Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14925

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Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14925

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/14925 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJQ4

Décision déférée à la cour

Jugement du 20 juillet 2022-Juge de l’exécution de Paris-RG n° 1122002141

APPELANTE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Benjamin BAYI de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [C] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Victor EDOU de la SELARL EDOU – DE BUHREN ‘ HONORE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0021

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Par acte authentique du 12 septembre 2006, la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Normandie (ci-après CRCA) a consenti à M. [C] [E] et Mme [B] [D] épouse [E] un prêt immobilier n°19957052, d’un montant en capital de 343.000 euros.

La CRCA a également consenti aux époux [E] un prêt n°2258459 d’un montant en capital de 255.000 euros.

Enfin les époux [E] ont ouvert dans les livres de la CRCA un compte courant n°2234591, dont le solde débiteur s’élevait à la somme de 3223,50 euros à la date du 11 juillet 2017.

Le 11 juillet 2017, la commission de surendettement des particuliers de Paris a établi un plan d’apurement des dettes des époux [E], auquel le juge du tribunal d’instance de Paris 19ème a conféré force exécutoire par ordonnance du 26 septembre 2017, prévoyant notamment :

en ce qui concerne le prêt n°19957052, son effacement ;

en ce qui concerne le prêt n°2258459, un effacement partiel sans versement de mensualité pour le premier mois puis le versement de mensualités de 61 euros pendant 83 mois ;

en ce qui concerne le contrat n°2234591 correspondant au compte courant, d’un solde débiteur s’élevant à 3223,50 euros, le paiement d’une seule mensualité de 3223,50 euros.

Le 28 mai 2021, la CRCA a fait délivrer aux époux [E] un commandement aux fins de saisie-vente visant, au titre des causes de la créance, le seul solde restant dû du prêt n°19757052, pour un montant s’élevant à 53.895,13 euros.

Par requête reçue au greffe le 11 mars 2022, déclarant agir en vertu du prêt n°19757052 consenti par acte authentique du 12 septembre 2006, la CRCA a sollicité du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris l’autorisation de pratiquer une mesure de saisie des rémunérations à l’encontre de M. [E] pour obtenir paiement de la somme de 76.481,54 euros en principal et celle de 966,92 euros au titre des frais.

A l’audience du 25 mai 2022, en l’absence de M. [E], ainsi qu’il résulte de la note d’audience, la saisie des rémunérations a été autorisée. Par acte d’huissier du 13 juin 2022, M. [E] a assigné la CRCA en contestation de cette saisie des rémunérations.

Par jugement du 20 juillet 2022, le juge de l’exécution a notamment :

dit n’y avoir lieu d’annuler la procédure de saisie ;

annulé la saisie des rémunérations de M. [E] autorisée le 25 mai 2022 ;

condamné la CRCA à payer à M. [E] la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la CRCA aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a constaté que la lettre de mise en demeure du 1er août 2019 visait des sommes impayées au titre des prêts n°2258459 et n°2234591, mais que la seconde de ces sommes ne faisait pas l’objet du plan de surendettement et, surtout, que cette lettre ne mentionnait pas avoir pour objet la déchéance du terme du plan, de sorte que celui-ci n’avait pas été résolu et qu’ainsi, la saisie des rémunérations devait être annulée en application de l’article L. 733-16 du code de la consommation.

Par déclaration du 8 août 2022, la CRCA a fait appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 19 avril 2023, elle demande à la cour de :

déclarer son appel recevable ;

infirmer le jugement rendu le 20 juillet 2022 par le juge de l’exécution en ce qu’il a annulé la saisie des rémunérations de M. [E] ordonnée le 25 mai 2022 et l’a condamnée au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

condamner M. [E] à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [E] aux entiers dépens.

Sur la recevabilité de l’appel, l’appelante rétorque à l’intimé qu’il appartient à celui qui invoque une fin de non-recevoir d’en rapporter la preuve ; que pour sa part, elle ne peut être en possession que du courrier de notification tamponné du jour de sa réception par ses services, l’avis de réception ayant été, par hypothèse, retourné au greffe.

Sur le fond, elle soutient que le plan de surendettement a bien été résolu par l’effet de la déchéance du terme prononcée à la suite de la lettre de mise en demeure du 1er août 2019, les mesures recommandées par la commission de surendettement comportant bien une clause résolutoire ; que, s’agissant du contrat n°2234591, les mesures recommandées prévoyaient le règlement des mensualités d’assurance en sus du paiement du principal au titre des prêts (sa pièce n°2), ces cotisations d’assurance étant prélevées sur ce compte courant (sa pièce n°15) ; qu’en exigeant que la mise en demeure fasse mention expresse du plan de surendettement et que la somme de 92.310,53 euros mentionnée corresponde au capital restant dû au titre du prêt notarié ou des autres contrats, le juge a ajouté une condition qui n’est exigée ni par la loi ni par la jurisprudence, ni encore par le plan lui-même ; qu’à la lecture de la mise en demeure, les époux [E] ne pouvaient avoir aucun doute sur le fait qu’elle était délivrée en exécution du plan de surendettement dans la mesure où les créances visées étaient précisément incluses dans ce plan.

En réponse à la demande de M. [E], elle précise que la saisie des rémunérations est fondée sur le prêt notarié n°19957052 du 12 septembre 2006 et le décompte des sommes dues, arrêté au 12 janvier 2022.

Sur la demande subsidiaire en délais de paiement, elle rappelle que la saisie des rémunérations n’ayant pas pour effet d’obtenir le paiement de la créance en une seule fois, elle octroie de fait de larges délais de règlement ; qu’au surplus, M. [E] n’est pas dépourvu de ressources ni de patrimoine mobilier (notamment un tableau du peintre [S] [A]).

Par dernières conclusions du 20 avril 2023, M. [E] demande à la cour de :

juger irrecevable l’appel de la CRCA comme excédant le délai légal de quinze jours ;

subsidiairement,

à titre principal,

juger la CRCA mal fondée en son appel,

débouter la CRCA de l’ensemble de ses prétentions,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

à titre plus subsidiaire,

lui accorder des délais de paiement sur le fondement des dispositions de l’article 1244-1 du code civil [sic] ;

condamner la CRCA à lui payer la somme de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

In limine litis, il demande à voir vérifier la recevabilité de l’appel, l’appelante se bornant à produire un jugement portant le tampon de la date de réception par ses services, qui ne prouve pas la date de notification par le greffe.

Au fond, il fait valoir qu’il n’a jamais reçu la prétendue lettre de mise en demeure adressée, de mauvaise foi, par la CRCA en plein mois d’août, alors qu’il justifie avoir été en congé et absent du 26 juillet au 31 août 2019 ; que ce courrier ne vise pas le plan de surendettement dont il bénéficiait, ni la clause résolutoire, et manque de clarté comme l’a très justement relevé le premier juge, outre que la somme de 325,74 euros relative à un contrat n°2234591 ne fait pas l’objet des mesures de surendettement.

A titre subsidiaire, il relève que la CRCA ne démontre pas quelles modalités de recouvrement des créances, notamment la date du premier règlement, ont été mises en place avec les époux [E] à la suite de l’homologation du plan de surendettement.

Il demande à l’appelante de justifier du titre exécutoire sur lequel est fondée la saisie des rémunérations.

A titre plus subsidiaire, il conteste le montant de la somme réclamée (76.481,54 euros), qui ne correspond pas à celle due au titre du plan, le 11 juillet 2017 (68.469,19 euros).

A titre plus subsidiaire encore, il réclame des délais de paiement, souhaitant continuer à régler, chaque mois jusqu’à la fin de l’année 2024, la somme de 1524,58 euros prévue par le plan de surendettement et sollicite, pour ce faire, les plus larges délais de paiement, produisant à cet effet le tableau de ses ressources et charges.

A l’audience de plaidoirie, la cour a fait connaître que, tenue de vérifier la recevabilité de l’appel aux termes de l’article 125 du code de procédure civile, elle avait demandé au greffe du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris communication des accusés de réception de la lettre de notification, à l’appelante, du jugement entrepris. Ces avis de réception, parvenus à la cour le 19 mai 2023, ont été communiqués le 22 mai suivant aux parties, qui ont été mises en mesure de faire valoir leurs observations avant le 29 mai suivant.

Par note en délibéré du 23 mai 2023, la CRCA fait valoir, au vu des avis de réception communiqués, que son appel est bien recevable.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel

Aux termes de l’article R. 121-20 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, le délai d’appel [des décisions du juge de l’exécution ] est de quinze jours à compter de la notification de la décision.

Par ailleurs, selon les dispositions de l’article 125 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

Or il résulte de l’avis de réception adressé en cours de délibéré par le greffe du juge de l’exécution de Paris à la demande de la cour, et communiqué aux parties, que la date de réception par l’appelante de la lettre de notification du jugement dont appel est le 22 juillet 2022. Le délai d’appel de 15 jours expirant le samedi 6 août, il a été reporté au lundi 8 août suivant conformément aux dispositions de l’article 642 alinéa 2 du code de procédure civile relatif à la computation des délais.

L’appel ayant précisément été formé le 8 août 2022, il doit être déclaré recevable.

Au fond

En vertu de l’article L. 733-17 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, les créanciers auxquels sont opposables les mesures recommandées par la commission de surendettement auxquelles le juge a conféré force exécutoire en application de l’article L. 733-10, ne peuvent exercer de procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée d’exécution de ces mesures.

Ainsi que l’a rappelé le premier juge, en cas d’inexécution par le débiteur des mesures recommandées homologuées par le juge, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution que dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement, soit par l’effet d’une clause résolutoire régulièrement mise en ‘uvre, prévue par ces mesures recommandées ou par l’ordonnance les homologuant (Civ. 2ème, 9 janv. 2020, n°18-19.846).

En l’espèce les mesures recommandées, homologuées par le juge d’instance par ordonnance du 26 septembre 2017, comportaient une clause résolutoire comme suit :

« Si elles ne sont pas respectées, les mesures [recommandées par la commission] deviendront caduques quinze jours après une mise en demeure, adressée par le créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, restée infructueuse. »

La CRCA justifie avoir adressé le 1er août à M. [E] une lettre recommandée avec demande d’avis de réception (l’avis de réception portant la mention « avisé non réclamé ») intitulée mise en demeure, rédigée comme suit :

« Nous sommes au regret de constater que vous n’avez pas procédé à la régularisation de votre situation à l’égard de notre établissement.

En conséquence, nous vous mettons en demeure d’effectuer, dans un délai de 15 jours à réception de la présente et suivant un décompte provisoirement arrêté au 1er août 2019, le versement total de la somme de 447,74 € selon détail joint ci-après :

N° contrat Montant réalisation Capital Intérêts normaux Intérêts de retard Total retard

00002258459 255 000,00 12,00 0,00 0,00 122,00

00002234591 0,00 325,74 0,00 0,00 325,74

A défaut de règlement de la somme indiquée ci-dessus dans le délai imparti, et conformément aux dispositions contractuelles :

la déchéance du terme sera appliquée, sans autre avis de notre part. Cela signifie que le solde de vos engagements en principal, intérêts, frais et accessoires, soit la somme de 92 310,93 €, deviendra immédiatement exigible.

Nous entreprendrons, sans nouvel avis de votre part, le recouvrement de notre créance par voie judiciaire.

Vous aurez à supporter l’indemnité forfaitaire, et, bien entendu, les frais élevés de la procédure. »

Il en ressort que c’est expressément en application des dispositions contractuelles et non pas en application de la clause résolutoire contenue aux mesures recommandées homologuées, que la CRCA a adressé la mise en demeure susvisée, cette lettre ne faisant nulle référence à la clause résolutoire du plan de surendettement.

Le plan d’apurement des dettes des époux [E], homologué par l’ordonnance du 26 septembre 2017, prévoyait quant aux dettes à l’égard de la CRCA :

en ce qui concerne le prêt n°19957052, son effacement total ;

en ce qui concerne le prêt n°2258459, un effacement partiel sans versement de mensualité pour le premier mois puis le versement de mensualités de 61 euros pendant 83 mois ;

en ce qui concerne le contrat de compte courant n°2234591, le paiement en une seule mensualité du solde de 3223,50 euros.

La commission invitait en outre « les débiteurs à contacter l’assureur des crédits à la consommation et immobiliers ou directement chaque créancier pour maintenir ou reprendre les garanties. Les mensualités d’assurance seront à régler en plus des présentes mesures. »

Or la requête en saisie des rémunérations présentée au juge de l’exécution portait sur le solde du seul prêt notarié n°19957052, à l’exclusion des soldes des contrats n°2258459 et 2234591. Cependant ce solde n’était exigible, comme indiqué supra, qu’à la suite d’une mise en demeure visant la clause résolutoire prévue aux mesures recommandées homologuées ou d’une décision du juge mettant fin au plan de surendettement. La lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 1er août 2019 ne s’analysant pas en une telle mise en demeure entraînant déchéance du terme du plan de surendettement, peu important que les mensualités d’assurance soient considérées comme incluses dans ce plan ou non, c’est à juste titre que le juge de l’exécution a annulé, en l’absence de résolution du plan, la saisie des rémunérations autorisée le 25 mai 2022. Cependant cette annulation doit être prononcée en application des dispositions de l’article L. 733-17 du code de la consommation et non du nouveau texte, applicable à compter du 1er janvier 2018, de l’article L. 733-16 visé par erreur par le premier juge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a annulé la saisie des rémunérations de M. [E] autorisée le 25 mai 2022.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de condamner la CRCA, qui succombe principalement en ses prétentions, aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement à M. [E] d’une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette la fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de l’appel ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamne la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à payer à M. [C] [E] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Normandie aux dépens d’appel ;

Dit que les parties devront remettre au greffe du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris une copie du présent arrêt et de son acte de signification.

Le greffier, Le président,

 


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