COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 09 MAI 2023
N° 2023/ 155
Rôle N° RG 19/15724 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFABU
[T] [V]
C/
[U] [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sandra JUSTON
Me Audrey BAGARRI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 25 Juillet 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/05772.
APPELANT
Monsieur [T] [V]
né le 16 Avril 1968 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté par Me Franck FOURNIER, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur [U] [D], demeurant [Adresse 1]
représenté et assisté par Me Audrey BAGARRI, avocat au barreau de GRASSE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 21 Mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Danielle DEMONT, Conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 13 février 2014, M. [Y] a vendu à M. [V] un mobilehome au prix de 30’000 € sis sur une parcelle en location dans un camping, le « Parc Cloteirol-route de Grasse » à [Localité 4], suite à une annonce diffusée par l’agence immobilière ERA parue sur internet.
Se plaignant de ce qu’ultérieurement il lui a été imposé un prix de location de l’emplacement différent de celui annoncé dans le cadre contractuel et de ce qu’il avait dû transférer son mobilehome sur un autre site, M. [V] a fait assigner M. [Y], son vendeur, en nullité de la vente pour erreur sur la substance et par exploit du 17 septembre 2014, M. [B], le bailleur de la parcelle de terrain.
Par exploit du 19 septembre 2014 M. [V] a recherché par ailleurs la responsabilité et assigné en intervention forcée, M. [T] [D], l’agent commercial travaillant au sein de l’agence ERA.
Par jugement du 3 mai 2016 le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Grasse a confirmé la saisie conservatoire entreprise par M. [B] sur le mobilehome en cantonnant sa créance d’indemnités d’occupation à hauteur de 12’990 €.
Un protocole transactionnel a ensuite été signé entre M. [V] et M. [B] le 17 juin 2016, et M. [V] s’est désisté de ses demandes contre ce dernier.
Par jugement en date du 25 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a :
‘ ordonné jonction des instances ;
‘ rejeté la demande de nullité pour erreur ou dol de la vente du mobilehome conclue le 13 février 2014 entre M. [Y] et M. [V] ;
‘ condamné M. [V] à payer à M. [Y] la somme de 800 € au titre de son préjudice moral ;
‘ mis hors de cause M. [U] [D] et débouté ce dernier de sa demande de dommages-intérêts ;
‘ rejeté les demandes plus amples ;
‘ condamné M. [V] à payer à M. [Y] et à M. [D] la somme de 2000 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;
‘ et ordonné l’exécution provisoire du tout.
Le 11 octobre 2019, M. [T] [V] a relevé appel de cette décision en intimant seulement M. [D].
Par conclusions du 12 avril 2020, M. [V] demande à la cour :
‘ in limine litis de dire que le protocole transactionnel ne lie que les parties signataires, soit M. [B] et lui même, et de confirmer la décision quant à la recevabilité de sa demande, et de débouter M. [D] de sa demande de constater qu’il aurait été rempli de ses droits ;
‘ de réformer la décision entreprise en toutes ses autres dispositions ;
‘ de dire que M. [V] est fondé à engager la responsabilité délictuelle du tiers, M. [D], à réparer le préjudice enduré, s’étant comporté à titre personnel comme un intermédiaire en sa qualité d’agent commercial dépourvu de mandat d’agent immobilier agissant en son nom propre enfreignant l’article 24 de la loi Hoguet ;
‘ de dire qu’il doit réparer l’intégralité du dommage causé par sa négligence en qualité de professionnel, évalué 16 000 € pour son préjudice de jouissance et à 2800 € pour son préjudice moral ;
‘ et de le condamner à lui payer la somme de 2000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par conclusions du 19 avril 2021, M. [U] [D] demande à la cour :
‘ de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts ;
‘ de dire qu’en sa qualité d’agent commercial aucun manquement à son devoir d’information et de conseil ne peut être retenu ;
‘ de débouter M. [V] de toutes ses demandes ;
‘ et de le condamner à lui payer la somme de 10 000 € pour procédure abusive et celle de
3 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile applicable en première instance et la même somme en cause d’appel, outre les dépens avec distraction.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
Motifs
Attendu que l’appelant expose qu’à son contrat de réservation était annexé un avenant de réservation stipulant le mode de calcul et le prix de la location pratiquée à l’égard de M. [Y], son vendeur, locataire du Parc Cloteirol ; M. [B] lui a voulu lui appliquer un montant supérieur de 830,75 € pour 30 jours contre 541 € pour le précédent locataire, alors que M. [D] a attesté que M. [B] lui avait promis de ne pas modifier le prix de location ; que faute d’avoir pu conclure un contrat de location avec M. [B], celui-ci a considéré que M. [V] occupait la parcelle sans droit ni titre ; que le juge de l’exécution a bien pris en considération le prix abusif demandé pour la location puisqu’il a cantonné la saisie au titre de l’indemnité d’occupation ; que l’appelant est fondé à rechercher la responsabilité civile délictuelle du tiers négociateur qui a agi directement comme un agent commercial dépassant ses pouvoirs, agissant comme un agent immobilier sans produire de mandat écrit et signé en cours de validité ; que M. [D] qui a agi comme un intermédiaire immobilier sans être titulaire d’une carte professionnelle aurait dû l’informer des risques encourus à signer un engagement aussi préjudiciable à ses intérêts ; et qu’il l’a privé de jouissance en s’étant abstenu de vérifier le prix de location de l’emplacement par le bailleur ;
Attendu en premier lieu que le tribunal a déjà exactement répondu à M. [V] d’une part que le protocole transactionnel du 17 juin 2016 conclu entre M. [V] et M. [B], hors la présence de M. [D], ne met nullement un terme au contentieux entre M. [V] et M. [D], de sorte que M. [D] ne peut soutenir que le demandeur se trouverait rempli de ses droits ; et que d’autre part, la vente ne porte pas sur un bien immeuble, mais qu’elle a pour objet la vente d’un mobile home, bien meuble qui ne ressortit pas du champ d’application de la loi numéro 70-9 du 2 janvier 1970 dont se prévaut M. [V], d’où il suit à nouveau le rejet de ces moyens ;
Attendu qu’en revanche M. [D] ne peut soutenir n’être tenu d’un devoir d’information et de conseil qu’à l’égard de son mandant, l’agent immobilier ERA, ou à l’égard de M. [Y] lequel avait mandaté ERA, et d’aucun devoir envers M. [V] ;
Qu’en effet M. [D], agent commercial, a exercé une activité d’intermédiaire immobilier pour le compte de son mandant titulaire de la carte professionnelle ; qu’étant mandaté par le vendeur, il a présenté à l’achat le mobilehome avec la spécificité de son emplacement et le prix attractif pratiqué envers le vendeur ;
Attendu que M. [D] ne saurait sérieusement prétendre que l’acquéreur « a pris le risque d’acquérir le bien sans signer au préalable un contrat avec M. [B], directeur du camping et qu’il ne saurait le reprocher ni à son vendeur ni aux professionnels étant intervenus. Son attitude démontre que le prix de la location n’était pas déterminant pour lui et qu’il avait en tout état de cause décidé d’acquérir le bien litigieux quelque soit le tarif ensuite appliqué pour la location de l’emplacement. », alors qu’il était présent au moment où le gérant du camping a indiqué à l’appelant que celui-ci reprendrait la suite de M. [Y] sans modification du prix, ce dont M. [D] a lui-même témoigné ; qu’il n’a pu ignorer l’importance de cet élément déterminant du consentement de M. [V] à l’achat ;
Attendu qu’il lui appartenait, en sa qualité d’intermédiaire professionnel tenu d’éclairer les deux parties à la convention conclue par son entremise, de conseiller à l’acquéreur, cocontractant au contrat de vente, de lier ce contrat de vente à la signature du contrat de location, dans les termes verbalement convenus ;
Attendu que l’acquéreur n’a pas été informé par M. [D] des risques que lui faisait courir l’opération afin notamment de lui éviter de signer un engagement sans condition, préjudiciable à ses intérêts ;
Que ce manquement au devoir d’information et de conseil engage la responsabilité délictuelle de l’intermédiaire professionnel à l’égard de l’acquéreur, lui ayant causé un préjudice dans la jouissance paisible du bien acquis et de nombreux tracas ; que ce dommage sera entièrement réparé par l’octroi de la somme de 3000 €, à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues ;
Attendu qu’il s’ensuit la réformation partielle du jugement ayant rejeté toutes les demandes indemnitaires de M. [V] ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a mis hors de cause M. [U] [D], débouté ce dernier de sa demande de dommages-intérêts, rejeté les demandes plus amples et condamné M. [V] à payer à M. [D] à l’action, la somme de 2 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit que M. [D] agissant en sa qualité de mandataire de l’agent immobilier a manqué à son devoir d’information et de conseil à l’égard de M. [V] et qu’il a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de ce dernier;
Condamne M. [U] [D] à payer à M. [T] [V], la somme de 3000 €, à titre de dommages-intérêts, et celle de 2 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
LE GREFFIER LE PRESIDENT