COUR D’APPEL
D’AIX-EN-PROVENCE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Chambre 3-1
N° RG 20/11641 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGSCM
Ordonnance n° 2023/M55
S.A.S. ALL4HOME DEVELOPPEMENT
Représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Appelante
Mme [P] [W]
Représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
S.A.R.L. ALL4HOME GRENOBLE
Représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
S.A.R.L. NET4PRO GRENOBLE
Représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Intimées
S.E.L.A.R.L. ETUDE BOUVET ET GUYONNET,
Représentant : Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
S.E.L.A.R.L. ETUDE BOUVET ET GUYONNET,
Représentant : Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Parties Intervenantes
ORDONNANCE D’INCIDENT
DU 9 MAI 2023
Nous, Marie-Amélie VINCENT, conseillère de la mise en état de la Chambre 3-1 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, assistée de Chantal DESSI, greffière lors des débats et de Marie PARANQUE, greffière lors du prononcé,
Après débats à l’audience du 4 Avril 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l’incident était mis en délibéré, avons rendu le 9 mai 2023, l’ordonnance suivante :
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 2 novembre 2020, le tribunal de commerce de Marseille a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– Constaté que Madame [P] [W] et la société All4Homme Grenoble Sarl d’une part, et Madame [P] [W] et la société Net4Pro Grenoble d’autre part, sont tenues solidairement entre elles du paiement des sommes dues à la société All4Home Developpement Sas au titre des contrats de franchise ;
– Avant dire droit sur le quantum des demandes de la société All4Home Developpement Sas sur le montant des redevances de franchise :
Ordonné la production par Madame [P] [W] et la société Net4Pro Grenoble auprès de la société All4home Developpement Sas, de tous les justificatifs afférents au chiffre d’affaires mensuel de la franchise Net4Pro Grenoble à compter du mois de novembre 2018 dans le mois de la signification du présent jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant un mois,
Ordonné la production par Madame [P] [W] et la société All4Homme Grenoble Sarl auprès de la société All4home Developpement Sas, de tous les justificatifs afférents au chiffre d’affaires mensuel de la franchise All4Homme Grenoble à compter du mois de novembre 2018 dans le mois de la signification du présent jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant un mois,
– En conséquence, sursoit à statuer sur la demande en paiement des factures afférentes aux redevances de franchise des mois de novembre et décembre 2018,
– Dit n’y avoir lieu à prononcer la résiliation des contrats de franchise aux torts de Madame [P] [W] et des sociétés All4Home Grenoble et Net4Pro Grenoble,
– En conséquence, débouté la société All4home Developpement de sa demande de dommages-intérêts pour » manque à gagner et préjudice moral » ;
– Déboute Madame [P] [W] et les sociétés All4Home Grenoble et Net4Pro Grenoble,
– Condamne la société All4Home Developpement Sas à payer à Madame [P] [W], la société All4Home Grenoble Sarl et Net4Pro Grenoble la somme totale de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la société All4Home Developpement Sas aux dépens,
– Rejeté, pour le surplus, toutes les autres demandes, fins et conclusions.
Par acte du 26 novembre 2020, la société All4Home Developpement Sas a interjeté appel du jugement.
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 2 novembre 2022, puis par dernières conclusions du 31 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société All4Home Developpement Sas a saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de communication de pièces et fait valoir que :
– Alors que les parties sont liées par deux contrats de franchise prévoyant une redevance mensuelle assise sur le chiffre d’affaires HT, en exécution du jugement de première instance, la société Net4Pro Grenoble et la société All4Home Grenoble Sarl ont déclaré un chiffre d’affaires pour la période courant du mois de novembre 2018 au mois de décembre 2020, sans aucun élément justificatif, et alors qu’elles ont assorti le dépôt de leurs comptes d’une déclaration de confidentialité ;
– Il appartient au conseiller de la mise en état d’accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, de sorte qu’elle est fondée à solliciter une provision contre les défenderesses au vu des éléments de chiffres d’affaires transmis ; les contrats de franchise se poursuivent encore, le jugement entrepris ayant dit n’y avoir lieu à prononcer la résiliation des deux contrats de franchise, et ayant condamné la société Net4Pro Grenoble Sarl et la société All4Homme Grenoble Sarl à communiquer leur chiffres d’affaires à compter de novembre 2018 et non pour les seuls mois de novembre et décembre 2018 ; au surplus, les pièces produites démontrent que les intimées continuent d’exploiter une activité commerciale sous les enseignes All4Home et Net4Pro.
Ainsi, au visa des articles 904 et 789 du code de procédure civile, la société appelante demande au conseiller de la mise en état de :
– Ordonner la production par Madame [P] [W] de tous les justificatifs afférents au chiffre d’affaires mensuel des franchises All4Home Grenoble Sarl et Net4Pro Grenoble Sarl, à compter du mois de novembre 2018 et ce, dans le mois de la décision à intervenir, et sous astreinte de 150 € par jour de retard,
– Se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte,
– Condamner Madame [P] [W] à payer à la société All4Home Developpement une provision de 4.143,42 € TTC, au titre des redevances de la franchise All4Home Grenoble pour la période courant de novembre 2018 à janvier 2021, avec intérêts au taux conventionnel de 1% par mois à compter de l’assignation délivrée par-devant le tribunal de commerce de Marseille,
– Condamner solidairement Madame [P] [W] à payer à la société All4Home Developpement une provision de 822,77 € au titre des redevances de la franchise Net4Pro Grenoble pour la période courant de novembre 2018 à décembre 2020 avec intérêts au taux conventionnel de 1% par mois à compter de l’assignation délivrée par devant le tribunal de commerce de Marseille,
– Condamner solidairement Madame [P] [W] à payer à la société All4Home Developpement la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 28 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Madame [P] [W], la société All4Home Grenoble, la société Net4Pro Grenoble, la Selarl Etude Bouvet et Guyonnet, ès qualité de liquidateur judiciaire des sociétés All4Home Grenoble et Net4Pro Grenoble répliquent que :
– La demande de production des pièces relatives au chiffre d’affaires réalisé par les sociétés All4Home Grenoble et Net4Pro Grenoble postérieurement au mois de novembre 2018 n’a pas d’intérêt dès lors de que la société All4Home Developpement a pris l’initiative, dès le mois de décembre 2018, de mettre un terme aux relations entretenues avec ses franchisés, de sorte qu’elle ne saurait prétendre à une redevance pour une période postérieure à cette résiliation de fait ; elles ont toutefois complété les tableaux de chiffres qu’elles ont déjà versés par les déclarations de TVA certifiant la véracité de ces chiffres;
– La société All4Home Developpement ayant mis un terme aux contrats de franchise conclus avec les sociétés All4Home Grenoble et Net4Pro Grenoble à partir du mois de décembre 2018, elle ne peut prétendre obtenir le paiement de redevance couvrant une période postérieure ; sa demande participant d’une véritable contradiction, elle doit être déclarée irrecevable ; la demande de provision ayant été formée à l’encontre de Madame [P] [W], gérante des sociétés franchisés, à titre personnel, elle doit être déclarée irrecevable ;
– La demande de provision se heurte à l’existence d’une contestation sérieuse, dans la mesure où elle ne correspond à aucun service fourni par la société All4Home Developpement, qu’il est impossible d’imputer la résiliation des contrats litigieux aux sociétés franchisées, de sorte que rien ne justifie qu’elle soient condamnées à verser des redevances postérieures à la résiliation décidée par la société All4Home Developpement, et que cette demande de provision fait l’objet d’une contestation développée au fond.
Au visa des articles 31,32, 907 et 789 du code de procédure civile, et 1199 du code civil, elles sollicitent de voir :
– Constater qu’en dépit de l’irrecevabilité et du mal-fondé de la demande de production de pièces sollicitées par la société All4Developpement Sas, Madame [P] [W] verse aux débats les justificatifs de chiffre d’affaires réalisés à partir de novembre 2018 afin de couper court à tout débat inutile ;
– Débouter la société All4Home Developpement Sas de sa demande provision, celle-ci s’avérant tout à la fois irrecevable et mal-fondée ;
– Condamner la société All4Home Developpement Sas à verser à aux concluantes une somme globale de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Réserver les dépens.
L’affaire a été fixée et retenue à l’audience du 4 avril 2023, puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 9 mai 2023.
MOTIFS
– Sur la demande de communication de pièces
Aux termes des dispositions de l’article 11 du code de procédure civile, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il s’agit toutefois d’une simple faculté dont l’exercice est réservé à l’appréciation discrétionnaire du juge qui ne doit pas avoir pour effet de pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve.
Aux termes de l’article 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu conformément aux dispositions des articles 138 et 139, le pouvoir du juge civil d’ordonner la production d’un élément de preuve détenu par une partie étant limitée par l’existence d’un empêchement légitime.
Une partie peut demander au juge la production des pièces détenues par une autre partie, à la condition que les pièces demandées soient précisément identifiées, que leur existence entre les mains d’un tiers ou d’une partie désignée dans la demande soit justifiée. Le demandeur doit en outre justifier d’un intérêt légitime à la production de la ou les pièces dont il sollicite la production et ces dernières doivent être utiles à la solution du litige.
Le conseiller de la mise en état dispose des pouvoirs conférés au juge de la mise en état en application de l’article 907 du code de procédure civile, qui renvoie aux dispositions de l’article 780 du même code, exerçant tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production de pièces. Il dispose en matière de production forcée d’une simple faculté dont l’exercice est laissé à son pouvoir discrétionnaire.
En l’espèce, il sera rappelé que le jugement entrepris a ordonné la production par Madame [P] [W] et la société Net4Pro Grenoble Sarl d’une part, et Madame [P] [W] et la société All4Home Grenoble Sarl d’autre part, de tous les justificatifs afférents au chiffre d’affaires mensuel de la franchise All4Home Grenoble et Net4Pro Grenoble à compter du mois de novembre 2018, dans le mois de la signification du jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard. La demande de production de pièces formulée identiquement, à l’exception du montant de l’astreinte, par la société All4Home Developpement Sas a ainsi déjà fait l’objet d’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, de sorte que celle-ci relève non du pouvoir du conseiller de la mise en état, mais d’une difficulté d’exécution, à laquelle il appartient, en tant que de besoin, au juge de l’exécution, de répondre.
Au surplus, il est à observer qu’aux termes de son dernier bordereau de communication de pièces, les sociétés All4Home Grenoble et Net4Pro Grenoble ont communiqué l’ensemble des déclarations de TVA de leurs franchises respectives pour la période courant de janvier 2019 à janvier 2021, outre les bilans comptables de la société Net4Pro Grenoble des années 2018 et 2019, de sorte que la demande de production de pièces de trouve sans objet.
Il convient dès lors de débouter la société All4Home Developpement de sa demande de communication de pièces.
– Sur la demande de provision
L’article 907 du code de procédure civile prévoit que, à moins qu’il ne soit fait application de l’article 905, l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807, et sous réserve des dispositions qui suivent, l’article 789 3° de ce même code prévoyant que le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
Au cas d’espèce, si le jugement entrepris a dit n’y avoir lieu de prononcer la résiliation des contrats de franchise aux torts de Madame [P] [W] et des sociétés All4Home Grenoble et Net4Pro Grenoble, il résulte de l’examen des conclusions au fond que les parties s’opposent quant à la résiliation du contrat, les intimées soutenant que le contrat a pris fin à l’initiative du franchiseur, selon lettre recommandée adressée courant décembre 2018, tandis que la société All4Home Developpement soutient avoir uniquement informé ces dernières de son intention d’invoquer la clause résolutoire.
Il convient de rappeler à cet égard que la détermination par l’article 907 du code de procédure civile des pouvoirs du juge de la mise en état ne saurait avoir pour conséquence de méconnaître les effets de l’appel et les règles de compétence définies par la loi. Seule la cour d’appel dispose, à l’exclusion du conseiller de la mise en état, du pouvoir d’infirmer ou annuler la décision frappée d’appel, revêtue dès son prononcé de l’autorité de la chose jugée. Il en résulte que le conseiller de la mise en état ne peut connaître de demandes qui auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies de remettre en cause ce qui a été tranché par le premier juge ou seraient susceptibles d’entraîner une réformation du jugement alors même que ce pouvoir n’est dévolu qu’à la cour par application de l’article 542 du code de procédure civile.
Dès lors, accueillir la demande de provision formulée, en ce qu’elle ne serait pas sérieusement contestable, aurait pour incidence de trancher la demande formulée au fond quant à la résiliation des contrats litigieux, ce qui n’incombe pas au conseiller de la mise en état.
En outre, les intimées arguent de l’absence de services prestés par la société All4Home Developpement au-delà de la résiliation du contrat, ce que conteste cette dernière.
Force est ainsi de constater qu’une contestation sérieuse existe, de sorte que la société All4Home Developpement sera déboutée de sa demande de provision.
– Sur les demandes accessoires
La société All4Home Developpement, partie perdante, sera condamnée à payer la somme de 3.000 € à Madame [P] [W], la société All4Home Grenoble Sarl et la société Net4Pro Grenoble Sarl.
PAR CES MOTIFS
LA CONSEILLERE DE LA MISE EN ÉTAT,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déboute la société All4Home Developpement de sa demande de communication de pièces,
Déboute la société All4Home Developpement de l’ensemble de ses demandes en paiement à titre provisionnel,
Condamne la société All4Home Developpement à payer la somme de 3.000 € à Madame [P] [W], la société All4Home Grenoble Sarl, représentée par la Selarl Etude Bouvet et Guyonnet, ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société All4Home Grenoble Sarl, et la société Net4Pro Grenoble Sarl, représentée par la Selarl Etude Bouvet et Guyonnet, ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Net4Pro Grenoble Sarl,
Déboute la société All4Home Developpement de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit que les dépens suivront le sort de ceux de l’instance principale.
La greffière La conseillère de la mise en état
Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.
La greffière