire est soumise aux dispositions nouvelles du code de procédure civile lorsqu’elle a été engagée après le 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l’espèce.

En application l’article 514 nouveau du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire :

Selon l’article 514-3 du même code : « En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. ».

Il est rappelé que les deux conditions tenant à l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et aux conséquences manifestement excessives résultant de l’exécution de la décision sont cumulatives.

Le moyen sérieux de réformation est celui qui présente des chances raisonnables de succès, sans qu’il appartienne au premier président de se livrer à un examen approfondi de l’ensemble des moyens et arguments avancés par les parties et soumis à l’examen, au fond, de la cour d’appel.

En l’espèce, les consort [O] font valoir qu’ils étaient en droit d’exercer leur droit de rétention sur le montant des loyers en raison de l’absence de délivrance du bien en bon état de réparation.

Toutefois l’appréciation du bon état du bien relève du pouvoir d’appréciation souverain des juges du fond. Dès lors, seuls des éléments nouveaux évidents et avancés au soutien de preuves peuvent être constitutifs de moyens sérieux de réformation.

Or, les époux [O] se contentent d’avancer les mêmes éléments que ceux présentés devant le tribunal judiciaire de Chambéry sans y ajouter de nouveaux éléments probatoires.

En l’absence de tout élément sérieux susceptible de fonder l’annulation ou la réformation de la décision du juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Chambéry rendue le 2 septembre 2022, la demande de suspension de l’exécution provisoire sera rejetée.

En présence d’un rejet de la demande principale, il convient d’étudier la demande subsidiaire présentée par les demandeurs.

Sur la demande d’octroi de délais :

Il n’entre pas dans les pouvoirs du premier président d’accorder des délais de paiement ou d’exécution d’une obligation de faire à la partie condamnée en première instance.

En outre, l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution donne compétence uniquement au juge de l’exécution et au juge du fond pour accorder de tels délais ;

Les consorts [O] seront donc déboutés de leur demande d’octroi de délai pour quitter les lieux.

Sur la demande accessoire de l’article 700 :

La partie qui succombe, en application de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1991, même si elle est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, supporte les dépens exposés par son adversaire, sauf si le juge en dispose autrement ;

En l’espèce, dès lors que l’action a été introduite par les consorts [O], partie perdante, il n’y a pas lieu d’écarter le principe de l’article 42 ;

Il est précisé que la condamnation porte sur les dépens de la présente instance introduite devant la première présidence et non sur les dépens de la procédure au fond intentée en première instance ou en appel ;

En application de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991, la partie qui supporte les dépens peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ;

Aussi l’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner in solidum Monsieur [T] [O], Madame [F] [J] épouse [O] et Monsieur [G] [O] à verser aux époux [I] la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en matière de référé,

Déboutons Monsieur [T] [O], Madame [F] [J] épouse [O] et Monsieur [G] [O] de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 2 septembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chambéry ;

Déboutons Monsieur [T] [O], Madame [F] [J] épouse [O] et Monsieur [G] [O] de leur demande de délais de relogement ;

Condamnons in solidum Monsieur [T] [O], Madame [F] [J] épouse [O] et Monsieur [G] [O] à payer à Monsieur [N] [I] et Madame [W] [I] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons in solidum Monsieur [T] [O], Madame [F] [J] épouse [O] et Monsieur [G] [O] épouse [O] aux dépens de la présente instance ;

Déboutons les parties de toutes autres demandes.

Ainsi prononcé publiquement, le 09 mai 2023, par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente

 


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