Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13685

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Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13685

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

(n° 339, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/13685 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGTS

Décision déférée à la cour

Jugement du 13 juin 2022-Juge de l’exécution de Paris-RG n° 22/80659

APPELANT

Monsieur [I] [C]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Maxime VIGNAUD de l’AARPI Renault Thominette Vignaud & Reeve, avocat au barreau de PARIS, toque : P0248

INTIMEE

S.C.I. [Adresse 2]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Plaidant par Me Sabine du GRANRUT de l’AARPI FAIRWAY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0190

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Catherine Lefort, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte Pruvost, président

Madame Catherine Lefort, conseiller

Monsieur Raphaël Trarieux, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement réputé contradictoire du 2 décembre 2021, signifié le 23 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a notamment :

– constaté la résiliation du contrat de bail, conclu le 26 août 2014 entre la SCI du 33 avenue Montaigne d’une part, M. [I] [C] et Mme [V] [B] [Z] d’autre part, depuis le 18 avril 2021,

– ordonné la libération des lieux, sis [Adresse 4], par M. [C] et Mme [B] [Z] et autorisé leur expulsion, à défaut de libération volontaire,

– condamné solidairement M. [C] et Mme [B] [Z] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle de 3.185,07 euros depuis le 18 avril 2021 et d’un arriéré locatif de 19.952,77 euros arrêté au 9 septembre 2021,

– rejeté la demande de délais de paiement.

Un commandement de quitter les lieux a été signifié le 16 février 2022 à M. [C] et Mme [B] [Z].

Par requête du 7 avril 2022 dirigée contre la société CBRE Proma Services, M. [C] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris d’une demande de délai de 36 mois pour quitter les lieux. La SCI du [Adresse 2] est intervenue volontairement à l’instance.

Par jugement du 13 juin 2022, le juge de l’exécution a :

débouté la SCI du [Adresse 2] de son exception de nullité à l’encontre de la requête déposée par M. [C] le 7 avril 2022 ;

déclaré recevable la demande de délai pour quitter les lieux,

rejeté la demande de délai aux fins de quitter les lieux de M. [C] ;

condamné M. [C] au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu :

sur la régularité de la requête et la recevabilité de la demande de délai, que le fait que la SCI du [Adresse 2] soit intervenue volontairement à l’instance avait permis de régulariser l’action de M. [C] qui avait été dirigée contre son gestionnaire de biens et qu’aucun texte n’imposait que les deux occupants forment de concert une demande de délai pour quitter les lieux ;

sur la demande de délai pour quitter les lieux, que M. [C] ne démontrait pas son impossibilité de se reloger dans des conditions normales puisqu’il percevait des revenus en raison de son activité professionnelle de consultant et une pension de retraite en France de 2.575 euros par mois, que son foyer se composait de son épouse et de lui-même et qu’il ne justifiait pas d’une nécessité de vivre dans le 8e arrondissement ni même à [Localité 7].

Par déclaration du 15 juillet 2022, M. [C] a formé appel de ce jugement, en ce qu’il a rejeté sa demande de délais pour quitter les lieux et l’a condamné au paiement d’une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions du 14 octobre 2022, M. [C] demande à la cour de :

infirmer le jugement du 13 juin 2022 en toutes ses dispositions frappées d’appel ;

Statuant à nouveau,

lui accorder un délai 36 mois pour quitter les lieux loués ;

condamner la SCI du [Adresse 2] aux entiers dépens.

L’appelant expose qu’il rencontre des difficultés de trésorerie indépendantes de sa volonté en raison de la suspension sans motif du versement de sa retraite brésilienne depuis avril 2021. Il fait valoir qu’il ne peut pas trouver de solution de relogement, malgré ses demandes auprès des services sociaux, en raison de son âge (84 ans) et de son état de santé puisqu’il souffre d’une insuffisance cardiaque qui s’est aggravée au cours de ces derniers mois, son médecin attestant que toute source de stress ou agression psychologique pourrait être mortelle.

Par conclusions du 14 février 2023, la SCI du [Adresse 2] demande à la cour de :

À titre principal,

infirmer le jugement du 13 juin 2022, en ce qu’il l’a déboutée de son exception de nullité à l’encontre de la requête déposée par M. [C] le 7 avril 2022 et a déclaré recevable la demande de délais pour quitter les lieux ;

Statuant à nouveau,

déclarer nulle la demande de délais formée par M. [C] ;

subsidiairement, déclarer irrecevable la demande de délais formée par M. [C] ;

En conséquence,

débouter M. [C] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions en lien avec sa demande de délais pour quitter les locaux lui appartenant ;

À titre subsidiaire,

confirmer le jugement du 13 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

confirmer le jugement du 13 juin 2022 en ce qu’il a rejeté la demande de délais aux fins de quitter les lieux de M. [C] ;

condamner M. [C] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’intimée fait valoir que :

la demande formée par M. [C] est nulle, en application de l’article R.442-3 du code des procédures civiles d’exécution, en ce qu’elle a été signée par M. [C] seul alors que le jugement a également été rendu à l’encontre de Mme [B] [Z], ce qui ne permet pas de savoir si M. [C] entendait former sa demande au nom de son épouse ou en son nom seul, et qu’elle était dirigée contre la société CBRE Proma Services qui est son gestionnaire de biens ;

la requête formée par M. [C] est irrecevable car elle a été formée par M. [C] seul, alors que la mesure d’expulsion concernait également Mme [B] [Z], et se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 2 décembre 2021 qui a expressément rejeté la demande de délais ;

la demande de délais est dénuée de fondement car M. [C] ne démontre pas son impossibilité de relogement dans des conditions normales et ne justifie pas de la moindre diligence entreprise en vue de trouver un nouveau logement, d’autant plus qu’il fait preuve de mauvaise foi en poursuivant un train de vie disproportionné au regard de ses ressources, en utilisant tous les moyens à sa disposition pour échapper à ses créanciers et en aggravant ses dettes, sa dette locative s’élevant désormais à 71.521,03 euros au 1er février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de la requête

En application des articles R.442-3 du code des procédures civiles d’exécution et 57 du code de procédure civile, la requête saisissant le juge de l’exécution en matière d’expulsion doit indiquer notamment, à peine de nullité, l’identité du demandeur, ainsi que le nom et l’adresse du défendeur.

Il est constant que M. [C] a saisi seul le juge de l’exécution, par requête du 7 avril 2022, d’une demande de délai pour quitter les lieux, alors que le jugement d’expulsion a également été rendu contre son épouse, Mme [B] [Z].

Toutefois, cette circonstance n’est pas une cause de nullité de la requête, M. [C] pouvant valablement saisir le juge de l’exécution pour lui seul.

Par ailleurs, il est exact que la requête mentionnait, en qualité de bailleur, la société CBRE Proma Services, laquelle a d’ailleurs été convoquée par le greffe à l’audience, alors qu’il est constant qu’il s’agit seulement du gestionnaire de biens de la SCI du [Adresse 2], qui est seule propriétaire du bien et bailleur.

Toutefois, s’agissant d’une irrégularité de forme, la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief causé par l’irrégularité, laquelle peut être régularisée (articles 114 et 115 du code de procédure civile).

Or c’est à juste titre que le juge de l’exécution a retenu que l’intervention volontaire de la SCI du [Adresse 2] à l’instance avait permis de régulariser la procédure. L’intimée, qui a pu se défendre tant en première instance qu’en appel, ne se prévaut d’ailleurs d’aucun grief. La nullité n’a donc pas à être prononcée.

Enfin, c’est en vain que la SCI du [Adresse 2] fait valoir que la requête devait être adressée au juge de l’exécution par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et qu’il n’est pas possible de vérifier que tel a bien été le cas en l’absence de production d’un accusé de réception. En effet, il résulte de l’article R.442-2 du code des procédures civiles d’exécution qu’en matière d’expulsion, le juge de l’exécution est saisi soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par requête remise ou adressée au greffe. Par conséquent, à supposer que M. [C] ait adressé sa requête par courrier simple, elle est néanmoins parfaitement valable.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité soulevée par la SCI du [Adresse 2].

Sur la recevabilité de la demande de délai pour quitter les lieux

Comme l’a retenu très justement le premier juge, il n’existe aucune obligation pour les occupants de saisir ensemble le juge de l’exécution d’une demande de délai pour quitter les lieux, de sorte que le fait que M. [C] ait saisi seul le juge de l’exécution ne rend pas sa demande irrecevable.

Par ailleurs, c’est vainement que la SCI du [Adresse 3] invoque l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 2 décembre 2021 dans la mesure où le juge des contentieux de la protection a certes débouté les locataires de leur demande de délai de paiement, mais n’a nullement statué sur une demande de délai pour quitter les lieux qui n’avait pas été formulée, alors que l’autorité de la chose jugée suppose une identité des demandes.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable la demande de délai pour quitter les lieux.

Sur la demande de délai pour quitter les lieux

Aux termes de l’article L.412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.

L’article L.412-4 du même code dispose : ‘La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés’.

La SCI du [Adresse 2] produit un décompte actualisé de sa créance qui montre que M. [C] est désormais redevable de la somme de 71.521,03 euros au 1er février 2023, de sorte que la dette locative a considérablement augmenté, M. [C] ne réglant plus l’indemnité d’occupation qui s’élève désormais à 3.455,09 euros. L’appelant n’a procédé à aucun versement depuis un an et son dernier règlement conséquent (d’environ 3.000 euros) remonte à octobre 2021, soit avant le jugement d’expulsion.

M. [C] ne produit aucune pièce justificative sur sa situation financière et ne donne aucune explication sur sa défaillance, si ce n’est que le versement de sa pension de retraite brésilienne aurait cessé en avril 2021. D’après le jugement dont appel, il perçoit une pension de retraite française de 2.575 euros. Manifestement, il n’est pas en capacité financière de se maintenir dans les lieux.

Sa pension de retraite française devrait lui permettre de trouver un nouveau logement, d’autant plus que comme l’a relevé très justement le premier juge, M. [C] ne justifie pas de la nécessité de continuer à résider dans le 8e arrondissement de [Localité 7], ni même à [Localité 7]. Or il ne prouve nullement qu’il recherche activement un logement adapté à sa situation, puisqu’il produit seulement un justificatif de demande d’accueil dans une résidence du CASVP en date du 18 mai 2022.

Par conséquent, malgré son âge et ses graves problèmes de santé (établis), la cour approuve le juge de l’exécution d’avoir retenu que M. [C] ne démontrait pas que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales. En outre, le maintien de celui-ci dans les lieux ne fait qu’accroître sa dette de façon déraisonnable.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

M. [C], qui succombe en son appel, sera condamné aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’intimée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement rendu le 13 juin 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [I] [C] à payer à la SCI du [Adresse 2] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [I] [C] aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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