Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/00050

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Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/00050

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 23/00050 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3JL

Décision déférée à la cour

Jugement du 17 novembre 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 22/81460

APPELANT

Monsieur [X] [S]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

INTIMEES

Madame [T] [V]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Madame [C] [V] épouse [K]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame [H] [V]

[Adresse 3]

[Localité 1]-ALLEMAGNE

Madame [P] [V] épouse [K]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentées par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocat plaidant Me Benoît MONIN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : VER397

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Catherine Lefort, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte Pruvost, président

Madame Catherine Lefort, conseiller

Monsieur Raphaël Trarieux, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 17 janvier 2017, les propriétaires indivis Mme [T] [V], Mme [H] [V], Mme [C] [V] épouse [K] et Mme [P] [V] épouse [K] (ci-après les consorts [V]) ont donné à bail à M. [X] [S] un appartement situé à [Adresse 7].

Par arrêt infirmatif du 17 mars 2022, la cour d’appel de Paris a notamment prononcé la résiliation du bail, ordonné l’expulsion de M. [S] et de tous occupants de son chef et condamné ce dernier au paiement de la somme de 4.688,97 euros au titre des loyers impayés. Ce dernier a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, qui lui a été signifié le 9 mai 2022.

Le 12 mai 2022, un commandement de quitter les lieux a été délivré à M. [S]. Un procès-verbal de tentative d’expulsion a été dressé le 21 juillet 2022, ainsi qu’un procès-verbal de réquisition de la force publique.

Par acte de commissaire de justice du 4 août 2022, M. [S] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir un délai de 36 mois pour quitter les lieux.

Par jugement du 17 novembre 2022, le juge de l’exécution a :

rejeté la demande de délais présentée par M. [S] pour quitter les locaux qu’il occupe ;

condamné M. [S] à verser à Mmes [V] la somme de 1.000 euros chacune ;

condamné M. [S] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu que M. [S] ne fournissait aucun élément sur sa situation, à l’exception d’une photocopie de son livret de famille et d’un extrait d’acte de mariage, que son règlement mensuel d’un montant de 2.600 euros au titre de l’indemnité d’occupation démontrait sa facilité de relogement dans le parc privé parisien, qu’il ne justifiait d’aucune diligence effectuée en vue de son relogement et que l’existence de procédures pendantes devant d’autres juridictions ne constituait pas un élément dont il est tenu compte au titre des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution.

Par déclaration du 13 décembre 2022, M. [S] a formé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 13 avril 2022, M. [S] demande à la cour de :

infirmer le jugement du 17 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

lui accorder un délai de grâce de 36 mois, et juger en conséquence que l’expulsion ordonnée par l’arrêt du 17 mars 2022 ne sera pas poursuivie pendant ce délai ;

à tout le moins, lui accorder un délai de grâce jusqu’à ce que le juge des contentieux de la protection de Paris, saisi par assignations du 29 novembre 2022, rende une décision définitive sur l’application de l’article 1751 du code civil au profit de son épouse ;

débouter les consorts [V] de toutes leurs contestations, demandes, fins et conclusions ;

condamner les consorts [V] « conjointement et solidairement » à lui payer une somme de 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’appelant soutient que :

la saisine de la Cour de cassation constitue un juste motif pour lui accorder des délais puisqu’en cas de cassation, il se retrouverait locataire, que la situation de l’occupant est un élément à prendre en compte au titre de l’article L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution, et que le propriétaire n’est titulaire que d’un titre non définitif ;

il paie régulièrement l’indemnité d’occupation fixée par l’arrêt du 17 mars 2022 ;

l’arrêt du 17 mars 2022 n’est pas opposable à Mme [I], à laquelle il est marié depuis le 21 décembre 2013 et qui est donc co-titulaire du bail en application de l’article 1751 du code civil, car elle n’a pas été destinataire des actes de procédure, notamment du commandement d’avoir à libérer les lieux, bien que les consorts [V] la connaissent depuis 2016.

Par dernières conclusions du 12 avril 2022, les consorts [V] demandent à la cour de :

confirmer le jugement du 17 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;

débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

refuser d’accorder à M. [S] tout délai pour quitter le logement ;

condamner M. [S] à leur payer une indemnité de 2.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, en sus des sommes octroyées en première instance, ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés par leur avocat dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les intimées font valoir que :

la saisine de la Cour de cassation n’est pas suspensive, d’autant plus que le défaut d’exécution de la décision déférée est un motif de radiation du pourvoi, et ne peut fonder l’octroi d’un délai en application de l’article L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution ;

l’existence d’une épouse révélée après la décision d’expulsion n’est pas un motif d’octroi de délais, étant précisé qu’elles ont légitimement pensé que M. [S] et Mme [I] étaient concubins, celle-ci ne portant pas le même nom, ne figurant pas sur le bail et n’ayant pas été mise en cause dans les procédures engagées par M. [S], et que l’arrêt du 17 mars 2022 a prononcé l’expulsion de tous occupants du chef de M. [S] ;

M. [S] ne remplit pas les conditions permettant d’octroyer un délai, posées aux articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution, étant donné qu’il n’explique pas en quoi son relogement ne pourrait avoir lieu dans des conditions raisonnables, ne justifie pas de sa situation financière et celle des occupants de son chef et n’a entrepris aucune diligence en vue de son relogement, alors même qu’il règle une indemnité mensuelle d’occupation de 2.641,83 euros, ce qui démontre qu’il dispose d’un budget lui permettant de se reloger dans des conditions décentes à [Localité 6] ou en banlieue parisienne.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de délais

Il est constant que le pourvoi en cassation n’est pas suspensif d’exécution en application des articles 579 du code de procédure civile et L.111-11 du code des procédures civiles d’exécution.

En outre, l’article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution dispose : « Le juge de l’exécution ne peut ni modifier ni suspendre le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l’acte de saisie ou à compter de l’audience prévue par l’article R.3252-17 du code du travail, selon le cas, il a compétence pour accorder un délai de grâce. »

Les délais de grâce ne sauraient être un moyen de contourner l’interdiction générale de suspension des poursuites et ne peuvent donc être accordés par le juge de l’exécution que dans le respect des dispositions légales qui les encadrent, à savoir l’article 1343-5 du code civil s’agissant des délais de paiement, et L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution s’agissant des délais pour quitter les lieux.

Aux termes de l’article L.412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.

L’article L.412-4 du même code dispose : ‘La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés’.

Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces dispositions que contrairement à ce que soutient M. [S], le fait d’avoir formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt du 17 mars 2022, servant de fondement à la procédure d’expulsion, n’est pas un juste motif pour lui accorder des délais. La notion de « situations respectives du propriétaire et de l’occupant » visée par l’article L.412-4 précité ne peut s’entendre du caractère non irrévocable du titre d’expulsion, étant rappelé que même si l’arrêt du 17 mars 2022 n’est pas irrévocable, il est parfaitement exécutoire, peu important, pour poursuivre la procédure d’expulsion, qu’il puisse être remis en cause par la décision à venir de la Cour de cassation.

En outre, le fait, certes établi, que M. [S] soit marié, que les bailleresses eussent connaissance de l’existence de son épouse avant même la signature du bail, que l’épouse soit alors co-titulaire du bail signé par M. [S] en application de l’article 1751 du code civil et que la procédure d’expulsion n’ait été engagée qu’à l’encontre de M. [S] n’est pas suffisant pour justifier les délais sollicités. Il convient de souligner que l’appelant ne conteste pas la régularité de la procédure d’expulsion pour ce motif, mais sollicite des délais, sur le fondement des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution, sans pour autant invoquer la moindre difficulté pour se reloger.

D’ailleurs, comme l’a relevé le premier juge, M. [S] ne justifie pas de diligences en vue de son relogement. Il ne manifeste d’ailleurs aucune intention de déménager, alors que sa situation financière le permet, puisqu’il est constant qu’il règle l’indemnité d’occupation de 2.641 euros par mois.

C’est également à bon droit que le juge de l’exécution a retenu qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte, pour l’octroi des délais, de l’existence d’une procédure pendante devant le juge des contentieux de la protection en vue de voir juger que l’arrêt du 17 mars 2022 est inopposable à Mme [S].

Au regard de ces éléments, la cour approuve le premier juge d’avoir débouté M. [S] de sa demande de délais, qui n’est pas justifiée. Il convient donc de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

M. [S], qui succombe en toutes ses prétentions, sera condamné aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par l’avocat des intimées, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En revanche, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de consorts [V]. Leur demande sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement rendu le 17 novembre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE Mme [T] [V], Mme [H] [V], Mme [C] [V] épouse [K] et Mme [P] [V] épouse [K] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [X] [S] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Me Nadia Bouzidi-Fabre, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

 


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