Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00166

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Saisine du juge de l’exécution : 8 juin 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00166

N° 218

CG

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Copies authentiques

délivrées à :

– Me Piriou,

– Me Genot,

le 13.06.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 8 juin 2023

RG 21/00166 ;

Décision déférée à la cour : Jugement n° 21/76, rg n° 147/00647 du Tribunal Civil de Première instance de Papeete du 1er mars 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 17 mai 2021 ;

Appelante :

La Banque de Polynésie, société anonyme, au capital de 1 3580 000 000 FCP, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 7244 B dont le siège social est sis [Adresse 2] ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

M. [L] [D], né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] côté montagne face à la [Adresse 5], nanti de l’aide juridictionnelle n° 98735/002/2021/003384 du 16 juillet 2021 ;

Représenté par Me Viviane GENOT, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 13 avril 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique publique du 27 avril 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing-privé en date du 24 janvier 2013,la S.A Banque de Polynésie a consenti à M. [L] [D] un prêt à la consommation d’un montant de 4.300.000 Fcfp au taux de 7,60 % l’an, remboursable en 84 échéances mensuelles de 67.461 Fcfp.

Par courrier recommandé du 1er octobre 2015 la S.A Banque de Polynésie a adressé à M. [L] [D] une mise en demeure d’avoir à payer les échéances dues et impayées.

Par courrier recommandé en date du 11 mai 2017, non remis à M. [L] [D], la SA Banque de Polynésie s’est prévalue de l’exigibilité anticipée du prêt.

Par requête enregistrée au greffe le 13 décembre 2017 et assignation en date du 23 novembre 2017, la S.A Banque de Polynésie a saisi le tribunal de première instance de Papeete d’une demande à l’encontre de M. [L] [D] aux fins de :

– Le condamner à lui payer la somme de 3.795.693 Fcfp en principal, outre les intérêts de retard à venir au taux de 7,60% à compter du 17 novembre 2017 et ce jusqu’à parfait paiement au titre du prêt personnel n°235.723,

– Ordonner l’exécution provisoire,

– Le condamner aux entiers dépens.

Par jugement en date du 1er mars 2021 le tribunal de première instance de Papeete a :

– Déclaré irrecevable la S.A. Banque de Polynésie en ses demandes au titre du prêt du 24 janvier 2013,

– Condamné la S.A Banque de Polynésie aux dépens.

Par requête en date du 17 mai 2021 la S.A Banque de Polynésie a relevé appel de cette décision en demandant à la cour, au visa des dispositions des articles 6 et 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ainsi que des articles 1134 et 2248 du code civil de :

Annuler le jugement entrepris,

Evoquant,

Recevoir la Banque de Polynésie en ses demandes ;

La dire bien fondée,

En conséquence,

Condamner M. [L] [D] à payer à la Banque de Polynésie la somme de 3.551.515 F CFP (trois millions cinq cent cinquante et un mille cinq cent quinze francs) provisoirement arrêtée au 14 mai 2021 et courant à compter de cette date au taux de 7,60 %, et ce jusqu’à complet paiement ;

Le condamner à payer à la Banque de Polynésie la somme de 300.000 F CFP au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Jurispol.

Par ses dernières conclusions en date du 5 avril 2023 la SA Banque de Polynésie demande à la cour de :

Annuler le jugement entrepris,

Evoquant,

Recevoir la Banque de Polynésie en ses demandes ;

La dire bien fondée,

Débouter M. [L] [D] de l’ensemble de ses fins, moyens et prétentions.

En conséquence,

Condamner M. [L] [D] à payer à la Banque de Polynésie la somme de 5 019 025 F CFP (cinq millions dix neuf mille vingt cinq francs) provisoirement arrêtée au 4 avril 2023 et courant à compter de cette date au taux de 7,60 %, et ce jusqu’à complet paiement ;

Le condamner à payer à la Banque de Polynésie la somme de 300.000 F CFP au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Jurispol.

Par ses dernières conclusions en date du 30 novembre 2022 M. [L] [D] demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1134, 1152, 1231, 1244-1 du code civil, L. 311-52, R. 312-35 du code de la consommation, 272 et 273, 407 du code de procédure civile de Polynésie française de :

Débouter la Banque de Polynésie, appelante, de l’intégralité de ses demandes, fins, prétentions et conclusions contraires à celles du présent intimé,

Adjuger de plus fort à M. [L] [D], intimé, l’entier bénéfice de ses écritures,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement, minute n° 21/76, dossier RG n° 17/00647, rendu le 01 mars 2021, le tribunal civil de première instance de Papeete [TCPI] en ce qu’il a :

«Déclaré irrecevable la S.A. Banque de Polynésie en ses demandes au titre du prêt du 24 janvier 2013,

Condamné la S.A. Banque de Polynésie aux dépens.»

Y ajouter, Y préciser :

Considérant le respect procédural de la première juridiction notamment quant au principe du contradictoire,

Considérant le choix de la Banque de Tahiti de ne pas avoir saisi le premier juge pour recours en retranchement puis concomitamment en recours aux fins de remédier à une omission de statuer, quant à sa supposée décision ultra petita, (Art. 272-273 du code de procédure civile de Polynésie française), étant à considérer l’incompétence en la matière tant de la Cour de cassation que de la cour d’appel,

Se déclarer la cour de céans incompétente à juger la juridiction de première instance en son application du droit, comme ne pouvant se substituer ni à la Cour de Cassation, ni au premier juge lui-même pour l’ultra ou infra petita,

Considérant la tentative par la Banque de Polynésie de confusion entre une prescription pouvant se voir dotée de délai suspensif qui ne la concerne pas et la forclusion de laquelle elle relève notamment suivant son choix contractuel (Art. 1134 du code civil) arguant expressément de sa soumission à forclusion biennale dès le premier incident de paiement non régularisé (Art. L. 311-52 du code de la consommation),

Considérant que la forclusion d’une dette relève d’une échéance impayée en tout ou partie non régularisée par le débiteur, outre une absence d’action en justice du créancier dans le délai de deux ans à compter du premier incident de paiement non régularisé (Article R. 312-35 du Code de la consommation),

Considérant que le délai déterminant la forclusion biennale court à compter du premier incident (et non pas du dernier selon les dires erronés de la Banque de Polynésie) et se termine à la saisine juridictionnelle par le créancier,

Considérant, en l’espèce la date du premier incident non régularisé fixée au 30 août 2015 sans aucune contestation de quiconque,

Considérant l’action de la Banque de Polynésie engagée seulement à compter de l’assignation du 23 novembre 2017, soit deux ans et trois mois après ledit premier incident,

Considérant dès lors que le premier juge n’a fait que s’en tenir aux textes en prononçant la forclusion,

Dire et juger la forclusion de l’action de la Banque de Polynésie, en son intégralité,

Dire et juger irrecevables les demandes, fins et conclusions de la Banque de Polynésie,

Dire et juger éteinte l’intégralité de la dette et de tous les frais et charges y afférents de M. [L] [D] vis-à-vis de la Banque de Polynésie quant au prêt du 24 janvier 2013,

Décerner acte à M. [L] [D] de l’absence totale de contestation par la Banque de Polynésie de ses arguments supra.

Si, par extraordinaire, en dépit des démonstrations supra, la cour de céans se voyait contrainte de trancher sur des montants, elle devrait :

Enjoindre à la Banque de Polynésie, professionnelle, de s’expliquer en détails, quant à toutes les sommes qu’elle requiert : tant sur les échéances payées et impayées, que sur le capital restant dû, que sur l’indemnité de résiliation (‘), que sur les intérêts de retard… augmentés d’autres intérêts de retard…

Pour les parties arbitraires et visiblement erronées auxquelles la Banque de Polynésie fait mine d’avoir déféré, au visa de sa pièce 8 :

Dire et juger l’absence de tout versement par [L] [D] de 12 892 Fcp le 10 novembre 2015 puis de 39 633 Fcp le 11 décembre 2015 prétendument utiles à l’interruption du délai selon la Banque de Polynésie.

A défaut,

Dire et juger patente la malhonnêteté de la Banque de Polynésie tentant de soustraire à ses «clients» via l’instrumentalisation de la justice des fonds plus importants que ceux contractuellement admissibles,

A défaut et plus probablement,

Dire et juger les abus procéduraux et financiers de la Banque de Polynésie, les deux précédentes versions se jouxtant,

En tout état de cause,

Dire et juger la justification par la Banque de Polynésie elle-même de la confirmation du jugement du 01 mars 2021 entrepris,

A titre superfétatoire,

Dire et juger l’application d’un échelonnement du paiement de la dette éventuelle dans la limite de deux années conformément aux dispositions de l’article 1244-1 du code civil ;

et ce, à raison de 30.000 Fcp par mois par M. [L] [D] bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale,

Dire et juger que les versements s’imputeront d’abord sur le capital,

Dire et juger qu’en tout état de cause, les échéances reportées porteront intérêt au taux légal et non pas à celui usuraire pratiqué par la Banque de Polynésie de 7,60 %,

Dire et juger la suppression sinon la modération drastique de la clause pénale, conformément aux dispositions des articles 1152 alinéa 2 et 1231 du code civil tels qu’applicables en Polynésie française,

Condamner la Banque de Polynésie, appelante, dépourvue de toute tentative amiable à l’égard de son client, M. [L] [D] à verser à ce dernier la somme de 300.000 Fcp au titre des frais irrépétibles, conformément aux dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie française, l’Etat français par le biais de l’aide juridictionnelle n’ayant pas vocation à pallier la carence d’un établissement privé tel que la Banque de Polynésie,

Condamner la Banque de Polynésie aux entiers dépens dont distraction d’usage au profit de Maître Genot.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. L’exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l’effet d’y répondre.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la compétence de la cour d’appel pour apprécier les demandes de la Banque de Polynésie :

Aux termes des dispositions de l’article 272 du code de procédure civile de la Polynésie française, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut compléter son jugement sans porter atteinte à l’autorité de la chose jugée quant aux autres chefs sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et leurs moyens; ces mêmes dispositions sont applicables lorsque le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus que demandé.

En l’espèce la décision attaquée ne comprend qu’un seul chef de dispositif à savoir la déclaration d’irrecevabilité des demandes formées par la Banque de Polynésie de sorte qu’il n’était pas possible pour le premier juge de statuer sur une éventuelle action en retranchement sans porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Aux termes des dispositions de l’article 327 du code de procédure civile de la Polynésie française l’appel tend à l’annulation ou la réformation de la décision de première instance.

En l’espèce la Banque de Polynésie , en ce qu’elle sollicite l’annulation de la décision de première instance est donc bien fondée à saisir de cette demande la cour.

Sur la nullité de la décision rendue :

Aux termes des dispositions de l’article 6 du code de procédure civile de la Polynésie française nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. Les parties doivent se faire connaitre mutuellement en temps utile les moyens de fait et de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

Le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

ll ne peut retenir dans sa décision que les moyens, les explications, les documents invoqués ou produits dont les parties ont été a même d ‘en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties de sorte qu’il ne peut ni les modifier ni y ajouter.

En l’espèce le jugement attaqué rappelle que dans ses dernières conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 6 mai 2020, la SA Banque de Polynésie demandait au tribunal de :

– Débouter M. [L] [D] de l’ensemble de ses fins, moyens et conclusions,

– Le condamner à lui payer la somme de 4.057.185 Fcfp en principal, frais et intérêts provisoirement arrêtés au 14 février 2019 et courant à compter de cette date au taux de 7, 60% et ce jusqu’à complet paiement,

– Ordonner l’exécution provisoire,

– Condamner M. [L] [D] à lui payer la somme de 150.000 Fcfp au titre des frais irrépétibles,

– Le condamner aux entiers dépens dont distraction d’nsage au profit de la SELARL Jurispol.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 23 septembre 2020, M. [L] [D] sollicitait du tribunal de :

– A titre principal,

– Constater que M. [L] [D] et la S.A Banque de Polynésie ont trouvé un accord sur le principe du remboursement du prêt litigieux par mensualités de 30.000 Fcfp avec intérêts de retard aux taux de 7, 60%,

– Dire que les mensualités s’imputeront en priorité sur le capital restant dû,

– A titre subsidiaire,

Dire que la S.A Banque de Polynésie est irrecevable à réclamer le paiement des mensualités d’août, septembre et octobre 2015, soit au total 202.383 Fcfp,

– Dire que la S.A Banque de Polynésie est irrecevable à réclamer les intérêts de retard à compter d’une date antérieure au 23 novembre 2015,

– Dire que la peine prévue par la clause pénale contenue dans le contrat de crédit ne saurait recevoir application, ou que, tout au plus, l’indemnité prévue au titre de cette clause ne peut dépasser 5,16% du capital restant dû au 23/11/2015, soit 98.054 Fcfp,

– Tenir compte du règlement de 52.000 Fcfp effectué par le défendeur entre le 6 mars 2019 et le 23 juillet 2020,

– Accorder à M. [L] [D] des délais de grâce conformément à l’article 1244-1 du Code civil,

– Autoriser M. [L] [D] à échelonner sur deux années le paiement de la dette,

A l’appui de ses prétentions, M. [L] [D] indiquait qu’une proposition d’accord avait été signée par la chargée de recouvrement du service contentieux de la SA Banque de Polynésie, notant néanmoins que le taux de 7,60% lui paraissait prohibitif puisque des remboursements mensuels de 30.000 Fcfp ne permettraient que de couvrir les intérêts de retard.

ll proposait donc de conclure un protocole transactionnel prévoyant un remboursement par mensualités de 30.000 Fcfp au taux de 7,60% mais à la condition que les mensualités s’imputent en priorité sur le capital restant dû.

A titre subsidiaire, il sollicitait l’application de la prescription biennale pour les échéances d’août, septembre et octobre 2015 et les intérêts de retard antérieurs au 23 novembre 2015. Il demandait ensuite la diminution de la clause pénale au visa des articles 1152 et 1231 du Code civil qu’il estime applicables en Polynésie française.

Enfin, il sollicitait des délais de paiement compte tenu de sa situation financière et des remboursements effectués depuis mars 2019.

En l’espèce M. [D] avait soulevé la prescription de l’action de la banque de Polynésie pour les trois échéances impayées et avait en conséquence limité sa demande à l’irrecevabilité, sur ce fondement, des trois échéances d’août, septembre et octobre 2015. Il n’avait nullement invoqué la forclusion, moyen qui a été relevé d’office par le premier juge.

Si l’irrecevabilité liée à la forclusion peut être relevée d’office par le juge, le respect du principe de la contradiction, ne permet pas au juge de fonder sa décision sur un moyen qu’il a relevé d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

Le principe de la contradiction est un des principes directeurs du procès civil et le juge doit s’assurer de la réunion des conditions permettant à chacune des parties d’organiser sa défense conformément aux dispositions susvisées.

Dès lors, la violation de ce principe entraine l’annulation de la décision attaquée.

Aux termes des dispositions de l’article 353 du code de procédure civile de la Polynésie française en cas d’annulation d’un jugement pour vice de forme, incompétence ou toute autre cause la juridiction d’appel peut évoquer l’affaire, ce qui est sollicité par l’appelante.

Dans le souci d’une bonne administration de la justice il y sera fait droit, chaque partie ayant conclu sur le fond du litige.

Sur le délai de forclusion :

Le contrat de prêt à la consommation liant les parties comprend expressément rappel de l’article L. 311-52 du code de la consommation, selon lequel :

«Le tribunal d’instance connaît des litiges nés de l’application du présent châpitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Cet événement est caractérisé par :

– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

– ou le premier incident de paiement non régularisé ;

– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;

– ou le dépassement, au sens du 11° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 311-47.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 331-7 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 331-7-1.» ;

En l’espèce M. [L] [D] demande, aux termes de ses dernières conclusions et au delà de la confirmation de la décision entreprise, de voir à la fois dire et juger la forclusion de l’action de la Banque de Polynésie en son intégralité et de voir dire et juger irrecevables les demandes, fins et conclusions de la Banque de Polynésie.

C’est à juste titre qu’il fait valoir qu’au titre de sa contestation, la banque de Polynésie invoque la prescription de l’action en paiement, qui permet de retenir des points de départ différents pour chaque échéance et pour le capital restant dû à compter de la déchéance du terme ce qui ne correspond pas aux clauses contractuelles liant les parties dans le cadre du contrat de crédit à la consommation souscrit le 24 janvier 2013 par M. [L] [D].

L’article L 311-52 du code de la consommation institue un délai de procédure qui porte sur l’action et non un délai de prescription qui porte sur l’obligation, la forclusion n’étant au demeurant pas susceptible d’interruption.

C’est donc à compter du premier incident de paiement non régularisé que court le délai de forclusion prévu à l’article L 311-52 du code de la consommation.

Il ressort du courrier adressé le 1er octobre 2015 par la Banque de Polynésie à M. [L] [D] que les échéances impayées depuis le 30 août 2015 au titre du prêt à la consommation qui lui a été accordé n’ont pu être réglées à défaut de provision suffisante sur son compte ce qui représentait la somme de 135 360 XPF.

Le courrier recommandé adressé le 10 mai 2017 rappelle l’absence de régularisation de la situation malgré une lettre de relance du 1/10/2015 et comprend en outre, en annexe, un décompte des sommes dues dont il ressort des échéances impayées du 30 août 2015 au 30 avril 2017 pour un montant de 1 364 156 XPF.

Le dernier décompte fourni par la Banque de Polynésie en pièce n° 11 mentionne, pour cette même période, un montant total au titre des échéances impayées de 1 586 010 XPF.

L’historique des mouvements produit par la Banque de Polynésie mentionne deux règlements partiels faits par M. [L] [D] : un paiement d’un montant de 12 892 XPF le 10 novembre 2015 et un paiement de 39 633 XPF le 11 décembre 2015. Selon le décompte qu’elle fourni en pièce n° 11 le retard cumulé de paiement au 30 septembre 2015 était de 100 863 XPF (18 363 XPF au 30 août 2015 et 82 500 XPF au 30 septembre 2015) de sorte que les deux paiements cumulés intervenus pour un montant total de 52 525 XPF, s’ils ont pu régler la mensualité impayée du mois d’août 2015 n’ont pas réglé celle du 30 septembre 2015.

Le premier incident de paiement non ultérieurement régularisé doit donc être considéré comme étant celui du 30 septembre 2015 de sorte qu’au 23 novembre 2017, date d’introduction de l’action de la Banque de Polynésie, celle-ci était forclose en cette action engagée plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé.

La banque de Polynésie sera donc déclarée irrecevable en ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Chaque partie conservera la charge de ses dépens tant de première instance que d’appel sans qu’il soit inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Annule le jugement rendu le 1er mars 2021 par le tribunal de première instance de Papeete,

Evoquant l’affaire,

Déclare irrecevable la S.A. Banque de Polynésie en ses demandes au titre du prêt du 24 janvier 2013,

Rejette le surplus des demandes,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens tant de première instance que d’appel.

Prononcé à Papeete, le 8 juin 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD

 


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