Saisine du juge de l’exécution : 9 mai 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05053

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Saisine du juge de l’exécution : 9 mai 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05053

ARRET

S.A.S. SOGEFINANCEMENT

C/

[P]

PB/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU NEUF MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/05053 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IH7U

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE COMPIEGNE DU VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

S.A.S. SOGEFINANCEMENT agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-René CATÉ, avocat au barreau de BEAUVAIS

APPELANTE

ET

Monsieur [Y] [P]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Delphine HUGLO, avocat au barreau de COMPIEGNE

INTIME

DEBATS :

A l’audience publique du 07 mars 2023, l’affaire est venue devant M. Pascal BRILLET, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 mai 2023.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier assisté de Mme Annabelle AUDOUX, greffier stagiaire.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRET :

Le 09 mai 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant offre préalable du 6 mai 2015, acceptée le 13 mai suivant, la société Sogefinancement a consenti à M. [Y] [P] un prêt d’un montant de 28 050 euros, remboursable au moyen de 84 mensualités de 447,09 euros, assurance comprise, au taux effectif global annuel de 7,80 %.

Un avenant signé par les parties le 25 novembre 2015 a réaménagé ce contrat en prévoyant des mensualités de 198,10 euros, assurance comprise, entre le 10 janvier et le 10 décembre 2016 puis des mensualités de 450,22 euros à compter du 1er janvier 2017 jusqu’au 10 octobre 2023, au taux effectif global annuel de 7,66 %.

Prétendant que M. [P] avait cessé de payer les mensualités à compter du 30 décembre 2019, et après vaines mises en demeure, la société Sogefinancement a fait assigner M. [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Compiègne pour obtenir principalement sa condamnation à lui payer la somme de 19 372,31 euros, outre les intérêts au taux contractuel sur la somme de 17 991,60 euros, et au taux légal à compter du 1er août 2020.

M. [P] a sollicité des délais de paiement.

Par jugement en date du 26 janvier 2021, auquel la cour renvoie pour une présentation plus complète des faits et de la procédure antérieure, le tribunal a :

– déclaré recevable l’action formée par la société Sogefinancement,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Sogefinancement,

– condamné M. [P] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 513,46 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

– octroyé des délais de paiement à M. [P] la par conséquent autorisé à se libérer de sa dette d’un montant de 1 513,46 euros au moyen de sept paiements d’un montant de 200 euros par mois et d’un paiement de 113,46 euros,

– débouté la société Sogefinancement du surplus de ses demandes,

– condamné M. [P] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile.

À ces fins, notamment, il a retenu que la société Sogefinancement justifiait avoir consulté le fichier prévu par l’article L. 751’1 du code de la consommation par un document du 13 mai 2015 ne mentionnant pas le motif de la consultation, en contravention avec les dispositions de l’article L. 312’16 du même code.

La société Sogefinancement a interjeté appel du jugement par déclaration en date du 19 octobre 2021.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2012.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions récapitulatives de la société Sogefinancement notifiées par voie électronique le 17 janvier 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts et statuant à nouveau sur ce chef infirmé :

– dire n’y avoir lieu à déchéance de son droit aux intérêts contractuels,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné M. [P] à la seule somme de 1 513,46 euros sans intérêts, par suite de déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

et, statuant à nouveau :

– condamner M. [P] au paiement de la somme de 19 372,31 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,40 % sur la somme de 17 991,60 euros et au taux légal sur le surplus à compter du 1er août 2020, n’y ayant lieu à déchéance de son droit aux intérêts,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a accordé un délai de grâce à M. [P],

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [P] aux dépens de première instance, et le condamner en outre aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait pour l’essentiel valoir que l’article L. 312’16 n’impose aucun formalisme quant à la justification de la consultation du FICP par l’établissement prêteur, la Banque de France ne délivrant pas récépissé de cette consultation elle ajoute qu’un arrêté en date du 26 octobre 2010 édicte que, comme moyen de preuve de consultation du fichier, les établissements de crédit doivent, dans le cas de consultation, conserver des preuves de celle-ci, de son motif et de son résultat sur un support durable. Elle prétend qu’il n’y a aucune discussion possible sur le fait que sa consultation en l’espèce était requise dans le cadre de l’offre préalable de crédit litigieuse au vu du document qu’elle produit au débat.

Vu les dernières conclusions récapitulatives de M. [P] notifiées par voie électronique le 9 février 2022 aux termes desquelles il demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire :

– constater qu’il bénéficie d’une mesure de surendettement établie comme suit : un remboursement mensuel de 136,60 euros.

– rejeter les demandes de la société Sogefinancement au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Il sollicite la confirmation du jugement sans autre motivation particulière, faisant à titre subsidiaire valoir, concernant la question du montant des sommes dues, intérêts ou non compris, qu’il bénéficie d’un plan de surendettement selon jugement en date du 29 octobre 2021.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

1. Sur la déchéance du droit aux intérêts

1.1 L’article L311-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour du contrat, devenu l’article L. 312’16 à compter du 1er juillet 2016, prévoit qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier.

L’article L311-48 alinéa 2 et 3 du code de la consommation, devenu articles L. 341’2 et L. 341’8 à compter du 1er juillet 2016, prévoit que lorsque le prêteur n’a pas respecté cette obligation de consultation préalable, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. L’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Dans sa version applicable au jour du contrat, l’article 2 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, auquel renvoie l’article L.333-5 alinéa 2 du code de la consommation, devenu article L.751-6 alinéa 2 à compter du 1er juillet 2016, prévoit notamment que les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er doivent obligatoirement consulter le FICP :

1° Avant toute décision effective d’octroyer un crédit tel que mentionné à l’article L. 311-2 du code de la consommation à l’exception des opérations mentionnées à l’article L. 311-3 du même code et avant tout octroi d’une autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à un mois. Sans préjudice de consultations antérieures dans le cadre de la procédure d’octroi de crédit, cette consultation obligatoire, qui a pour objet d’éclairer la décision finale du prêteur avec les données les plus à jour, doit être réalisée lorsque le prêteur décide :

– d’agréer la personne de l’emprunteur en application de l’article L. 311-13 du code de la consommation pour les crédits mentionnés à l’article L. 311-2 du même code ;

– de consentir un crédit en application du II de l’article L. 311-43 du même code.
2° Avant de proposer à un client la reconduction annuelle de son contrat de crédit renouvelable en application de l’article L. 311-16 du code de la consommation.

L’article 13-I précise qu’afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés au I de l’article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au II de l’article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier sur un support durable. Constitue un support durable tout instrument permettant aux établissements et organismes mentionnés à l’article 1er de stocker les informations constitutives de ces preuves, d’une manière telle que ces informations puissent être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à leur finalité et reproduites à l’identique. Le cas échéant, le résultat des consultations effectuées aux fins mentionnées au II de l’article 2 est conservé dans les conditions décrites ci-dessus.

Aux termes de l’ensemble de ces textes, il appartient donc à l’établissement préteur de rapporter la preuve que le justificatif de la consultation du fichier fait référence au prêt (1re Civ., 9 mars 2022, pourvoi n° 20-19.548).

2. En l’espèce, la société Sogefinancement produit un document « résultats d’interrogation fichage FICP » édité le 13 mai 2015.

Ce document mentionne : « emprunteur : Monsieur [P] [Y] ne(e) à [Localité 6] le [Date naissance 2]/1960 ».

Au pied de ce document, à gauche, au-dessus d’un code barre, est indiqué : « dossier : 000 0000000036195218312 », ledit numéro étant celui de l’offre de crédit litigieuse.

Dans ces conditions, et contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, cette pièce établit suffisamment que la consultation du fichier est intervenue dans le cadre de la présente offre de crédit de la société Sogefinancement acceptée par M. [P] le 13 mai 2015.

Le jugement est infirmé sur ce point ainsi que sur tous ceux en étant la conséquence nécessaire.

3. Aucune autre cause de déchéance du droit de la société Sogefinancement aux intérêts n’est invoquée ni, a fortiori, justifiée.

4. Il appartient à M. [P] de rapporter la preuve qu’il a respecté son obligation contractuelle de remboursement du prêt selon les stipulations prévues, ce qu’il ne fait pas.

La société Sogefinancement fonde de sa demande sur un décompte de créance arrêtée au 19 août 2020, lequel n’est pas autrement contesté par M. [P].

5. M. [P] produit un jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Compiègne en date du 29 octobre 2021, lequel, dans le cadre d’une procédure de surendettement, a infirmé les mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers de l’Oise le 17 février 2021 et a dit qu’il rembourserait les créanciers selon les modalités définies dans un tableau annexe. Il ressort de ce tableau que la créance de la société Sogefinancement a été retenue au titre du contrat litigieux pour une somme totale de 19 314,46 euros. Ont été mises à la charge de M. [P] 45 échéances mensuelles de 136,60 euros, la créance étant partiellement effacée aux termes du plan à concurrence d’une somme de 13 167,46 euros.

Néanmoins, la décision par laquelle le juge de l’exécution, saisi d’une contestation des mesures recommandées, vérifie la validité et le montant des titres de créance n’a pas l’autorité de la chose jugée au principal concernant la fixation des créances (1re Civ., 2 juin 2004, pourvoi n° 02-11.012; 2e Civ., 21 octobre 2004, pourvoi n° 00-20.515, Bull., 2004, II, n° 475).

Un créancier peut donc, pendant le cours de l’exécution des mesures recommandées par la commission de surendettement des particuliers, saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire qui pourra être mis à exécution en cas d’échec du plan. La société Sogefinancement reste donc recevable et fondée à voir condamner M. [P] au règlement de sa créance à hauteur des sommes dues par celui-ci, en principal et en intérêts, ceux-ci étant suspendus pendant l’exécution des mesures recommandées (2e Civ., 18 novembre 2004, pourvoi n° 03-11.936, Bull., 2004, II, n° 500; 2e Civ., 5 février 2009, pourvoi n° 07-21.306, Bull. 2009, II, n° 38).

6. Toutefois, en application notamment de l’article L.733-16 du code de la consommation, les parties restent soumises au jugement précité du 29 octobre 2021 s’agissant des modalités d’apurement de cette créance.

Dans cette mesure, il n’y a pas lieu de confirmer le jugement s’agissant des délais de paiement, les mesures imposées par le jugement s’imposant.

7. L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de la société Sogefinancement formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

8. M. [P] est condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action formée par la société Sogefinancement et en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [Y] [P] à payer à la société Sogefinancement la somme de 19 372,31 euros, compte arrêté au 19 août 2020, avec intérêts au taux contractuel de 7,40 % sur la somme de 17 991,60 euros et au taux légal sur le surplus à compter du 1er août 2020,

Rappelle que le règlement de cette créance devra intervenir conformément aux dispositions du jugement n° 11-21-000188 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Compiègne rendu entre les parties notamment,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne M. [Y] [P] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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